Scientific MOOCs follower. Author of Airpocalypse, a techno-medical thriller (Out Summer 2017)


Welcome to the digital era of biology (and to this modest blog I started in early 2005).

To cure many diseases, like cancer or cystic fibrosis, we will need to target genes (mutations, for ex.), not organs! I am convinced that the future of replacement medicine (organ transplant) is genomics (the science of the human genome). In 10 years we will be replacing (modifying) genes; not organs!


Anticipating the $100 genome era and the P4™ medicine revolution. P4 Medicine (Predictive, Personalized, Preventive, & Participatory): Catalyzing a Revolution from Reactive to Proactive Medicine.


I am an early adopter of scientific MOOCs. I've earned myself four MIT digital diplomas: 7.00x, 7.28x1, 7.28.x2 and 7QBWx. Instructor of 7.00x: Eric Lander PhD.

Upcoming books: Airpocalypse, a medical thriller (action taking place in Beijing) 2017; Jesus CRISPR Superstar, a sci-fi -- French title: La Passion du CRISPR (2018).

I love Genomics. Would you rather donate your data, or... your vital organs? Imagine all the people sharing their data...

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Médecine et écriture : une heureuse rencontre !

"Le médecin-écrivain, l'éthique et l'imaginaire", un article original en langue française, qui vient tout juste de sortir dans "Les Cahiers de l'éthique" : une analyse de l'oeuvre du Dr. Marc Zaffran, médecin et écrivain. Transmettre l'éthique médicale par la fiction ? Pari tenu pour le Dr. Martin Winckler : lorsqu' écriture et médecine cheminent main dans la main au fil de la plume, c'est une véritable bouffée d'oxygène. Une urgente bouffée d'oxygène. On va déjà mieux, merci Docteur ...

Pourquoi un médecin utilise-t-il la fiction pour raconter ce qui s'est vraiment passé ? Le vrai par le faux, ça nous mène où ? Le Dr. Zaffran, connu par les lecteurs sous le nom de Martin Winckler ("La Maladie de Sachs"), nous fait découvrir, au fil de citations fort bien mises en valeur, ce processus qui permet de dire le vrai, l'éthique, le réel en passant par la fiction - serait-il possible de s'en passer, de cette fiction ?

Merci au Dr. Martin Winckler pour ce brillant essai de synthèse ! Voilà qui m'est très utile pour progresser dans le roman que je prépare ...

Source : 

Sciences : la place des femmes (Pr. Axel Kahn)

Le généticien Axel Kahn a publié en avril 2010 "Un type bien ne fait pas ça  ... Morale, éthique et itinéraire personnel", aux éditions Nil. Il y évoque la place des femmes dans la société, dans la science et dans sa vie. Un passage particulièrement intéressant [p. 52-55]:

" Il y a une manière d'être au monde propre aux femmes que j'ai ignorée jusque tard dans ma vie. Jusqu'à vingt ans au moins, mes relations avec les femmes restent superficielles et somme toute assez lointaines. A cette époque, le monde est pour moi divisé en deux sphères, l'une, dominée par la figure de mon père, contient ce qui relève de la pensée, l'autre, qui est celle de ma mère, se limite au domaine des sentiments. Il est établi que ma mère puis ses belles-filles sont exclues du cercle exclusivement masculin composé de mon père et de ses trois fils unis et de leurs échanges arides, éthérés et souvent stériles. Imaginez des réunions familiales où les trois belles-filles discutent entre elles, les hommes ne leur adressent pas la parole et débattent entre eux de philosophie, d'histoire et de la nécessité du beau, du vrai et du juste. Si, par hasard, l'une des belles-filles tente de se mêler à leur conversation, le regard qui se porte sur elle dans l'instant est un subtil mélange de surprise et d'énervement. Reconnaissons-le, nos débats sont dénués de tout contact avec la réalité, et nous ne faisons rien pour solliciter leur participation. (...) Je le confesse, l'idée d'une relation à égalité avec une femme est venue bien plus tard, la conscience de la richesse de l'être féminin m'apparaîtra en toute clarté dans le monde de la recherche. (...) Comment ces femmes parviennent-elles à la fois à s'occuper de leurs enfants et à ne rien céder à leur ambition ? Je les vois agir et exercer leur métier avec une intensité bien supérieure, déployant une énergie et une efficacité à faire pâlir leurs collègues masculins. Passer d'une communication dans un congrès international à un coup de fil à la crèche, d'une expérience capitale à un rendez-vous avec un proviseur pour leur enfant en difficulté, de l'organisation d'un voyage dans une université à l'étranger à la lecture sur le Net des résultats d'une équipe concurrente, ne les effraie pas. Les hommes, eux, focalisés sur leurs recherches, ne savent pas jongler entre différentes occupations avec la même agilité. Pour autant, si leurs carrières sont les mêmes sur le plan scientifique, le plafond de verre existe, aucune femme ne m'a succédé à la tête de l'Institut Cochin." Copyright Nil éditions, Paris 2010.

Prélèvements "à coeur arrêté" : l'étrange omerta

Prélèvements "à coeur arrêté" : Un changement radical dans la pratique des prélèvements d'organes, à l'insu de la population !

Les prélèvements "à coeur arrêté" : des protocoles de prélèvement de reins et de tissus controversés, qui vont pourtant être inscrits dans la loi, à l'insu de la population et dans l'indifférence générale. Francis Jubert, président de l'association pour la Fondation de Service politique, propose de se mobiliser. Or avant de se mobiliser, il faut s'informer. Voici donc l'information au sujet des prélèvements "à coeur arrêté". Que chacun juge par lui-même ...

Dans le contexte du toilettage des lois bioéthiques, la nouvelle version devant paraître entre juin et septembre 2010, voici le IVème et Vème article du dossier sur les dons d'organes paru sur Décrytage, le site de l'association pour la Fondation de Service politique présidée par Francis Jubert (Syntec).
Ces articles concernent les prélèvements "à coeur arrêté". Très complets, très documentés, à lire absolument ! Je m'engage à dénoncer ce qu'il faut bien appeler une étrange omerta : malgré de graves problèmes d'éthique posés par la pratique des prélèvements "à coeur arrêté", les lois bioéthiques, dans leur nouvelle version, ne tiendront aucun compte de ces graves problèmes et la pratique des prélèvements "à coeur arrêté" va être inscrite dans la loi, à l'insu de la population et dans un climat d'indifférence générale. La lecture des deux articles proposés ici est très éclairante : elle montre que les tentatives visant à légiférer afin d'élargir le "pool" des donneurs d'organes sont contre-productives et font courir au don d'organes un risque considérable : au lieu d'élargir ce "pool" de "donneurs" dans un contexte de pénurie d'organes à greffer, le don d'organes s'achemine vers une crise. Pour tout dire, l'acceptation sociétale de cette pratique est une fiction : qui dans la population sait qu'une situation d'arrêt cardiaque peut faire de chacun de nous un potentiel donneur d'organes ? Les circonstances d'un "don" de reins et de tissus dans le contexte des protocoles de prélèvement "à coeur arrêté" tels qu'ils sont décrits dans les deux articles proposés à la lecture sont aliénantes pour le don d'organes et ne peuvent rencontrer l'acceptation sociétale en l'état. Il est urgent que les professionnels de santé, les politiques et la population se mobilisent contre l'inscription de tels protocoles dans la loi.
Patient greffé rénal, patient en attente de greffe rénale, mobilisez-vous ! Je vous demande de lire ces protocoles de prélèvements "à coeur arrêté" et de réagir. Le don d'organes, après tout, c'est aussi votre affaire, il vous appartient de faire en sorte qu'il rencontre l'acceptation sociétale ...
En tant qu'auteur du weblog d'information "Ethique et transplantation d'organes", je souscris pleinement à l'appel suivant, en espérant que Dr. Jean Leonetti, médecin député, auteur principal de la loi d'avril 2005 sur les droits des malades en fin de vie, nous entendra :

"L’introduction silencieuse d’un tel programme, uniquement dans le but d’augmenter le pool d’organes disponibles, ne peut que modifier profondément le contexte de la mort en France, au risque d’aboutir à un désaveu social envers le principe même de l’éthique des greffes.

