Scientific MOOCs follower. Author of Airpocalypse, a techno-medical thriller (Out Summer 2017)


Welcome to the digital era of biology (and to this modest blog I started in early 2005).

To cure many diseases, like cancer or cystic fibrosis, we will need to target genes (mutations, for ex.), not organs! I am convinced that the future of replacement medicine (organ transplant) is genomics (the science of the human genome). In 10 years we will be replacing (modifying) genes; not organs!


Anticipating the $100 genome era and the P4™ medicine revolution. P4 Medicine (Predictive, Personalized, Preventive, & Participatory): Catalyzing a Revolution from Reactive to Proactive Medicine.


I am an early adopter of scientific MOOCs. I've earned myself four MIT digital diplomas: 7.00x, 7.28x1, 7.28.x2 and 7QBWx. Instructor of 7.00x: Eric Lander PhD.

Upcoming books: Airpocalypse, a medical thriller (action taking place in Beijing) 2017; Jesus CRISPR Superstar, a sci-fi -- French title: La Passion du CRISPR (2018).

I love Genomics. Would you rather donate your data, or... your vital organs? Imagine all the people sharing their data...

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Prélèvements "à coeur arrêté" : vers un abandon de la "règle du donneur mort" en France ?

Mercredi 24 juin 2009 avait lieu à l'Assemblée Nationale, dans le cadre de la révision des lois de bioéthique de 2004, l'audition du Professeur Bruno Riou, chef du service des urgences médicales, chirurgicales et psychiatriques à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière (AP-HP). Le sujet était : les prélèvements "à coeur arrêté". Depuis 2007, une situation d'arrêt cardiaque réfractaire à la réanimation peut faire de chacun de nous un donneur d'organes (reins, foie) potentiel.

Les interventions du Professeur Bernard Debré, chef du service d'urologie de l'hôpital Cochin, Paris, et celles du Professeur Jean Leonetti, rapporteur de la mission d'information sur la révision des lois bioéthiques, et aussi auteur de la loi d'avril 2005 (loi sur les droits des malades en fin de vie) sont passionnantes.

==> Visionner cette audition : http://www.assemblee-nationale.fr/13/commissions/bioethique/index.asp

Faut-il s'en tenir à la "règle du donneur mort" dans le protocole des prélèvements d'organes ? Prélever les organes vitaux d'un mort, est-ce possible ? Quelle mort, et quels problèmes éthiques, pour le donneur d'organes ? La "règle du donneur mort" est-elle réaliste, et surtout, comment expliquer les disparités d'un pays à l'autre, comme celle, très marquante, du "respect" de la "règle du donneur mort" en France mais pas en Belgique, ni en Grande-Bretagne ou aux USA ? Grâce aux interventions du Professeur Bernard Debré et à celles du Professeur Jean Leonetti, on comprend que ne pas respecter la "règle du donneur mort", tout en se conformant à l'éthique, ce n'est pas pour autant accepter l'euthanasie.

Quelles conditions pour le prélèvement d'organes ?

Cette audition montre que les conditions des prélèvements d'organes s'inscrivent dans un cadre de fin de vie. Les acteurs du monde médical réfléchissent aux conditions pour le prélèvement d'organes.

Le Professeur Riou se positionne en faveur d'une interdiction en France des prélèvements sur les donneurs de la classe III de Maastricht (il s'agit de patients en fin de vie, sur lesquels les soins vont être arrêtés car leur poursuite a été, de manière collégiale, jugée déraisonnable). D'après lui, les catégories I, II, IV et V de la classification de Maastricht (ces catégories correspondent à une situation d'"arrêt cardio-respiratoire persistant" suite à échec des tentatives de réanimation cardio-pulmonaire sur une personne en arrêt cardiaque) seraient plus "éthiques" que la catégorie III. Le Professeur Riou croit donc à la nécessité de maintenir la "règle du donneur mort".

Il me semble pourtant que cette "règle du donneur mort" est inopérante : il n'est que de voir les disparités dans les pratiques d'un pays à l'autre ! Catégorie III de Maastricht aux USA, en Grande-Bretagne et en Belgique ; catégorie I, II, IV et V de Maastricht en France ... Ces disparités d'un pays à l'autre ne sont guère rassurantes pour l'usager de la santé, comme l'a fait remarquer le Professeur Riou.

Et si la vraie question, c'était : comment améliorer les conditions des prélèvements d'organes vitaux ? Pour ou contre les greffes (ou le don d’organes), voilà qui ne signifie pas grand-chose et ne fait pas avancer la réflexion des usagers de la santé. Il faut réfléchir aux conditions des prélèvements et greffes d'organes vitaux : quelle mort pour le donneur d’organes ? Et si les législations successives en France, toutes centrées autour de la "règle du donneur mort" ... ralentissaient le don d’organes ? La "règle du donneur mort", seule garante de l'éthique pour la question du prélèvement des organes vitaux ? Rien n'est moins sûr, à en croire la position de prestigieux Professeurs de la Harvard Medical School (USA) comme le Professeur Robert D. Truog ...





Sources :

1.-) "Rethinking the Ethics of Vital Organ Donations: Current Practices": "Our current practices of vital organ donation violate the dead donor rule. This does not mean that we are unethically extracting vital organs from living patients; rather, it means that we need to develop a coherent alternative ethical account of vital organ donation."

From The Hastings Center Report: "Rethinking the Ethics of Vital Organ Donations". Authors: Franklin G. Miller; Robert D. Truog. Published: 12/02/2008

"The practice of organ donation after cardiac death (DCD)—developed in the early 1990s to retrieve organs from dying, hospitalized patients after withdrawal of life support—also depends on an incoherent determination of death. Under DCD protocols, death is declared typically within two to five minutes of the observed cessation of circulatory function. At this point, however, the cessation of circulatory function is not irreversible and thus does not satisfy the standard cardiopulmonary criteria for death. Describing the Pittsburgh protocol for DCD, Robert Arnold and Stuart Younger have stated, 'the heart could almost certainly be restarted by medical intervention.' But as Dan Brock has observed, 'The common sense understanding of the irreversibility of death is that it is not possible to restore the life or life functions of the individual, not that they will not in fact be restored only because no attempt will be made to do so.' The dubious declaration of death is needed to square DCD with the dead donor rule.

In sum, our current practices of vital organ donation violate the dead donor rule. This does not mean that we are unethically extracting vital organs from living patients; rather, it means that we need to develop a coherent alternative ethical account of vital organ donation."

http://ethictransplantation.blogspot.com/2009/06/rethinking-ethics-of-vital-organ.html

http://www.medscape.com/viewarticle/583513

2.-) Présentation du Professeur Daniel LOISANCE, qui dirige le service de chirurgie cardiaque à l'hôpital Henri-Mondor, Créteil (24/11/2004) : "Assistance circulatoire : bilan et perspectives" :

http://www.canal-u.tv/producteurs/biotv/dossier_programmes/ecole_de_l_inserm_seminaires_de_formation_a_la_sante/recherche_et_chirurgie_de_la_biologie_a_la_robotique/assistance_circulatoire_bilan_et_perspectives_pr_daniel_loisance

3.-) Professeur Iradj GANDJBAKHCH, Chef de Service à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris 13ème) - Service de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire :
http://ethictransplantation.blogspot.com/2005/03/douleur-et-prlvement-dorga_111979831434769933.html

"Rethinking the Ethics of Vital Organ Donations: Current Practices"

Rethinking the Ethics of Vital Organ Donations: Current
Practices


"Our current practices of vital organ donation violate the dead donor rule. This does not mean that we are unethically extracting vital organs from living patients; rather, it means that we need to develop a coherent alternative ethical account of vital organ donation."

From The Hastings Center Report: "Rethinking the Ethics of Vital Organ Donations". Authors: Franklin G. Miller; Robert D. Truog. Published: 12/02/2008

==> Read this article online: link.

Robert D. Truog, MD
"Dr. Robert Truog is Professor of Medical Ethics and Anesthesiology (Pediatrics) at Harvard Medical School and a Senior Associate in Critical Care Medicine at Children’s Hospital Boston. Dr. Truog received his medical degree from the University of California, Los Angeles and is board certified in the practices of pediatrics, anesthesiology, and pediatric critical care medicine. He also holds a Master’s Degree in Philosophy from Brown University.

Dr. Truog’s major administrative roles include Director of Clinical Ethics in the Division of Medical Ethics and the Department of Social Medicine at Harvard Medical School, Associate Director of the Office of Ethics at Children's Hospital, Boston, Chair of the Harvard Human Subjects Research Committee at Harvard University, and membership on the Harvard University Faculty Committee of the Edmond J. Safra Foundation Center for Ethics.

His academic work has primarily centered on the ethical issues that arise in anesthesia and critical care, and he recently authored national guidelines for providing end-of-life care in the Intensive Care Unit. He lectures widely nationally and internationally. His writings on the subject of brain death have been translated into several languages, and in 1997 he provided expert testimony on this subject to the German Parliament. Dr. Truog is an active member of numerous committees and advisory boards, and has received many awards over the years, including The Christopher Grenvik Memorial Award from the Society of Critical Care Medicine for his contributions and leadership in the area of ethics. In 2000, Dr. Truog also received an honorary Masters of Arts from Harvard University in Cambridge."

