Scientific MOOCs follower. Author of Airpocalypse, a techno-medical thriller (Out Summer 2017)


Welcome to the digital era of biology (and to this modest blog I started in early 2005).

To cure many diseases, like cancer or cystic fibrosis, we will need to target genes (mutations, for ex.), not organs! I am convinced that the future of replacement medicine (organ transplant) is genomics (the science of the human genome). In 10 years we will be replacing (modifying) genes; not organs!


Anticipating the $100 genome era and the P4™ medicine revolution. P4 Medicine (Predictive, Personalized, Preventive, & Participatory): Catalyzing a Revolution from Reactive to Proactive Medicine.


I am an early adopter of scientific MOOCs. I've earned myself four MIT digital diplomas: 7.00x, 7.28x1, 7.28.x2 and 7QBWx. Instructor of 7.00x: Eric Lander PhD.

Upcoming books: Airpocalypse, a medical thriller (action taking place in Beijing) 2017; Jesus CRISPR Superstar, a sci-fi -- French title: La Passion du CRISPR (2018).

I love Genomics. Would you rather donate your data, or... your vital organs? Imagine all the people sharing their data...

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Concernant les fichiers son ou audio (audio files) sur ce blog : ce sont des fichiers Windows ; pour les lire sur Mac, il faut les ouvrir avec VLC (http://www.videolan.org).


How to effectively address the need of organ donor families?

Organ donation and the donor family:

"Wrapped in Mourning: The Gift of Life and Organ Donor Family Trauma", a book by Sue Holtkamp.


"Transplantation is made possible because of a new class of patients who have been determined to be dead via neurological rather than cardiopulmonary criteria. This non-traditional way to die, which is commonly referred to as brain death, has created another new category of people: they are family members or significant others of the uniquely deceased, brain dead patient.

While clinical technology associated with transplantation has made remarkable strides in recent years, little has been done to understand the trauma-driven grief of family members of the donor. One reason for the dearth of information about the donor family experience is that transplantation is often perceived as merely a medical procedure. The outcome of such a perception is that the social, spiritual, ethical and personal dimension of the donor’s family experience with trauma-driven grief are often ignored or are undervalued. The stories of these families do not fit the celebratory tone of transplantation and therefore largely go unheard in a society inebriated by hype and posturing."

"It is tempting to believe that the donor family’s grief experience is bound by their own loved one’s trauma. In reality, stressors that impact donor family grief are in place even before the family’s involvement and find roots in the history and context of transplantation and organ donation. Troublesome seeds of mistrust and disquietude are sometimes to be found within medical ethics surrounding this modern miracle."

To effectively address the need of organ donor families, caregivers should read this book – also dealing with meaning and scope of current controversial efforts to expand the donor pool.

About this book:
"Based on 15 years of experience working with organ procurement organizations and donor families, Wrapped in Mourning addresses the heretofore unexplored subject of organ donor family trauma. This book covers the issues surrounding organ donation, including the history of organ transplantation, how organs are procured for transplantation, as well as the medical procedure itself. Each issue is explored with regards to its impact upon donor families. Ways to reduce grief, prevent problems, and increase the benefits of donating organs for the donating family are also discussed."

Reviews:
"Contrasting the joy of recipient families and the positive outcomes of organ donation described by the media enthralled with the wonders of medical technology, 'Wrapped in Mourning: The Gift of Life and Organ Donor Family Trauma' presents a seldom acknowledged aspect of transplantation. As one family member states, 'I'm talking about the darker side of organ donation. It's much more complicated than any news story can convey'."
Death Studies, May 2003
(...)
"This wonderful book provides a prespective that is not often seen - how the donor family is affected by donation. It will be a wonderful tool in the field of organ transplantation and help professionals understand the effects, both positive and negative, on the donor family."
Jennifer Y. Ralston, MSW, Barnes-Jewish Hospital.

"As a hospital chaplain who has witnessed the miracles that can accompany an organ donation, the ill-prepared and grief driven dilemmas and approaches of family members and the generally less than adequate approaches of the professionals called on to step in, this book is a wise informer on these issues and will particularly help professionals feel more comfortable in walking with people through these discussions and also doing more advocacy in the community long before the crisis time warranting decision-making..."
Resources Hotline, Vol. 6, No. 5

Source:
Amazon.fr

Our little corner of the world / Notre petit coin du monde

Deux témoignages récents sur ce Blog - celui d'Anne et celui de Brigitte - , que je souhaite vivement remercier pour avoir su si bien partager leur vécu avec nous et nous communiquer leurs émotions, m'ont amenée à me pencher sur la question du deuil des familles confrontées au don d'organes. Il existe fort peu de livres sur la question en France, et le corps médical (en France et ailleurs) n'est pas non plus très bavard sur la question. Certes il reconnaît qu'il s'agit là d'un réel problème, dont les aspects sont bien pris en compte, voir par exemple l'article de Frédéric Pochard et de Marc Grassin (Canada) : "Encourager les dons d'organes : le paradoxe".

Cette douleur des familles confrontées au don d'organes, quel statut de reconnaissance a-t-elle au sein de la société ? Cette dernière semble se détourner de cette douleur, en tout cas il y a non-reconnaissance. La transplantation d'organes est représentée comme une épopée médicale qui conduit à la victoire (le mort / la morte donne vie !) ; en fait la réalité est un tout peu moins belle / noble : au départ, il y a un mort qui semble encore en vie (terme étrangement récent de "mort encéphalique", dont les modalités de diagnostic ne font pas l'unanimité à l'échelle internationale), il faut accepter le prélèvement d'organes sur un être cher qui n'a pas pu être sauvé (donc faire face à quelques incertitudes : le sujet en état de mort encéphalique n'est pas anesthésié lorsque ses organes sont prélevés. Est-il certain qu'il ne ressentira aucune douleur ?), et en cas d'acceptation du prélèvement de la part de la famille, comment celle-ci est-elle remerciée ? Par l'anonymat ? Si celui-ci constitue sans doute un principe nécessaire, n'est-ce pas là tout de même une manière, dans les faits, de museler les familles ayant accepté le prélèvement d'organes, de les faire taire, elles et leurs craintes dérangeantes ?

"Ce problème d'anonymat du greffé vient s'ajouter au problème de non-reconnaissance du statut particulier de la douleur des familles confrontées au don d'organes. D'autant que l'anonymat n'est plus la règle absolue (voir le cas de la jeune femme ayant subi une greffe du visage). Tous ces problèmes rendent le deuil encore plus difficile pour les familles confrontées au don d'organes. De quelle prise en charge bénéficient-elles à l'heure actuelle ?

