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Lettre d'une infirmière

Lettre (très) ouverte
(comme la chemise d'hôpital sur les fesses des patients)
d'une infirmière face à la porte (très) fermée du bureau de
Monsieur le Président de la République de mon pays.


Le 13 octobre 2012.


Monsieur le Président de mon pays,


comme écrit en préambule, je suis infirmière, certes blonde mais pas (complètement) idiote puisque j'ai voté pour vous aux dernières présidentielles.
Assez âgée pour pouvoir revendiquer une expérience professionnelle certaine, je n'en reste pas moins toujours jeune d'esprit. Même si parfois usée et fatiguée par autant de maltraitances accumulées de la part de mes employeurs successifs – dont le principal n'est autre que l'État dont vous venez d'arriver aux plus hautes fonctions – me font parfois hésiter au moment de piquer une aiguille pour soigner un patient.

Comme vous, monsieur le Président, j'ai semble t-il beaucoup d'humour même si maintenant je n'ai plus souvent l'envie de me marrer. C'est avec beaucoup de respect pour la fonction que vous habitez et pour votre personnalité que je vous écrit ces quelques lignes, à titre de témoignage.

Toujours très bien notée par ma hiérarchie essentiellement masculine, je le dois certes à mes formes avantageuses mais aussi à mon professionnalisme que, comme vous, j'ai acquis avec le temps des années écoulées. Jusqu'en décembre 2006, j'ai donc comme la plupart de mes collègues assumé presque parfaitement ma tâche infirmière, jour après jour, tout en constatant le manque de moyens humains et matériels qui se fait toujours plus lourd à supporter, au fil des ans.
Puis du jour au lendemain, par la force d'une seule loi, je suis devenue illégale dans l'exercice de ma profession au seul motif qu'une bande d'abrutis (essentiellement masculins, toujours), apparemment infirmiers, avait passé plus de 20 ans à harceler les parlementaires pour installer un Ordre infirmier en France.
Selon ces mêmes abrutis, je suis devenue immorale et non professionnelle, suspecte aux yeux des mêmes patients que je prenais en charge depuis des dizaines d'années. Est ce à dire que le simple fait de payer une nouvelle taxe professionnelle ordinale me rendrait, d'un seul coup, mon auréole de sainte soignante telle que mes collègues et moi sommes – heureusement – toujours considérée par une très large majorité de français, attachés à la qualité et au maintient du service public ?

Illusion, me direz vous, car les coups de boutoirs successifs assénés par la droite gouvernante à la communauté hospitalière et soignante ont depuis belle lurette réduit nos espoirs à presque néant. Sans parler de la pénibilité, notion à laquelle je suis très attachée, qui nous a été enlevée pour nous rendre sédentaires lors du passage à la catégorie A et du marchandage « licence contre retraite » monnayé crapuleusement. Je suis personnellement restée en catégorie B comme plus de 57% de mes collègues.

Membre active du syndicat infirmier Résilience (je le revendique haut et fort) j'assume pleinement mon refus d'une soumission à une instance ordinale qui cumule tous les pouvoirs que la Constitution de notre beau pays a bien pris soin de partager. Je constate aussi avec une grande amertume que la ministre de la Santé vient d'annoncer que seules les infirmières seraient concernées par le caractère facultatif de l'inscription et de l'adhésion à un Ordre professionnel, contrairement à vos promesses de campagne qui englobaient mes amis podologues et kinés. La toute récente proposition de loi du député Le Guen allant d'ailleurs dans le sens du respect de votre parole donnée, monsieur le Président.

Monsieur le Président, toujours avec respect, je vous demande donc de ne pas me faire regretter mon vote tant il est vrai que j'ai plus voté contre que pour, comme beaucoup de français désabusés. Comme beaucoup, je suis prête à vous laisser le temps de faire vos réformes comme vous le demandez. Mais comme beaucoup, aussi, je suis plus que lasse de ne pas apercevoir le bout du tunnel des misères et de la rigueur qui touchent aussi celles et ceux, comme moi, qui voient fondre leur pouvoir d'achat et auxquels on répond un peu trop facilement « estimez vous heureuse d'avoir du boulot » !

Vous aviez promis que la Santé serait parmi vos priorités, ce n'est pas ce que j'ai entendu en vous écoutant en septembre à la télévision.


Bien respectueusement vôtre.

Solange Granier
Infirmière, connetribuable,
toujours plus que jamais en exercice illégal.


(s'il vous reste un peu à la fin du mois, n'hésitez pas à augmenter mon salaire)

pour me joindre :

RESILIENCE – 13 rue de Molsheim – 67000 Strasbourg.

Monsieur ou madame le Député.
Madame ou monsieur le Sénateur.

Le 13 octobre 2012.

Madame, monsieur,


infirmière depuis plus de trente années, c'est avec beaucoup de désillusions et de tristesse que je passerai bientôt je l'espère, le relais aux jeunes générations.

Comme plus de 80 pour cent de mes collègues je suis et je resterai vivement et définitivement opposée au maintien d'un Ordre infirmier dans mon pays, dans ma profession.

Vous trouverez, avec ce courrier, une copie de la lettre que je viens d'envoyer au Président de la République, pour lequel j'ai voté, par défaut tant le précédent m'était devenu insupportable.

J'ai aussi fait en sorte que ce Président de Gauche trouve une majorité parlementaire forte pour gouverner. Comme beaucoup, impatiente, je m'interroge et je suis souvent déçue, même pas six mois après. Je ne regrette pourtant pas, et je ne le regretterai jamais d'avoir viré l'ancien locataire de l'Élysée.

Madame, monsieur, faites en sorte que les promesses de campagne ne soient pas lettres mortes et ne restent pas de vaines paroles. J'entends très souvent les patients que je soigne me dire que la prochaine fois sera la bonne pour « la fille Le Pen ». Vous porteriez tous une très lourde responsabilité si cette option venait à se concrétiser.


Bien respectueusement vôtre.

Solange Granier
Infirmière, connetribuable,
toujours plus que jamais en exercice illégal.

pour me joindre :

RESILIENCE – 13 rue de Molsheim – 67000 Strasbourg.

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