Contact Information:
Dr. Robert Truog
Division of Medical Ethics
641 Huntington Avenue, 4th floor
Boston, MA 02115
robert.Truog@childrens.harvard.edu

Aux chirurgiens transplanteurs...

... je souhaite adresser ces quelques mots, afin de contribuer, en tant qu'usager de la santé, à réfléchir à la question du don de mes organes à ma mort.





Merci par avance pour vos réactions, commentaires...

Petite réflexion à l'attention des chirurgiens préleveurs d'organes...

... mais aussi des usagers de la santé. Il est ici question de la présentation du corps à la famille après prélèvement d'organe(s). Actuellement est préconisé un renforcement de l’obligation de restauration du corps : "Les médecins ayant procédé à un prélèvement ou à une autopsie médicale sur une personne décédée sont tenus de s’assurer de la restauration aussi parfaite que possible du corps." (Agence de la biomédecine). Le cas de l'autopsie médicale n'est pas envisagé ici.

Ce renforcement de l'obligation de restauration du corps procède d'une intention louable : faciliter le travail de deuil des familles confrontées au don d'organes, après le prélèvement des organes de leur proche. Des chirurgiens transplanteurs ont réfléchi à la question et apportent ici leur témoignage, ainsi qu'un parent confronté au don d'organes. Je souhaite relayer ces témoignages.



Les prélèvements "à coeur arrêté", la "règle du donneur mort" et les patients "Classe III" de Maastricht

Les prélèvements "à coeur arrêté", c'est quoi ? C'est une situation qui fait de chacun de nous un potentiel donneur d'organes, pour peu que l'on se retrouve en arrêt cardiaque. Mais c'est là que les choses se corsent ...

Grand public s'abstenir, ce qui suit est très technique ! Eh bien non, justement ! Voici quelques éléments (faits, analyses, opinions, témoignages), afin de rassembler quelques éléments sur la question des "prélèvements à coeur arrêté" ... pour le grand public aussi !



"The dead donor rule and organ transplantation"

Dr. Robert D. Truog is a professor of medical ethics and anesthesia (pediatrics) in the Departments of Anesthesia and Social Medicine at Harvard Medical School and the Division of Critical Care Medicine at Children’s Hospital Boston — both in Boston. In August 2008, Dr. Truog has conducted a reflexion about the dead donor rule in the context of vital organ(s) removal or grafting: should we be rethinking the dead donor rule and why? (Source: New England Journal of Medicine, Aug. 14, 2008)

Robert D. Truog, M.D., and Franklin G. Miller, Ph.D.: "The Dead Donor Rule and Organ Transplantation" (NEJM, Aug. 14/2008):





"The dead donor rule says we take organs, vital organs, only from those who’ve been clearly, unequivocally pronounced dead. So nothing will happen in terms of procurement, requests, anything, until you’ve got a team that establishes death. (...) And dead people, who are not persons anymore, have no Constitutional rights, no rights at all. And that’s — that’s always been the rule."

"And so I think that the solution [the dead donor rule] to that [transplantation and its ethical justification] has been exactly the wrong way to go. The solution that medicine and society have taken is to continue to tweak and manipulate the definition of death, so that we can progressively include different kinds of patients under that umbrella. And, you know, to me, it seems that that’s the problem. And that, what we really ought to be going back to is, what’s the patient’s prognosis? What’s the neurological condition ? What are the preferences of the patient and the family? And we should respect those. And the dead donor rule, for all of its historical significance, really misses the point." (source)

"Since its inception, organ transplantation has been guided by the overarching ethical requirement known as the dead donor rule, which simply states that patients must be declared dead before the removal of any vital organs for transplantation. Before the development of modern critical care, the diagnosis of death was relatively straightforward: patients were dead when they were cold, blue, and stiff. Unfortunately, organs from these traditional cadavers cannot be used for transplantation. Forty years ago, an ad hoc committee at Harvard Medical School, chaired by Henry Beecher, suggested revising the definition of death in a way that would make some patients with devastating neurologic injury suitable for organ transplantation under the dead donor rule. The concept of brain death has served us well and has been the ethical and legal justification for thousands of lifesaving donations and transplantations. Even so, there have been persistent questions about whether patients with massive brain injury, apnea, and loss of brain-stem reflexes are really dead. After all, when the injury is entirely intracranial, these patients look very much alive: they are warm and pink; they digest and metabolize food, excrete waste, undergo sexual maturation, and can even reproduce. To a casual observer, they look just like patients who are receiving longterm artificial ventilation and are asleep. The arguments about why these patients should be considered dead have never been fully convincing. (...) The uncomfortable conclusion to be drawn from this [scientific] literature is that although it may be perfectly ethical to remove vital organs for transplantation from patients who satisfy the diagnostic criteria of brain death, the reason it is ethical cannot be that we are convinced they are really dead." (source)



Consentement présumé, registre du "oui", registre du "non", "règle du donneur mort" : des incohérences !

La clôture des Etats-Généraux de la bioéthique a eu lieu le 23/06/2009. Au coeur du débat concernant le prélèvement d'organes, une question : faut-il créer un registre du "oui" sur lequel puissent s'inscrire les personnes favorables au prélèvement de leurs organes lors de leur décès ? Selon le Professeur Jean Leonetti, président du comité de pilotage des Etats-Généraux de la bioéthique, les Français seraient plutôt "pragmatiques et ouverts aux solutions pour augmenter le nombre de donneurs" dans le domaine des greffes d'organes. Roselyne Bachelot, ministre de la santé, s'interroge pour sa part sur la nécessité de réviser la loi tous les cinq ans : "Cela ne nous semble plus tout à fait approprié. Il faut aller peut-être vers un système de révision continuelle". Sources : Le Figaro (Sandrine Cabut) - Libération (Charlotte Rotman) - La Croix (Pierre Bienvault)

Pourquoi un registre du "oui" dans un contexte légal de consentement présumé ? Le saviez-vous ? Il existe déjà un registre du "non", sur lequel on peut s'inscrire si on ne consent pas au don de ses organes à sa mort. Mais l'Agence de la biomédecine, qui gère ce registre du "non", indique chaque année qu'il existe très peu de personnes inscrites sur ce registre. Pourtant, 30 pour cent des familles confrontées à la question du don d'organes opposent un refus de prélèvement des organes vitaux sur leur proche, ce taux de refus peut atteindre 50 pour cent en pédiatrie (service hospitalier soignant des enfants). Or on rencontre, dans notre société, très peu de gens contre les greffes. Peu de gens refuseraient une greffe ...

Alors, d'où vient ce refus ? Et s'il venait non pas de la question du don, mais de celle de la mort ? Quelle mort pour une donneur d'organes sur lequel les organes vitaux vont être prélevés ?

Consentement présumé, registre du "oui", registre du "non" : pourquoi tout cela ne marcherait-il pas comme cela le devrait, à savoir : de manière optimale ? Quel problème, bien plus profond et ignoré du grand public (et pour cause !), se cache derrière la question du don ? Et s'il s'agissait de la "règle du donneur mort", à savoir : tout donneur d'organes doit être mort sur le plan légal au préalable du prélèvement de ses organes vitaux. Or ce même donneur fait l'objet de soins avant d'aller au prélèvement. Ce mort légal est donc un mourant sur le plan physiologique. Est-ce éthique de prélever un mort légal qui est un mourant sur le plan physiologique ? Il faut bien l'admettre : l'aspect éthique du prélèvement des organes vitaux chez un donneur d'organes en fin de vie ne repose pas sur le fait que ce donneur est mort. Mais admettre cela, c'est accepter de remettre en question l'intangible "règle du donneur mort", qui a force de loi en France. Une question se pose alors : dans un contexte sociétal où la greffe est reconnue comme soignant et sauvant des vies, améliorant le confort de patients, comment promouvoir l'activité des prélèvements d'organes (car point de greffe sans prélèvement) si à aucun moment on ne s'affranchit de la "règle du donneur mort" ? Un registre du "oui" ne s'attaquerait au problème qu'en surface, tout comme le registre du "non" mis en place dans les années 90. S'attaquer au problème en profondeur, ce serait s'attaquer à l'intangible, l'inviolable "règle du donneur mort".

En 2008, le Professeur Bernard Debré affirmait : "Il faut sortir des dogmes avec lesquels on jongle pour justifier les prélèvements d’organes". Est-ce à dire que le Professeur Bernard Debré est contre l'activité des transplantations ? Non, assurément ! Pense-t-il à la "règle du donneur mort" en tant que dogme ? Peut-être. Peut-on être pour les greffes, mais contre la "règle du donneur mort" ? ...

Consentement présumé, registre du "oui", registre du "non", "règle du donneur mort" : des incohérences !




Prélèvement d'organes : repenser la "règle du donneur mort" ?