Quant aux familles qui se sont opposées au don d'organes, il faut bien reconnaître que tout est fait pour les culpabiliser. De compatissant à leur deuil, le corps médical a tendance, après leur refus, à se muer en indifférent (voire en instance réprobatrice). C'est qu'à tous les niveaux au sein du corps médical, chaque jour qui passe voit la pression monter un peu plus que la veille : il faut réaliser plus de prélèvements, la vigilance de chacun est exigée. Qu'une opportunité vienne à être manquée, cela pourra être reproché comme une faute, un manquement. Les chirurgiens qui réalisent des greffes (surtout si le patient est jeune, un enfant par exemple) doivent impérativement "sauver" ce patient. Les familles (parents) du patient greffé revendiquent ce sauvetage (ce miracle), puisque le corps médical lui-même a affirmé qu'il était possible. Le prix à payer pour cela, est la mort du voisin. En effet, si le sujet en état de mort encéphalique est légalement mort, il est, physiologiquement parlant, en état de mort prévisible / imminente. Les acteurs de la transplantation ne parlent pas plus de cela que de la corde du pendu. A la place de la corde du pendu, on parle de la beauté du don. Dans l'absolu, cela n'est ni un mal ni un bien, mais demande à être débattu, géré, et non passé sous silence.

Si on regarde côté greffé, là encore la réalité est un peu moins reluisante que ce qui est décrit comme un miracle de la médecine moderne : pour continuer à vivre, le greffé a dû profiter de la mort de quelqu'un (bien ou mal, il faut vivre avec cette étrange réalité), d'autre part côté post-op il y a tout de même quelques effets secondaires, pour le moins : risque de diabète, de cancer, de rejet, système immunitaire obéré par une très lourde médicamentation ... La durée de vie moyenne d'un organe transplanté, dans le cas d'un organe provenant d'un donneur en état de mort encéphalique, serait de 10 ans. Ce chiffre, que j'ai lu dans la presse, est sans doute à relativiser (il peut s'agir de plus, de moins, cela dépend aussi de l'organe greffé, etc.). Mais l'idée est qu'une greffe d'organe ne "sauve" pas une vie dans l'absolu, comme si elle gommait purement et simplement le problème posé par l'organe défectueux, grâce à un habile "couper-coller"("cut and paste") du chirurgien réalisant la greffe.

Le but de la greffe est d'améliorer la qualité de vie, comme par exemple lorsque le patient a un nouveau rein et ne doit plus subir l'enfer des dialyses, et, sans que la greffe ait le pouvoir de "sauver" la vie dans l'absolu, elle prend le relais pour éviter la mort, ce qui permet soit un nouveau souffle (qui durera ce qu'il durera), soit d'attendre que la médecine ait fait d'autres progrès qui apporteraient une autre solution... La greffe constituerait alors une solution-relai, en attendant une nouvelle thérapie. A ce sujet, lire l'article dans le Blog des News : "UK (London): girl's heart restarted after ten years".

Un(e) mort(e) qui sauve des vies tandis que les familles de donneurs surmontent leur deuil grâce à la catharsis du don - voilà une réalité un tout petit peu transfigurée ... Or nous pensons qu'une approche réaliste - i.e. au plus près des réalités de la transplantation - aiderait les familles confrontées au don d'organes (et tout usager de la santé) à faire un choix plus éclairé. C'est ce choix éclairé, et lui seul, qui permettra aux familles confrontées au don d'organes de vivre leur deuil dans des conditions humaines - et ce quel qu'ait été le choix de ces familles (acceptation ou opposition au prélèvement d'organes de leur proche).

Il est intéressant de noter que dans le livre "Faire son deuil, vivre un chagrin" de Manu Kreise (un guide pour les proches et pour les professionnels, ouvrage de référence dans le milieu médical et paramédical), il y a bien un chapitre sur "les pertes non reconnues" (chapitre 8, p. 130 et suivantes), où il est bien dit que "la non-reconnaissance du chagrin suscite des problèmes supplémentaires", mais on n'y parle pas des familles confrontées au don d'organes. Dans ce chapitre sont évoqués le sida, les relations extra-conjugales, les maladies mentales,... Mais mon édition date de 2000. Ce livre a été réédité en 2005, ce problème aura-t-il été traité ?...

Je souhaite vous offrir ce Blog comme un lieu d'échange et d'expression, plus particulièrement pour les familles et proches, amis, etc. - autour de tous les problèmes soulevés par la pratique de la transplantation. Vous êtes médecin, infirmière, chirurgien(-ne), pour ou contre le don d'organes, vous avez déjà été confronté(e) à cette épreuve ou non, vous vous retrouvez brutalement confronté(e) à cette question du don d'organes (voir le témoignage d'Anne), vous-même ou l'un de vos proches / parents avez subi une greffe (Donneur vivant ? Donneur en état de mort encéphalique ?) ... Cet espace est à vous !

Pour ceux qui lisent l'anglais, je vous invite aussi à aller visiter le site :
==> "My little corner of the world"
(témoignage de mère ayant accepté le don des organes de son fils)

"Our little corner of the world", "My little corner of the world"...
Je n'ai fait là que tracer un chemin, sur lequel j'espère vous rejoindre. Je vous laisse la parole et je garde l'écoute !


==> Ajout du 24/05/2006 :
Un commentaire concernant le documentaire réalisé par Michael Hughes, diffusé sur TF1 mardi 23 mai, à 22h35, inaugurant une série de "documentaires événementiels de l'exceptionnel", retraçant la première mondiale de la greffe de visage : "Isabelle Dinoire, première femme greffée du visage" :
la famille de la donneuse, bien que remerciée à plusieurs reprises pour sa "générosité" et son "courage", n'a pas eu l'occasion d'apparaître, ni de s'exprimer dans ce documentaire-reportage. Elle n'est jamais visible, condamnée qu'elle est, en quelque sorte, à garder pour elle, à cause du principe du strict anonymat qu'il convient de respecter (quel anonymat ? L'identité de la jeune femme greffée a bien été révélée) sa douleur et ses questions.

Certes les chirurgiens ont bien spécifié qu'il s'agissait là d'une première mondiale, dont personne ne peut prédire l'issue, ce dont la patiente, Isabelle Dinoire, a été précisément informée en temps utile. On ne pourra donc taxer personne de malhonnêteté dans l'affaire. Mais on peut se demander si les acteurs qui ont joué un rôle dans cette transplantation se sont assuré que la famille de la donneuse bénéficiera, tout comme la patiente greffée, d'un soutien et d'un suivi psychologique. Ce point n'a pas été abordé dans ce documentaire. Comme s'il convenait de gommer les souffrances et les questions de la famille de la donneuse décédée, pour mettre en avant les prouesses chirurgicales indéniables et l'admirable travail accompli, le tout au service de la réalisation et du suivi de cette première mondiale.