Du fait de la complexité des enjeux, il est peu probable que l’ampleur des questions puisse être réglée à l’occasion du débat parlementaire préparant le réexamen de la loi de bioéthique. À ce titre, nous recommandons un moratoire de ces prélèvements, préambule à la mise en place d’un vaste débat sociétal et pluridisciplinaire qui explore tous les aspects controversés du sujet. Il conviendrait qu’une mission d’information parlementaire spécifiquement dédiée à cette thématique soit créée sur le modèle de la mission relative à la fin de vie et prenne le temps de la réflexion. Ce n’est pas un décret qui permettra de résoudre sereinement les objections argumentées de nombreux spécialistes que nous avons exposées dans cet article."
(source)

Le don d'organes côté CAC40
Si le don d'organes était une valeur cotée en bourse ...
Des spéculateurs et/ou traders s'intéresseraient à la tendance haussière ou baissière du don d'organes coté en bourse (CAC40, Dow Jones), des traders pourraient gagner des milliards d'Euros en spéculant sur le don d'organes à la hausse ou à la baisse. Si j'étais trader, si j'étais le Jérôme Kerviel des transplantations d'organes cotées en bourse, alors je spéculerais à la baisse sur le don d'organes, après lecture de ces deux articles. Car nul doute que les "prélèvements à coeur arrêté" vont agiter le "marché" du don d'organes, le rendre volatile et instable. Les gouvernements d'Europe et celui des Etats-Unis s'entendent pour empêcher une spéculation à la baisse sur l'Euro afin d'éviter une crise de confiance dans la capacité financière des pays de l'UE (capacité à rembourser leur dette nationale) - crise qui conduirait au démantèlement de l'Union Européenne. Le contexte économique et politique tel que nous venons de le résumer présente d'indéniables similitudes avec celui de la bioéthique, dont les prélèvements "à coeur arrêté" relèvent. Une mission d'information relative aux prélèvements "à coeur arrêté" pourrait certes établir un utile dialogue avec la population, mais aussi et surtout une nécessaire confiance. Faute de cette confiance, de nombreux Jérôme Kerviel, qu'ils soient journalistes, médecins, usagers de la santé, députés, vont se mettre à spéculer à la baisse sur le don d'organes. Il ne faudra plus écrire : "Faute de don, 223 personnes sont décédées en 2009" (source : Agence de la biomédecine), mais : "La crise de confiance qui affecte actuellement le don d'organes a entraîné un taux de refus record, si bien que XXX personnes sont décédées en 2010, faute d'acceptation sociétale."
A quand une "Affaire d'Amiens" dans le contexte de prélèvements "à coeur arrêté" ?
Dans les années 1990, l'Affaire d'Amiens (portée en justice) avait causé bien des remous chez les professionnels des transplantations. Des parents ayant autorisé le prélèvement du coeur et des reins de leur fils en mort encéphalique ont découvert par la suite, "grâce" à une incroyable bévue administrative (l'hôpital leur a fait parvenir la facture des prélèvements !) que bien d'autres organes, tissus et os avaient été prélevés à leur insu et bien sûr contre leur volonté - dont les cornées, ce qui a beaucoup affecté ces parents. Le travail de deuil de ces parents a été rendu impossible par le non respect de leur volonté. Gageons que sans moratoire sur les prélèvements "à coeur arrêté", l'écho de similaires et désagréables affaires portées en justice ne va pas tarder à parvenir aux oreilles de la population. Cela a déjà commencé. Rappelons-nous ce gros titre du "Monde" de juin 2008 : "Le donneur n'était pas mort" : ce "cas", dans le cadre d'un prélèvement "à coeur arrêté" qui fort heureusement pour le" donneur" n'a pas eu lieu, est analysé dans le livre d'un sociologue de la Sorbonne, publié en mars 2010 chez Gallimard NRF. Nul doute que l'écho de désagréables affaires serait considérablement amplifié par les médias, les spécialistes et la population, avec les conséquences désastreuses sur le don d'organes que cela supposerait.

Don d’organes (IV) : "Prélèvements douteux sur les donneurs à cœur arrêté" (05/2010)


Don d’organes (V) : "Le donneur à cœur arrêté est-il toujours mort ?" (05/2010)