Vous allez être surpris : dans le cadre d'un prélèvement d'organes, la mort légale d'une part - état de "mort encéphalique", "arrêt cardio-respiratoire persistant" dans le contexte d'un prélèvement "à coeur arrêté", suite à un arrêt cardiaque chez un patient qui n'a pas pu être réanimé - et la mort physiologique du patient potentiel donneur d'organes de l'autre ne correspondent ... pas tout à fait.

Est-ce à dire que les prélèvements d'organes ne sont pas éthiques ? Eh bien, non. Mais il ne serait pas tout à fait éthique de dire que l'on prélève les organes vitaux de ces patients parce qu'ils sont morts. Pour effectuer un constat de décès légal dans le cadre d'un éventuel prélèvement d'organes, on se base en fait sur l'irréversibilité d'un état. Et non sur la mort d'une personne, à proprement parler. Commençons par le commencement. Les organes vitaux d'un cadavre (rigide) ne soignent personne. Ce diagnostic de mort légale, permettant le prélèvement des organes vitaux d'un patient, repose sur le constat médical de l'irréversibilité d'un état. Il serait néanmoins inapproprié de parler d'euthanasie, puisqu'il ne s'agit pas de mettre fin aux jours d'un patient en anticipation d'une fin de vie trop pénible (euthanasie au sens de "bonne mort"). Avec notre potentiel donneur d'organes, on a affaire à un patient en fin de vie, qui se trouve dans un état irréversible et pour qui, donc, le pronostic vital est sans espoir. Tout acharnement thérapeutique serait déraisonnable. On parle donc d'un patient en état de "mort encéphalique" ou d'"arrêt cardio-respiratoire persistant" précisément afin de signifier l'irréversibilité de cet état. Et c'est en se basant sur ce diagnostic d'un état irréversible que l'on va conduire ce patient au prélèvement de ses organes vitaux. Un patient en fin de vie rentre dans le cadre de la loi Leonetti d'avril 2005, dite loi sur les droits des malades en fin de vie. Or ce n'est pas le cas de notre potentiel donneur d'organes. Son cas à lui est prévu et encadré, sur le plan légal, par les lois bioéthiques d'août 2004, actuellement en cours de révision. Ces lois bioéthiques seront revues à horizon 2010. Et pourquoi le donneur d'organes ne relève-t-il pas de la loi sur les droits des malades en fin de vie ? Précisément du fait de la "règle du donneur mort". Depuis le début des prélèvements d'organes, "la règle du donneur mort" prévaut sur le plan légal. Le donneur d'organes doit être mort sur le plan légal, sans quoi le prélèvement de ses organes constituerait un crime. Cette règle a permis aux transplantations de prendre leur essor et de recueillir l'acceptation sociétale d'une telle pratique. Pour autant, elle ne correspond pas tout à fait à la réalité de ce qui se passe dans un service hospitalier de réanimation, où se trouvent les potentiels donneurs d'organes. Ces derniers sont sous respirateur (respiration artificielle) et font encore l'objet de soins (perfusion de leurs organes vitaux) avant d'être conduits au bloc où leurs organes vitaux seront prélevés. Sans ces soins, point de conservation d'organes vitaux possible. Il va sans dire que ces soins, qui ne sont plus dans l'intérêt du potentiel donneur d'organes, sont invasifs. Outre Atlantique, des médecins américains, de la prestigieuse Harvard Medical School, proposent depuis août 2008 de revoir cette "règle du donneur mort" qui est également imposée aux USA. Pourquoi pareille idée ? Ces médecins veulent-ils révolutionner la pratique des transplantations ? La faire interdire ou la dénoncer ? Pas le moins du monde. Ils souhaitent simplement ajuster la légalité des prélèvements d'organes à leur pratique, c'est-à-dire : il faut reconnaître que la justification éthique des transplantations, c'est la réalité d'un pronostic vital (diagnostic d'un état irréversible), et non la mort du potentiel donneur d'organes. Il s'agit d'adosser l'aspect juridique des prélèvements d'organes à leur pratique, et non de révolutionner une pratique qui, elle, ne fait (et ce depuis des décennies) que suivre les réalités observables au sein d'un service hospitalier de réanimation, là où se trouve notre potentiel donneur d'organes. Je cite ces auteurs : "Bien qu'il puisse être parfaitement éthique de prélever les organes vitaux, à des fins de transplantations, à partir de patients satisfaisant aux critères de diagnostic de la mort encéphalique, on ne saurait justifier l'aspect éthique de l'affaire en évoquant la mort de ces patients, car nous ne pouvons être convaincus que ces patients sont réellement morts au préalable du prélèvement de leurs organes".
"(...) although it may be perfectly ethical to remove vital organs for transplantation from patients who satisfy the diagnostic criteria of brain death, the reason it is ethical cannot be that we are convinced they are really dead." ("The Dead Donor Rule and Organ Transplantation", Robert D. Truog, M.D ; Franklin G. Miller, Ph.D., New England Journal of Medicine, August 14, 2008. www.nejm.org)
La réflexion de ces médecins américains est-elle exportable ? Il s'agit d'une autre société, et d'un autre support légal permettant la pratique des transplantations. Pour autant, d'un pays à l'autre, les réalités permettant les transplantations sont identiques : ne s'agit-il pas, en France comme aux USA, d'un diagnostic se fondant sur l'irréversibilité d'un état - c'est l'état jugé irréversible par les médecins qui va conduire à faire d'un patient un potentiel donneur d'organes. Il me semble qu'entendre ces réalités en France demanderait que l'on accepte de réfléchir au problème en consentant à évacuer la pression idéologique imposée par la "règle du donneur mort". Qu'aurait-on à y gagner ? Une plus grande transparence de la pratique des prélèvements d'organes, et sans doute aussi une plus large acceptation sociétale, mais reconnaître ce dernier point exigerait que l'on s'affranchisse de la "règle du donneur mort", ce qui, à mon avis, demandera du temps...

... Aussi, pour tenter de montrer le "bon" exemple, où, à tout le moins, faire preuve de bonne volonté :



Etats Généraux de la bioéthique

Le contexte

Dans le cadre de la révision des lois bioéthiques, prévue à horizon 2010, ont lieu des débats citoyens sur les thèmes visés par ces lois : tests génétiques à visée prédictive, mères porteuses, assistance médicale à la procréation, diagnostic préimplantatoire, don et greffes d'organes, etc. La volonté du gouvernement est que "les citoyens s'emparent des thèmes bioéthiques" : le but est donc de mettre en oeuvre une démocratie participative afin que les usagers de la santé puissent prendre part à ces travaux de révision des lois bioéthiques.

L'éthique est un questionnement (ici, sur une pratique médicale). C'est donc avant tout une démarche. Par exemple, on peut se demander : tout ce qui est possible est-il souhaitable, et pour qui ? Une loi définit un cadre, elle est contraignante pour l'ensemble des citoyens. Les lois bioéthiques encadrent donc des pratiques médicales scientifiques, sur fond de questionnement éthique (moral) permanent. Ambitieux...

L'Agence de la biomédecine, sorte de bras séculier des législateurs - les parlementaires (Assemblée Nationale et Sénat)- existe depuis mai 2005. Officiellement créée le 5 mai 2005 par décret dans le cadre de la loi de bioéthique du 6 août 2004, l'Agence de la biomédecine a été inaugurée mardi 10 mai 2005. Elle prend le relais de l'Etablissement Français des Greffes. Notons que cette Agence est issue d'une décision (ou d'un décret) parlementaire. On comprend le rôle fondamental de l'Agence de la biomédecine dans le contexte des travaux de révision des lois bioéthiques de 2004 (cette révision est prévue à horizon 2010). Les lois bioéthiques sont donc des contrats à durée déterminée (CDD) qu'il convient de réviser tous les 5 ans. Est-il si déraisonnable d'imaginer qu'à l'avenir (suite aux lois bioéthiques de 2010), l'Agence de biomédecine dispense les parlementaires de ce travail de révision, en s'en chargeant à leur place ? N'oublions pas que l'Agence est issue d'une décision parlementaire... Il sagit là certainement d'une question qui fait débat.

La question

Quelle éthique pour les transplantations d’organes ?

La science médicale actuelle "instrumentalise" le début et la fin de la vie, avec les recherches sur l'embryon (début de la vie) et les prélèvements d'organes sur patients dits en état de "mort cérébrale", ou en "arrêt cardio-respiratoire persistant", ce dernier état permettant les prélèvements "à cœur arrêté", qui ont repris en France depuis 2007. Il est troublant de constater que ces deux états distincts, dits de "mort cérébrale", ou d'"arrêt cardio-respiratoire persistant", ont pour seul objectif ... le prélèvement d'organes. Vous avez bien lu : ces deux formes de décès, validées sur le plan légal, n'existent que dans le contexte d'un éventuel don d'organes.

Pourquoi une (/des) forme(s) de mort (ou de décès) particulière(s), dans un contexte d'éventuel don d'organes ?