"Encourager les dons d'organes : le paradoxe"

Prélèvements d'organes : problèmes éthiques et pratique médicale
Communication Médecins-famille
Frédéric Pochard et Marc Grassin
(1999)

(...)
Introduction
"Le discours social autour des transplantations d'organes repose sur une communication 'positive' autour de cette pratique. Les progrès et les succès indéniables des transplantations se heurtent cependant à un taux de refus de prélèvements (environ 40 pour cent) qui limitent les possibilités potentielles de ce type de traitement. Il semble nécessaire d'évaluer le contexte (légal, social et local) dans lequel surviennent les demandes médicales de participation et d'acceptation des proches de cette pratique. Il apparaît d'emblée qu'un paradoxe de communication paralyse une alliance entre le milieu médical et la famille. Nous proposons d'analyser cette double contrainte, qui peut être un facteur important de refus de prélèvement, et de souligner quelques éléments pouvant améliorer la communication famille-médecins".
(...)

· "Le malade est en état de 'mort cérébrale', 'mort encéphalique' et n'est pas simplement 'mort'. Outre cette confusion sémantique, la vue du malade en soins intensifs laisse prétendre qu'il n'est pas mort. Des fantasmes d'acharnement, de morcellement, de possibilité de réveil peuvent être alors élaborés par les proches, auxquels seul un discours technique basé sur des réalités cliniques est argumenté. L'opposition au prélèvement peut alors intervenir comme protection contre une dépossession abusive, ou une erreur médicale. Le 'mort cérébral' démuni d'assistance technique devenant 'mort', autorise une confrontation à la réalité au prix d'une opposition au prélèvement."

· "Les aspects de mutilation du corps sont souvent banalisés dans la communication, alors qu'ils sont une préoccupation majeure pour les proches. Le respect de l'intégrité du mort est une tradition culturelle bouleversée par le prélèvement d'organes. Cet aspect, très affectif, s'il n'est pas exposé (dans un sens de réassurance, voire de négociation sur le prélèvement de certains organes, comme les cornées), peut entraîner une opposition au prélèvement par crainte de violation de l'intégrité du corps, de mutilation, de ne garder en sépulture que 'les restes'.

· Le discours proposé par les équipes soignantes et les médias revendique une réussite de la médecine grâce au prélèvement. Or, les familles se trouvent confrontées non au 'don', mais à la mort, et à une douleur affective intense, associée à un échec médical fantasmé (dont la médicalisation de la mort dans nos sociétés est en grande partie responsable). Ce décalage brutal entre discours formel (don rédempteur) et vécu affectif (mort anéantissante) peut favoriser une opposition.

· L'anonymat du receveur pour la famille de la personne prélevée permet indéniablement de limiter des débordements affectifs incontrôlables, mais favorise cependant un sentiment de dépossession sans retour pour les proches. Entre une attitude très valorisée (l'acceptation du prélèvement) et l'anonymat 'garantissant' une absence d'information potentiellement gratifiante, les proches peuvent imaginer être implicitement considéré comme irresponsables sur le plan affectif par des structures administratives anonymes.

· La rapidité implicite demandée par les structures d'accueil pour la réponse des proches (imposé par des contraintes techniques) dénie une élaboration du deuil de ces derniers. Alors que chacun imagine que le receveur attend depuis longtemps une transplantation, la famille se considère comme en droit de disposer de temps pour réfléchir, mais est confrontée à un sentiment d'urgence, parfois vécu comme une précipitation inconvenante.

· La demande aux proches de l'autorisation de prélèvement les place dans une situation de contrat, auquel les citoyens sont peu habitués en France dans leurs rapports avec le milieu médical. Cette brutale modification du système de communication peut être un facteur déstabilisant.

· Les proches sont responsabilisés dans l'urgence. Il leur est demandé de fournir une information par une seule question (le patient s'était-il opposé au prélèvement de son vivant ?). cependant, leur est laissé la possibilité de mentir, et que c'est d'abord leur propre consentement qui est impliqué dans la décision (acceptez vous que l'on prélève ?). Leur propre sensibilité à la question du prélèvement est paradoxalement déniée, alors que c'est sur elle que repose le plus souvent la décision.

· Les proches (souvent des parents), vivent le décès comme une culpabilité (incapacité à le protéger, à prévenir ou éviter la mort). La banalisation de ce sentiment par les praticiens peut faire émerger chez les proches un sentiment de protection a posteriori pour le patient décédé. Cette situation peut entraîner des réactions visant à éviter une mutilation en plus de la mort.

· L'information des proches sur les causes réelles du décès est parfois succincte, et peut prêter à des réactions de méfiance (l'institution médicale ne banalise-t-elle pas ?).

· Les proches contactés ont rarement le temps de réunir l'ensemble de la famille, afin de proposer une décision collégiale et raisonnée ou argumentée. Cette situation, qui peut survenir dans un contexte de conflits familiaux chroniques et parfois acutisés par le décès violent d'un proche (famille séparées) peut entraîner une escalade relationnelle autour du prélèvement (et parfois sur la responsabilité de l'un ou l'autre dans le décès du patient). la plupart du temps, le proche qui emportera la décision sera celui qui s'oppose au prélèvement (afin de limiter la stigmatisation des conflits). De même, une opposition au prélèvement peut-être motivée par la protection d'un membre de la famille survivant, dont la réaction est crainte s'il vient s'ajouter au décès une mutilation.

· Les situations de demande de prélèvement représentent pour les proches un contexte de stress massif. Il sont à haut risque de présenter, à terme, et indépendamment de leur réponse à la sollicitation du corps médical, des symptômes plus tardifs de stress post traumatique. L'aide psychologique proposée est trop souvent insuffisante ou inexistante ; Par ailleurs, réserver ce type de prise en charge aux familles qui acceptent un prélèvement revient à déterminer un accès aux soins en deuil en fonction d'une décision qui, selon la loi, dépend du patient décédé et non de leur souffrance.

Propositions
L'analyse des paradoxes de la communication permet de proposer des initiatives alternatives. La clarification du discours social et médical paraît fondamental, ainsi que la mise en place de symboles ayant pour objectif de permettre une meilleure gestion de la crise :
· Rétablir le prélèvement comme un 'don' symbolique du patient et de la famille (qui seule peut recevoir un acquittement de cette dette), et mise en place de gratifications symboliques sociales pour la personne prélevée et ses proches (à ce jour, l'Etat prend en charge le retour à domicile du corps, mais pas les obsèques).

· Mettre en place des structures disponibles pour le suivi psychologique des proches par la constitution d'un réseau. Il n'est sans doute pas nécessaire de trop spécialiser des équipes, afin de limiter la stigmatisation au décours du décès. Les structures psychiatriques de soins, sectorisées, pourraient s'acquitter et être sensibilisées à cette pratique dans le cadre d'unités départementales ou intersectorielles ayant mission de service public, sans coût supplémentaire (centres médico-psychologiques, etc.). L'accès à ces soins doit être proposé à l'ensemble des proches, indépendamment de l'acceptation du prélèvement.

