D'abord un rappel des termes de la loi de Bioéthique : elle stipule que le corps médical ne peut pas prélever les organes d'un patient en état de mort encéphalique en s'appuyant uniquement sur le fait que ce patient ne s'est pas opposé de son vivant à ce qu'on prélève ses organes s'il venait un jour à se retrouver en état de mort encéphalique, soit en s'inscrivant sur le registre national des refus, soit en portant sur lui un document qui stipule qu'il s'oppose à ce qu'on prélève ses organes (document signé de préférence). Le corps médical doit recueillir le témoignage des proches, concernant la position du patient en état de mort encéphalique au sujet du prélèvement d'organes. Par cette loi de Bioéthique d'août 2004, il s'agit donc bien de solliciter le témoignage - et non l'autorisation - de la famille : a-t-elle eu connaissance d'un refus de la part de leur proche ? Voici la réflexion du Professeur Cabrol à ce sujet :
"Demander le témoignage à la famille ! Mais ce témoignage, qu'il est douloureux à solliciter ! La mort de l'être cher que cette famille pleure a été brutale, imprévue, dramatique, elle est survenue en pleine santé. Pour le réanimateur qui a la charge de cette demande, il est bien difficile dans ces moments si pénibles de parler à la famille du don d'organes dont le plus souvent elle n'a jamais eu connaissance. De plus l'aspect de cette mort est si inhabituel ; car ce n'est pas à la morgue, devant un cadavre froid, inerte, livide que l'on va amener cette famille. Mais en salle de réanimation, devant leur parent qui semble dormir, qui paraît respirer car les mouvements du thorax sont assurés par le respirateur mécanique, qui est chaud, rose, car le sang circule et le coeur bat. Comment devant une telle apparence de vie cette famille peut-elle croire à la mort ? Aussi, lorsqu'avec toutes les précautions et délicatesses désirables, la question de l'existence éventuelle d'un refus du défunt au don d'organes est posée, un tiers des familles évoque un 'non' ; 'non' qui exprime le plus souvent plus qu'un refus du don, un refus de cette mort inacceptable".
© Odile Jacob, mars 2006, Paris
Cette réflexion a le courage d'aborder la question de la mort, et pas seulement l'aspect éthique de la beauté du don. En effet, bien souvent, cet aspect éthique de la beauté du don est substitué à la question de la mort dans la communication sur le don d'organes telle qu'elle s'adresse au grand public. Quand on pose la question au corps médical : "Docteur, êtes-vous sûr qu'il est mort ?", en parlant d'un patient en état de mort encéphalique, donc lorsqu'on pose la question du constat du décès sur le plan de l'éthique, le corps médical nous répond sur la beauté du don. Autant dire : répond à côté de notre question. Ici, ce n'est pas le cas, que l'auteur de ce livre en soit remercié. Il est à souhaiter qu'en cette journée de réflexion sur le don d'organes, qui se veut ouverte à tous les usagers de la santé, les acteurs du monde de la transplantation osent parler un peu plus des aspects de cette mort encéphalique ou cérébrale, que l'on nomme "mort invisible" - ou encore : mort prévisible, inéluctable, compromettant immédiatement et à terme l'état des organes / des greffons. La définition de cette mort (loi de Bioéthique d'août 2004) repose sur la capacité de la médecine à contrôler les perturbations résultant du phénomène de la mort encéphalique, et met l'accent sur le fait que cette capacité est limitée et temporaire, donc pouvant entraîner des dommages collatéraux aux organes potentiellement transplantables (cf. les caractéristique de prévisibilité, d'irréversibilité et d'inéluctabilité de la mort encéphalique).
Pour rappel : 80 pour cent des donneurs d'organes potentiels se trouvent en état de mort encéphalique suite à un AVC (Accident Vasculaire Cérébral), les 20 pour cent restants proviennent des accidents de la route.
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