La seule science médicale échoue à définir le début et la fin de la vie, c'est-à-dire à fournir une définition universelle, univoque et définitive du début et de la fin de la vie. Les lois bioéthiques inscrivent donc des définitions relatives du début de la vie et de la mort dans la loi, afin de légaliser certaines recherches sur l'embryon (début de vie) et de permettre à l'activité des prélèvements d'organes (fin de vie) de prendre son essor. Si l'acceptation sociétale de ces pratiques dépend de l'aptitude des institutions à leur fournir un cadre juridique, il n'en demeure pas moins que la légalité d'une pratique ne peut plus être la garantie de sa moralité, car la recherche sur les embryons, mais aussi la fin de vie des donneurs d'organes, sur lesquels des mesures invasives sont effectuées aux seules fins de préserver les organes, posent des problèmes moraux, ou éthiques.

Pourquoi le constat de décès est-il relatif, dans le contexte d’un éventuel don d’organes ? C’est tout simple. La définition traditionnelle de la mort – qui est millénaire – implique la destruction irréversible des fonctions du cœur, des poumons et du cerveau. Or les états de mort permettant le prélèvement d’organes ne remplissent jamais ces trois critères : dans le cas de la "mort encéphalique", le cœur bat encore, tandis que dans celui de "l’arrêt cardio-respiratoire persistant", la destruction du cerveau ne peut être vérifiée au préalable du prélèvement d’organes.

Ce qu'il faut savoir dans l'affaire des transplantations d'organes, c'est qu'il y a anticipation du constat de décès, et que ce constat de décès anticipé est inscrit dans la loi. Les termes de "mort encéphalique" ou d'"arrêt cardio-respiratoire persistant" ne signifient en effet rien d'autre que : il est possible de prévoir le décès de ce potentiel donneur d'organes. C'est grâce à la possibilité de prévoir ce décès, ou de l'anticiper, qu'on va pouvoir récupérer des organes.

Car voyez-vous, les organes d'un mort ne soignent personne. Eh non...

Sans la légalisation du constat de décès anticipé, comment récupérer des organes ? Ce serait difficile, et les greffons seraient de qualité moindre, mettant en péril la réussite des greffes.

Vous n'étiez pas au courant et pensez que ces propos sont proprement scandaleux ? C'est normal !

Livrons-nous à un petit décryptage de la rhétorique institutionnelle sur le constat de décès dans le contexte d'un éventuel don d'organes. Le décès est avancé, or il existe une rhétorique pour cacher cet état de fait. L'auteur de cette rhétorique est ... l'Agence de la biomédecine, missionnée par l'Etat. Il s'agit d'une désinformation institutionnelle. Pourquoi institutionnelle ? Parce que l'Etat a donné un contrat à l'Agence de biomédecine : réaliser 5 000 greffes en 2010. L'Agence agit donc bien pour le compte de l'Etat. Le discours public sur les transplantations d'organes, orchestré par l'Agence de la biomédecine, dit bien : "donner ses organes après sa mort". Du coup, on se pose des questions sur le don, et non sur la mort. Eh bien, on a tout faux.
Le don, OK.
Mais quelle mort ???


Et c'est là que vous commencez à comprendre ! La mort légale, ce n'est pas la mort physiologique, et bien sûr ceci n'est valable que dans le contexte d'un éventuel don d'organes "après" sa mort - ce qui signifie : après sa mort légale, mais pendant sa mort physiologique ! Dans tous les autres cas de décès, donc hors contexte d’un éventuel don d’organes, mort légale et mort physiologique coïncident. Car point n’est besoin de récupérer des organes en état de marche. Donc point n'est besoin de parler de "mort encéphalique" ou de mort par "arrêt cardio-respiratoire persistant"...

En effet : ce tour de passe-passe légal est nécessaire pour récupérer des organes viables à des fins de transplantation. Ce n'est pas un crime, car c'est inscrit dans la loi d'une part, et d'autre part cela permet d'aider d'autres patients en attente de greffe.

Mais tout de même !!! Oui, vous avez bien compris :

La mort légale, le constat de décès légal, qui permet de faire d'un mourant (sur le plan physiologique) un donneur d'organes légalement mort, en disant qu'il est en état de "mort encéphalique" ou d'"arrêt cardio-respiratoire persistant", est bel et bien distincte de la mort physiologique, puisque notre potentiel donneur d'organes fait encore l'objet de "soins" (invasifs), mais qui ne sont plus dans son intérêt. Avez-vous déjà vu un mort sur lequel il est nécessaire d'effectuer des soins, de peur que son état ne se dégrade trop, ou devienne trop instable et que ses organes ne soient plus récupérables ? Un mort, ça ne devient pas "trop instable", pour ce qui est de son état général ! Vous avez tout compris : ce patient n'est pas un "mort". C'est un patient en fin de vie, non un simple réservoir d'organes, ce que suggère pourtant le constat légal de décès.

Dans un tel contexte : va-t-on dire aux chirurgiens transplanteurs :

"Allez-y les gars, faites comme chez vous, prenez tout ce qui vous chante !" ? ...

Alors, la mort encéphalique ne serait-elle qu'une fiction juridique, certes pour la bonne cause (récupérer des organes pour aider des patients en attente de greffe) ? La mort encéphalique, c'est un coma dépassé. Mais à force d'anticiper les décès, ne va-t-on pas prendre un coma profond pour un coma dépassé ?... Sur quels critères repose le constat d'un tel coma (dépassé) ? Ces critères sont-ils infaillibles ? Déjà, il faut savoir que les critères qui permettent de parler de mort encéphalique (et donc les diagnostics de cet état) varient d'un pays à l'autre. Bon courage...

C'est troublant, mais il faut bien l'admettre : si on réfléchit sans pression idéologique (c'est difficile : de plus en plus de patients attendent une greffe de rein !! 13 800 patients en attente de greffe en 2008) : le donneur d'organes est privé des droits de la personne, au même titre que l'esclave de jadis. Il existe un parallèle avec l'esclavagisme, puisque :

(a) à cette époque aussi, il y avait des textes légaux sur une pratique immorale
(b) le préjudice subi par l'esclave était nié : le discours officiel sur le don d'organes dément fermement tout ce qui est dit ici.
(c) il y avait négation des droits de la personne. Le donneur d'organes, quant à lui, n'est plus une personne, mais un simple réservoir d'organes, de tissus et d'os. Il est légalement mort. Ce n'est plus un patient, ce qui permet de pratiquer sur lui des "soins" invasifs qui ne sont plus dans son intérêt. Si ce donneur n'était pas mort, la déontologie médicale serait mise à mal ! "Primum non nocere" : "D'abord, ne pas nuire !", dit le serment d'Hippocrate.

Dans le contexte des états généraux de la bioéthique, l’Académie Nationale de Médecine et l’Espace éthique/AP-HP proposent une série de rencontres ouvertes au public et organisées autour d'une présentation faite par un spécialiste, suivie d’échanges avec deux intervenants dont un Académicien. Le 27/05, sur le thème "Prélèvements et greffes d’organes : Prélèvements sur donneur mort après arrêt cardiaque; processus et règles de répartition des organes", le Professeur Bernard Charpentier, Chef de service de néphrologie, Hôpital Bicêtre, AP-HP, membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine parlait de "la France d'en bas" par contraste avec "la France d'en haut" : je cite : "Nous avions la France d'en bas et la France d'en haut", dit-il pour exprimer le fait que dans son hôpital se faisaient à la fois les prélèvements d'organes ("la France d'en bas") et les greffes ("la France d'en haut"). Cette formule choc (choquante ?) montre bien que les droits du receveur sont prioritaires par rapport à ceux du donneur. Est-il usurpé de parler d'esclavagisme ? Quoi qu'il en soit, les greffes coûtent cher en dignité humaine. Le Professeur Bernard Charpentier rappelle en effet : "(...) les équipes de transplantation sont l'avocat du receveur en permanence. Donc elles veulent parfois trop en faire" (faire trop bien). Est-ce à dire que ces équipes sous pression souhaitent ouvrir un droit opposable à la greffe ? ... Il est clair que cet état de fait, qui n'échappe pas aux acteurs des transplantations, échappe totalement aux usagers de la santé, puisque le discours public sur le don d'organes est axé autour de la "règle du donneur mort". A aucun moment il n'est dit que le patient dont on va prélever les organes est un patient en fin de vie. Cet étrange décalage entre la réalité des faits et le discours public, qui n'est pas sans créer un malaise chez les acteurs du monde médical, montre bien que, pour un potentiel donneur en état de "mort encéphalique" ou d'"arrêt cardio-respiratoire persistant", mort légale et mort physiologique ne coïncident pas.

Tentons de continuer notre réflexion sans pression idéologique : on peut parler d'une volonté d'industrialiser le don d'organes. Puisque ça marche assez bien et que ça fait faire des économies à la Sécu : un patient qui a pu bénéficier d'une greffe de rein économise entre 9 et 13 ans de dialyse à la Sécu. Un greffon de rein (provenant d'un donneur "décédé") a donc une durée de vie moyenne variant de 9 à 13 ans. Or la plupart des patients inscrits sur la liste nationale des patients en attente de greffe (liste gérée par l'Agence de la biomédecine, qui assure la répartition des greffons) attendent ... un rein !

