Scientific MOOCs follower. Author of Airpocalypse, a techno-medical thriller (Out Summer 2017)


Welcome to the digital era of biology (and to this modest blog I started in early 2005).

To cure many diseases, like cancer or cystic fibrosis, we will need to target genes (mutations, for ex.), not organs! I am convinced that the future of replacement medicine (organ transplant) is genomics (the science of the human genome). In 10 years we will be replacing (modifying) genes; not organs!


Anticipating the $100 genome era and the P4™ medicine revolution. P4 Medicine (Predictive, Personalized, Preventive, & Participatory): Catalyzing a Revolution from Reactive to Proactive Medicine.


I am an early adopter of scientific MOOCs. I've earned myself four MIT digital diplomas: 7.00x, 7.28x1, 7.28.x2 and 7QBWx. Instructor of 7.00x: Eric Lander PhD.

Upcoming books: Airpocalypse, a medical thriller (action taking place in Beijing) 2017; Jesus CRISPR Superstar, a sci-fi -- French title: La Passion du CRISPR (2018).

I love Genomics. Would you rather donate your data, or... your vital organs? Imagine all the people sharing their data...

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Un livre sur l'assistance circulatoire mécanique comme alternative à la greffe cardiaque ?

Super idée, mais ça ne marche pas, ce projet de livre ! J'ai bien rencontré des spécialistes du sujet, lu des articles scientifiques, interviewé des patients greffés, rédigé une analyse sur l'histoire d'Aline Feuvrier-Boulanger, greffée cardiaque, auteure d'un livre paru chez XO en mai 2007 : "Mon coeur qui bat n'est pas le mien". J'avais montré cette analyse au Pr.Daniel Loisance, qui dirige le service de chirurgie cardio-thoracique et vasculaire à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, membre senior de l'Académie Nationale de Médecine et pionnier de l'assistance circulatoire mécanique, ainsi qu'à un chirurgien qui travaille dans son service, le Dr. Adrian Lobontiu, lui-même pionnier de la chirurgie assistée par ordinateur en Europe (chirurgie dite "robotique"). Tous deux avaient été intéressés par ce travail. Mais qu'en faire ?  ... Le projet ne prend pas. Alors, il a bien fallu que je me demande pourquoi ... Une alternative à la greffe cardiaque, voilà qui n'intéresserait personne, en pleine pénurie de "greffons" cardiaques ? Absurde ! A première vue seulement. A se pencher sur le problème, on comprend mieux, enfin, un peu moins mal ... Voici donc ma petite analyse. Remarquez, je suis un peu contrariée, tout de même. Ce projet de livre, j'y tenais, j'y ai passé du temps. Mais il faut bien se rendre à l'évidence : n'ayant pas la vocation de martyre, ne souhaite nullement me faire broyer (crucifier) par cette grande machine (anonyme, gratuite et TRES volontaire) du marketing social du Don ...

Je voudrais remercier le Pr. Loisance et le Dr. Lobontiu pour les entretiens accordés, qui m'ont permis de mieux appréhender le fonctionnement, les enjeux et perspectives de l'assistance circulatoire mécanique. En espérant que mon travail sur le livre d'Aline Feuvrier-Boulanger leur sera utile ... Quant à l'analyse qui suit, ils la connaissent fort bien (mieux que moi), je souhaitais simplement formaliser un tant soit peu les raisons qui me poussent à abandonner le projet, espérant ainsi mettre en évidence certains rouages du marketing social du Don, visiblement contre-productifs.

 ==> VERSION AUDIO, A L'ATTENTION DU PR. DANIEL LOISANCE ET DU DR. ADRIAN LOBONTIU

Transplantation cardiaque : A trop se muscler dans la posture du Don, voici ce qui arrive ...

En matière d'éthique et de transplantation d'organes, il y a ceux qui prennent l'ascenseur, et ceux qui prennent l'escalier. Je m'explique. Ou plutôt, je m'efface pour restituer la brillante analyse de Luc de Brabandère, co-fondateur du prestigieux Boston Consulting Group et spécialiste de la créativité : voir sa présentation : "Les dix paradoxes de la créativité" (1-2/07/2009, Paris), ainsi que son livre, "La valeur des idées".

"L’innovation peut être définie comme un changement de la réalité. La créativité comme un changement de la perception." (Luc de Brabandere, co-directeur du Boston Consulting Group - BCG). Imaginez deux groupes de déménageurs transportant chacun un piano (l'ascenseur n'avait pas les bonnes dimensions). Le premier groupe descend, sortant un piano de l'appartement, tandis que le deuxième groupe monte, livrant un nouveau piano pour ce même appartement aux fenêtres assez étroites et ne se situant pas au dernier étage (le nouveau piano ne peut donc pas passer par le toit). Bref, l'escalier est incontournable. Les deux équipes oeuvrent en même temps et se croisent donc dans cet escalier, trop étroit pour permettre aux deux pianos de se croiser.

En 2009, je me suis intéressée à un sujet téméraire : existerait-il des alternatives (ou bien une alternative) à la transplantation cardiaque ? La réponse, à ma grande surprise, est oui ! Et ce n'est pas d'hier ! Or cette alternative est encore mal connue du grand public. Elle existe pourtant depuis 2004, mais elle peine à se développer et à rencontrer l'acceptation des personnels de santé d'une part, et celle sociétale de l'autre (forcément, puisque cette alternative n'est pas connue). Cette alternative à la transplantation cardiaque, en cas d'insuffisance cardiaque sévère, c'est l'assistance circulatoire mécanique : une micro-turbine pour assister un coeur défaillant, plus exactement, un ventricule, qui peut, dans certaines indications (coeur gros par exemple), récupérer, sans qu'il y ait besoin de recourir à une transplantation cardiaque. Cette découverte fut une grande surprise, que dis-je, un véritable choc pour moi. En mars 2010, j'ai rencontré l'éditeur d'un chirurgien cardiaque, spécialiste de l'assistance circulatoire mécanique : Robert Laffont, qui avait publié en 1999 l'ouvrage du Pr. Daniel Loisance, à la tête du service de chirurgie cardio-thoracique de l'hôpital Henri-Mondor, Créteil : "Le coeur réparé". Je lui soumets le projet d'un livre sur l'assistance circulatoire mécanique comme alternative à la transplantation cardiaque. Le directeur de collection me regarde d'un drôle d'air, croyant à une plaisanterie douteuse. Il existerait une alternative à la greffe du coeur et personne ne serait au courant ? Ben voyons. On ne la lui fait pas. Inutile de vous dire que l'accueil qui m'a été réservé par ce grand éditeur fut mitigé. Le Pr. Loisance est pourtant membre senior de l'Académie Nationale de Médecine, que lui faut-il de plus ? Plus j'essayais de "vendre" mon projet, plus ça coinçait.