Appel à témoignage

Proche confronté à la question du don d'organes et/ou de tissus, patient en attente de greffe ou greffé, professionnel de santé, député, consultant, avocat activiste des droits de l'homme, universitaire sociologue, ou simple curieux qui passait par là, venez réagir et témoigner sur ce blog ! Ensemble, faisons émerger des histoires de vie si fortes qu'elles en bouleversent parfois les grands principes, pointant vers d'autres réalités, d'autres vécus, d'autres valeurs. Quel est finalement le "corpus de valeurs" de la médecine de remplacement ? Existe-t-il seulement ? Avant d'être liées aux Principes, nos valeurs ne sont-elles pas avant tout le fruit de notre vécu ?
J'aimerais parler ici de ma motivation. Ayant recueilli depuis mars 2005 quantité de témoignages (voir "catégories" citées plus haut), je me rends compte que les faits et principes si chers à la France cartésienne sont parfois contredits par des histoires individuelles très fortes. L'éthique appliquée a-t-elle la place qu'elle mérite en France ? Les professionnels de santé ont-ils su sensibiliser les usagers de la santé à des problèmes de bioéthique complexes sans verser à l'excès dans le moule de la pensée unique ?
Quelques petits exemples de ce qu'on pourrait qualifier de "décalage" entre les principes et la pratique :
  • L'anonymat du donneur d'organes est un principe qui a force de loi en France. Pourtant, tout patient greffé peut voir, pour peu qu'il récupère son dossier médical, l'âge du donneur ou de la donneuse. Que lui importe le reste ? Avoir le rein de quelqu'un qui est décédé à 70 ans, voilà qui est différent d'un rein prélevé sur un jeune donneur ou une jeune donneuse se trouvant en état de mort encéphalique suite à un accident...
  • Les deux-tiers des patients en attente de greffe en France attendent un rein. Avec la population qui vieillit, beaucoup de gens âgés viennent s'ajouter sur la liste nationale des patients en attente de greffe. L'éthique doit obligatoirement s'adapter à des contraintes financières. Voici un exemple bien concret : les prisonniers se trouvant en insuffisance rénale sévère ne peuvent pas être dialysés. Mettre en dialyse tous les prisonniers souffrant d'insuffisance rénale sévère coûterait bien trop cher à la Sécu. Dans bien des cas, ces patients incarcérés vont donc se retrouver prioritaires sur la liste des patients en attente de greffe ...
  • Un médecin me racontait récemment qu'il avait suivi un Français originaire du Sénégal, ayant bénéficié de ... cinq greffes de rein ! "Dès que ce patient partait voir sa famille au Sénégal, il buvait de l'eau pas propre qui lui flinguait les reins, et hop, c'était rebelotte pour la greffe !", m'a expliqué ce médecin, ajoutant que ce patient, père de six enfants, est tout de même décédé relativement jeune, à l'âge de 65 ans ...
  • Dans son livre paru en mars 2010 aux éditions Gallimard NRF, "La transplantation : un commerce nouveau entre les êtres humains", le sociologue Philippe Steiner (université de Paris IV - Sorbonne) raconte une anecdote concernant un prélèvement "post-mortem" qu'il qualifie d'"exceptionnelle mais saisissante" : un même donneur a permis de greffer 56 personnes ! Il s'est par la suite avéré que ce donneur était atteint du SIDA. L'hôpital (les hôpitaux) a (ont) donc procédé au rappel de ces 56 patients greffés ...
  • Une infirmière cadre, ayant accumulé des années d'expérience dans le domaine des transplantations d'organes en France et en Suisse, me confiait récemment qu'elle était perturbée par ce qu'elle appelle "un constat de décès anticipé". "Maintenant, on prévoit la mort du patient [qui devient ainsi un potentiel donneur d'organes. Encore patient, déjà donneur ?], et ça, ça me gêne..."
  • Le Professeur Claude Huriet est venu témoigner à plusieurs reprises au Sénat et à l'Assemblée Nationale : il est un épisode douloureux pour les familles confrontées à la question du don des organes d'un proche potentiel donneur : c'est la fin de vie du donneur, qui est souvent réanimé, donc maintenu en vie artificielle, "prolongé", à des seules fins de conservation des organes. Il arrive fréquemment que le décès d'un (potentiel) donneur soit retardé, la fin de vie de ce donneur prolongée de quelques heures : les organes doivent rester perfusés dans l'attente de leur prélèvement au bloc. Ces réanimations sont douloureuses pour les proches et pour les équipes soignantes, a rappelé le Pr. Huriet.
  • Le donneur est-il anesthésié au préalable du prélèvement de ses organes ? Les pratiques varient. Certains anesthésistes utilisent des curares, qui permettent certes de paralyser les muscles (faire tenir le "mort" tranquille), mais ne peuvent à eux seuls garantir une anesthésie complète du patient donneur d'organes. D'autres utilisent des dérivés synthétiques de la morphine, efficaces contre la douleur. Or dans ce contexte j'ai pu recueillir quelques témoignages de soignants parlant de "sous-dosage anesthésique" au préalable et durant l'acte chirurgical du prélèvement des organes et des tissus. Aussi j'ai effectué une petite recherche : voici la procédure anesthésique utilisée à l'hôpital Henri Mondor de Créteil (2007): les agents dits "halogénés" (leurs molécules comportent plusieurs atomes de fluor) sont puissants et de ce fait utilisés à des concentrations inférieures à celles utilisées pour l'halothane (Fluothane) et L'ethrane (Enflurane). (Source : Encyclopedia Universalis, "L'anesthésie"). La procédure anesthésique utilisée à l'hôpital Henri-Mondor lors du prélèvement des organes d'un patient en état de "mort encéphalique" mentionne l'"anesthésie du patient par agent anesthésiant type halogéné (Isoflurane)", l'utilisation de "morphiniques associés à un myorelaxant (Pancuronium)" [le myorelaxant permet de relâcher ou de paralyser les muscles, Ndlr.], "permettant d'éviter l'exacerbation des réflexes médullaires [contraction réflexe d'un muscle, Ndlr.] à l'incision avec hypertension artérielle, hypertonie musculaire et mouvements (syndrome dit 'de Lazare')".
  • La question "douleur et prélèvement d'organes" pointe vers un potentiel divorce entre le principe (la "règle du donneur mort") et la pratique : les équipes soignantes doivent prendre en charge la douleur d'un patient qui n'est plus un patient mais un simple réservoir d'organes. Cette douleur n'est donc pas publique, or il importe de la prendre en charge : le devoir d'accompagnement d'un proche mourant ne saurait être "sacrifié" au Don.
  • Un chirurgien très actif dans le domaine de la greffe rénale se félicitait en mai 2009 de lutter très activement contre la pénurie de reins à greffer. Son idée : Au lieu de greffer un seul rein fonctionnel par patient - selon l'usage - il greffe deux reins qui fonctionnent ... assez mal, en espérant que, chez un même patient, deux reins qui ne fonctionnent pas très bien effectueront le même travail qu'un seul rein fonctionnel. Le principe est mécanique : ce chirurgien explique que sur une voiture, deux moteurs qui ne fonctionnent pas très bien peuvent effectuer le travail d'un seul moteur fonctionnant à peu près correctement ...
  • Dans son livre paru en avril 2010, "Un type bien ne fait pas ça !", le professeur Axel Kahn, généticien de renom (notre futur ministre de la Recherche et de l'Enseignement supérieur)mentionne un sujet d'inquiétude en ce qui concerne le don de rein de son vivant : il explique que les femmes s'y collent bien plus souvent que les hommes, alors que ce sont elles qui sont le plus touchées par les maladies qui attaquent les reins et causent une insuffisance rénale sévère. Les femmes se mettraient donc plus en danger en donnant un rein à un proche que ne le ferait un homme, du moins sur le plan statistique. Le professeur Kahn craint qu'en développant le don de rein de son vivant en France (actuellement, 92 pour cent des reins greffés proviennent de donneurs dits "cadavériques", 8 pour cent de donneurs vivants), l'inégalité homme-femme se trouve encore renforcée ... : " (...) [I]l y a une dizaine d'années, quand les greffes de donneurs vivants ont commencé, des statistiques ont été établies au sujet des greffes de reins entre époux. Et qu'a-t-on vu ? Que les dons de rein d'épouse à époux étaient bien plus fréquents que l'inverse. Alors même qu'une maladie auto-immune, responsable d'insuffisance rénale fatale (la glomérulonéphrite auto-immune, affection qui touche les glomérules du rein), frappait bien plus souvent les femmes que les hommes ... Ce résultat laisse très mal à l'aise. Ne traduit-il pas une autre forme de domination, difficile à avouer ?" [livre cité, p. 249, copyright Nil Editions, Paris 2010]. Le sociologue Christian Baudelot a donné un rein à son épouse Olga et milite pour le don de rein de son vivant. Il est l'auteur d'un livre écrit avec son épouse : "Une promenade de santé". Il se porte comme un charme ...

Je souhaiterais vous inciter à découvrir sur ce blog (ou ailleurs sur le net!) l'histoire de quelques patient(e)s greffé(e)s qui ont suscité tout mon intérêt et toute mon admiration : Aline Feuvrier-Boulanger, greffée du coeur en 2006, Isabelle Dinoire, première patiente ayant bénéficié d'une greffe des tissus composites de la face ("greffe du visage"), Hannah Jones, ado britannique greffée du coeur en été 2009... Comment ne pas mentionner l'histoire bouleversante de cette jeune femme de Vancouver, reine de beauté se destinant au métier d'actrice mais atteinte de mucoviscidose depuis sa plus tendre enfance, transplantée des poumons et décédée deux ans après en avril 2010 ? Eva Markvoort a tenu une chronique de sa vie et de sa maladie sur son blog unique en son genre, ayant fédéré des dizaines de milliers de fidèles dans le monde entier. Lors des J.O. de Vancouver en hiver 2009-2010, elle a été interviewée par des journalistes. Les reportages montrant Eva, dans la foulée des exploits sportifs réalisés lors de ces J.O., ont été diffusés sur des chaînes publiques (à très large audience) dans de nombreux pays. Eva est une star en Pologne, pays très catholique ! Lorsqu'elle était trop mal pour écrire, elle postait des photos prises sur le vif (de la douleur, des nausées, du désespoir, des moments de tendresse partagés avec ses proches, etc.) Ses parents, respectant ses dernières volontés, assurent la mise à jour de ce blog qui rassemble une communauté de malades, d'amis, de médecins du monde entier ... Qui a dit que la mort ne faisait plus partie de la vie ? Eva a laissé d'elle une trace virtuelle mais indélébile, une magnifique et unique sépulture en ligne, entretenue par ses proches avec amour et sur laquelle elle nous invite à venir nous recueillir, nous, les citoyens du monde et du virtuel. Gageons que ce cas encore unique fera école et sera bientôt étudié par des sociologues ...

Merci par avance pour vos témoignages et réactions !

Catherine Coste
cath.coste@laposte.net

==> VERSION AUDIO

“Ethique scientifique : de la falsifiabilité à la falsification ?” (Dr. Marc Girard)

Dr-Marc-Girard

Le Dr. Marc Girard est un spécialiste du médicament. Le 26/05/2010, à l’occasion d’une conférence sur l’éthique scientifique à Paris (ISEP, Paris 6ème), il constatait : “La science a dérivé vers une cléricature. Elle a donc tous les défauts d’une cléricature à l’heure actuelle.” Le propos de cette conférence était de replacer la science dans ses origines historiques pour comprendre ce que la science est supposée savoir faire. “Trop souvent, la science est dans le spectaculaire, là où elle devrait être dans le significatif.”