Le "consentement présumé" est l'instrument légal de cette industrialisation.

Nous sommes tous présumés consentir au don de nos organes à notre mort, c'est la loi. Or, on l'a vu, la loi n'est pas la morale. Voulons-nous nous diriger vers un utilitarisme de la mort ? Le discours public sur le don d'organes et celui sur les accidents de la route se ressemblent comme deux gouttes d'eau : les accidents de la route, comme la pénurie de greffons, font X morts par an. On ne nous demande plus si on est pour ou contre le don de ses organes à sa mort (quelle mort ??). Le don, présenté comme allant de soi, ouvre un droit opposable à la greffe : tout citoyen doit lutter contre les accidents de la route, tout comme il doit, autant que faire se peut, mourir solidaire, et non solitaire - c'est-à-dire faire profiter d'autres de ses organes, dont lui n'aura plus besoin, et non faire preuve d'égoïsme et de repli sur soi en s'opposant au prélèvement de ses organes à sa mort. Tout cela est bel et bien démocrate. Si ce n'est ce léger détail : le don fait consensus, tandis que le constat de décès du potentiel donneur d'organes pose des questions sur le plan de l'éthique. Cela vous surprend ? Pourtant le discours public a pour seul et unique objet la promotion du don d'organes. A aucun moment il n'est question de vous informer sur ces fameux problèmes éthiques concernant le constat de décès de potentiels donneurs d'organes.

Le consentement présumé pourrait bien n'être que ... très moyennement démocrate (au sens de : qui promeut ou pratique l'égalité sociale). Mais si on veut bien croire qu'il l'est, cela permet d'ouvrir un droit opposable à la greffe, qui est, et il faut le souligner, "économiquement rentable" (Mme Prada-Bordenave, directrice de l'Agence de biomédecine). Une greffe de rein économise à la Sécu entre 9 et 14 années de dialyse par patient...

Tout cela est bel et bien, mais les transplantations coûtent cher en dignité humaine, car les dérives existent, je ne vous apprends rien ! Que ce soit en France, avec l'Affaire d'Amiens en août 1991, ou en Chine avec l'affaire des "transplantations forcées", où des prisonniers politiques, adeptes du Falun Gong, ont été abattus pour leurs organes, au fur et à mesure des commandes. Dans le monde entier, des organes se vendent.

Que faire ? Il y aurait bien la piste des cœurs artificiels, et celle de la médecine régénératrice, avec les cellules souches. Ces dernières sont de deux sortes : celles dites "dérivées", obtenues à partir de cellules souches adultes et non à partir d'embryons. Elles ne posent pas de problème d'éthique, et leur potentiel thérapeutique est non négligeable, car elles ont finalement les mêmes propriétés que les embryons. Les autres sortes de cellules souches sont des cellules souches embryonnaires, donc directement issues de l'embryon. Leur utilisation, qui passe par leur destruction, pose des problèmes d'éthique : ne risque-t-on pas de s'acheminer vers une instrumentalisation de l'embryon ? Vous entendez tous les jours les Cathos (entre autres) sur le sujet... Vous entendez moins ces mêmes Cathos se plaindre au sujet de l'instrumentalisation de la fin de vie, à savoir : le prélèvement d'organes sur donneurs dont le constat de décès a été anticipé. Or pour être légale, cette pratique d'anticipation du constat de décès pose tout de même des questions de tous ordres : scientifique, religieux, philosophique, affectif, moral, humaniste, social, sociétal, psychologique, symbolique - "j'en passe et des meilleures !"

Nous sommes confrontés à un phénomène d'effacement de la réflexion éthique : on laisse la science "galoper" bien en avant ou en amont de la réflexion éthique, devenue ringarde.

Faut-il pour autant baisser les bras ? Ce qui pose problème, c’est la volonté d’ouvrir un droit opposable à la greffe. Rappelez-vous : au départ, la greffe était … l’exception qui confirme la règle : pas d’utilitarisme de la mort ! Il n’était pas question de faire de la greffe une indication courante pour tous les maux dont souffre la population vieillissante d’aujourd’hui : diabète, insuffisance rénale, etc., etc. Aujourd’hui, avec les prélèvements "à cœur arrêté", on tente de récupérer un maximum de reins à partir de personnes en arrêt cardiaque. Oubliée l’exception !

Pourtant, le don d’organes et les greffes devraient relever de l’exceptionnel et non de l’industriel (ce qui est l’exception ne peut pas devenir la règle). Le don ne peut être qu’un geste de solidarité humaine, qui relève de l’extraordinaire. L’industrialisation du don et de la greffe est criminelle. Elle relève d’une logique financière (faire économiser des années de dialyse à la sécu), qui ne peut que créer des deuils pathologiques à la chaîne, côté donneurs d’organes et leurs proches, comme côté receveurs d’organes et leurs proches, car les enjeux financiers dépassent les individus (familles confrontées au don). Le consentement présumé permet ce crime. Il est fondamentalement anti-démocratique, car il introduit dans la loi (ou le droit juridique) une inégalité face à la mort (les potentiels donneurs d’organes ont les droits des esclaves, les autres, qui décèdent hors contexte d’un don d’organes, ont les droits du patient, cf. la loi Leonetti d’avril 2005). La désinformation consiste à faire passer la promotion du don d’organes pour de l’information, et donc à masquer toutes les dérives du système, préjudiciables aux donneurs et à leurs proches comme aux receveurs et à leurs proches.

Va-t-on expliquer aux proches de ce potentiel donneur d'organes mourant qu'un don de rein rendrait bougrement service à un parfait inconnu et permettrait à la Sécu d'économiser entre 9 et 14 années de dialyse pour ce patient, si les proches du mourant disaient oui au don d'organes ?! Même dans "Urgences" ou "Dr. House", ils n'oseraient pas. On comprend que dans cette situation, le flou artistique de la "générosité" soit préférable. Il faut "magnifier le don", autre flou artistique permettant de ne pas évoquer des enjeux économiques qui dépassent les patients. Votre fils meurt, mais vous assurez ! Tout en étant à son chevet, d'une main vous comblez le trou de la Sécu, tandis que de l'autre vous "sauvez la vie" d'un patient en attente de rein. Et demain, vous vous portez candidat à la présidence de la République, à moins que ... vous ne tombiez dans une dépression aussi abyssale que le trou de la Sécu, car vous entendez sans arrêt, année après année, seconde après seconde, ce grain de sable qui crisse dans les rouages de la "générosité" : et si vous aviez abandonné votre fils au pire moment de sa courte existence ? A retenir : se méfier quand on vous remercie pour votre "générosité" : la roche Tarpéienne est proche du Capitole.

On le voit avec cette démonstration un peu poussée, certes à dessein : le don n'est pas pour tout le monde. Mais c'est aussi une noble cause. Pour certains, connaissant l'analyse qui est conduite ici, le don ne saurait être remis en cause : "Même si je suis en fin de vie, même si la question de la douleur lors du prélèvement d'organes n'est pas tout à fait claire pour moi, je souhaite donner mes organes à mon décès, afin de me rendre utile et de conjurer l'absurdité d'un décès survenu trop tôt". Voici ce que j'appellerais, dans ce cas, un consentement éclairé. Et courageux.

Le registre national des refus
Il est géré par l'Agence de biomédecine : "Les personnes s’opposant au don de leurs organes peuvent s’inscrire sur un registre dédié, le registre national des refus au prélèvement. Au 26 mai 2008, 72.112 personnes étaient inscrites. Il est probable que ce chiffre ne reflète pas la part de la population opposée au don et qu’il soit lié au manque de connaissance du public de l’existence de ce registre.

Le registre national des refus existe sous sa forme actuelle depuis 1998. Pour s’y inscrire, il faut remplir un formulaire disponible auprès de l’Agence de la biomédecine, puis le retourner à l’Agence qui a en charge la gestion de ce registre. En cas de disparition brutale dans des conditions compatibles avec le prélèvement d’organes, les médecins interrogent systématiquement ce registre.

L’inscription au registre empêche le prélèvement de l’ensemble des organes, tissus, cellules et produits du corps humain après décès. Elle permet de s’opposer à un ou plusieurs des types de prélèvements suivants : prélèvement à fin de greffe, prélèvement pour la recherche scientifique, prélèvement pour rechercher la cause médicale du décès (autopsie, excepté les autopsies judiciaires qui sont obligatoires).

L’inscription au registre national des refus de prélèvement est individuelle et possible dès l’âge de 13 ans. Elle est révocable à tout moment."