J'ai été bien forcée de tenter d'analyser le problème. Voici donc, à l'aide du consultant du BCG (nul rapport avec le vaccin !), une petite analyse sur le thème : parfois, l'innovation peut étouffer (tuer) la créativité. Luc de Brabandère a illustré ce principe par de nombreux exemples tirés de l'entreprise, en particulier de la grande entreprise (les Google et autre Paypal ne sont pas nés dans une grande entreprise qui, en l'occurence, a raté une occasion de voir le monde autrement, donc d'être créative), voici que je l'illustre à l'aide du domaine médical, en prenant l'exemple de la transplantation cardiaque et de l'assistance circulatoire mécanique. Pour pouvoir penser le monde (le traitement de l'insuffisance cardiaque) en termes d'assistance circulatoire mécanique, il faut avoir changé auparavant : être capable de penser le monde autrement qu'en termes de transplantation d'organes. Il faut changer pour penser et non penser pour changer. Or à trop se muscler dans la posture du Don, on pense pour changer. On fait de l'innovation, au lieu de changer pour penser (être créatif, faire appel à notre capacité de voir le monde autrement). Voici comment, dans le cas du traitement de l'insuffisance cardiaque, l'innovation (la transplantation cardiaque) étouffe (tue ?) la créativité (l'assistance circulatoire mécanique).

L'escalier, c'est la transplantation d'organes. Tous les chemins mènent au Don. S'il doit y avoir une alternative à la transplantation, elle doit suivre le même chemin : prendre cet escalier, incontournable. L'alternative à la transplantation d'organes, si elle existe, doit donc emprunter le chemin du Don. Voilà qui est paradoxal. En fait, cet escalier suit le chemin de l'innovation. L'innovation, c'est "un peu plus de la même chose". Avec l'innovation, nous nous situons dans la continuité. Ne pas vouloir emprunter cet escalier, c'est se situer dans la rupture, dans la créativité. Innovation et créativité ne sont donc pas synonymes, très loin s'en faut. L'innovation, en matière de transplantation d'organes, c'est : un peu plus de ce "marketing social du Don" : plus joli, plus si, moins ça, mais c'est toujours la même chose : plus ça change, plus c'est pareil, comme diraient les Shadoks. La créativité, c'est la rupture. Et la rupture, ça fait mal, c'est-à-dire que ça pose la question qui tue : aurait-on raté une occasion de voir le monde autrement ? Sans aucun doute ! Pensez à cette image où les deux pianos ne peuvent se croiser dans l'escalier. Restez à présent sur cette image montrant deux groupes de déménageurs, chacun avec leur piano, l'un descendant, l'autre montant, et qui ne vont pas pouvoir se croiser dans l'escalier. Ils viennent de se rencontrer, et manifestent leur étonnement et leur embarras : ils sont à mi-chemin. Il va donc falloir qu'un groupe cède la place à l'autre. Est-ce celui qui descend qui a la priorité ? Le groupe qui descend, c'est le groupe de l'innovation. Un peu plus de la même chose. Tous les chemins mènent au Don. Quelle est l'alternative à la transplantation cardiaque ? La transplantation cardiaque, mon Capitaine ! On imagine bien un dessin Shadok sur le sujet. Le groupe qui monte, c'est celui de la créativité. Il se situe dans la rupture. Quelle est l'alternative à la transplantation cardiaque ? L'assistance circulatoire mécanique : une micro-turbine pour assister le coeur défaillant, sans qu'il y ait besoin d'une transplantation ! Aurait-on raté une occasion de voir le monde autrement ? Oui, mon Capitaine, mais ne vous inquiétez pas, on va y remédier. Oui ... sauf que non : il est manifeste que le groupe qui monte un nouveau piano ne va pas pouvoir passer. Il va d'abord devoir céder la place à l'autre.

Selon Luc de Brabandère, le fait que les deux groupes qui se croisent dans l'escalier sont étonnés de se rencontrer (imaginez la tête des déménageurs!) montre le peu d'anticipation. Le premier groupe n'avait sans doute pas anticipé au-delà de quelques marches d'escalier, représentant chacune le court, le moyen et le long terme. Or ces quelques marches s'arrêtent avant que ne commence la rencontre (le téléscopage) avec le groupe qui monte. L'alternative à la transplantation cardiaque, c'est la transplantation cardiaque. Sauf que ...

Intéressons-nous à présent à l'identité du groupe qui cherche à monter. Une alternative à la transplantation cardiaque ? Une rupture avec la pratique existante (le Don) ? Oui, mon Capitaine. Cette alternative a été présentée en 2004 (lire l'article du Blog sur le sujet): il s'agit de l'assistance circulatoire mécanique.
Où en est l'assistance circulatoire mécanique aujourd'hui ? Elle piétine, c'est-à-dire qu'elle est toujours occupée à descendre l'escalier pour que l'on puisse d'abord évacuer le premier piano, celui du groupe de l'innovation. Il faut d'abord que descende l'innovation pour que la créativité puisse monter ...
Que signifie ce charabia ? Que l'assistance circulatoire mécanique représente un danger pour la tête de gondole du supermarché des transplantations d'organes. Cette tête de gondole, c'est la transplantation cardiaque. Prélever et greffer un coeur, c'est bien. Poser une micro-turbine qui va assister un ventricule défaillant, lui permettant de récupérer sans qu'il y ait besoin d'une transplantation cardiaque, c'est mal. Il n'y a qu'à écouter les présentations du Comité Consultatif National d'Ethique (le CCNE) : la greffe, c'est bien, tandis que le cyborg, c'est mal. Bref, on se muscle tant et plus (avec excès ?) dans la posture du Don. Le marketing social du Don mis en place me fait penser à un immense navire qui, à force d'être si gros, avec un équipage si nombreux, ne voit plus la mer autour. 

Luc de Brabandère avait raison : la créativité entraîne une rupture avec l'innovation, cette rupture se fait dans la douleur.
Mardi soir, lors d'un dîner avec un chirurgien qui opère dans le service du spécialiste de l'assistance circulatoire mécanique (hôpital Henri-Mondor, Créteil), je demandais des nouvelles de l'assistance circulatoire mécanique. Elle ne se développe pas. On lui préfère la transplantation cardiaque. Plus exactement : seuls les patients qui ne sont pas candidats à la greffe cardiaque pourront bénéficier d'une micro-turbine pour assister leur coeur défaillant. 

Aurait-on raté une occasion de voir le monde autrement ? Oui, car voir le monde autrement, en l'occurence, c'est se tirer dans les pattes : imaginez les gros titres des journaux demain : "La transplantation cardiaque est devenue inutile !" 