· Communiquer vers le public en présentant le refus de prélèvement comme une position éthique recevable. Proposer un suivi psychologique après chaque demande de prélèvement, quelle que soit l'issue (refus, ou acceptation).

· Proposer aux équipes de réanimation, centres coordonateurs ou non, des gratifications matérielles pour chaque prélèvement. Tout prélèvement pourrait faire l'objet d'une réquisition rémunérée. Cette proposition est basée sur la notion qu'un travail exceptionnel et douloureux sur le plan affectif, débordant largement le caractère technique de la situation, mérite une gratification. Le coût supplémentaire, au regard de celui des techniques employées ne devrait pas être excessif.

· Mettre en place une information accrue vers les équipes de réanimation concernant les modalités de prélèvement. Préciser aux réanimateurs que leur position personnelle concernant les prélèvements, dans le cas où ils y seraient opposés, est respectable (clause de conscience), mais entraîne l'obligation de transmettre la situation à un confrère acceptant de demander aux proches.

· Proposer que la gestion des prélèvements reste à l'EFG [actuellement Agence de la Biomédecine, ndlr], mais que la communication (et le budget qui y est consacré) soit réparti sur les associations promouvant les transplantations, afin de lever le paradoxe d'une institution neutre dont la mission est aussi de défendre un point de vue.
[la mission de l'Agence de Biomédecine est de contribuer à augmenter le prélèvement d'organes, ndlr]

· Souligner dans les campagnes de sensibilisation le caractère paradoxal de toute communication autour des prélèvements (qui n'est pas neutre, et qui ne peut augmenter le nombre de transplantations qu'en parlant de la mort), plutôt que de nier cet aspect. De même, recentrer la communication sur la réalité, et non sur un discours positiviste souvent dénié par d'autres communications médiatiques (transplantation de rein, qui ne sauve pas une vie).

· Mettre en place des études afin de définir le statut psychologique des proches à long terme en cas (qu'il y ait eu prélèvement ou non). Les résultats de ces études, à méthodologie complexe, fournirait des arguments dont l'analyse permettrait de cibler les demandes.

· Aborder la situation avec une vision circulaire (incluant l'ensemble des personnes concernées par le prélèvement : médecin, soignants, famille), contextuelle (souligner la singularité et l'exception de la situation).

· Considérer le apports de la psychosociologie (concernant les modalités 'techniques' de la demande de prélèvement) et des techniques de prise en charge des situations de crise (dans la régulation des conflits), et évaluer les pratiques.

· Enfin, la pénurie d'organes est parfois présentée comme un 'problème social'. Cette argumentation, et la fatalité qui y est liée, est incomplète, car elle ne rend pas compte de l'ambivalence contextuelle dans sa confrontation à la loi. Le problème de la pénurie d'organe repose en partie sur le manque d'application de la loi. Ainsi, une fois le registre des refus mis en place, la stricte application de la loi devrait faire augmenter le nombre de prélèvements. Cependant, le principe éthique de bienfaisance, fondement du paternalisme, reste en France irréductible. Le registre, s'il facilite le refus, n'empêchera pas de demander aux proches leur accord pour un prélèvement lorsque le patient décédé n'est pas inscrit. Le 'problème social' tient donc beaucoup au fondations de la relation médecin-malade en France, et donc à son évolution vers un système dans lequel la contractualisation aurait une part plus importante.
[Le projet de faire mention sur la carte vitale de la position de chacun, pour ou contre le don de ses organes, a dû être pensé comme solution à ce 'problème social', ndlr].

Conclusion
Face aux paradoxes de communications relevés dans le discours social adressé aux citoyens, entre les médecins et les proches, et à l'intérieur même du milieu médical, à propos des prélèvements d'organe, une clarification des discours, tant en terme de contenu que de fonction symbolique, pourrait permettre de limiter la pénurie d'organes. Expliquer, informer les citoyens et les professionnels, prévenir les paradoxes et les ambiguïtés de communication (entre discours formel et vécu affectif), tant en amont que lors et après la demande de prélèvement, reconnaître socialement et symboliquement la valeur du prélèvement pourrait avoir un effet positif sur le nombre de greffons disponibles."

[Le seul but est-il d'augmenter le don d'organes, donc le nombre de donneurs ? Doit-on résoudre tous les paradoxes de la communication dénoncés à juste titre uniquement dans ce but ?, ndlr]

Références
1. Pochard F, Grassin M, Maroudy D, Hervé C. Encourager les dons d'organes : le paradoxe. Can Med Assoc J 1997 ;157 :1198.

Don d'organes : communication grand public

Je reprends ici un extrait de l'étude "Encourager les dons d'organes : le paradoxe" :

"Souligner dans les campagnes de sensibilisation le caractère paradoxal de toute communication autour des prélèvements (qui n'est pas neutre, et qui ne peut augmenter le nombre de transplantations qu'en parlant de la mort), plutôt que de nier cet aspect (...)

Les aspects de mutilation du corps sont souvent banalisés dans la communication, alors qu'ils sont une préoccupation majeure pour les proches. Le respect de l'intégrité du mort est une tradition culturelle bouleversée par le prélèvement d'organes. Cet aspect, très affectif, s'il n'est pas exposé (dans un sens de réassurance, voire de négociation sur le prélèvement de certains organes, comme les cornées), peut entraîner une opposition au prélèvement par crainte de violation de l'intégrité du corps, de mutilation, de ne garder en sépulture que 'les restes'."


Références :
Pochard F, Grassin M, Maroudy D, Hervé C. Encourager les dons d'organes : le paradoxe. Can Med Assoc J 1997 ;157 :1198.

(Ajout du 10 mai 2006) :
Dans la revue "Dossier Familial" n°376 de mai 2006, l'article "Don d'organes : la marche à suivre" fournit des informations sur le don d'organes afin que ce sujet puisse être discuté en famille. Je cite un extrait [page 25] :

"Le prélèvement, similaire à une opération chirurgicale classique, ne donne lieu à aucun frais. Une fois l'organe prélevé, les incisions pratiquées sont refermées et le corps rendu 'intact' aux proches pour les funérailles."


L'affirmation selon laquelle le corps est rendu "intact" illustre bien la constatation de Pochard et Grassin en 1997 : "Les aspects de mutilation du corps sont souvent banalisés dans la communication, alors qu'ils sont une préoccupation majeure pour les proches". En 2006, la communication grand public n'aborde toujours pas cet aspect de mutilation du corps. Pourtant, il faut savoir que dès que les familles ont donné leur autorisation pour le prélèvement d'organes, les équipes médicales vont prélever un maximum d'organes (il faut aider le plus possible de patients en attente de greffe). Par conséquent, le corps ne peut être rendu "intact".