“Le sujet de mon exposé est l’éthique de la pratique de la science”. Trop souvent, “l’expertise se caractérise comme une usurpation de la démarche scientifique et éthique.” Le Dr. Girard a déploré un “manque de transparence sur la méthode et sur les résultats” présentés par certains experts. Ont été abordés (passés au crible de l’éthique) les domaines de la procréation médicalement assistée (PMA), celui des vaccins (H1N1) ou encore celui du “réchauffement climatique”.

Disons d’emblée que le Dr. Marc Girard est un habitué des plateaux télévision (“C dans l’air”), où il a largement contribué à alimenter la controverse sur le vaccin contre la grippe H1N1, depuis la parution de son livre : ”Alerte Grippale'”. Mais plus encore que ce livre extraordinairement documenté, curieusement publié chez Dangles, l’éditeur des voyantes et autres cartomanciennes, c’est un petit film largement diffusé sur internet (Dailymotion) qui l’a fait connaître : sanglant combat de boxe “Bachelot-Girard” sur le ring H1N1. Le 13 novembre 2009, le Dr. Girard remerciait sur son site l’auteur (anonyme) qui lui a adressé ce “facétieux montage”. Hier, il m’a confié qu’il avait été ému par ce montage-hommage, qui résume si bien l’affaire H1N1.

Bien que débattant de sujets ardus et abscons à première vue (la “falsifiabilité” est un concept de science empirique, on le doit au philosophe des sciences Karl Popper), la conférence a donné lieu à des débats animés, où spécialistes et non spécialistes avaient leur mot à dire. “Quels sont d’après vous les sujets sur-exposés par les médias dans le projet de révision des lois bioéthiques, et quels sont ceux dont on devrait parler davantage ?”, a demandé un ancien membre du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine. La question est certes pertinente : la révision de ladite loi se fait précisément en ce moment ! La gestation pour autrui fait couler beaucoup d’encre mais concerne peu de monde, alors que plus de 12 greffes sont pratiquées chaque jour en France, tandis que nous sommes tous présumés consentir au don de nos organes à notre mort, c’est la loi. On a pu observer “un changement qualitatif de la greffe, induit par la quantité” (Pr. Jean-Michel Boles, CHU de Brest). Voilà qui n’est guère crié sur les toits. Le discours public nous serine qu'on a bien plus de probabilités de devenir receveur que donneur, dans cette affaire des transplantations. 12 greffes par jour, bientôt 13, il en faudrait entre trois et quatre fois plus. Il faut trouver chaque jour quelque quatre donneurs sur l'hexagone. Avant 2007, les donneurs étaient des patients se trouvant en "mort encéphalique" (un pour cent de l'ensemble des décès). Depuis 2007, pour élargir le "pool" des donneurs, on peut devenir donneur d'organes suite à un arrêt cardiaque non récupéré. Voilà qui change la donne ! "L'arrêt cardio-respiratoire persistant" qui va faire de vous un donneur "post-mortem" (reins), cela concerne nettement plus de monde que la "mort encéphalique" ! La population est-elle prévenue qu'un arrêt cardiaque jugé "irréversible" peut faire de chacun de nous un donneur d'organes "post-mortem" ? Absolument pas. Or, pas plus qu'il ne faut éveiller l'eau qui dort, surtout ne pas éveiller la méfiance et l'esprit "critique" de l'usager de la santé, dans un contexte légal de consentement présumé ... Deux tiers des bientôt 15.000 patients en attente de greffe attendent un rein. Dans cette affaire des transplantations, l'éthique consiste à adapter l'offre à la demande : dans un contexte de pénurie de "don" d'organes, il faut élargir le "pool" des donneurs. L'éthique accompagne cet effort permanent de réparation, de remplacement de "pièces détachées" du corps humain. Le sociologue Philippe Steiner (université de Paris IV) présentait le 2 février 2010 son livre paru depuis chez Gallimard NRF : "La transplantation d'organes. Un commerce nouveau entre les êtres humains". A cette occasion il raconte l'anecdote suivante, qu'il qualifie d'"exceptionnelle mais saisissante" : à partir d'un même donneur d'organes, de tissus (peau, veines), de tendons et d'os, 56 personnes ont pu être greffées ! Il s'est par la suite avéré que ce donneur était atteint du sida, l'hôpital (les hôpitaux) a donc rappelé (ont donc rappelé) les 56 patients greffés pour adapter le suivi post-greffe à cette nouvelle "donne", un peu comme Toyota a rappelé des véhicules défectueux récemment achetés ... Bientôt en Europe, on pourra faire mentionner sur son permis de conduire ou sa carte nationale d'identité si on souhaite "donner un organe" à son décès. Les Eurodéputés ont émis ce souhait, dans un esprit de compétition avec les USA : Steve Jobs, le patron d'Apple, récemment greffé du foie, et le sénateur californien et acteur Arnold Schwarzenegger ont fait voter une loi : sur son permis de conduire (en Californie, on ne peut se déplacer autrement qu'en voiture), tout citoyen californien doit obligatoirement mentionner sa position sur le don d'organes. Il est forcément "pour", ou forcément "contre". Combien d'organes et de tissus souhaite-t-il "donner" ? Dans quelles conditions ? Là, le citoyen californien n'a plus la main. La décision ne lui appartient pas. Rappelons qu'aux USA, le consentement présumé n'est pas inscrit dans la loi. C'est aussi le cas dans de nombreux pays d'Europe. Il faut effectuer une démarche si on souhaite être donneur d'organes. En France, c'est inutile. Mourez, les professionnels de santé s'occupent du reste. Ce qui est présumé, c'est que le citoyen ne souhaite pas avoir son mot à dire sur sa fin de vie. Il existe pourtant une loi sur les droits des malades en fin de vie (loi d'avril 2005, dite Leonetti). En France, république au passé activement catholique, on peut choisir sa vie à la rigueur, mais pas sa mort. Dans les pays européens très catholiques (comme l'Espagne), le "consentement présumé" passe comme une lettre à la Poste. D'autant que dans ce pays de la tauromachie, les cas de "mort encéphalique" sont bien plus nombreux qu'en France. En république laïque, la loi sur les droits des malades en fin de vie a encore du chemin à faire ...

Le temps des certitudes est révolu. Dans le techno-marché actuel, la distinction du vrai et du faux n’a plus cours. Serait-on entrés dans une ère de “nihilisme” scientifique ? Nietzsche, le philosophe allemand, avait en son temps parlé de “nihilisme littéraire”. “Dieu est mort !”, avait-il écrit, dans son livre intitulé “Par delà Bien et Mal”. Voilà qui avait fait désordre dans la Bavière catholique de l'époque ... Il ne faut pas attendre que la science soit sacrifiée sur l’autel du techno-marché, il faut agir maintenant ! "Qu'est-ce que vous nous racontez là ? Depuis la bombe atomique, il n'y a plus d'éthique de la science !", a lancé un intervenant dans la salle. Un philosophe allemand avait dit qu'après Auschwitz, on ne pourrait plus jamais écrire de poème. MC Solaar et tant d'autres lui ont donné tort.