Imaginez la réaction des familles ayant consenti à un douloureux sacrifice (le don du coeur de leur proche en état de "mort encéphalique") ... Aurait-on pu leur épargner ce douloureux sacrifice, aurait-on pu "sauver le donneur" ? La formule est du Pr. Bernard Debré, médecin-député à la tête du service d'urologie de l'hôpital Tarnier-Cochin, Paris. Il sait de quoi il parle. Il y a des années, il a été confronté à la question du don des organes de sa belle-soeur se trouvant en état de "mort encéphalique". Il sait que derrière le Don de vie se cache un douloureux sacrifice ...
Vous avez mille fois raison, Monsieur de Brabandère. La créativité signifie la rupture. La rupture est douloureuse.

Le groupe montant un nouveau piano finira bien par passer, une fois que le premier groupe sera descendu. Mais soyons lucides : l'assistance circulatoire mécanique comme alternative à la greffe cardiaque (créativité = rupture) n'est pas franchement à l'ordre du jour.

Ajoutons à présent un troisième acteur : il arrive devant l'immeuble, envoie un déménageur en éclaireur et sait que l'escalier est inaccessible : deux groupes de déménageurs essaient en vain de se croiser. Ce troisième acteur, c'est celui qui apporte le coeur artificiel. Vous en avez forcément entendu parler, ne serait-ce que sur BFM, la radio de l'économie. Le professeur Alain Carpentier, exerçant au département de chirurgie cardio-vasculaire et de transplantation d'organes de l'Hôpital européen Georges-Pompidou à Paris, travaille depuis 15 ans sur un projet de coeur artificiel. Il bénéficie de l'aide des ingénieurs de Matra. D'où le nom de la société, Car- (pour Carpentier) et Mat- (pour Matra), Carmat, qui développe actuellement le coeur artificiel et qui vient de faire son entrée en bourse avec succès. Créée le 30 juin 2008, CARMAT, jeune entreprise biomédicale innovante financée par TRUFFLE CAPITAL, EADS et le Professeur Carpentier avec le soutien d’OSEO, développe le premier cœur artificiel auto-régulé totalement implantable. Vous pouvez retrouver Carmat sur Facebook et sur Twitter.

Et que fait notre troisième acteur, qui vient de réussir son entrée en bourse ? Il prend l'ascenseur ... 

En hommage à la patiente pionnière de la greffe de la face

J'ai été attristée d'apprendre qu'Isabelle Dinoire, la première patiente à bénéficier d'une greffe des tissus composites de la face, est actuellement sans travail.

Comment se fait-il qu'une société qui se targue de solidarité se prive des compétences humaines de cette femme, qui a toujours su si bien analyser ce qui lui est arrivé, tout en restant ouverte aux autres et au monde, dans la retenue et la pudeur ? Pareille intelligence des situations n'est pas donnée à tout le monde.

"Je suis revenue sur la planète des humains." (Le Monde, 08/07/2010). L'avait-t-elle jamais quittée ? Si ce qui est humain nous est étranger, alors peut-être que cette femme a raison.

Un travail à la chaîne dans une usine ?! N'a-t-on rien de mieux à donner à faire à la première patiente greffée du visage ? Ne pourrait-on pas lui trouver un emploi dans le milieu médical, hospitalier ? Elle ferait sans aucun doute une excellente secrétaire médicale ou assistante de chef de service hospitalier, pour commencer. Qui est mieux placé qu'elle pour comprendre les patients, défendre leurs intérêts ? Toutes ces associations visant à promouvoir le don d'organes en nous chantant sur tous les tons la chanson de la générosité - mais les Français manqueraient-ils de coeur au point de compromettre le succès des greffes ? Et si le manque de greffons s'articulait en fait autour du prélèvement d'organes et des inquiétudes qu'il suscite, donc en amont de la greffe ? - feraient bien de songer à ce (ceux et celles) qui justifie(nt) leur existence. Une association défendant la cause du don d'organes en développant de longs et/ou répétitifs discours (martelage médiatique à grands frais, qui finit par lasser) sur la générosité du don (marketing du Don) sur tous les réseaux sociaux et autres applications branchouilles (la com' c'est une question de budget) est moins crédible aux yeux des usagers de la santé (qu'il ne faudrait pas prendre pour des canards sauvages) que si elle aide les greffé(e)s qui vont bien à rebondir dans leur vie sociale et professionnelle. Entendre Isabelle Dinoire faire la promotion du don d'organes (peut-on être juge et parti ?) m'intéresse moins que de savoir si elle a enfin pu trouver le boulot qu'elle mérite, ce qui lui permettra enfin d'apporter ses talents à la société qui en a tant besoin. A mon tour de lancer un appel à la générosité de ces associations ...

Ma devise préférée : "Il ne faut pas penser pour changer [le monde], mais changer pour penser." (Luc de Brabandère, co-fondateur du Boston Consulting Group). Les associations visant à promouvoir le don d'organes visent à penser pour changer le monde. Comment leur faire comprendre qu'il faut qu'elles changent pour penser ? Je ne suis pas Jésus-Christ ...

Les associations existantes sont : France ADOT (Association pour le don d'organes et de tissus), c'est une association généraliste. Les autres regroupent des patients greffés ou en attente de greffe, organe par organe : coeur, coeur-poumons, reins, foie, pancréas pour le diabète, etc ... Un tel cloisonnement peut s'avérer problématique dans le cas d'une spécialité encore sous-représentée en comparaison de la greffe du rein par exemple (les deux tiers des 15.000 patients en attente de greffe en France attendent un rein) : la greffe de la face. Or "la grande aventure de la greffe du visage est en marche." Hier a été annoncée une "première mondiale" : le Pr. Laurent Lantieri et son équipe auraient réalisé, au CHU d'Henri-Mondor (Créteil) la "première greffe totale de la face" fin juin 2010. Nul doute que d'un seul coup d'un seul, la liste d'attente des patients en attente de greffe de la face va s'allonger ... Selon une infirmière de cet hôpital, la pénurie de tissus composites de la face en vue de la greffe se fait déjà sentir, alors que l'aventure en est à son début ... Le Pr. Lantieri va voir beaucoup de patients ... Beaucoup d'appelés, peu d'élus : la greffe de la face risque de se trouver d'emblée victime de son succès, il faut progresser dans cette aventure avec prudence, sans tenir les usagers de la santé à l'écart d'une réflexion en évolution constante sur le sujet - dont la richesse est loin d'être tarie.

La grande question : France ADOT va-t-elle promouvoir et défendre les intérêts des patients en attente d'une greffe de la face - ou greffés de la face - ou faudra-t-il créer une nouvelle association (de nouvelles associations régionales) ? En 2012, l'institut européen Faire Faces devrait voir le jour au CHU d'Amiens, sous l'impulsion du Pr. Bernard Devauchelle, pionnier de la greffe des tissus composites de la face. Nul doute que cet institut à échelle européenne jouera un rôle déterminant pour défendre les intérêts des patients en attente de greffe de la face, ou ayant bénéficié d'une telle greffe, et afin de favoriser l'intégration sociale et professionnelle de patients greffés ...