Le docteur Marc Andronikof, chef du service des urgences à l'hôpital Antoine-Béclère, Clamart, écrit dans son livre "Médecin aux urgences", paru en 2005 aux Editions du Rocher : "On vous prend tout : le cœur, les poumons, le foie, les reins, l’intestin, le pancréas, etc. Il ne reste rien. (...) Dans une opération, on est au moins deux, plus l’instrumentiste, donc trois. Pour prélever les reins arrivent les urologues, deux plus un ; pour le cœur les cardiologues, deux plus un, pour le foie, autre équipe, deux plus un, et ça continue ! […] Les seuls organes qui peuvent attendre quelques heures, ce sont les reins, mais le cœur et le foie doivent être transplantés tout de suite."

Télécharger l'article du "Dossier Familial" N° 376 : "Don d'organes : la marche à suivre" (document PDF) :
==> cliquer ici.

L'éthique au CHUV (Suisse) : Centre Hospitalier Universitaire du Vaudois (Lausanne)

Le Centre Hospitalier Universitaire du Vaudois CHUV, Lausanne) a créé un espace dédié à l'éthique :
==> http://www.chuv.ch/eth/
Sur ce site, on trouve des informations récentes concernant les transplantations d'organes :
- Revue de presse scientifique :
==> http://www.chuv.ch/eth/eth_tra_fondamentaux.htm

Voir les articles parus en Août 2005 dans le Bulletin des médecins suisses 86; no 31;1871-1883 (2005) :
==> "Directives 'Diagnostic de la mort dans le contexte de la transplantation d'organes': modifications importantes" : cliquer ici.

==> "Diagnostic de la mort dans le contexte de la transplantation d'organes. Directives médico-éthiques de l'ASSM" : cliquer ici.

==> "Diagnostic de la mort dans le contexte de la transplantation d'organes. Annexe" : cliquer ici.

Source :
Ethique - CHUV (Suisse) : Travaux Fondamentaux

Témoignage d'une infirmière confrontée au don d'organes

Vous trouverez dans cet article un témoignage sous forme de conversation, ou plus exactement, d’un échange entre Anne et moi - cet échange figure dans les commentaires de l’article «Témoignage de famille confrontée au don d’organes».

==> cliquer sur le lien "tout l'article" pour lire la suite.

Anne : "Je sors de l'hopital où j'ai laissé Christine en réanimation depuis vendredi suite à un coma dépassé. Le médecin a la sortie du box, m'interpelle avec ma soeur pour nous demander si nous avions pensé aux dons d'organes et d'en faire la demande à la maman de christine ! Devant notre stupefaction, elle conclue : nous ne pourrons plus continuer l'acharnement thérapeutique si vous refusez!!! Je suis anéantie, déçue et ne sais plus quoi faire, quoi dire sinon retourner voir Christine et lui promettre de ne pas l'abandonner. Voila comment on aborde aujourd'hui le problème du don dans un hôpital de province !!"

Catherine : Bonjour Madame, touchée par votre témoignage poignant, (n'étant pas médecin, je ne puis vous fournir des précisions d'ordre médical), je souhaite vous informer que vous pouvez vous adresser aux personnes suivantes afin d'avoir des précisions sur les modalités du don d'organes - précisions qui visiblement ne vous ont pas été apportées comme vous l'auriez souhaité : Vous pouvez éventuellement contacter une équipe d'infirmier(e)s chargé(e)s de la coordination des transplantations, qui ont l'expérience du contact avec les familles confrontées au don d'organes. Dans ce cas, il faudrait demander au médecin qui soigne Christine qu'elle vous mette en relation avec un(e) ou des infirmier(e)s coordinateurs / coordinatrices. Ces derniers, normalement, ne doivent pas vous obliger à accepter le don d'organes, mais sont là pour vous en expliquer les modalités et les enjeux. Ils sont aussi là pour vous rassurer, c'est-à-dire pour vous aider à faire le meilleur choix possible pour Christine, pour vous, pour que vous puissiez à la fois accompagner Christine et faire votre chemin sur la route du deuil au don, ou du deuil au refus de don.


Je suppose que le temps vous manque pour lire le livre, très éclairant à ce sujet, du Docteur Marc Andronikof, chef du service des urgences à l'hôpital Antoine Béclère, Clamart : "Médecin aux urgences", editions du Rocher, 2005. Si vous avez des questions particulières qui ne trouvent pas leur réponse, peut-être pouvez-vous essayer de contacter le Dr Andronikof à l'hôpital Antoine-Béclère, Clamart, afin qu'il vous apporte des explications supplémentaires ? Tout ce qui peut vous éclairer, vous réconforter et vous accompagner dans ce moment si difficile me semble bon à saisir.

Je cite à votre attention un extrait d'un courriel de mars 2006 que m'a envoyé le Dr. Andronikof : "Le problème c'est que le prélèvement (...) vole la mort aux familles, vole la mort à l'agonisant lui-même. La mort c'est ce qui structure la société, la civilisation, la culture, les familles, la réflexion philosophique et religieuse. Depuis toujours. Ce qui se passe depuis la fin du XXe siècle n'est possible que parce que notre civilisation se désagrège, se déstructure. Et participer à la transformation du rapport à la mort accélère cette désagrégation. C'est un cercle vicieux qui s'est enclenché. Alors quoi, les familles veulent croire, ou on veut leur faire croire, à une sorte de métempsychose habillée de modernité ? L'enfant va revivre en quelque sorte dans toutes les différentes personnes dans lesquelles ses organes auront été placés ?? (...) Ainsi, je ne voudrais pas que les médecins et infirmières améliorent leur communication post transplantation, je ne voudrais pas que ce drame cosmique, c'en est un, perdure. Je voudrais que la pratique cesse. Que les malades arrêtent d'accepter l'illusion de l'immortalité au prix de la mort du voisin, que les familles arrêtent de se laisser faire et que les médecins arrêtent leurs pratiques barbares (...). Mais je crois plus aux familles qu'aux médecins."

J'espère que le Dr. Andronikof ne verra pas d'inconvénient à ce que je cite sur ce Blog un extrait d'un mail qu'il avait envoyé à mon attention, et je le remercie par avance pour toute l'aide qu'il peut apporter aux familles confrontées au don d'organes, grâce à cet éclairage particulier qu'il apporte sur cette question. Je vous adresse, Madame, mes plus chaleureuses salutations, et reste à votre disposition et à votre écoute.