Le label de l'expertise

Quelle a été l’image de l’expert au fil des siècles ? Le Dr. Girard nous fait voyager dans le temps, de Molière au Robert en passant par le Littré : croustillantes citations assimilant l’expert d’antan au coquin : expert en plaisirs de la chair et de la table, ou encore en intrigues de demi-mondain, façon "Les liaisons dangereuses". L’expert était un libertin, une catin. Aujourd’hui, les experts sont le pain quotidien des médias. Pour débattre d’une question, les animateurs s’entourent d’experts – leur assurance qualité. L’image de l’expert se situe aujourd’hui aux antipodes de celle donnée – dénoncée – dans un passé pas si lointain. Nos experts d’aujourd’hui ouvrent un "droit à prévoir" ("grippe porcine") dont nos contemporains, relisant leurs classiques (Molière) seraient bien inspirés de se méfier. Dans la bouche des "experts", les mots plus que jamais sont des armes dans la controverse scientifique. L’éthique est devenue "une éthique de la conviction", dans l’optique d’"influer sur le techno-marché". Voir la controverse sur le réchauffement du climat, etc.

Laisser couler l’éthique avec le Titanic ?

Pas question ! Ce que veut le Dr. Girard, c’est aiguillonner les institutionnels, démocratiser l’éthique : il vous invite à participer à un atelier de travail interdisciplinaire rassemblant ceux qui pensent que l’activité scientifique du futur "ne peut plus faire l’économie d’une refondation éthique radicale".

Voilà qui ne manque certes pas d'ambition. Et si, pour commencer, on lisait (ou relisait) ce livre du Dr. Jean Leonetti, médecin député, auteur de la loi d'avril 2005 sur les droits des malades en fin de vie, rapporteur de la mission d'information sur la révision des lois bioéthiques, président de la Fédération Hospitalière de France (FHF) : "Quand la science transformera l'humain. 20 scénarios pour demain", paru chez Plon en janvier 2010 et écrit pour l'ensemble des usagers de la santé ...

Dr. Marc Girard : "Ethique scientifique : de la falsifiabilité à la falsification ?"

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Source :
http://www.rolandsimion.org/spip.php?article131

Le coordinateur des transplantations d'organes : ni Père-Noël, ni livreur d'Ikigami

Quelle est l'image du coordinateur ou de la coordinatrice des transplantations pour le grand public ? Au détour d'un couloir dans un grand CHU de Paris, on entend des collègues commenter, à mi-voix : "Ce boulot est tuant pour la personnalité !", tandis que le grand public imagine souvent l'infirmier ou l'infirmière chargée de coordonner les équipes de transplantation d'organes (prélèvement et greffe) comme un rouage anonyme, d'indispensables petites mains qui accomplissent des "miracles" sur le plan de la logistique, pour que le mort saisisse le vif ...

Les associations chargées de promouvoir le don d'organes, déclaré grande cause nationale en 2009, parlent de don de vie. La vie. Point. Il s'agit pourtant d'une vie qui passe par la mort. Côté pile, la vie ; côté face, la mort. C'est parce qu'on prévoit que quelqu'un va mourir en service de réanimation qu'un don d'organes, de tissus, de veines, d'artères, d'os ... va être possible.

Le possible, côté pile et côté face

Le côté face, rarement, voire jamais mis en avant dans le discours public, est le domaine du coordinateur ou de la coordinatrice des transplantations et celui des équipes chirurgicales de prélèvement d'organes. Le côté pile est celui des équipes chirurgicales chargées des greffes d'organes, puisqu'un même donneur peut donner plusieurs organes, tissus, veines ou artères, os ... ce qui permet de greffer plusieurs patients à partir d'un seul donneur.

Si le coordinateur ou la coordinatrice des transplantations était le Père-Noël, voici à peu près le discours qu'il ou elle tiendrait aux familles confrontées à la question du "don" d'organes : "Votre proche est malheureusement décédé, mais grâce à d'anodins prélèvements 'post-mortem', d'autres malades vont pouvoir être sauvés. Au lieu de pourrir ou de brûler, des organes et tissus vont pouvoir permettre à des patients condamnés de revivre !"

Comme le coordinateur ou la coordinatrice des transplantations n'est pas le Père-Noël, son travail consiste à faire accepter aux proches confrontés à la question du don d'organes la réalité de la mort d'un être aimé qui se trouve être non pas un "cadavre", mais une "vie sur le départ". C'est à partir de cette vie sur le départ que des organes vont pouvoir être prélevés. Si le donneur était mort avant le prélèvement de ses organes, il n'y aurait pas besoin de coordinateur ou de coordinatrice des équipes de transplantation d'organes. Le Père-Noël suffirait à la tâche : convaincre des proches endeuillés d'accepter de faire un "don de vie". Dans ce conte de Noël, la pénurie d'organes n'existerait pas, l'être humain se verrait doté de l'extraordinaire capacité de donner la vie même après sa mort, la médecine de remplacement serait une médecine comme une autre, voire la plus belle des médecines qui soit au monde.

Le possible côté pile, c'est le "don". Le possible côté face, c'est le "sacrifice"

Un médecin réanimateur en fin de carrière, ayant travaillé très longtemps dans un grand hôpital universitaire parisien très actif dans le domaine de la transplantation d'organes, me confiait récemment : "Il faut faire preuve d'une abnégation extraordinaire pour accepter le don des organes d'un proche au moment de son décès !" En théorie, tout le monde - plus ou moins - est capable de cette abnégation. Mais une fois confronté à la réalité des faits ? "Un patient en état de mort encéphalique, moi j'en ai déjà vu un, c'était mon cousin. Et je vous assure que j'avais pas envie de dire : 'Allez-y les gars, servez-vous, faites comme chez vous !' quand on est venu me réclamer ses organes ! Mon cousin, il était encore chaud, on aurait dit qu'il dormait ! Pour moi, ce qui m'a gêné, c'est qu'on est venu me réclamer les organes d'un mort. Et en vrai, mon cousin n'était pas mort au moment où on est venu me réclamer ses organes." Ce témoignage d'un homme d'une vingtaine d'années m'a été confié il y a deux ans. Ce proche a manifestement eu l'impression qu'on cherchait à lui raconter que les bébés naissent dans les choux ... A trop vouloir simplifier la tâche de la famille confrontée à la question du don d'organes, on est manifestement contre-productif. Don ou sacrifice ? A chacun de décider. Laissons les familles confrontées à la question du don d'organes appréhender la complexité de la situation. Il incombe à ces familles de décider de la réalité de la mort de leur proche, et à elles seules. Les familles qui ont le devoir d'accompagner leur proche mourant ne manqueront pas de poser des questions telles que : "Docteur, pouvez-vous m'assurer qu'il [elle] n'aura pas mal si on lui prélève des organes ?" Don ou sacrifice ? Et si les deux questions étaient liées ? ...

Le Père-Noël nous enseigne qu'il n'y a aucun conflit d'intérêts dans le "don" d'organes. Les coordinateurs ou coordinatrices des transplantations affirment que leur tâche consiste justement à éviter le conflit d'intérêts, un peu comme cet agent de la circulation qui régule le trafic à un grand carrefour lorsque les feux de circulation sont en panne. Réguler n'est pas masquer. Je chosis bien ma vie, pourquoi ne devrais-je pas pouvoir choisir ma mort ? "Ce sont nos choix qui font de nous ce que nous sommes", expliquent les parents à leurs enfants.

Faire de la médecine des transplantations une médecine comme une autre, c'est proposer que la société (l'Etat) devienne le propriétaire du corps humain à son décès afin que tout individu qui, de son vivant, ne se sera pas opposé au "prélèvement de ses organes à sa mort", soit prélevé - le prélèvement d'organes est alors comparable au prélèvements sur nos revenus lorsque nous payons les impôts. N'est-il pas du devoir de tout citoyen de payer ses impôts ? N'est-il pas du devoir de tout citoyen de donner ses organes, une fois le moment venu ?

"L'appropriation conditionnelle du corps par la société" est un système proposé au gouvernement par quelques chirurgiens transplanteurs. Il préconise que soit légiféré pour définir un propriétaire du corps humain, ce qui n'a pas été fait jusqu'ici afin d'éviter la marchandisation du corps. Ce propriétaire, ce serait l'Etat.
De "l'appropriation conditionnelle du corps par la société" à la "loi pour la prospérité nationale"
Motorô Mase est un auteur très connu au Japon. IKIGAMI est une histoire très troublante, à laquelle personne ne peut rester indifférent. Pour avoir lu les 6 volumes de cette manga (le 7ème à paraître dans quelques mois), je peux vous dire qu'on n'en ressort pas indemne.