  ==> Lire cet article sur AgoraVox, le journal citoyen en ligne.

==> VERSION AUDIO
 

"Opéré à l'oeil !"

Mon rôle de médiation éthique dans le domaine des transplantations m'impose de rester en retrait. Ce sont les histoires des autres que je mets en avant, non les miennes. Alors, pour  tous ceux et celles qui depuis 2005 me confient leurs petits ou plus grands drames - le personnel de santé parle de "tableaux de chasse" - voici une petite histoire de famille. Pour les distraire, pour leur dire que chaque jour j'essaie d'être à l'écoute. Mon père s'est fait opérer hier en urgence pour un décollement de la rétine assez sévère, au Centre Hospitalier Princesse Grace à Monaco. Lacérations à plusieurs endroits de la rétine, nécrose partielle, macula soulevée. Avant l'opération, le chirurgien n'a pas voulu se prononcer. D'après lui, ce décollement serait récent. N'empêche que mon père m'a dit, au détour de la conversation l'autre jour, qu'il voyait des éclairs blancs à cet oeil depuis quelques jours, et des mouches noires depuis plus d'un an, mais que son ophtalmo lui disait que ces mouches noires, ce n'était rien. Evidemment il n'avait rien dit à ma mère, ce qui m'a permis d'assister à quelques scènes de ménage. Il aurait mieux fait d'avoir une maîtresse ...

Des mouches noires. Gloups.

Des mouches noires, ce n'est JAMAIS rien. Je ne suis pas médecin mais je le sais. Plus d'un accident vasculaire cérébral a commencé comme ça. Mon père a 72 ans. Fait-il de l'hypertension oculaire ? "Bah, non, je ne crois pas. L'ophtalmo me l'aurait dit. Je l'ai vu l'année dernière." OK. Mes parents sont de grands mondains monégasques. Leur agenda de nouveaux mondains rentiers (retraités) est plus chargé que celui de n'importe quel grand chirurgien qui dirige un service hospitalier de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris. Il m'arrive de séjourner dans leur appartement avec immense terrasse vue mer-montagne à couper le souffle, mais en fermant les yeux j'ai l'impression d'être dans un call center en folie, made in Irlande ou Maroc. Le téléphone sonne non stop. Si mes parents étaient sur Facebook (qu'ils connaissent à peine de nom. "Il habite Monaco ? Est-ce qu'il connaît les XX ?"), on n'aurait qu'à se connecter sur leur page pour avoir tout le bottin mondain de l'Italie du Nord, de Monaco et de toute la Côte d'Azur. Inscrits à des clubs et associations où l'on rencontre ex-amiraux, nobles de Russie et d'ailleurs, ex-bras droit du Prince Rainier III de Monaco, etc. etc., leur agenda est un casse-tête permanent, un labyrinthe de sorties à l'opéra, de déjeuners et dîners, de voyages organisés, de cours de ceci et de cela à tuer Minotaure. J'appelle ma mère, j'ai des nouvelles de leur agenda. L'année dernière, mon père a été opéré de la prostate. Restée auprès de ma mère, j'ai dû répondre à près de 70 appels par demi-journée : des voix inquiètes, tendues, désolées, demandant des nouvelles de mon père. "Il va très bien ! ...", répondait patiemment le petit personnel (j'ai débuté en entreprise au standard d'une multinationale, ça m'a rappelé des souvenirs). Mon père est originaire d'un bled archi paumé des Pyrénées. Sa famille, ses encêtres : une longue lignée de marchands de vin, de paysans, d'aubergistes vivant et travaillant au milieu de nulle part. Lorsque ce problème de décollement de la rétine s'est fait pressant, mes parents visitaient l'Ile d'Elbe et la Toscane (qu'ils doivent connaître par coeur, opéras italiens inclus). Pas question de rentrer. Le premier jour du voyage, un membre de ce joyeux smart club de retraités s'est cassé le col du fémur. Deux jours plus tard, en faisant le pitre sur une table, une autre tombe et se casse le poignet. Du coup, mon père a fait preuve d'une qualité toute paysanne : la patience, la discipline. Pas question de broncher. L'année dernière, avant son opération de la prostate, il a exhibé un examen cardiologique qui datait de ses 40 ans au cardiologue ahuri, qui a fait un bond : "Monsieur, sur cet examen, il y a suspicion d'infarctus. Vous ne pouvez pas vous faire opérer demain. De quoi est mort votre père ?" "- Euh, d'un infarctus, à 60 ans." Mon père, avec son bon sens qui fleure bon la campagne, s'est dit que s'il était encore là en parfaite santé à 71 ans, c'est que l'histoire de la suspicion d'infarctus, s'appuyant sur un examen fait par un médecin du travail il y a plus de 30 ans, ne tenait pas debout. Visite d'un autre cardiologue en hyper-urgence (merci le super carnet d'adresses du médecin généraliste de mes parents), feu vert pour l'opération. Voilà qui me rappelle un souvenir. Je suis en entretien d'embauche à Latham et Watkins Paris, pour un super poste. Mais voilà, j'ai le moral dans les chaussettes et lutte pour ne pas m'effondrer en larmes. 15 jours que je ne dors plus. Mon frère, d'un an mon aîné, va mourir. Une complication pulmonaire gravissime, inattendue, mais les radios faites en clinique privée au Mexique, où il est expatrié pour la société Mapa, sont formelles. Et laissent peu d'espoir. Vu le décalage horaire entre Paris et le Mexique, je suis sur Yahoo Instant Messenger jour et nuit, pour être à l'écoute. Il fait de l'asthme, angoisse, a failli avoir un grave accident de voiture. Dans son bled paumé du semi-désert du Nord du Mexique, à Saltillo, on lui a donné un médicament contre l'asthme qui donne d'horribles emballements cardiaques et est contre-indiqué si le patient a le moindre problème cardiaque. Mon frère, fou d'angoisse, se rue aux urgences de l'hôpital de son bled, conduisant seul en pleine nuit. On ne veut même pas le garder. "Rentre immédiatement ! On te fait hospitaliser à Princesse Grace dès que tu es là ! Nous avons déjà une place pour toi, le chef du service de pneumologie est un des meilleurs de toute la région !" "- Peux pas, j'ai trop de travail ..." De fait, mon frère portait l'usine sur ses épaules, car ce gigantesque complexe avait été construit sans prendre en compte un point pourtant crucial pour la production de gants en caoutchouc : l'approvisionnement en eau pour l'usine. Mon frère, qui dirigeait dans cette usine la partie production, est devenu un grand spécialiste du recyclage de l'eau ... Nous avons attendu trois mois avant que mon frère ait l'autorisation (ou s'autorise) de rentrer en France pour se faire hospitaliser. Arrivé à 11h00 à l'aéroport de Nice, il est à 13h00 dans le service de l'excellent Docteur Michel Sioniac, qui dirige le service de pneumologie au centre hospitalier Princesse Grace. Tout le service est là à son arrivée, aux petits soins. Mes parents ont un médecin généraliste à l'excellent carnet d'adresse, je ne vais pas vous la refaire. Un patient si jeune, si gravement atteint ... Le service est rempli de gens âgés. Dans la chambre de mon frère, son voisin de lit est un sympathique monsieur âgé mourant, que sa fille ne quitte plus. Elle lui apporte tout le soleil du Midi qu'elle peut, une ultime fois. Immédiatement pris en charge pour toute une batterie d'examens, mon frère disparait. Nous le revoyons le lendemain, mais avant, nous sommes convoqués dans le bureau du Dr. Sioniac. Gloups. On fait comprendre à mon frère qu'il y a beaucoup de mourants à cet étage, les chambres ne sont pas équipées de salles de bain. Ces patients ont perdu leur autonomie. Il y a une salle de bain à l'étage, qu'utilisent quelques rares patients encore un peu valides. On s'excuse pour l'inconfort (on est à Monaco, n'est-ce pas). Mon frère leur répond, de retour de cette salle de bains : "- Mais c'est très confortable ! Moi j'habite dans une zone semi-désertique au Nord du Mexique." Les infirmières se regardent ... 