Que dit le Registre National des Refus, sur lequel on peut s'incrire lorsqu'on s'oppose au don de ses organes à sa mort ? (C'est l'Agence de biomédecine qui gère le Registre National des Refus, c'est donc auprès de cette agence qu'il faut s'adresser pour effectuer cette démarche) :

"Registre national des refus :
Je m’oppose à tout don d’éléments de mon corps après ma mort
- pour soigner les malades
- pour aider la recherche scientifique
- Pour rechercher la cause médicale du décès"


Petit commentaire :
"(...) après ma mort" signifie après ma mort légale (mais la population pense : après ma mort physiologique). Il y a là une ambiguïté, non résolue ... "Je m'oppose à soigner (...), à aider (...)" : formulation cynique à dessein ! Il faudrait être un monstre pour souscrire à un tel programme... Par ailleurs, on ne peut refuser une autopsie visant à déterminer les causes du décès en cas de mort suspecte, c'est la loi. Et il s'agit là de cas "fréquents" d'autopsie. A quelles situations correspondent les autres cas d'autopsie (les moins fréquents, en tout cas les moins connus) - là où on pourrait opposer son refus ? Ce n'est pas dit dans ce Registre. Enfin, ce mélange ou amalgame de différentes situations vise à masquer la spécificité de la situation propre au don d'organes : dans ce cas, le corps n'est pas refroidi, il fait encore l'objet de "soins" lorsqu'il est emmené pour le prélèvement d'organes. Dans les deux autres cas (don de son corps à la science, autopsie pour déterminer les causes de la mort), le corps est bel et bien refroidi.

Conséquence : peu de personnes sont inscrites sur le Registre National des Refus en France.

Le livre "Le Don d'organes pour les nuls" reste à écrire ! Il est urgent d’y consigner quelques réalités :

- Le donneur d’organes est un mourant, car le constat de décès anticipé est inscrit dans la loi.
- La pression économique pour récupérer des organes est majeure.
- Libre à chacun de décider, mais attention aux deuils pathologiques !
- La désinformation est criminelle, car ce qu’il aurait fallu faire durant les dernières décennies : reconnaître que les transplantations ne pouvaient constituer qu’une solution transitoire, et que derrière il fallait pédaler comme des fous pour avancer sur d’autres solutions plus éthiques (organes artificiels - coeurs artificiels -, cellules souches adultes, sang de cordon ombilical), au lieu de laisser croire que tout est de la faute des gens pas "généreux" qui refusent de donner leurs organes "après" leur mort... Cette vision est au mieux simpliste ou naïve, au pire cynique.
- La science instrumentalise le début et la fin de vie. C'est bien, c'est mal, c'est tout ce que vous voulez, mais c'est comme ça. Donc ne comptez pas sur les lois bioéthiques pour vous servir de Sainte Bible et vous dicter les 10 commandements "éthico-médicaux".

"Tes organes tu donneras car généreux tu seras".

Au fait, vous êtes plus pour le "don" ou pour le "consentement présumé" ?

Etats généraux de bioéthique 2009. L'année du Don

Les lois de bioéthique, c'est quoi ? Et les états généraux de la bioéthique ? En quoi tout cela me concerne-t-il ?





Télécharger avec un clic droit en WMA ou en MP3.

Ajout du 10/06/2009 :





Ajout du 11/06/2009 : le Registre National des Refus :

Que dit le Registre National des Refus, sur lequel on peut s'incrire lorsqu'on s'oppose au don de ses organes à sa mort ? (C'est l'Agence de biomédecine qui gère le Registre National des Refus, c'est donc à elle qu'il faut s'adresser afin d'effectuer cette démarche).

"Registre national des refus :
Je m’oppose à tout don d’éléments de mon corps après ma mort
- pour soigner les malades
- pour aider la recherche scientifique
- Pour rechercher la cause médicale du décès"


Peu de personnes sont inscrites sur le Registre National des Refus en France. Pourquoi ? Ecoutez ...





... Pour vos témoignages et réactions, c'est ici ...

"The nasty side of organ transplantation"





As you might know, bioethics law is currently being revised in France. Not sure, however, that anything will change, regarding organ harvesting. 5.000 transplants should be done in 2010… Presumed consent should, most likely, prevail in the new law as well. And, as usual, promotion of organ donation is called “information”. Dead donor rule (a legal fiction) will remain standard. But some surgeons and physicians in France begin to be willing, just like Dr David W Evans, a British physician, to publicly say that the donor is not a dead person. Of course, the question of pain remains unspoken, that is: publicly unspoken.

You may be aware that in France prevails a law on end-of-life patients’ rights: end-of-life patients should be granted a terminal sedation, in order to ease moral and physical pain and distress. (Leonetti Law of April 11, 2005, a law on the end of life and care). This law encourages the broad public to reflect upon the end of life theme. However, this reflection should not include the organ donor, as the dead donor rule still prevails. An organ donor is not a patient anymore, he is not a person. Because of the dead donor rule, reflecting on the organ donor’s end of life is merely impossible, absurd. Since a dead person experiences no pain. According to some transplant surgeons in France, public debate on the organ donor’s end-of-life is not likely to happen any time soon. This situation is hypocritical. A potential organ donor’s end-of-life should be “managed” just as prescribed by the law regarding end-of-life patients’ care. Once medical treatment has shown to be futile, and there is no treatment alternative left, and after a terminal sedation, if we have a potential organ donor there, then, let’s discuss the question of pain, first of all. Will the donor experience any pain? Do we have rock solid evidence he will not? In this situation, informed consent, based upon a clear appreciation and understanding of the facts, should prevail. This, however, should be a team decision, this team including medical staff as well as the potential organ donor’s family.

But in France, this situation (typically happening in the US and in Japan) is said to be unethical: “there is confusion and ambiguity between two distinct matters: medical care and treatment abandonment may interfere with the intent of retrieving organs, leading to organ retrieval conflicts, that is: a moral conflict of organ retrieval.” However, in France, the intangible dead donor rule is also unethical: a dying person is being deprived of a human person’s rights for the sake of organ donation. In this situation, informed consent, though prescribed by law, does not mean a thing…

Seems that we are not out of the ethical woods yet, neither in France, nor in the US (or UK, or Canada, or Japan) …

Rethinking the dead donor rule ?

"In the August 14, 2008 issue of the New England Journal of Medicine, Boucek et al. report on three cases of heart transplantation from infants who were pronounced dead on the basis of cardiac criteria. Moderator Atul Gawande, of Harvard Medical School; George Annas, of the Boston University School of Public Health; Arthur Caplan, of the University of Pennsylvania; and Robert Truog, of Harvard Medical School discuss key ethical aspects of organ donation after cardiac death."

==> Download transcript of the discussion (PDF)
==> View video : debate.

"The Nasty Side Of Organ Transplanting. The Cannibalistic Nature of Transplant Medicine". Author: Norm Barber.

==> Third Edition 2007 (PDF, 180 Ko, full version): download

“Transplant technology may be compared to an evil genie let out of a bottle and now won’t return.” (Nancy Scheper-Hughes, Organs Watch)

La citation du jour

"Dans le cadre des états généraux de la bioéthique, l’Académie Nationale de médecine et l’Espace éthique/AP-HP proposent une série de rencontres ouvertes au public et organisées autour d’une présentation du thème par un spécialiste pendant 45 minutes, suivie d’échanges avec deux intervenants dont un Académicien."

Le 06/05/09 avait lieu la rencontre intitulée : "Prélèvements et greffes d’organes" : "Consentement présumé, relations avec la famille, donneurs décédés et vivants, gratuité et anonymat."

Intervenants :
Pr. Bernard Devauchelle, Chef de service de chirurgie maxillo-faciale, CHU d’Amiens
Discussion : Dr. Renaud Gruat, Médecin responsable du SAMU et de la coordination des prélèvements, CH de Pontoise
Pr. Yves Chapuis, Académie nationale de médecine

Rappelons que le Pr. Bernard Devauchelle, avec son équipe, dont Sylvie Testelin du CHU d'Amiens et Benoît Langelé de l'Université Catholique de Louvain, a réalisé le 27/11/2005 la première greffe partielle du visage sur une jeune femme défigurée par son chien, Isabelle Dinoire.

Lors de cette rencontre à l'Académie Nationale de Médecine à Paris, le 06/05/09, le Professeur Bernard Devauchelle a parlé des prélèvements d'organes comme d'une "cérémonie" : je cite :
"Cette cérémonie du prélèvement d'organes se fait avec un respect du corps de celui qui est encore en vie et qui ne le sera plus après, ça c'est un point important qu'il convient de souligner. Par ailleurs, dans cette balance de mise en avant de la greffe par rapport au prélèvement, il s'avère que bon nombre des gens qui font les transplantations (i.e. greffe de foie, coeur, visage) sont ceux-là même qui font le prélèvement. Et dans le même esprit, il n'y a pas dissociation du tout, il n'y a pas transplantation [i.e. greffe, Ndlr.] sans prélèvement, et il est bon que ce soient les mêmes personnes qui fassent et l'un et l'autre".
==> Cette rencontre du 06/05/2009 est visionnable en ligne (voir).