"Ikigami : un thriller d'anticipation ou l'émotion suscitée se heurte à la terreur de cette société à la fois extrêmement proche de la nôtre et parfaitement aliénée par l'idéologie."

La BD Manga de Motorô Mase : "Ikigami. Préavis de mort" (thriller d’anticipation sociale terrifiant de réalisme) montre que la société fonctionne, mais que, prix de ce fonctionnement, elle a dû faire des compromis ou impasses sur l’éthique.

La loi pour la prospérité nationale est présentée comme un don de vie. Dans ce pays où cette loi a été votée, tous les enfants sont vaccinés à leur entrée à l'école. Mais un vaccin sur mille contient une micro-capsule qui explosera entre l'âge de 18 et 24 ans, causant la mort de la jeune personne. Cette loi a été jugée comme étant le moyen le plus efficace de faire prendre conscience à la population de la valeur de la vie. Le discours public répète que grâce à cette loi le PNB et la natalité sont à un niveau optimal, tandis que la criminalité a régressé. Le prix de cette prospérité est a priori accepté, sinon connu, de tous : un jeune sur mille doit mourir pour le bien de la nation. L'idéologie du "un pour tous" prime sur celle du "tous pour un". Ce sacrifice imposé à l'individu au nom de l'Etat est reconnu d'utilité publique. Recevoir l'Ikigami constitue donc le dernier des honneurs : un jeune sur mille a l'honneur de mourir pour le bien de tous.

"Ikigami" : Monsieur Fujimoto, livreur de "préavis de décès"

Monsieur Fujimoto est un jeune fonctionnaire qui a reçu pour mission de délivrer dans sa circonscription l'Ikigami, le préavis de décès annonçant qu'il ne reste plus que 24 heures avant explosion de la capsule. En suivant de près ou de loin le sort des hommes et des femmes à qui il vient annoncer la mort, il en vient à se poser des questions interdites sur la légitimité de cette 'Loi pour la Prospérité Nationale'.

Dans le premier tome, on découvre les rouages de l'administration entourant l'Ikigami, ainsi que la théorie politique derrière la Loi de Prospérité Nationale. Les deux victimes de la Loi sont un jeune homme qui tente de se relever après des années de brimades à l'école, et un chanteur de pop qui a abandonné ce qui comptait le plus pour lui dans l'espoir d'atteindre la gloire plus vite. Dans le deuxième tome, le fonctionnaire Fujimoto continue de réfléchir au sens de son travail de livreur d'Ikigami, tandis que deux nouvelles jeunes personnes apprennent leur mort prochaine : une jeune femme plongée dans la solitude par un petit ami trop ambitieux, et un garçon qui doit annoncer à sa vieille patiente que, pour la seconde fois, la nation réclame la vie de l'homme qu'elle aime. La première fois, cette vieille patiente était jeune mère de famille, son mari partait à une guerre dont il n'est jamais revenu. La seconde fois, c'est une vieille femme qui refuse de marcher et de s'alimenter, sans qu'aucun des soignants de la maison de retraite où elle coule des jours malheureux n'y puisse rien changer. Une nouvelle recrue, maladroite et incompétente, va pourtant faire des miracles auprès de cette dame qui se laisse mourir. Les deux se sont trouvés. La jeune recrue retrouve sa grand-mère bien aimée, trop tôt disparue dans un contexte familial très difficile, et la veille dame revoit son jeune mari partant à la guerre. Vous devinez la suite : la jeune recrue reçoit l'Ikigami, mais dans les 24 heures qui lui restent ce garçon fera tout pour aider sa "grand-mère" bien aimée à retrouver le goût de la vie ... Dans le tome 3, le fonctionnaire Fujimoto semble avoir accepté sa situation et ses supérieurs le trouvent de plus en plus discipliné, mais en réalité, il se pose toujours plus de questions sur la légitimité de la loi. Cette fois, il doit livrer l'Ikigami au fils d'une politicienne qui base sa campagne sur le renforcement de la loi de prospérité nationale, et aide une autre jeune victime à cacher la vérité à sa soeur aveugle. C'est grâce au don des cornées de son frère à sa mort que la soeur retrouvera la vue. Mais ce don est particulier : la soeur ayant pressenti ce don dans le contexte d'un décès lié à l'Ikigami, elle l'avait refusé. Tout le personnel hospitalier et les autres patients de l'hôpital vont donc jouer une incroyable comédie à la soeur : le temps est avancé d'une heure ! Mais cela, la jeune patiente aveugle en attente d'un don de cornées ne doit le savoir à aucun prix. Voyant son frère toujours vivant à ses côtés alors qu'elle croyait que l'heure fatidique avait sonné, elle se laisse emmener au bloc pour recevoir les cornées d'un donneur anonyme. La vérité, elle l'apprendra bien sûr, mais aura déjà retrouvé la vue. Désormais elle n'a plus qu'un but : vivre et voir pour son frère qui a été si généreux... Dans le volume 4, un jeune élève qui connaît des problèmes familiaux accule par jeu un professeur honnête, bienveillant et dévoué à ses élèves au renvoi, avant de recevoir l'Ikigami. Fujimoto doit livrer ce même Ikigami à une jeune maman, qui vit avec celui qu'elle aime ... moins mais dont elle a eu un enfant : cette petite fille si touchante qui illumine ses jours. Ce bien aimé semble être devenu "un idiot irresponsable, cribilé de dettes"... Le volume 5 met en scène la vie au lycée : la jeunesse porte en elle une énergie débordante, qui permet d'accomplir de grandes choses, et même de se soulever contre un statu quo inacceptable. Mais c'est aussi une période à laquelle on a plus que jamais besoin de l'approbation du groupe, et c'est dans ce terreau que se développe le fascisme. Entre un graffeur poussé par le désespoir à dénoncer la loi et une classe de lycéens où sévit la délation et l'intégrisme, Fujimoto a de plus en plus de mal à garder ses opinions secrètes. Dans le volume 6, à force de partager ses questionnements avec ses collègues, Fujimoto se retrouve forcé de prouver sa loyauté, au prix d’un terrible sacrifice : il dénonce celle qu'il aime. Mais quand un jeune journaliste décidé à combattre pour la liberté de la presse reçoit l’Ikigami, la situation s’emballe et jette le jeune fonctionnaire au cœur d’un affrontement idéologique mortel, dont il ne ressortira pas indemne. Une jeune bloggeuse en pleine déconfiture professionnelle sera tirée d'affaire par un jeune lecteur qui postait des commentaires sur son blog, dont celui-ci : "Je viens de recevoir l'Ikigami"...

"Un Thriller d'anticipation sociale terrifiant de réalisme" ?
"Ikigami", je l'avoue, me met fort mal à l'aise car je ne peux m'empêcher d'imaginer cette BD manga transposée au domaine des transplantations d'organes. En même temps, qui serait assez fou pour aller imaginer une industrialisation de la greffe ayant pour mythe fondateur un authentique conte de Noël : le donneur d'organes est mort avant le prélèvement de ses organes !? Qui serait assez fou pour aller imaginer que le mythe fondateur de cette industrialisation du don et de la greffe, ce serait de faire croire que l'on peut soigner tout le monde !? Dans ce monde de fous, le coordinateur ou la coordinatrice des transplantations ne serait plus cet agent de régulation du trafic rencontré plus haut. Quel serait-il ou quelle serait-elle ? Un livreur d'Ikigami ? Un flic chargé d'extorquer des consentements, simple maillon de la chaîne ? La lecture d'Ikigami provoque un indéniable malaise. J'ai été poussée à lire cette BD car un de mes anciens élèves, un joyeux drille d'une vingtaine d'années, m'en a parlé avec des larmes dans la voix. Il appartient à chacun d'entre nous de faire en sorte que le malaise provoqué par cette lecture lui soit salutaire ...