Plantés debout et au garde-à-vous devant le Dr. Sioniac, mes parents et moi, celui-ci nous observe, avec une gentille perplexité, un à un. Son regard s'attarde sur moi. Je dois dire que je suis fascinée par ce que j'ai entr'aperçu la veille, mais ayant la tête ailleurs et pour cause ...

Victime, comme nous l'apprendrons plus tard, de graves brûlures au visage lorsqu'il était enfant, ce docteur a un physique tout à fait particulier. Un côté très maternel, plus que féminin, inattendu. Un regard qui semble vous lire à livre ouvert, comme s'il avait traversé tous les autodafés du monde pour en arriver là. Je suis happée dans une autre dimension espace-temps, où mon frère n'existe plus : boudin sur fleur de chagrin devient Bouddha sur fleur de lotus. On dirait que c'est le regard ou la main tendue par ce docteur qui m'invite à trôner telle une princesse de l'Egypte antique sur ma fleur de lotus ...

Les radios rapportées du Mexique par mon frère ne sont absolument pas fiables. Les taches visibles sont causées non par une maladie gravissime, mais par un dysfonctionnement majeur de cet équipement. Une clinique privée, pourtant hors de prix ... Mon frère n'a rien, absolument rien. Juste un asthme carabiné, très mal soigné depuis des mois, et un reflux gasto-oesophagien que l'on peut mettre sur le compte du stress ...

Mon frère n'a jamais oublié cette nuit de désespoir absolu, où même aux urgences on n'a pas voulu de lui. A son retour au Mexique, il s'est dépêché de se marier. Se marier pour ne plus être seul. Or la dulcinée s'est avérée du même tonneau que les appareils ayant servi à faire ses radios pulmonaires au Mexique. Mariage de 300 personnes, annulé le jour même des noces, un jour à peine après l'arrivée de mes parents sur place ...

Aujourd'hui mon frère va très bien, il vit en Malaisie et est toujours aussi passionné par son travail. Souhaitez-lui bon courage, il vient d'arriver chez mes parents et doit certainement faire standardiste à l'heure qu'il est. Comme il doit regretter sa charmante petite amie asiatique, sortie d'une prestigieuse école de design en Californie et travaillant depuis peu au service Marketing (packaging) de l'usine Mapa en Malaisie ... 

J'avoue que je suis plus inquiète pour ma mère que pour mon père : elle m'a appelée 5 fois depuis le début de la matinée sur mon portable en raccrochant brusquement au bout de quelques phrases d'un niveau de cohérence douteux. Elle me dit que tout le monde l'appelle en même temps et qu'elle a la tête à l'envers. Elle me paraît un peu désorientée. Heureusement qu'elle verra les infirmières cet après-midi en allant voir mon père. J'espère que ça va la calmer et la rassurer, car là elle popcorn sec ... Comme je comprenais pas grand chose au fatras contradictoire qu'elle me déversait avant de raccrocher sans crier gare, j'ai appelé mon père pour avoir des nouvelles cohérentes. Entre deux soins ou examens, il me raconte, tranquille comme Baptiste : "Une fois descendu au bloc, avant qu'on m'anesthésie, je me suis vanté de me faire opérer gratuitement. Toute l'équipe soignante m'a demandé : 'Comment ça ?' Je leur ai répondu : 'Ben oui, je suis opéré à l'oeil !'"

Lorsque la rétine se décolle, c'est qu'il y a des micro-lacérations qui laissent passer l'eau qui se situe en-dessous et qui va la décoller. Si la macula n'est pas touchée, tout va bien, le patient va récupérer son acuité visuelle au mieux et au plus vite. L'opération doit bien sûr se faire sans tarder ! Si la macula est touchée, comme dans le cas de mon père, alors il faut s'attendre à ce que le patient perde une partie de son acuité visuelle ... Le chirurgien met du gaz pour recoller la rétine, il faut attendre que ce gaz se fixe et que le trop-plein s'évacue de l'oeil, en évitant toute vibration et certains mouvements. Petit à petit, la vue revient, il faut entre trois et huit jours de convalescence. Dans le cas de mon père, c'est plutôt huit jours, vue la quantité de gaz (super-glue) employé ... Pour le moment, il est "passé de la 3D à la 2D", et muni d'un bandeau de pirate (blanc) sur l'oeil. Je vous laisse imaginer les plaisanteries douteuses qu'il va lancer aux infirmières ... 

Les données : le pétrole de la société numérique

A ce médecin internaute qui me demandait hier quelles étaient mes relations avec l'Agence de la biomédecine, je réponds par un article de Documental intitulé : "Les données : le pétrole de la société numérique" (05/07/2010) : l'Agence de la biomédecine est une entreprise, tandis qu'avec mes appels à témoignages lancés en continu depuis mars 2005 sur ce blog, et plus récemment sur Facebook et sur Twitter, je serais cette @narchiste qui dit que "l'ordre numérique, c'est encore de l'ordre" ... 
"Les données personnelles sont assurément l'un des sujets chauds du moment. A la suite de l'affaire baptisée 'Streetview' du nom du célèbre service de Google [Google Earth, Ndlr.], de nombreux Etats, y compris américains, ont commencé à s'intéresser de plus près (enfin) à l'activité réelle des voitures utilisées par Google pour numériser les grandes villes. Prennent-elles seulement des photos à 360° ou en profitent-elles pour récolter toutes les données mal sécurisées qui traînent sur les réseaux wifi, notamment les adresses MAC (Media Access Control) permettant à Google d'affiner ses services géolocalisés ?