Anne : "Se sentir moins seule face à ce problème est une aide précieuse. Christine est toujours parmi nous ce matin, nous avons pris la décision de faire don de ses organes car une majorité d'entre nous souhaitait le faire. Je suis moi-même infirmière, donc trop impliquée et trop dans la connaisssance de la réalité mais j'essaie de ne pas traduire mes angoisses à mes proches et j'essaie de les éclairer sur cette approche sans etre alarmiste. Je vais bien sûr lire le livre dont vous parlez, je le connaissais mais pas eu le temps ou l'occasion de m'y plonger. Merci de m'avoir lu et répondu ; merci de me permettre de m'exprimer ainsi ! Nous avons donné aux médecins notre position mais depuis rien : on ne sait pas quand, comment ni où ils vont procéder !! Je continue d'halluciner.... Je vous tiens au courant..."

Catherine : Merci à vous ! Je vous souhaite de tout coeur bon courage dans cette épreuve.


Je cite pour vous un passage du livre du Professeur Cabrol, "De tout coeur", publié en mars 2006 aux Editions Odile Jacob (pages 104-105) : "Demander le témoignage à la famille ? Mais ce témoignage, qu'il est douloureux à solliciter ! La mort de l'être cher que cette famille pleure a été brutale, imprévue, dramatique, elle est survenue en pleine santé. Pour le réanimateur qui a la charge de cette demande, il est bien difficile dans ces moments si pénibles de parler à la famille du don d'organes dont le plus souvent elle n'a jamais eu connaissance. De plus, l'aspect de cette mort est si inhabituel ; car ce n'est pas à la morgue, devant un cadavre froid, inerte, livide que l'on va amener cette famille. Mais en salle de réanimation, devant leur parent qui semble dormir, qui paraît respirer car les mouvements du thorax sont assurés par le respirateur mécanique, qui est chaud, rose, car le sang circule et le coeur bat. Comment devant une telle apparence de vie cette famille peut-elle croire à la mort ? Aussi, lorsque, avec toutes les précautions et la délicatesse désirables, la question de l'existence éventuelle d'un refus du défunt au don d'organes est posée, un tiers des familles évoque un 'non' ; 'non' qui exprime le plus souvent, plus qu'un refus du don, un refus de cette mort inacceptable".
© Copyright Odile Jacob

Mais vous connaissez tout ça, puisque vous êtes infirmière. Pour ma part, confrontée par hasard à un enfant qu'on prélèvait, j'ai eu le net sentiment que cet enfant n'était pas mort. Je n'ai aucune connaissance médicale, encore moins au moment des faits ; cette réalité dont vous parlez, que vous connaissez en tant qu'infirmière, a été un réel choc pour moi, et je suis toujours aussi bouleversée devant le dilemme que pose le consentement au don d'organes : oui, je renonce à accompagner le mourant ; oui, j'espère ainsi aider à sauver des gens. Je suis certaine que vous apportez beaucoup de soutien à l'entourage de Christine, et sans doute à celle-ci aussi. J'espère aussi que vous recevez tout le soutien dont vous-même avez besoin. J'espère que vous n'aurez pas l'impression d'avoir le choix entre regretter toute votre vie de n'avoir pas dit oui au don d'organes, pour contribuer à sauver des vies (si vous refusez le prélèvement), et d'avoir abandonné le patient, ici la patiente - qui sait, au pire moment de son existence ? (si vous dites oui au prélèvement) ...

Vous semblez déjà avoir pris une décision collégiale, en faveur du prélèvement. Eh bien, c'est très courageux, pour ma part, je ne suis pas du tout certaine que j'aurais ce courage.

Anne : "Re-bonjour, le scanner de ce matin montre une légére voire minime vascularisation mais la destruction de la matière blanche et grise. Il a été envoyé à Alençon pour une interprétation d'un neurologue. La surveillante du service nous a reçu ce matin et elle est le porte-parole de France Transplant donc nous avons des réponses à nos questions. Ma petite soeur, qui était pour le don, ne l'est plus ce matin car elle dit que si il y a vascularisation, il y a encore de l'espoir... et elle est incapable de prendre cette décision. Moi, personnellement, je suis contre mais j'essaie de n'influencer personne car je suis trop dedans comme je disais ce matin. Nous voilà donc au point de départ avec nos convictions religieuses ou non, avec notre culpablité...

J'ai dit à ma petite soeur que nous pourrions regretter de dire : on arrête tout pour autoriser les prélévements. Mais nous n'aurons pas de culpabilité de n'avoir pas donné ses organes. Dilemne douloureux et cruel avec un manque total de savoir communiquer et d'appréhender la demande aux familles. Je déplore que l'association France transplant n'ait pas encore mis au point un programme de formation pour les acteurs de son association. Nous avons compris que Christine était en fin de vie, nous avons compris qu'elle ne se réveillera jamais mais son coeur bat, elle a les joues roses et semble paisible. Comment signer son arrêt de mort ? Un humain a-t-il le droit de décider de la vie ou de la mort de son prochain ? Dans notre famille pour l'instant, la réponse est non."

Catherine : Anne, comme je vous comprends ! J'ai passé vos témoignages au Dr. Marc Andronikof, j'espère qu'il pourra aussi vous aider.


Je viens de recevoir ce message de soutien pour vous, de la part d'une élève de l'école d'infirmière : "J'ai été très touchée par l'histoire de la famille de Christine. Je tiens à faire part de mon admiration à cette infirmière qui a su garder son professionnalisme (même impliquée personnellement) dans le respect de chacun, en informant sans jamais influencer les autres dans leur prise de décision. La prise de décision collégiale est exemplaire, chacun pourra d'autant mieux accepter les faits et faire son deuil dans de bonnes conditions. Quelle leçon de maturité et de courage ! Je suis choquée par le manque d'humanité et de tact dans la communication de certains professionnels de la santé. Je souhaite bonne continuation à toute la famille de Christine. Je voulais également remercier l'auteur de ce blog, car c'est manifestement un lieu de dialogue et d'échange qui laisse s'exprimer librement chacune des opinions sans juger.
Isabelle du 94"

Anne : "Bonsoir, nous avons 12h de répit quant à la décision à prendre.Devant moi les souvenirs et les images de la courte de vie de Christine défilent( 41 ans ). Et puis, je n'ai pas la certitude que lorsqu'on prélève, il n'y a pas douleur car il n'y a pas d'anesthésie et puis se mélangent les flash de réveil quasi-impossibles mais pourtant la littérature médicale y fait allusion. Je partage avec vous mes doutes et angoisses car je ne peux pas les partager avec ma famille !!vous comprendrez ! Je ne pensais pas être confrontée à ce choix mais il est là et peut-être plus horrible à maîtriser que la mort elle-même. Je vais essayer de dormir un peu pour avoir l'esprit un peu clair demain."