Hôpital Expo Paris 18-21/05/2010

Beaucoup de monde lors des cérémonies d'inauguration du salon ! Comme je ne suis qu'une modeste bloggeuse, ai attendu mon heure pour approcher les principaux acteurs de ce salon, en particulier ceux qui organisaient des ateliers et conférences de HIT Paris 2010 (Health Information Technologies, les technologies de l'information et de la communication dans le domaine de la santé, dites "TIC Santé"). Mon heure, vous vous en doutez, fut le vendredi après-midi. Les prestigieux acteurs des cérémonies d'inauguration du salon ayant disparu des projecteurs, mes interlocuteurs, faute de mieux, n'avaient que moi à se mettre sous la dent ! Faute de grive on mange du merle, dit la sagesse populaire. Le merle bloggeur souhaite remercier tous ses interlocuteurs rencontrés lors du salon Hôpital Expo qui se tenait à Paris Porte de Versailles du 18 au 21 mai 2010 !

En particulier, un grand merci à :

Francis Jubert, de Syntec informatique,
Mes contacts à la Revue hospitalière de France. Directeur de la publication : Dr. Jean Leonetti,
Mes interlocuteurs de la revue Tout prévoir, du groupe Pasteur Mutualité,
Ludovic Coralie, directeur éditorial de la revue Information Hospitalière : "Les cahiers de l'information hospitalière. Le magazine de l'information médicale en ligne", filiale de Lavoisier,
François Boissier, journaliste du comité de rédaction à APM International : Agence de Presse Médicale. APM émet des dépêches sur tous les sujets médicaux possibles et imaginables, et ces dépêches sont reprises par les journalistes (à mon humble avis un peu trop souvent en simple "copié-collé", alors qu'au bas de chaque dépêche un contact est fourni pour de plus amples informations. Le journalisme d'investigation se ferait-il rare en France ?) L'Agence France Presse ou AFP est une agence généraliste, tandis que l'APM est une agence spécialisée dans le secteur de la santé ...
Khim Chhuon, responsable du développement pour la partie TIC d'APM International: TICsante.com est le journal APM de l'informatique,
Gabriel Bourovitch, journaliste à TIC Santé
Mme Dominique Lehalle, journaliste e-santé.

Félicitations à Pierre Leurent, Président Directeur Général de Voluntis, éditeur de logiciel de santé, pour sa présentation sur Diabeo, solution innovante de suivi du diabète !

Syntec Informatique, la chambre syndicale professionnelle des SSII (sociétés de service en ingénierie informatique) et des éditeurs de logiciels, a présenté le Livre blanc 2010 : "L'hôpital numérique à l'heure de l'ouverture : vers un système d'information et de communication de santé". Décideurs hospitaliers, la page 52 de ce livre vous concerne !

==> Postface du Livre blanc

Blog sur l'éthique appliquée

Ouverture prochaine d'un blog sur l'éthique appliquée (applied ethics) en anglais.

==> http://todaysethics.blogspot.com/

Ethique normative et éthique appliquée

L'éthique appliquée se distingue de l'éthique normative. Ainsi, en France, l'éthique appliquée est mise en oeuvre au Centre d'Ethique Clinique de Cochin, tandis que l'éthique normative relève des compétences du Comité Consultatif National d'Ethique, instance consultative reliée au gouvernement.

L'éthique appliquée ne découle pas de l'éthique normative. Il ne s'agit pas d'une éthique satellite gravitant autour de l'éthique normative. L'époque du rideau de fer entre deux blocs, Est et Ouest, avec des pays satellites à l'Est gravitant autour du pays dit "grand frère", l'Union Soviétique, est révolue. Un professeur d'économie à Harvard disait en mars 2010 que le monde est devenu tellement complexe qu'il est impossible de le comprendre dans son ensemble. Les grands principes-tiroirs bien commodes pour ranger toutes les réalités, comme autant de chemises bien repassées, sont devenus inopérants dans le monde d'aujourd'hui.

L'éthique normative ne suffit plus à saisir le monde d'aujourd'hui, ni à le rendre plus démocratique ou plus juste. Plus que jamais, l'éthique de terrain a besoin de trouver sa place, de s'affirmer.

Avec un blogpost de juin 2009, intitulé "L'univers des transplantations en narration", nous avions initié une réflexion sur le rôle de l'éthique de terrain. Ce blogpost est le plus populaire !

Nous poursuivons à présent notre réflexion sur l'éthique de terrain avec l'analyse du livre intitulé "Le bazar bioéthique", écrit par le Dr. Véronique Fournier, directrice du Centre d'Ethique Clinique de l'hôpital Cochin, Paris (CEC) et publié en mars 2010 aux éditions Robert Laffont, dans leur toute nouvelle collection : "Le monde comme il va"...

L’éthique était en panne, j’ai pris l’escalier

Léon Spilliaert, “Vertige - l'escalier magique”
1908

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Bientôt 15.000 patients en attente de greffe en France, où plus de 12 greffes sont réalisées chaque jour. Pour réaliser des greffes, il faut des organes. Le “don” d’organes “post-mortem” contribue à 92 pour cent à l’activité des greffes, tandis que le don de rein de son vivant y contribue à 8 pour cent.

Le système s’emballe

Il faudrait trois fois plus de greffes chaque jour afin de venir à bout de cet insurmontable problème de pénurie d’organes à greffer. L’éthique est-elle prisonnière d’un système qui, victime de son succès, semble devenir incontrôlable ? Si l’éthique institutionnelle semble connaître quelques pannes, ou quelques emballements – et tendrait à dysfonctionner – l’éthique de terrain reste vigilante mais peine à se faire entendre. Pourquoi ?

Dans un contexte de pénurie d’organes à greffer – il faudrait réaliser trois fois plus de greffes chaque jour pour faire face à ce problème de pénurie, soit plus de 36 greffes par jour ! – les critères de définition de la mort ont été revus en 2006 afin d’élargir le “pool” des donneurs d’organes. Une situation d’arrêt cardiaque peut désormais faire de chacun de nous de potentiels donneurs, c’est la loi. Ces nouveaux critères de définition de la mort ne font pas l’unanimité, mais à l’heure où la pénurie de “greffons” prend littéralement à la gorge la médecine de remplacement, victime de son succès, bien fort celui qui arrivera à se faire entendre sur les problèmes éthiques flagrants que pose cette nouvelle définition de la mort au service du “don” d’organes. L’éthique est au service des besoins en greffons. Le nouveau protocole de prélèvement “à cœur arrêté”, inscrit dans la loi en France depuis fin 2006, permet de prélever des reins sur des donneurs dits “cadavériques”, soit : “morts par arrêt cardio-respiratoire”. Si on veut introduire un peu de transparence dans l’activité des transplantations d’organes (prélèvements et greffes) – rien n’est moins sûr ! – il convient d’envisager de plus près cette affaire de “prélèvements à cœur arrêté”, un tant soit peu plus complexe et moins morale que ce que l’éthique aurait un peu trop tendance à nous faire croire.