De leur côté, les entreprises qui sont devenues de fortes consommatrices d'informatique cherchent, elles, à réduire leur volume de données. La déduplication des données constituerait une solution satisfaisante mais encore peu utilisée par les entreprises, semble regretter Information Week.

Entre un Google qui se précipite pour numériser 'gratuitement' le monde (c'est-à-dire en dématérialisant le monde physique et en mettant la main sur les données numériques) et les entreprises qui, au contraire, cherchent à réduire les volumes de données numériques qu'elles gèrent, le fossé semble s'élargir. Pour les uns, les données font figure de capital sur lequel il faut mettre la main coûte que coûte. Pour les autres, les données apparaissent comme un problème à contenir par tous les moyens. La révolution numérique n'est visiblement pas comprise de la même manière par tous...

Pendant ce temps, certains gouvernements cherchent à légiférer pour protéger les citoyens des appétits 'des ogres des données' que sont les Google et autres Facebook. L'idée d'un droit à l'oubli entre dorénavant au cœur de leurs préoccupations : rendre à l'internaute la maîtrise de ses données. On sourira à la lecture du billet 'La toile, ce linceul' qui pose justement la question de la propriété des données dans sa question la plus aboutie : le legs et l'usage post-mortem.

Les données numériques sont le pétrole de la société numérique. Que faire de ce pétrole ? La même chose que pour l'autre... En grande quantité, c'est un gisement sur lequel il est important de mettre la main. En plus petite quantité, c'est une pollution qu'il est important d'endiguer. Voilà qui explique peut-être une telle différence d'appréciation..."
 
Christophe Deshayes, Président de Documental
De retour de Chine (Shanghai et Beijing) pour un IT-tourisme très fructueux (à suivre ...), suis ravie de découvrir le compte-rendu d'un IT-touriste qui revient de Californie et du Japon ! Encore une fois merci à M. Jean-Michel Billaut pour tout ce que son blog me permet de découvrir ...


Faut-il croire en Jésus Christ pour donner ses organes à sa mort ?

Je reviens d'un voyage en Chine, à Shanghai et Beijing (Pékin), d'une dizaine de jour - si intense que j'ai l'impression d'y avoir vécu six vies. Petit rappel : les chiffres porte-bonheur en Chine sont, par ordre de préférence, le huit (prospérité), le neuf (considéré comme de bon auspice, un porte-bonheur en quelque sorte, il symbolise aussi l'amour mais avant tout la longévité d'un amour), le six (signifie que tout se passe bien comme prévu). Le rouge, la pluie, les dragons sont autant de symboles de la prospérité, de la vie, de la chance. Sur cette photo, un des temples dits "Temple des Lamas" (Yonghegong), à Beijing. La lamaserie Yonghe est le temple le plus fréquenté par les touristes étrangers à Beijing. Il s'agit en fait d'un ensemble de plusieurs temples, où l'on peut voir de nombreux Bouddhas et lamas venus du Tibet en touristes, bien plus de touristes qu'à l'Exposition Universelle de Shanghai, et bien sûr de nombreux Chinois venus s'incliner à trois ou à six reprises devant ces Bouddhas (Longévité, Sagesse, Médecine ...) en leur faisant offrande d'encens. L'histoire de la Chine montre la préférence de nombreux empereurs pour la religion bouddhiste des lamas tibétains. Cette religion des empereurs a été bannie par le communisme. D'où le peu d'affection du Parti Communiste Chinois pour le Tibet et sa religion ? Néanmoins, dans le pavillon Chinois à l'Exposition Universelle (rez-de-chaussée, "les Provinces"), vous pouvez voir un film qui passe en boucle : il montre de courageux soldats de l'armée chinoise en train de sauver des Tibétains victimes d'un tremblement de terre, quitte à porter des victimes pantelantes sur leur dos pendant de longs trajets -parcours du combattant. Quant à visiter le pavillon de la Chine, n'y comptez pas : les billets sont en nombre limité, il faut aller les chercher sur le site de l'expo chaque matin à neuf heures, c'est-à-dire qu'il faut faire la queue dès sept heures du matin pour avoir une chance d'en obtenir un. Le rez-de-chaussée ("les Provinces") se visite plus facilement. Pour entrer dans le pavillon français sans faire quatre heures de queue en moyenne (les écoliers chinois qui le visitent avec leur école vous demanderont un autographe ou vous photographieront car vous êtes un romantique, pardon, un Français), il suffit de montrer son passeport. De ce pavillon français, j'ai surtout retenu la spectaculaire "Danse du sac à main", mise en scène par la société Louis Vuitton. Une réussite. L'Expo Universelle attire 400.000 visiteurs par jour en moyenne, dont 10 pour cent seulement viennent de l'étranger ! (Chiffres au 24 juin 2010). Mais revenons à notre lamasserie. Construite en 1694, la lamaserie Yonghe est le plus grand temple de lamas de Beijing. C’était à l’origine l’ancienne résidence de l’empereur Yongzheng des Qing avant son accès au trône. Elle fut convertie en 1744 en un temple lamaïste appartenant aux Ghelug-pa du bouddhisme tibétain (la secte jaune). La lamaserie Yonghe est un modèle de la combinaison des styles architecturaux tibétain et han. S’étendant sur une superficie de 66.000 mètres carrés, elle est constituée de trois parties principales : la cour Baofang, le jardin et les bâtiments. Les bâtiments comprennent sept groupes d’architectures et cinq cours successives, avec un millier de pièces au total. Un défilé de temples et de Bouddhas inédit. Fin de ces quelques considérations touristiques.

  ==> Voir les photos de ce voyage.

Ce qui suit n'a rien à voir avec la photo de ce post, je ne révélerai pas non plus l'identité de mon interlocuteur ou interlocutrice, car dans un passé récent on pouvait être condamné à mort en Chine pour avoir abordé un sujet sensible avec des étrangers. Disons simplement que mon interlocuteur (-trice) s'y connait en religion bouddhiste. Bien sûr je ne préciserai pas en quelle langue a eu lieu cet entretien. Comme je ne sais dire que quelques phrases en chinois, une conversation en chinois nécessiterait la présence - la complicité - d'un ou d'une interprète.