Anne : "Bonjour, nous avons proposé à la coordinatrice :'Nous ne pouvons pas prendre la décision de tout arrêter mais nous ne sommes pas contre le don d'organes, aussi nous vous demandons de prendre cette décision sans nous quand vous penserez que le moment sera le plus opportun pour Christine.' Réponse de celle-ci : 'Ce n'est pas comme cela que nous fonctionnons.' Donc, ce matin après une ultime réunion de famille nous avons pris la décision de laisser Christine s'éteindre quand elle l'aura décidé.

Depuis, les antibio sont arrêtés ainsi que la dopamine, l'O2 est passée de 30l/m à 20 l et elle a un garde veine de G5 pour cent. Je ne vous dis pas non plus le climat dans lequel nous vivons. Hier nous avions droit aux petits gâteaux et aujourd'hui c'est l'ignorance !!!

Je me permets de juger hâtivement, mais j'en tirerai les conclusions après !

Christine est toujours présente, paisible et nous l'accompagnerons à sa nouvelle demeure."


Catherine : Bonsoir Anne, merci pour ces nouvelles. Les mots de "générosité", "courage", ("héroïsme" ?) ne sont sans doute qu'un bruit de fond, quand on se retrouve face à la réalité du don d'organes. Vous vivez des moments difficiles, néanmoins j'espère (et je pense) que le fait de vous être informée sur cette réalité en allant au-delà du discours ordinaire vous permettra de vivre humainement votre deuil.

Je vous transmets un message du Dr. Marc Andronikof, médecin urgentiste à Antoine-Béclère, Clamart (AP-HP) : "Je suis particulièrement heureux (pacifié) que 'Anne' vous ait dit que la décision avait été prise de laisser s'éteindre (son enfant, sa soeur ? je ne sais plus). C'est certainement la meilleure des solutions pour elle. La culpabilisation des familles réticentes par le corps soignant est très choquante. Elle transparaît dès les formulaires d'inscription sur le registre des refus, l'avez-vous vu ? :


'JE M'OPPOSE A TOUT PRELEVEMENT D'ELEMENT DE MON CORPS, APRES MA MORT

· soit à des fins thérapeutiques (greffe sur patient)

· soit pour rechercher les causes médicales du décès.

· soit à d'autres fins scientifiques

· soit dans plusieurs de ces trois cas.'

(adresse url :
http://www.don-organe.net/don/don_organe_refus.html)

En clair, cela signifie :

'Je refuse
- de donner mes organes pour sauver des vies
-de donner mon corps pour faire progresser les connaissances scientifiques' ...
Il faut vraiment être un monstre (très déterminé vu les difficultés pour y parvenir) pour s'inscrire sur ce registre".

Le témoignage de
Brigitte (14 mars 2006), décrit ce processus de culpabilisation de la famille du patient par le corps médical : "Nous habitions à 60 kms de l'hôpital où [notre fils] a été transporté après son accident de voiture le 01/01/03. Nous n'avions le droit de visite qu'entre 14 heures et 15 heures. Le 02/01 au soir, on nous a dit que l'artère qui irriguait son cerveau s'épuisait peu à peu et qu'il ne passerait pas la nuit 'mais nous vous préviendrons immédiatement, c'est promis'. Le 03/01/03 à 8 heures, pas de nouvelles, nous appelons l'infirmière coordinatrice: 'Jean-Stéphane est toujours là... je vous tiens au courant, non vous ne pouvez pas venir, d'ailleurs les prélèvements auront lieu aussitôt alors...'(en clair, nous gênerions...). Sans nouvelle, après plusieurs tentatives, nous réussissons à joindre de nouveau l'infirmière: 'Eh bien oui, Jean-Stéphane est cliniquement décédé il y a une heure et, oui, les prélèvements ont commencé... non vous ne pouvez pas venir, ça va durer toute la journée et peut-être même demain matin'. Le lendemain midi c'est encore nous qui avons appelé pour apprendre que Jean-Stéphane avait été transféré à la morgue (ce mot, quel choc pour moi!). Quant à l'infirmière, elle a oublié de nous appeler. Elle est rentrée exténuée chez elle..."

Ce "en clair nous gênerions" montre que tout est fait pour faire culpabiliser la famille. Brigitte n'a plus qu'à se dire à présent : "J'aurais dû passer outre le discours des médecins, qui cherchaient à m'éloigner, et être présente auprès de mon fils, ne pas l'abandonner alors qu'il avait tant besoin de moi à ses côtés. Je me suis laissée avoir, c'est de ma faute". Sa faute ?! Avoir fait confiance aux professionnels de la transplantation, qui ne lui ont passé qu'une partie des informations ? Car le reste, bien sûr, elle ne l'a découvert qu'après-coup. Ce qui rend son deuil bien difficile.
Cordiales salutations,
Catherine

Un témoignage problématique

Cette partie du témoignage d’Anne est aussi très révélatrice : «Nous avons proposé à la coordinatrice :’Nous ne pouvons pas prendre la décision de tout arrêter mais nous ne sommes pas contre le don d’organes, aussi nous vous demandons de prendre cette décision sans nous quand vous penserez que le moment sera le plus opportun pour Christine’. Réponse de celle-ci: ‘Ce n’est pas comme cela que nous fonctionnons’."

On peut en déduire que dans le processus de demande d’autorisation du prélèvement d’organes, ce n’est pas l’intérêt du patient dont le corps médical souhaite prélever les organes qui prévaut : pour les acteurs de la transplantation, il n’est pas question d’attendre le moment le plus opportun pour le patient en train de décéder pour prélever les organes de ce dernier. Il s’agit de prélever les organes de ce patient mourant au moment où ce prélèvement devrait encore pouvoir garantir une réussite optimale de la greffe chez le (les) patients en attente de greffe. En clair : le corps médical représente les intérêts des patients en attente de greffe, et non les intérêts du patient mourant. Ici, on peut même se poser la question de savoir si les intérêts du patient à prélever et ceux du patient à greffer sont compatibles.

Pour la coordinatrice des transplantations, il est légitime que le corps médical représente l’intérêt des patients en attente de greffe. Je cite un extrait du texte de la Société Française d'Anesthésie et de Réanimation : "22 juin : journée nationale sur le don d’organes et la greffe", par Christian Richard, Président de la Société de Réanimation de Langue Française, et Jean Marty, Président de la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation :

"En abordant successivement le diagnostic de la mort encéphalique, la prise en charge en réanimation du donneur potentiel, les critères d’évaluation des organes et des tissus, mais aussi l’organisation logistique du prélèvement d’organes, cet ouvrage met en exergue combien cette activité nécessite l’implication de tous les professionnels de la santé au service d’un seul objectif : l’amélioration de la prise en charge des patients en attente de transplantation".
(22 juin 2005).
Url : http://www.sfar.org/s/article.php3?id_article=281

La transplantation désigne le prélèvement et la greffe d'organes. Ici, ne doit-on pas plutôt comprendre ce terme au sens de "greffe", terme qui recouvre les longues listes de patients en attente de greffe - liste qui s'allonge de jour en jour, à mesure des progrès significatifs en matière de transplantation (= greffe) ?