Afin d’illustrer ces propos, je souhaiterais mentionner une conférence sur l’éthique, prévue le 26 mai 2010 :

Ethique scientifique : de la falsificabilité à la falsification

“Tel qu’il est envisagé ici, le mot 'éthique' doit s’entendre dans deux sens :
- le plus traditionnel et le plus profond : la recherche de la vie bonne,
- le plus critique : l’exercice du jugement d’appréciation sur des actes qualifiés de conformes ou de non conformes à la recherche de la vérité.
Il s’agira donc, dans un premier temps, d’inventorier les éléments de fait qui autorisent à évoquer un état de décadence dans l’activité scientifique contemporaine. En effet, si Nietzsche avait pu diagnostiquer cet état dans la philosophie et la culture, à la fin du XIXe siècle, il apparaît que c’est, à présent, au tour de la science de se précipiter dans cette chute. Les signes de la décadence (qui n’ont rien à voir avec le statut incertain de la vérité scientifique) sont la négation de la vie par la dévotion envers l’artefact, la simulation, la modélisation, et le rejet de la clinique humaine et de la singularité, ainsi que la tentation de plus en plus manifeste, chez les experts, de transformer l’épreuve de falsifiabilité en falsification, au risque de compromettre l’honnêteté intellectuelle de la grande majorité des chercheurs et la crédibilité des résultats. Puis, via un questionnement autour de ce qui constitue la spécificité de l’activité scientifique par rapport à d’autres modes d’exploration du Réel, on s’attachera à reconnaître les causes et facteurs déclenchant d’une telle déchéance. Sur la durée de l’exposé, l’objectif ne sera évidemment pas de fournir des réponses définitives à des questions aussi fondamentales, mais à tout le moins de formuler des hypothèses et esquisser des pistes de réflexion susceptibles d’alimenter une discussion avec le public ; à plus long terme, il s’agira également d’inspirer la mise en place d’un atelier de travail interdisciplinaire rassemblant ceux qui pensent que, sauf catastrophe déjà trop prévisible, l’activité scientifique du futur ne peut plus faire l’économie d’une refondation éthique radicale."

Merci au Dr. Marc Girard pour cette information transmise ce matin.

Que signifie le consentement éclairé au don de ses organes sans information ? En France, à part quelques spécialistes en éthique qui travaillent ... pour leurs collègues, peu de gens ont envie de se poser la question, qui n'est d'ailleurs jamais d'actualité, dans aucun journal. Saluons au passage l'initiative du Centre d'Ethique Clinique de Cochin (CEC) qui a sorti au printemps 2010 un livre d'éthique pour le grand public, et celle de l'auteur principal de la loi sur les droits des malades en fin de vie, le Dr. Jean Leonetti, qui a publié en janvier 2010 chez Plon un livre de bioéthique à l'intention du grand public. D'après mon enquête chez Plon lors du salon du livre en mars 2010, ce dernier livre n'a pas encore rencontré le succès mérité auprès du grand public. “Le Bazar bioéthique” du Dr. Véronique Fournier (CEC) mériterait aussi de toute urgence une audience plus large. Autant de challenges pour l’auteur du blog “éthique et transplantation d’organes” : une éthique de terrain accessible au grand public ? Voilà qui n’est guère à l’ordre du jour à la veille de la révision des lois bioéthiques de 2004 ... L’éthique de Principe, celle des institutions, ne se pose pas la question tabou : la médecine de remplacement est-elle une médecine comme une autre ? Les réponses à la pénurie de "greffons" doivent-elles passer par la seule transplantation, ou doit-on de toute urgence mettre en place des appareils pour assister le cœur défaillant, utiliser des cellules souches pour réparer le foie, faire plus de prévention en ce qui concerne l'insuffisance rénale, trouver des solutions pour que la dialyse à domicile puisse se généraliser, alors que les conditions à l'heure actuelle ne sont pas réunies pour rendre la dialyse plus supportable, moins invalidante et moins douloureuse sur la durée ? Les deux tiers des quelque 15.000 patients en attente de greffe en France attendent un rein, en supportant une dialyse invalidante en attendant ... une greffe ? La durée moyenne de vie d'un greffon rénal, c'est 9 à 10 ans, parfois moins. De combien de greffes rénales un patient en insuffisance rénale terminale aura-t-il besoin au cours de sa vie ? L’éthique de terrain se nourrit de ces questions.

Et si la France n’était pas faite pour la liberté de presse ?

La France aurait “retenu du siècle des Lumières, plus encore que l’héritage de liberté individuelle, celui du sens de la collectivité. Du coup, la liberté de la presse en France est très encadrée”. (Source) La presse serait donc au service de l’éthique des institutions, perdant de vue l’éthique de terrain. Petite illustration de mon propos : j’ai soumis il y a trois semaines un article sur les prélèvements “à cœur arrêté” revu au préalable par un chirurgien professeur et membre de l’Académie Nationale de Médecine à Marianne, au Parisien, ainsi qu’à d’autres journaux. Silence radio. Mon article sera peut-être publié en août. Au creux de la vague médiatique, on trouvera peut-être un créneau pour écouter ce qu’un professeur de médecine a à dire.

Sans attendre août 2010, voici ce que l’éthique de terrain a le devoir de vous dire sur les prélèvements “à cœur arrêté” :

A titre expérimental, l'Agence de la biomédecine autorisait fin 2006, dans une dizaine de centres de transplantation, le prélèvement d'organes “à cœur arrêté”. Cette technique consiste à prélever des organes sur des personnes en état d'arrêt cardiaque. A présent, cette activité de prélèvement “à cœur arrêté” se généralise, dans un climat d’ignorance et d’indifférence.

==> Prélèvements “à cœur arrêté” : le consentement éclairé des usagers de la santé

L'hôpital de demain expliqué aux ados

 Le "cœur- sabot" de Thomas.

En cette période de bac blanc pour les 1ères S3 du lycée Montaigne, dans les Yvelines, les élèves sont à cran. Madame Doisna, leur professeur de Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) a prévu un cours hors-normes, qui en surprendra plus d'un. Un cours à l'issue duquel enseignante et élèves se verront sous un jour nouveau, grâce à Thomas, qui a une maladie génétique, celle du "cœur-sabot". Cette maladie a causé une véritable hécatombe dans sa famille ...

J'ai écrit cette histoire pour Aline Feuvrier-Boulanger, auteur du livre :
(Oh ! Editions, 2007)

==> Le "cœur-sabot" de Thomas (PDF, 252 Ko., 20 pages)

==> VERSION AUDIO

L'hôpital de demain expliqué aux enfants

Comment le sang de cordon ombilical guérit la leucémie.

Voici l'histoire de Noémie, sept ans, et de sa maman, alors qu'elles arrivent devant le nouvel hôpital spécialisé en médecine régénératrice. Etienne, dix ans, y est hospitalisé depuis quatre jours. On découvre comment la leucémie du grand frère de Noémie est soignée dans cet hôpital. Une très belle histoire, surtout parce qu'elle est proche de la réalité. Je l'ai écrite pour le professeur Eliane Gluckman.

==> L'hôpital qui guérit la leucémie d'Etienne (Doc. PDF, 156 Ko.)

VERSION AUDIO

Pourquoi j'ai écrit cette histoire :

Il y a quelques années, à la suite d'un hasard de circonstances, je me suis retrouvée potentiel donneur de moelle osseuse. Il s'agissait d'une urgence : une petite fille atteinte de leucémie, personne n'était compatible dans son entourage. J'étais là par hasard et j'avais le même groupe sanguin qu'elle. Me suis donc portée volontaire, un peu terrorisée car je savais que ce prélèvement de moelle osseuse s'effectue au moyen d'une ponction dans l'os du bassin, après une anesthésie. Voici qui est certes bien anodin à côté de la mort d'un enfant. Mais par le passé, à 23 ans, j'avais été hospitalisée une quinzaine de jours pour une anémie très sévère et avais subi toute une batterie d'examens, car, m'avoueront plus tard un médecin et un chirurgien qui font partie de mon entourage familial direct, "on croyait que tu avais une leucémie" ! Prévenu de cette possibilité de don de moelle osseuse, mon entourage familial proche fut assez réticent. "Oui, mais toi, tu manques déjà de sang !" Finalement, un autre donneur a été trouvé et choisi à ma place. Je me dis que si le don de sang de cordon peut être fait dès la naissance, dans le plus grand nombre possible d'hôpitaux, de cliniques, de maternités, dans le cadre d'un système qui fait jouer la solidarité avant tout, ce serait un réel progrès ! Voilà comment je vois l'hôpital de demain, et c'est ce que j'ai voulu raconter dans cette nouvelle. Cette petite fille qui attendait un don de moelle osseuse, je ne suis pas prête de l'oublier !