Directeur du département Sciences Humaines et Economie du cancer, à l'Institut National du Cancer (INCa) Antoine Spire revient sur le colloque qu'il a animé le 29 mai 2006 et dessine quelques pistes pour l'avenir.
Certes, le thème abordé était la place des sciences humaines en cancérologie, non en ce qui concerne les transplantations d'organes. Mais la réflexion d'Antoine Spire, pour peu qu'on l'applique au domaine des transplantations (et plus particulièrement aux problèmes de "prise en charge" de la souffrance des familles de patients atteints de mort encéphalique, de patients en attente de greffe, du personnel soignant, etc.), peut s'avérer très utile. Qu'on en juge :
"Question : Avant ce colloque, vous vous interrogiez sur la place des Sciences Humaines en cancérologie. Etes-vous satisfait de ce qui s'est dit pendant cette journée ?"
"Antoine Spire : Les participants venaient du monde du soin et de la recherche en sciences humaines et il faut souligner que personne n'a contesté l'idée que nous avons à nous occuper des malades et pas d'une maladie, en l'occurrence le cancer. Ce consensus n'allait pas de lui-même. Cela signifie que si la technique est importante, si les protocoles, les procédures sont importantes, la personne du malade est fondamentale.
Il y a eu en France une dérive techniciste, un positivisme médical qui nous a fait privilégier un aspect au détriment d'un autre. Il y a eu aussi une tendance à occulter le sujet qui souffre. Une page doit se tourner. Les Sciences Humaines, avec leurs concepts, doivent permettre de penser le soin autrement. Antoine Lazarus, directeur du département de santé publique à l'hôpital Avicenne a bien résumé l'enjeu quand il a dit qu''une fois que les techniques médicales sont épuisées la médecine commence. Encore faut-il assumer la finitude et l'impuissance de l'acte médical'. Tout est dit et tout commence. La question est : comment la science peut-elle fonctionner dans un métissage adroit avec une réflexion sur l'homme. Ce n'est pas facile, on touche à la pratique des équipes soignantes, mais aussi à la capacité des équipes de recherche en Sciences humaines à apporter leur pertinence et aux malades et aux équipes soignantes. Une chose est sûre : on y arrive tous ensemble. Là aussi, il y a eu un consensus entre les participants.
Question : Il y avait un rêve, au début de cette journée, vous vouliez que la cancérologie devienne 'le lieu géométrique de l'articulation entre médecine et sciences humaines '. Mission accomplie ?
Antoine Spire : Une journée de colloque, même si les échanges ont été francs et directs, ne peut suffire pour un tel objectif. Je retiens que ce lieu, c'est l'INCa. Il est clair qu'il ne sera pas simple de faire changer les mentalités, faire tourner les institutions, je pense aux problèmes liés à la formation des médecins... mais la création de l'INCa permet d'envisager les choses autrement. Il y a un endroit pour penser autrement la vie des patients, penser les souffrances des soignés et des soignants. Nous avons fait un petit pas. Disons que cette journée a permis d'apercevoir le vide qui existe aujourd'hui dans ce que l'on appelle la prise en charge, les problèmes liés au travail, la perte du travail, la reprise de l'emploi mais aussi la famille, l'intimité du malade et du malade guéri mais aussi tout ce qui touche aux conditions d'exercice de la clinique aujourd'hui. Il y a beaucoup à faire. L'INCa, avec les équipes soignantes, avec les chercheurs, doit contribuer à remplir ce vide. Au cours du colloque, Pierre Corvol qui est professeur au collège de France, occupant la chaire de médecine expérimentale, a appelé de ses vœux, une 'médecine personnalisée'. Je crois que l'on ne peut que partager ce souhait et considérer que la route est longue encore."
Source :
www.e-cancer.fr
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