Preuve est désormais faite que, pour les familles confrontées au don d’organes, il est nécessaire d'être véritablement en possession de toutes les informations, de tous les éclairages (arguments, points de vue) concernant les modalités et enjeux du don d’organes avant de prendre une décision. Découvrir après-coup une partie de ces informations met en péril le processus de deuil (voir le témoignage de Brigitte). Découvrir ces dures réalités au moment de prendre sa décision (pour ainsi dire couteau sous la gorge) constitue une épreuve redoutable (voir le témoignage d’Anne).

Peut-on s’attendre à ce que le corps médical, plus particulièrement les acteurs de la transplantation, communiquent en toute transparence sur ce sujet en amont des prélèvements ? Sans doute pas. Peut-on le leur reprocher ? Ceci amène la question : peut-on reprocher aux acteurs de la transplantation d’être du côté des patients en attente de greffe ? Rien n’est moins sûr. Il incombe donc à la famille confrontée au don d’organes, et par extension à tout un chacun, puisque maintenant la position de chacun (pour ou contre le don d’organes) devra figurer sur sa carte vitale, de se renseigner sur des questions comme :
- Douleur et prélèvement d’organes,
- Le constat du décès sur le plan de l’éthique – dans le cas de la mort encéphalique

Ce faisant, l’usager de la santé ne devra pas s’attendre à ce que les acteurs de la transplantation lui fournissent des réponses en toute transparence. Ils lui fourniront des réponses invitant impérativement à se tourner vers le don d’organes. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Ce n’est pas à moi d’en juger. La seule chose qu’il importe de retenir à la lumière de ces témoignages (de Brigitte et d’Anne) : mieux vaut s’être informé avant de devoir être confronté à cette question du don d’organes. Et mieux vaut avoir su affronter l’ampleur du problème dans tout son ensemble, au-delà des discours de surface ("générosité", "solidarité"...), sous peine de s'exposer au risque d'un deuil impossible. Les transplantations ont ouvert la boîte de Pandore, il incombe à chaque usager de la santé de ne pas faire la politique de l'autruche, et de regarder bien en face les vérités, et surtout, les réalités que contient cette boîte. Et ensuite, il devra prendre sa décision.

Ce Blog d’information vise à fournir les éclairages les plus divers sur la question des transplantations, afin que chacun puisse faire le choix qui lui conviendra le mieux pour vivre son deuil dans des conditions humaines.

==> Ajout du 26 avril 2006 : je viens de recevoir un message d'Anne :
Christine est décédée le jeudi 20 avril : "Elle s'est endormie entourée de ses proches qui l'ont accompagnée sans relâche à sa nouvelle demeure".

En résumé :
Le 9 avril 2006, une équipe de coordination de transplantation déclare que Christine se trouve en état de mort encéphalique et demande à la famille de celle-ci de se décider pour ou contre le prélèvement d'organes. La famille décide de s'opposer au prélèvement d'organes, et Christine décède le 26 avril 2006.

La question se pose alors de savoir si la mort encéphalique est bien la mort, étant donné le décalage entre les deux dates de "décès". Comme nous l'avons vu dans d'autres articles, aux yeux de certains médecins, chirurgiens et autres spécialistes des transplantations, la mort encéphalique n'est pas la mort : voir par exemple l'article "Brain Death Is Not Death: The Nasty Side of Organ Transplanting", du Docteur David Wainwright Evans, Cardiologiste au Queens College, Cambridge, Grande-Bretagne, qui suggère que les donneurs en état de mort encéphalique pourraient bien être mourants et non morts : cliquer ici (article en anglais).

Dans cet article, le Docteur David Wainwright Evans suggère d'aborder cet état de fait en toute franchise : "[...] more will be prepared to register as prospective donors on the proposed new basis if it is fully and frankly explained - and the necessary legislation enacted after open debate."
Actuellement, ce questionnement n'est pas à l'ordre du jour puisque la loi de Bioéthique d'août 2004 déclare mort le patient en état de mort encéphalique.

Puisqu'il est si douloureux d'arracher aux familles le consentement au prélèvement des organes d'un patient en état de mort encéphalique, et puisque cette "mort invisible" (le patient en état de mort encéphalique ne semble pas mort, il semble seulement endormi) est si difficile à accepter, comment résoudre le problème de pénurie des greffons ?

Le Professeur Christian Cabrol, qui a été chirurgien cardio-vasculaire à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et professeur de chirurgie à la faculté de médecine de Paris, et qui est actuellement membre de l'Académie de médecine et consultant à ADICARE, écit dans son livre paru en mars 2006, "De tout coeur" [pages 265 à 268] :

"(...) le principal obstacle à la réalisation des transplantations est la pénurie de greffons. (...) Les cellules-souches ! Voici peut-être une solution pour obtenir des organes, coeurs ou poumons, susceptibles d'être transplantés.(...)On s'est aperçu (...) que des cellules-souches persistaient dans notre organisme après la naissance, en particulier dans la moelle osseuse. Ces cellules peuvent être extraites et cultivées. Elles (.. ) sont (...) 'multipotentes', c'est-à-dire capables de reproduire seulement certains tissus ou, dans des conditions qui restent à découvrir, des organes, coeurs ou poumons, qui, implantés ensuite chez les malades mêmes qui les ont fournis, permettraient leur greffe sans crainte de rejet. Une autre découverte s'avère des plus intéressantes, celle de parvenir à mobiliser ces cellules-souches multipotentes chez le malade lui-même et de les conduire, par voie sanguine directe, là où leur action est requise."

© ODILE JACOB, mars 2006

Base de données en éthique médicale et biomédicale

ETHIQUE ET SANTE : BIENVENUE SUR LE RESEAU RODIN


Base de données en éthique médicale et biomédicale. Site de textes validés pour promouvoir la réflexion multidisciplinaire, en lien avec le Master de recherche en éthique de Paris 5.


Site réalisé par l'Inserm et le laboratoire d'éthique médicale et de médecine légale de la Faculté de Médecine Paris 5.

==> Site http://www.ethique.inserm.fr/

Voir aussi :

Société Française d'Anesthésie et de Réanimation (SFAR) :
==> Réflexion Ethique

Sites à visiter concernant la bioéthique :


==> Le site du Comité Consultatif National d’Ethique
==> Comité d’éthique de l’INSERM
==> Espace éthique de l’AP-HP
==> Comité international de bioéthique de l’UNESCO
==> Groupe européen d’éthique