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Don et émotion

Loin des yeux et du coeur du grand public, les réponses à l'enquête Optido continuent à arriver. Résultats au printemps 2011. Optido est un questionnaire adressé aux personnels de santé afin de recueillir les perceptions des professionnels de la santé en général et des acteurs des transplantations en particulier sur les prélèvements et les greffes d'organes. Optido, ou comment optimiser le don d'organes.

==> Lire le questionnaire OPTIDO

Pour rappel : en 2010 s'est tenu un colloque suisse sur la manipulation de l'affect pour promouvoir les transplantations (lire) :

"Emouvoir et persuader pour promouvoir le don d’organes ?L’efficacité entre éthique et droit."
Alexandre Flückiger (éd.), Zurich, Ed. Schulthess 2010 :
"Chaque année, des patients décèdent faute d’organes disponibles pour une transplantation. Chacun étant libre de donner ou non ses organes pour le bien d’autrui, l’Etat ne saurait juridiquement contraindre ses concitoyens à faire don d’une partie de leur corps, tant de leur vivant qu’après leur mort. La liberté n’étant pas absolue, la sauvegarde de la santé et de la vie des receveurs potentiels justifie pourtant de mettre sur pied des mesures de promotion du don d’organe.
Cet ouvrage présente les différents moyens affectés à cette promotion, avec un accent particulier sur le recours stratégique aux émotions et à l’usage des techniques de persuasion en psychologie sociale. Les auteurs apprécient ces outils tant sous l’aspect de leur efficacité que de leur légitimité et confrontent les différents points de vue juridiques, politiques, sociologiques, anthropologiques, médicaux et éthiques."
En Suisse prévaut le consentement explicite : il faut effectuer une démarche administrative pour consentir au don de ses organes à sa mort. En France prévaut le consentement présumé : tout le monde est, par défaut, réputé consentir au don de ses organes à sa mort, aux yeux de la loi. Deux pays, deux législations différentes mais un but commun : optimiser le don d'organes. C'est le but de l'enquête d'opinion OPTIDO, lancée en France en septembre 2010. C'est le but des coordinateurs et coordinatrices des équipes de transplantation d'organes, que ces équipes exercent leur activité en France ou en Suisse. En France, l'Agence de la biomédecine, qui dépend directement de l'Etat, a pour mission de promouvoir et d'encadrer l'activité des prélèvements et greffes d'organes. Elle a pour mission de former les équipes médicales au rôle de coordinateur des transplantations, dans le but d'un maximum d'efficacité (obtenir des organes). Pour rappel, le rôle de coordinateur ou coordinatrice des transplantations consiste à participer (et à inciter d'autres équipes médicales) au recensement de potentiels donneurs en amont du diagnostic d'un état irréversible qui fera office de constat de décès. Suit l'entretien avec les proches, dans le but d'obtenir des organes à des fins de transplantation. Cet entretien se fait en plusieurs étapes. D'abord, il convient de préparer les familles à l'idée, très inconfortable pour eux, que l'état irréversible de leur proche équivaut à un état de mort, mais c'est un état bien particulier que cet état de mort, puisque le proche potentiel donneur va être maintenu en vie artificielle et va bénéficier de soins invasifs dans le "seul" but de conserver des organes transplantables. Plusieurs petits entretiens auront lieu, afin d'expliquer aux familles ce qu'est cet état irréversible de coma dépassé ("mort encéphalique"), ce qu'il peut apporter à d'autres patients en espoir de greffe. Les familles confrontées à la question du don d'organes dit "post-mortem" sont souvent confrontées à un dilemme : il faut choisir son camp : soit on rend cette mort utile (que le décès serve à d'autres, que le donneur ne soit pas "bêtement mort pour rien", ce qui permet de "refuser la fatalité"), soit on accompagne le mourant au mieux de son seul intérêt, qui n'est peut-être pas celui des patients en attente de greffe, mais qui permettra au potentiel donneur (qui ne sera pas donneur) de "s'éteindre tranquillement". Enfin, au bloc, lors du prélèvement, le coordinateur ou la coordinatrice veille au respect de la volonté des familles : seuls les organes et tissus pour lesquels l'autorisation a été donnée par les proches peuvent être prélevés. En France, on peut se demander si une famille qui découvre après-coup que des prélèvements non autorisés ont été effectués sur son proche et qui portera plainte (cf. l'Affaire d'Amiens) pourra obtenir gain de cause, puisque - justement - le consentement présumé prévaut ...  Pourquoi ce consentement ne s'appliquerait-il pas à tous les organes et tissus, sans opérer de tri ou de sélection ?
Qu'il s'agisse de la France ou de la Suisse, la mission des coordinateurs des transplantations est claire : ils sont chargés, sinon d'élaborer,  du moins d'appliquer des stratégies ("communication en vue d'un résultat pratique") visant à optimiser le don d'organes dit "post-mortem". Entre compassion et efficacité, ils doivent émouvoir et persuader par des moyens ayant pour seule limite l'éthique (équivaut-elle à la morale ou est-ce autre chose ?) et le droit (en France, le consentement présumé) ...

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