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Dans cette parabole, il s'agit de la rencontre entre deux figures antinomiques :
Job est une figure de l'Ancien Testament : le Dieu sévère et vengeur de l'Ancien Testament a éprouvé la foi de Job en lui envoyant les pires épreuves. Même s'il s'est révolté contre Dieu, Job a gardé foi en lui, il finit donc par être récompensé par le Dieu de l'Ancien Testament.
Le Pharisien est un personnage clé du Nouveau Testament : il représente le bourgeois sûr de lui-même et de ses valeurs, politiquement et religieusement correct de la tête aux pieds. Jésus trouve néanmoins ce zèle suspect : préoccupé à produire les preuves de sa foi et de ses (bonnes) pratiques religieuses, le Pharisien oublie trop souvent que la vraie foi est enfouie au plus profond de soi, invisible aux autres. Mais Dieu reconnaît les siens...
Cette petite parabole met en scène un Job dont la fin est proche. On pourrait imaginer que ce pauvre Job "incarne" un patient en état de mort encéphalique, pour qui va se poser la question du prélèvement de ses organes, afin qu'il puisse aider des patients en attente de greffe. Parmi ces derniers, il y a un Pharisien, malade, mais sûr de son bon droit : bon citoyen, il lui est permis d'exiger de la médecine ce qu'elle dit pouvoir lui donner : une greffe, pour remplacer un de ses organes défaillants.
Depuis l’existence même de la chirurgie, de l’avortement, de la thérapie génétique et, en remontant dans le temps, de la dissection des cadavres, on se trouve dans une médecine de la transgression. La médecine des transplantations, elle aussi, est transgressive. Si l'avortement légalisé permet d'éviter la mort de jeunes femmes par milliers (on se rappelle les conséquences des avortements clandestins), il n'en reste pas moins qu'il implique le meurtre d'un foetus. Dans le cas de la transplantation, le prélèvement des organes d'un patient en état de mort encéphalique (avec intrusion dans le processus de mort) est justifié par l'espoir de sauver des patients en attente de greffe. Sans cet espoir, le prélèvement d'organes sur patient en état de mort encéphalique ne serait bien entendu pas éthique. Autrement dit, la justification éthique du prélèvement d’organes, c’est qu’on va aider des patients en attente de greffe. Si on prélève sans être dans cette optique, ce n’est pas éthique.
Puisqu'on est dans une médecine de la transgression, imaginons deux médecins à l'éthique irréprochable, mais aux camps opposés : l'un d'eux serait en faveur du prélèvement d'organes sur patients en état de mort encéphalique, l'autre y serait opposé. Tous deux, pour justifier leur position, diraient qu'ils ont choisi un camp : non pas celui qui est idéal (on est dans la transgression, la violence, il n’y a donc pas de camp idéal, où on est à l’abri des "mains sales"), mais celui que chacun croit être le moins pire. Si on refuse les greffes, des patients meurent. Si on les accepte, il faut en passer par l'étape de dépeçage de vivants-morts, c'est-à-dire de patients en état de mort encéphalique. Imaginons ces deux médecins aux vues opposées, loin du tapage médiatique, faisant leur travail au jour le jour, en se conformant à leurs choix, leur position éthique. Imaginons qu'on ne leur donne pas la parole, alors qu'ils sont au plus près des patients confrontés aux transplantations (côté donneur et côté receveur d'organes), mais que la communication grand public soit entièrement orchestrée par l'"AP-HP Marcom Agency", c'est-à-dire par une agence de communication et de marketing rattachée à l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris. Continuons à imaginer : la communication sur les transplantations serait faite uniquement par les greffeurs d'organes (et donc dans leur intérêt), et non par les préleveurs. Autrement dit, les difficultés rencontrées par les équipes médicales préleveuses d'organes, devant également obtenir le consentement des familles pour les prélèvements, seraient passées sous silence, déformées, minimisées, etc. En effet, qu'importe aux greffeurs le revers de la médaille : eux, ils sont là pour sauver des patients en attente de greffe. Pourtant, du prélèvement à la greffe, la route est longue, difficile et douloureuse. Il y a loin de la coupe aux lèvres.
Maintenant, gardez à l'esprit la position de ces deux médecins, la perspective éthique dans laquelle chacun d'eux se situe. Vous me direz : "ce sont des frères ennemis, comment voulez-vous qu'ils communiquent ?"
La parabole qui va suivre aurait pu être écrite par une tierce personne, distincte de ces deux médecins aux vues opposées, mais connaissant bien les ressorts du conflit, et ressentant vivement les choses.
Les chemins qui conduisent en enfer sont pavés de bonnes intentions, dit-on. La médecine d'aujourd'hui est une médecine de la transgression. Imaginons ce qu'on pourrait trouver à la croisée des chemins...
"JOB ET LE PHARISIEN. Petite parabole au pays des transplantations" :
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