Ma motivation était de comprendre ce qui empêche le don d'organes "post-mortem" dans la religion bouddhiste, très présente en Chine, où elle connaît un véritable regain post-Mao. Est-ce la réincarnation qui empêche le don d'organes ? Je me suis penchée avant ce voyage sur ce qu'a écrit le professeur Daniel Loisance, qui dirige le service de chirurgie cardiaque à l'hôpital Henri-Mondor, Créteil, sur le don d'organes et le bouddhisme. Je voulais confronter mon interlocuteur (-trice) à ses considérations sur le bouddhisme et le don d'organes "post-mortem" : 

"La visite chez le responsable de l’université internationale de bouddhisme théravada est une (...) expérience passionnante. Le campus de l’université ressemble à n’importe quel campus avec des pelouses soignées, des allées protégées du soleil par des pergolas couvertes de fleurs, de nombreux bâtiments les uns dédiés à des salles de cours, d’autres à d’immenses salles au parquet brillant, recouvert par endroits de coussins, qui sont en réalité des salles de méditation. Certains bâtiments de toute évidence sont des dortoirs, mais il y a aussi de nombreuses petites cellules pour ceux qui souhaitent un peu plus de tranquillité. Tout est très sobre, propre et dépourvu de tout mobilier. La vie ascétique quoi ! Partout un grand silence, qui tranche avec l’agitation alentour, dans ces faubourgs de Yangon où sont juxtaposés dans un gentil capharnaüm des masures anciennes en torchis et des immeubles récents en béton, le tout recouvert d’une forêt d’antennes de télévision ou de grandes coupoles satellites.

Le responsable de cette université habite une de ces petites chambres. Nous faisons un moment antichambre dans le couloir, le temps de comprendre la grande chance que j’ai d’être reçu par ce haut responsable. Bien évidemment, nous devons nous déchausser ! et finalement nous sommes introduits. Notre hôte est un jeune homme au crâne rasé, habillé comme tous les bonzes dans des draps de couleur orange virant sur le marron. Athlétique, le visage ouvert, souriant, il ne correspond pas du tout à ce que je pouvais imaginer. Habillé à l’occidentale, il aurait très certainement l’allure d’un jeune homme d’affaire plein d’allant, sûr de lui, à la tête de je ne sais quelle boîte d’informatique ou de communication. Il ne ressemble pas tout à ces grands maîtres bouddhistes tels que l’on peut les voir dans la plupart des livres. Assis sur ses talons au bord d’un lit, il est entouré d’ordinateurs portables du dernier cri, de trois ou quatre téléphones portables, de nombreux livres et d’autant de cahiers : le contraste entre cet environnement et le personnage est saisissant.

La conversation s’engage très facilement et notre hôte s’exprime dans un anglais impeccable.

Il parait très intéressé par la chirurgie cardiaque, étant parfaitement au courrant de l’impact de la chirurgie coronaire sur la survie des coronariens, de l’importance de la maladie valvulaire dans son pays, des difficultés d’accès de la population birmane à cette spécialité. Bref, il m’apparaît parfaitement au courrant des problèmes que rencontre la population. Je fais progressivement dévier la conversation sur ce qui m’intéresse, lui fais part de mes difficultés à comprendre le bouddhisme. Tout est très simple en fait me dit il et il commence à me raconter toute une suite de petites histoires parfaitement explicites. 'Vous êtes au bord d’une rivière et vous apercevez sur l’autre rive un paysage magnifique, fait de beaux arbres, tranquille. Vous avez envie de gagner l’autre rive mais le courant dans la rivière est trop fort. Vous trouvez un radeau et le problème de la traversée de la rivière est vite résolu. Une fois arrivé sur l’autre rive, vous n’allez tout de même pas conserver le radeau, car il n’est plus pour vous d’aucune utilité ! Le bouddhisme est ce radeau : il vous aide à atteindre l’autre vie, mais celle-ci atteinte, il ne vous est plus d’aucune utilité. Le bouddhisme n’est pas une fin en soi mais un moyen d’atteindre cette autre vie, plus sereine, débarrassée des miasmes de notre vie quotidienne actuelle'. Clair !

Notre hôte revient sur la chirurgie cardiaque sans cesse. J’en profite pour lui parler de la greffe d’organes et du problème du don d’organes, sujet qui continue à perturber les sociétés occidentales si on en juge le taux extrêmement élevé de refus du don. Pas de problème pour nous dit-il ! Le donneur est mort puisqu’il a perdu de façon irréversible toute possibilité de penser, d’agir, qu’il a perdu toute liberté. De toute manière, il a vécu toute sa vie en cherchant à faire le bien. Il est donc nécessairement consentant pour qu’intervienne le prélèvement d’organes. Quant au receveur, il fait également le bien en acceptant la greffe d’organes, puisque en regagnant la santé, il peut à nouveau s’occuper de son prochain et qu’en tout état de cause il n’est plus une charge pour sa famille. Le médecin lui fait le bien tant au niveau du donneur puisqu’il met un terme à une forme de vie peu acceptable, qu’au niveau du receveur puisqu’il lui donne une chance de retrouver une vie autonome et responsable. Tout le monde dans cette appréciation est gagnant. Je suis surpris par cette façon extrêmement simple et compréhensible par tous de voir un problème qui continue encore à agiter le monde occidental. Le bouddhisme ne permettrait il pas de simplifier des problèmes complexes qui nous agitent ?

Cette discussion tout à fait intéressante doit s’interrompre car notre homme a des responsabilités d’enseignement. De plus il doit partir le lendemain en Corée et participer à un colloque international sur le thème bouddhisme et société. Je ne m’étais guère trompé quand j’avais senti lors de notre premier contact qu’il était bien en prise avec le monde, bien au courant de ses problèmes, très actif dans la recherche de propositions acceptables par les différentes sociétés : à la fois sociologue, philosophe, grand communicateur, grand voyageur, bref effectivement le profil du jeune cadre tonique et dynamique qui m’avait frappé." (Source)
Silence poli de la part de mon interlocuteur (-trice) après lecture de cet extrait. Je précise que le professeur Daniel Loisance se dit chrétien bouddhiste, et a beaucoup réfléchi sur la religion bouddhiste, qu'il a découverte au cours de ses voyages au Japon et lors de ses missions humanitaires en Birmanie afin d'opérer des malades (lire). Pour ma part, je n'ai connaissance du bouddhisme que par bribes : le patron de mon frère qui vit et travaille en Malaisie depuis des années est Chinois, de religion bouddhiste, j'ai lu tous les livres d'Alexandra Davis-Néel sur le Tibet et la religion bouddhiste lorsque j'étais étudiante, mais selon le professeur Loisance, ces livres sont trop "commerciaux". J'ai pour ma part été intéressée par le destin hors normes de cette femme pionnière. Avec près de vingt ans de retard, je remercie le professeur de linguistique de l'université de Paris X - Nanterre pour sa compréhension : l'oral de linguistique synchronique en licence d'allemand (germanistique) aurait du très mal se passer pour moi : captivée par les récits d'Alexandra David-Néel, mes révisions en prévision de ce partiel de linguistique nécessaire à l'obtention de la licence (qui à l'époque permettait d'enseigner) étaient passées à la trappe. J'ai même eu l'insolence (la franchise) de dire au professeur que je trouvais les tribulations d'une Franco-belge et de son fils adoptif le lama Yongden au Tibet bien plus épanouissantes pour mon karma professionnel que le pénible "enculage de mouche" que constituait à mes yeux ces fameux cours de linguistique synchronique. Mon oral s'est très bien passé : nous avons parlé d'Alexandra David Néel. Merci à cet enseignant : de nous deux c'est lui qui m'a donné la plus belle leçon de bouddhisme - il ne connaissait l'exploratrice que de nom et avait simplement lu quelques extraits de l'un de ses livres.     

