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Question de vie ou de mort !

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L’article intitulé "La nouvelle campagne pour le don d’organes : choquante ?" (29/10/09) a suscité de nombreux commentaires de la part des acteurs du corps médical et du milieu associatif (France ADOT). Tous (médecins, chirurgiens transplanteurs en particulier) m’ont fait part de l’utilité d’une réflexion sur la mort dans le contexte du don d’organes. Cette réflexion sur la mort dans un tel contexte constitue en effet le parent pauvre du discours public sur le don d’organes, qui, par définition, est centré sur le don ("don de vie") et non sur la mort.

Comme nous avons toujours assez de courage pour supporter le malheur des autres, j’ai tenté une réflexion très personnelle sur le sujet, dont j’ai fait part au pionnier de la greffe des "tissus composites de la face" (CHU d’Amiens), le Professeur Bernard Devauchelle. Voici sa réaction :

"Madame, bien évidemment, je suis sensible aux propos que vous tenez dans vos différents mails, comme aux prises de position qui sont les vôtres" (28/10/2009)

Voyons à présent ma petite réflexion personnelle.

S’il m’arrive de me retrouver potentiel donneur d’organes (en état de "mort encéphalique"), je veux qu’on m’anesthésie au préalable du prélèvement de mes organes.

Je ne crois pas qu’on puisse faire "don de vie" en donnant des organes refroidis ("cadavériques").

Je crois que la "règle du donneur mort" est hypocrite. Elle dit que tout prélèvement d’organes vitaux ne peut avoir lieu que sur une personne dont le constat de décès a été reconnu de manière univoque et unanime par les derniers standards de la science médicale.

Or la seule science échoue à donner une définition univoque et unanime de la mort dans le contexte des transplantations d’organes vitaux. Il ne s’agit pas là des lois bioéthiques successives (la dernière, en cours, date de 2004, en attendant la prochaine, prévue à horizon 2010). Ces lois visent à donner une définition légale de la mort afin de permettre l’activité des transplantations d’organes. Inscrire dans la loi la destruction du cerveau comme étant la mort permet de faire de la "mort encéphalique" une mort légale.

Je crois en un constat de décès anticipé sur le plan légal, afin de permettre les prélèvements d’organes. La mort légale du potentiel donneur d’organes précède sa mort physiologique. Celle-ci intervient au bloc opératoire, au moment du prélèvement des organes vitaux du donneur. En réalité, le potentiel donneur d’organes, au préalable du prélèvement, est un patient en toute fin de vie, et non un simple réservoir d’organes.

Ce qui pose la question de l’anesthésie du potentiel donneur d’organes, hypocritement qualifié de mort.

Cette "mort" ne saurait constituer la justification éthique des prélèvements d’organes.

Messieurs les acteurs des transplantations, pour avoir mes organes, il vous faudra reconnaître, au préalable, que la "règle du donneur mort" est hypocrite, et il vous faudra rassurer ma "personne de confiance", en l’occurence mon conjoint, sur un point bien précis : la douleur.

Et s’il vous plaît, pas de réanimation prolongée pour me "conserver" jusqu’à ce qu’un bloc et/ou une équipe soit disponible. Cette réanimation, je la sais douloureuse pour les proches du potentiel donneur, pour le corps médical, sans parler du potentiel donneur ...

Et s’il vous plaît, pas de sous-dosage anesthésique au préalable du prélèvement.

Récemment, j’ai parlé à un médecin réanimateur américain, qui voulait que soit légiféré sur cette zone grise de l’éthique médicale : le fait de devoir maintenir en vie artificielle, donc de devoir réanimer de manière prolongée des patients potentiels donneurs d’organes. Je lui ai répondu qu’aucune loi ne pourrait jamais remplacer la compassion. Eh oui, le don d’organes passe par la mort. Eh oui, l’accessibilité des organes vitaux pose problème.

Si on en discutait ?

Merci.

==> Lire cet article sur AgoraVox, le journal citoyen en ligne : lien.

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