Ajout du 09/05/09 : courriel envoyé ce jour au Professeur Bernard Devauchelle :
Bonjour Professeur Devauchelle,

En tant qu’usager de la santé, ai initié en 2005 un weblog d’information sur le thème "éthique et transplantation d’organes". Lors de votre présentation du 06/05/09 à l'Académie Nationale de Médecine, vous avez parlé des prélèvements d'organes comme d'une "cérémonie" : je cite : "Cette cérémonie du prélèvement d'organes se fait avec un respect du corps de celui qui est encore en vie et qui ne le sera plus après, ça c'est un point important qu'il convient de souligner. Par ailleurs, dans cette balance de mise en avant de la greffe par rapport au prélèvement, il s'avère que bon nombre des gens qui font les transplantations (i.e. greffe de foie, coeur, visage) sont ceux-là même qui font le prélèvement. Et dans le même esprit, il n'y a pas dissociation du tout, il n'y a pas transplantation [i.e. greffe, Ndlr.] sans prélèvement, et il est bon que ce soient les mêmes personnes qui fassent et l'un et l'autre".

Je l’avoue, ai été vivement intéressée par vos propos. Pourriez-vous en dire plus sur le "respect" dont vous parlez : quelle anesthésie pour un donneur d’organes, étant donné qu’un tel patient en fin de vie devrait entrer dans le cadre de la loi Leonetti d’avril 2005 (loi sur les droits des malades en fin de vie), ce qui est inenvisageable en France d’un point de vue légal, puisque le donneur d’organes est dit "mort" (règle du donneur mort). Dans un tel contexte, force est de constater que la mort légale n’équivaut pas à la mort physiologique…

J’ai été très impressionnée (en tant qu’usager de la santé) par votre présentation qui, à mon sens, témoigne d’un constant effort de réflexion éthique dans vos propos. Par la même occasion, je souhaiterais vous dire que j’ai eu des témoignages de chirurgiens préleveurs m’avouant leur fatigue (voire leur détresse morale parfois ; ces chirurgiens en activité souhaitent garder l’anonymat). Le nombre des patients en attente de greffe a explosé, ce fait constitue une tendance lourde, ce qui laisse à penser que la greffe serait une "indication courante". La greffe, qui semble être envisagée comme un "réflexe de la forme", pour tous les maux dont souffre une population vieillissante, fait bien vite oublier … que la greffe passe par le prélèvement. "Il n’y a pas greffe sans prélèvement", voilà qui, à mon sens, pointerait vers les limites du système : est-il réellement possible d’industrialiser le don d’organes ? Et si ce n’était pas le cas : quelle éthique pour les patients en attente de greffe ?

Merci par avance pour votre temps et votre attention. Avec mes salutations respectueuses.
Catherine Coste

Le coin des livres

Mini-chronique sur cinq livres passionnants :
- Pr. Daniel Loisance : "Le coeur réparé", Editions Robert Laffont, 1999
- José Saramago (auteur portugais, prix nobel de littérature) : "Les intermittences de la mort", Points, 2008 (livre de poche)
- Dr. Jill Bolte Taylor : "Voyage au-delà de mon cerveau". Une neuro-anatomiste victime d'un accident cérébral raconte ses incroyables découvertes. Editions JC Lattès, 2008
- Atul Gawande : "Better. A Surgeon's Notes on Performance", Ed. Picador, 2007 ; "Complications. A Surgeon's Notes on an Imperfect Science", Ed. Picador, 2007 (ces deux livres n'ont pas encore été traduits en français. Leur auteur a pourtant été finaliste au "National Book Award" !)



Pour expliquer les prélèvements d'organes...

Et si l'information sur le don d'organes s'affranchissait de la promotion du Don ?
Il faudrait alors parler de la mort. Le Don, OK. Mais quelle mort ?

Vous allez entendre une petite histoire de la mort au fil des décennies et serez surpris de savoir à quel point ... elle a changé de visage ! Cela est particulièrement vrai lorsque l'on aborde la question du don d'organes.

"Règle du donneur mort", "mort encéphalique", prélèvements "à coeur arrêté", "consentement présumé", "arrêt cardio-respiratoire persistant"... Si vous ignorez tout de ces termes "barbares", ou si, au contraire, vous croyez tout savoir, écoutez !



La déontologie médicale des transplantations


Voici la suite du blogpost "Pour expliquer les prélèvements d'organes". Découvrez une analyse un tout petit peu provoquante d'un "thriller médical" haletant : "Le coffre aux âmes", du Professeur David Khayat, paru aux Editions XO en 2002. Rappelons que le Professeur David Khayat est cancérologue : il dirige le service d'oncologie à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris.



"Pré-supposés des transferts d'organes", par A-C Masquelet, Université Paris-Diderot (Paris VII)

"Pré-supposés des transferts d'organes", par A-C Masquelet, Université Paris-Diderot (Paris VII) : cette étude est téléchargeable à partir du site internet du Centre Georges Canguilhem, Université Paris Diderot (Paris 7) :

centrecanguilhem.net


"Jusqu’où une société peut-elle permettre la manipulation instrumentale d’un donneur ou les modifications de la détermination de la mort pour le bien d’un receveur ?"
En France prévaut le consentement présumé sur le plan légal : si nous nous retrouvons un jour en état de "mort encéphalique", nos proches devront témoigner de notre "consentement présumé" au don de nos organes à notre mort : c'est-à-dire que nos proches devront soit confirmer notre consentement (si nous consentions à ce don de notre vivant), soit l'infirmer (si nous ne consentions pas à ce don de notre vivant). Mais nos proches ne sont pas censés donner leur opinion dans cette circonstance ! Cela vaut pour la question du don. Voyons maintenant l'autre versant qu'implique tout prélèvement d'organes : la question de la mort.

Quelle mort pour le donneur d'organes ?

La famille peut-elle faire le choix de la définition de la mort au nom d'un proche donneur potentiel ? Ce donneur se trouve soit en état de "mort encéphalique", donc à coeur battant, soit dans un état dit d'"arrêt cardio-respiratoire persistant" suite à un arrêt cardiaque réfractaire aux tentatives de réanimation. Notons que dans ce dernier état, distinct de la mort encéphalique, la preuve de la destruction du cerveau ne peut être apportée au préalable du prélèvement d'organes.

L'auteur de cette étude, M. Masquelet, répond :
"Non, la famille ne peut faire le choix de la définition de la mort au nom d’un proche."
Résumons ici l'analyse de M. Masquelet :

"En France, les traits saillants sont la délégation de la mort à l’instance médicale et hospitalière, une certaine hâte à accomplir le deuil, une instrumentalisation généralisée du corps, et une confusion entretenue entre altruisme et civisme."
Ce constat n'est pas brillant... Et si notre refus de réfléchir sur la fin de vie du potentiel donneur d'organes, nous le masquions par un idéal de Solidarité, s'exprimant forcément par le don d'organes, sous peine d'être accusé d'égoïsme et de repli sur soi ? Mais au fait : est-ce faire preuve d'égoïsme et de repli sur soi que d'accepter de réfléchir, sans pression idéologique, à la fin de vie d'un potentiel donneur d'organes ?...

M. Masquelet : "Au Japon, la mort est vécue comme un processus qui se déroule au sein d’une forte tradition familiale ; toutefois le sentiment communautaire très fort n’est pas forcément corrélé à une solidarité s’exprimant par le don d’organes."
Voilà qui ouvre des perspectives à une réflexion sur la fin de vie du donneur d'organes autrement que par un pur réflexe de la forme, n'engageant aucune réflexion personnelle (et signant un refus de réfléchir sur la définition de la mort ?) : "soyons généreux, donnons les organes de notre proche".

Le don ; le refus : ils ne devraient pas être des réflexes de la forme...

Par quoi remplacer ces réflexes de la forme, qu'on nous a si bien inculqués ? "En considérant que les conditions d’effectuation des transplantations d’organes n’obéissent pas exclusivement à des présupposés d’ordre médical et que toute réflexion éthique doit inclure une dimension critique susceptible de conduire à un réexamen des règles établies."

Quel est l'enjeu d'un réexamen des règles établies ? Etablir de belles constructions satisfaisantes pour l'esprit ? Montrer que l'on peut se piquer, à l'occasion, de philosophie ? Non, l'enjeu est d'ordre vital ; il ne s'agit pas de "peigner la girafe" : quelle société voulons-nous, pour nous-mêmes et nos enfants ?
"Jusqu’où une société peut-elle permettre la manipulation instrumentale d’un donneur ou les modifications de la détermination de la mort pour le bien d’un receveur ?"
L'étude d'A.- C. Masquelet propose un parcours en trois parties :

"- un survol historique et un état des lieux qui me semblent indispensables pour bien saisir la problématique entre les définitions médicales de la mort et les transplantations d'organes ;
- une analyse critique des deux grandes définitions de la mort : la mort encéphalique et la mort par arrêt cardio-respiratoire, ce qui nous permettra, au passage, de nous interroger sur la notion d'irréversibilité ; notion philosophique s'il en est.
- l'éclairage de ces deux étapes nous permettra peut-être de mieux appréhender l'évolution et la situation des transplantations d'organes au Japon (...)."

==> "Pré-supposés des transferts d'organes", par A-C Masquelet (lire).

L'univers des transplantations en narration...

Un peu de sociologie pour commencer...

A l'ancien "Ce n'est qu'une histoire, donne-moi des faits" de la pensée logique se substituerait un "Ce ne sont que des faits, donne-moi des histoires". Oui, mais comment raconter l'univers des transplantations ? Encore un Nième discours de promotion du Don ? Ou, à l'inverse, comment rendre compte de ce réel complexe : celui des transplantations d'organes ?