Ces pensées bavardes pour tromper le silence de mon interlocuteur(-trice), qui est au courant des réalités du prélèvement d'organes dit "post-mortem" : il faut parfois prolonger la vie du potentiel donneur au lieu de le laisser partir tranquillement, cette réanimation dans ce contexte est très difficile à supporter, et je peux témoigner qu'elle pèse sur la conscience de nombre de proches confrontés à la question du don d'organes (ayant accepté) ou de personnels de santé. Il faut aussi prendre la décision d'une fin de vie pour ce donneur : le prélèvement d'organes doit intervenir alors que ceux-ci sont encore en bon état de conservation. Après, c'est trop tard. C'est pour cette raison que l'aspect "sacrifice" de ce don d'organes "post-mortem" doit être davantage mis en avant. Je dis en souriant à mon intelocuteur (-trice) "- Bref, il vaut mieux croire en Jésus Christ qu'en Bouddha pour donner ses organes à sa mort !", qui ne tarde pas à me faire comprendre la gravité de mon propos. Le donneur d'organes post-mortem aurait indéniablement quelque chose de Jésus Christ, qui s'est sacrifié pour les hommes. N'est pas Jésus Christ qui veut ...

Voilà le message de mon interlocuteur (-trice), si je le résume. Ce don si particulier, banalisé avant le prélèvement - si on peut donner quelque chose qui ne sert plus à rien et qui va sauver une, voire des vies - et sublimé ensuite - "votre geste si courageux", "votre générosité", "votre abnégation" sont des termes couramment employés par les coordinateurs des transplantations pour remercier les familles ayant autorisé le prélèvement d'organes "post-mortem" sur leur proche potentiel donneur - se situerait plus du côté du sacrifice d'un Jésus Christ que d'une réincarnation bouddhiste.

La souffrance du donneur et de sa famille pourrait-elle ne pas porter chance au receveur, lui transmettre un mauvais Karma ? Le terme de Karma montre que les destins sont liés. Oui, mais comment ? Mon interlocuteur (-trice) dit que c'est une question trop difficile pour que l'on puisse y apporter une réponse tranchée. Après relecture du texte du professeur Loisance, une réponse, donnée sur le ton de la certitude, mais comme à regret :

"Le don d'organe de son vivant est plus dans la logique bouddhiste que le don d'organes 'post-mortem'". Je tente de simplifier, consciente de l'aspect cliché de ce que je dis : "Le don d'organes 'post-mortem', c'est plus Jésus Christ ; le don d'organe de son vivant, c'est plus Bouddha ?"

"Oui, c'est un peu ça." Au fil de la discussion, je comprends l'importance de la réincarnation dans le bouddhisme. Le Chinois bouddhiste reconnaît la primauté de la collectivité (notamment de la famille, celle-ci incluant les encêtres) sur l'individu, mais il appartient à chacun (dès son plus jeune âge) de se gérer, ce qui donne un côté foncièrement individualiste aux Chinois. J'ai pu le constater sans peine dans le métro de Shanghai et de Beijing à de nombreuses reprises, mais aussi dans la rue. Il appartient à chacun de ne pas se faire bousculer, ou de ne pas se prendre un coup de coude, de parapluie, etc. Dans une foule d'une densité dont on n'a absolument pas l'habitude, cela relève du défi. Un enfant qui se prend un coup de coude en pleine tempe alors qu'il ne fait que marcher devant lui est en faute, et non le passant peu attentif et maladroit. La mère de l'enfant ne songera pas à incriminer le passant, l'enfant ne se plaindra pas. C'est la vie. Se montrer déterminé (occuper tout l'espace disponible le plus vite possible) est poli en Chine, là où c'est impoli et grossier au Japon. Imaginer un mère Chinoise qui élève son enfant en lui disant "- Laisse passer les gens, c'est plus poli !" relève de l'absurde. A chacun son Karma. En Chine, c'est explicite. Mon interlocuteur (-trice) écoute poliment ces considérations de touristes potache, que j'étale comme de la confiture. Je comprends que je ne fais qu'égratigner la surface. Les valeurs du bouddhisme ne sont pas précisément celles d'une république chrétienne (le Christ) qui prône "liberté - égalité - fraternité" à chaque portail d'établissement scolaire du public. Donner un rein à un membre de sa famille, oui. C'est bon pour son Karma. Mais donner un organe à sa mort à un parfait inconnu, voilà qui implique une réponse de Normand : peut-être est-ce bon pour le Karma, peut-être pas.

"Je pense qu'il y a beaucoup de Chinois qui se disent que donner leurs organes à leur mort ne sera pas bon pour leur Karma. A cause de la réincarnation. Il est arrivé que le père ou la mère de condamnés à mort dont on a prélevé les organes se suicident à cause du déshonneur que représentait ce 'don' d'organes forcé. Seul leur sacrifice (suicide) pouvait leur permettre d'espérer qu'ils pourraient 'réparer' ce mauvais Karma." Ou l'étendue de leur désespoir ? ...

Mon interlocuteur (-trice) évite de m'en dire plus, visiblement mon manque de connaissance de la langue et de la culture chinoise n'est pas pour rien dans cette décision. A voir son attitude, le message est pourtant clair : théoriquement, le bouddhisme constitue un excellent terreau pour le don d'organes "post-mortem" (voir le texte du professeur Loisance cité plus haut), mais dans les faits, ce n'est pas aussi simple, limpide, tranché. Idem pour la religion chrétienne, d'ailleurs. Les religions sont divisées sur le thème du don d'organes "post-mortem". Le professeur Bernard Debré l'a rappelé récemment.

Je n'ai pas souhaité demander sa position sur le don d'organes "post-mortem" à mon interlocuteur (-trice), me contentant de lire entre les lignes. Prudence ... Mais si j'ai bien compris, le bouddhisme approuve (encourage) le don d'organe de son vivant à un parent, mais en ce qui concerne le don d'organes "post-mortem", la question est loin d'être simple, les Japonais bouddhistes n'y sont d'ailleurs pas franchement favorables, mais assimiler les Chinois aux Japonais (et vice-versa) sur ce point ou sur tout autre est déraisonnable, les uns et les autres ne s'aimant pas beaucoup, cf. l'histoire de ces deux pays.

Encourager le don d'organes "post-mortem" ? Même dans un contexte de pénurie délirante - près de 15.000 patients en attente de greffe en France, mais aux USA c'est près de 106.000 patients qui attendent une greffe ! - il faut savoir nuances garder. Mission impossible ?