Risquons une petite analogie :
Avons-nous trouvé une forme narrative pour expliquer la crise financière mondiale ? Pas vraiment. Nous avons bien quelques scénarios catastrophe sur fond de mondialisation, mais qui donnera un dénouement à la crise ? Qui en inventera un ? Les grands récits sont-ils encore possibles ? Les sciences sociales ont longtemps mis un réel complexe dans des systèmes pénétrés de "grands récits" scientifiques (positivisme). Le récit du Progrès. Les transplantations d'organes ont tout naturellement trouvé leur place au sein de ce récit sur le Progrès. Tout naturellement ? Ces grands récits n'ont-ils pas écrasé les singularités ? N'ont-ils pas connu ce qu'on pourrait appeler un "échec historique" ? Faut-il préférer une véracité relative à une vérité universelle ?

Alors, finis, les grands récits universels dogmatiques ? Serait-ce l'ère de la prolifération des récits singuliers, relatifs, multiples, interchangeables, tandis que les collectifs historiques et autres structures sociales seraient "remisés au magasin des curiosités" ?

Arrêtons-nous un instant sur cette "multiplicité des récits singuliers" : blogs, "réseaux sociaux", autofictions, mise en scène de soi (de multiples soi), construction de communautés. Que recherchons-nous à l'ère de l'open source ? Ce retour au récit témoigne-t-il d'une véritable "culture du narcissisme", propre à nos sociétés ? D'une tentative de réappropriation par les individus eux-mêmes de leur propre histoire ? D'une nostalgie du grand récit partagée aussi par les scientifiques ?

Le blog "Ethique et transplantation d'organes" : une narration au carrefour entre "réseaux sociaux" et éthique, sous tension.

==> (Lire. Document PDF, 1 page, 100 Ko)

"Le Don d'organes, Grande cause nationale 2009"

Que dit le discours institutionnel sur le don d'organes ?

Il faut savoir que ce discours est mis au point et orchestré par une seule institution, directement placée sous la responsabilité du gouvernement (le Ministère de la santé) : cette institution, c'est l'Agence de la biomédecine, qui a pris le relais de l'Etablissement Français des greffes en 2005. L'Agence de la biomédecine encadre l'activité médicale (à laquelle elle fournit aussi un cadre juridique) dans de nombreux domaines où la part de l'éthique est fondamentale (au sens où l'éthique vient questionner ces pratiques) : la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, le diagnostic prénatal (DPN) et le diagnostic préimplantatoire (DPI), l'assistance médicale à la procréation (AMP) (conditions d'accès, don de gamètes, mères porteuses...), les prélèvements et greffes d'organes, de tissus, de cellules, la médecine prédictive et l'examen des caractéristiques génétiques.

La Pause des Hospitaliers est un journal mensuel proposé aux acteurs du monde médical par la mutuelle d'assurance des professionnels de la santé (M.A.C.S.F.). Dans son édition de juin 2009 (N°28), ce journal rend compte de l'expérience d'une équipe de coordination des prélèvements d'organes : celle du Centre Hospitalier de Lens. Cette équipe a été mise en place en 2000.

==> Télécharger l'article.

Le Magazine de la santé, dans son émission du 05/06 (France 5), revient sur le sujet du "don d'organes" :

Il s’agit, pour les familles confrontées à la question du don d’organes, de confirmer le consentement présumé du donneur potentiel, qui se retrouve en état de mort encéphalique. Rappelons que nous sommes tous des donneurs potentiels, car nous sommes tous présumés consentants au don de nos organes à notre mort.

"Plus de 4.500 personnes en ont bénéficié l’année dernière, mais la France est toujours en situation de pénurie. Le don d’organes a été déclaré grande cause nationale 2009, et si aujourd’hui on connaît bien les modalités du prélèvement d’organes et des transplantations, il y a une étape que l’on connaît moins, c’est la sélection du donneur.

A partir du moment où la famille confirme le consentement présumé de la personne décédée, c’est une véritable course contre la montre qui va s’engager car il faut impérativement vérifier que les organes qui vont être prélevés sont en bon état et qu’ils ne présentent pas de risque pour le receveur.

Alors quels sont les critères qui peuvent permettre de savoir si l’on peut prélever ou non un organe ?

Voici un reportage qui montre l’exemple d’un prélèvement d’organes au centre hospitalier de Versailles (78) : 'Cet homme de 59 ans transporté par le SAMU est mort il y a quelques heures d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Sur le brancard, il est maintenu sous oxygène afin de préserver ses organes. Pour savoir si l’équipe de prélèvement peut intervenir, la première étape consiste à s’entretenir avec la famille. Sophie Breynaert, infirmière coordinatrice à l’hôpital Mignot à Versailles : ‘On a [l’infirmière coordinatrice et le médecin du service de réanimation, ndlr.], dans un premier temps, expliqué à la famille la mort cérébrale, et là j’ai revu la famille pour aborder la question du don d’organes. Le monsieur avait évoqué le sujet de son vivant avec sa sœur et sa mère, donc c’était quelque chose qui était bien clair pour eux et quand on leur a expliqué la mort cérébrale, ils ont fait d’eux mêmes le rapprochement avec le don d’organes’. L’entretien avec la famille est aussi essentiel pour connaître les antécédents médicaux et le mode de vie du défunt. Mais contrairement au don du sang, l’orientation sexuelle n’est pas un frein [en France, la loi interdit aux homosexuels de donner leur sang, ndlr.]. Ici on cherche plutôt à déterminer d’éventuels risques qui pèseraient en défaveur d’un prélèvement d’organes. Sophie Breynaert, infirmière coordinatrice à l’hôpital Mignot à Versailles : ‘Pour quelqu’un qui a par exemple des partenaires multiples, avec un risque de sida qui n’est pas nul, on va peut-être hésiter. Si c’est quelqu’un qui est consommateur de drogue(s), on le sait, alors, à ce moment-là, on va peut-être éviter. Mais ce sera toujours dans le cadre d’une discussion avec l’Agence de la biomédecine, afin de mesurer la balance bénéfice-risque. Si là on a un receveur qui a absolument besoin d’un foie dans les 72 heures parce que sinon, il meurt, on va peut-être moins se poser de questions’.

En ce qui concerne les vérifications, la coordinatrice a l’obligation légale d’interroger le Registre National des Refus afin de vérifier que la personne n’était pas opposée de son vivant au prélèvement. [Or très peu de personnes ont fait la démarche pour s’inscrire sur ce registre ! A noter que la formulation de ce registre est à dessein très négative : en refusant le prélèvement de ses organes après sa mort – or techniquement c’est faux : le prélèvement se fait lors de la mort du donneur, car il faut des organes encore oxygénés pour que la greffe puisse ensuite marcher – on s’oppose au progrès de la science et on refuse de soigner. Cela confine à un refus d'assistance à personne en danger. Qui irait s’inscrire sur un tel registre ? Il faudrait être un monstre de cynisme ! Ndlr.] Le potentiel donneur montré dans ce reportage n’était pas inscrit sur le Registre National des Refus, ‘ce qui est logique par rapport à l’entretien avec la famille’, commente l’infirmière coordinatrice de l’hôpital Mignot.

Deuxième étape primordiale : on réalise un bilan sanguin. Les analyses sérologiques obligatoires doivent exclure le VIH, les hépatites, la toxoplasmose et la syphilis. Ces analyses doivent également permettre d’évaluer le bon fonctionnement des organes en vérifiant la vitesse de coagulation et l’oxygénation du sang. Ensuite, direction le scanner. ‘Bronchites chroniques avec un tabagisme non sevré, au moins un paquet et demi par jour depuis… très longtemps’, commente un médecin, avant de réaliser le scanner. [L’information a été obtenue auprès de la famille, questionnée sur le mode de vie du donneur potentiel, ndlr.]. Grâce aux données recueillies auprès de la famille, l’équipe évalue la qualité des organes qu’elle est susceptible de prélever. Toutes ces étapes sont nécessaires et permettent de mettre en évidence des contre-indications. [Sophie Breynaert :] ‘Il y a quelques maladies qui peuvent contre-indiquer le prélèvement d’organes de manière absolue. Le sida, la rage, la tuberculose active et quelques maladies neuro dégénératives comme le Creutzfeldt-Jakob, par exemple. Voilà, c’est tout. Les cancers ne contrindiquent pas le prélèvement d’organes, le diabète non plus, pas plus que l’hypertension artérielle, ou toutes ces maladies qui peuvent être, souvent, chroniques, chez des personnes de 60 ans et plus. Toutes ces maladies ne contrindiquent absolument pas le don d’organes.’

Direction le bloc, où toute l’équipe décide de prélever les reins en bon état du donneur [80 pour cent des patients en attente de greffe attendent un rein, ndlr.]. Les organes sont placés dans la glace et c’est maintenant une autre équipe qui va prendre le relais pour les transporter jusqu’aux receveurs."

Plus d’information sur le site dédié de l’Agence de la biomédecine :
www.dondorganes.fr