Scientific MOOCs follower. Author of Airpocalypse, a techno-medical thriller (Out Summer 2017)


Welcome to the digital era of biology (and to this modest blog I started in early 2005).

To cure many diseases, like cancer or cystic fibrosis, we will need to target genes (mutations, for ex.), not organs! I am convinced that the future of replacement medicine (organ transplant) is genomics (the science of the human genome). In 10 years we will be replacing (modifying) genes; not organs!


Anticipating the $100 genome era and the P4™ medicine revolution. P4 Medicine (Predictive, Personalized, Preventive, & Participatory): Catalyzing a Revolution from Reactive to Proactive Medicine.


I am an early adopter of scientific MOOCs. I've earned myself four MIT digital diplomas: 7.00x, 7.28x1, 7.28.x2 and 7QBWx. Instructor of 7.00x: Eric Lander PhD.

Upcoming books: Airpocalypse, a medical thriller (action taking place in Beijing) 2017; Jesus CRISPR Superstar, a sci-fi -- French title: La Passion du CRISPR (2018).

I love Genomics. Would you rather donate your data, or... your vital organs? Imagine all the people sharing their data...

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Echange entre usagers de la santé sur le thème des transplantations

Ce "Blog Post" retrace un échange entre Catherine, auteur de ce Blog (usager de la santé avant tout) et Mireille, qui s'est "simplement penchée sur ce sujet" car sa fille, inscrite en première année de médecine, lui avait demandé de l'aider à faire des recherches pour son cours de bioéthique... Cet échange a eu lieu tout récemment.

Que Mireille soit ici remerciée pour sa détermination à explorer de nouvelles pistes, à soulever de nouvelles questions et à envisager les problèmes d'éthique liés à la transplantation d'organes...

Mireille
"Je suis très franchement stupéfaite par ce que je viens d'apprendre concernant la nouvelle définition de la mort (mort encephalique = mort totale). Auparavant je trouvais tout à fait normal de donner ses organes après sa mort, mais j'entendais par mort l'ancienne définition. Pour moi, une personne morte ne respire plus et son corps est froid. Je pense que c'est ce que croit la plupart des individus. Il me semble qu'avant de faire la publicité pour le don d'organe après décès, il faut bien expliquer ce que la médecine entend de nos jours par décès, evidemment cela pourrait rendre réticentes les bonnes volontés. Mais il ne faut duper personne. Si l'ancienne définition de la mort (arrêt des 3 fonctions respiratoire, cardiaque et cérébrale), la seule qui me semble sérieuse, ne permet pas le don d'organes, il ne faut plus parler de dons " APRES décès" mais de don de personnes vivantes, dans un état très critique certes, mais cela permettrait au moins de pouvoir anesthésier complètement le donneur, ce qui n'est pas fait actuellement. Les problèmes d'éthique que cela pourrait soulever resteraient les mêmes mais les choses seraient plus claires et au cas où la sensibilité à la douleur pourrait subsister ne serait-ce qu' épisodiquement, le donneur serait au moins protégé. Personnellement, je ne fais pas confiance à ceux qui affirment que l'on y est insensible.
J'ai lu les témoignages qui figurent sur ce site et je vous remercie de faire en sorte qu'il puissent être exprimés, même s'ils sont très choquants pour les non avertis. Si le corps médical lui-même est divisé sur certaines pratiques, sans pouvoir l'exprimer sans craintes, la meilleure chose me semble-t-il serait de faire en sorte que chacun puisse exprimer son désaccord ouvertement, sans censure ni pressions."


Catherine
Votre message constitue un précieux témoignage de la part d'un usager de la santé ! Effectivement, les différents critères de prélèvement des organes (prélèvement sur patient en état de mort encéphalique ou prélèvement sur patient à coeur arrêté selon les critères de la Classification de Maastricht), la diversité des définitions (mort encéphalique en France, mort cérébrale en Grande-Bretagne) et pratiques (projet pilote au Canada, qui permettra de prélever les reins de patients qui ne sont pas en état de mort cérébrale mais qui n'ont pas de chance de survie ; la France se refuse à suivre cette voie) sont autant de facteurs complexes, donnant à l'usager de la santé l'impression de cheminer dans un labyrinthe intellectuel lorsqu'il affronte la question du "don" d'organes... Quant à votre question sur l'anesthésie du patient dit "donneur d'organes", avant l'opération consistant à prélèver ses organes : il n'est jamais envisagé d'anesthésier le donneur, car cela amoindrirait les chances de réussite pour l'opération suivante : la greffe de ces organes sur un patient dit "receveur". Le "receveur", lui, est anesthésié, bien sûr ! Mais surtout : la mort encéphalique étant LA mort, le corps médical vous dira que le patient qu'on va prélever n'a aucun besoin d'anesthésie, puisqu'il est mort.

Plus spécifiquement, on peut se demander si l'orientation française (qui souhaite maintenir "la règle du donneur mort" et la mort encéphalique comme critères de prélèvement des organes) est plus souhaitable que celle des pays anglo-saxons et du Canada (débats autour de la transgression de la règle du donneur mort - débats largement tabous en France) ? On peut dire qu'on se situe dans un contexte de médecine de la transgression, même sans transgresser "la règle du donneur mort", puisque la Boîte de Pandore a déjà été ouverte avec les prélèvements sur patients en état de mort encéphalique : pour certains médecins, la mort encéphalique n'est pas LA mort (le coeur d'un donneur en état de mort encéphalique continue à battre)...

Ce message ne peut apporter de nouvelles réponses, il vise néanmoins à faire le point sur des questions majeures d'éthique de la transplantation - force est de reconnaître que ces problématiques sont peu connues du grand public, et pour cause : le corps médical est largement réticent à les soumettre à l'usager de la santé français...

Mireille
"J'ai la chance de ne pas avoir eu à affronter le problème du don d'organe dans des conditions dramatiques, comme c'est le cas de beaucoup de temoignages. Je me suis simplement penchée sur ce sujet car ma fille qui s'est inscrite en première année de médecine m'avait demandé de l'aider à faire des recherches pour son cours de bioéthique, de fil en aiguille je suis tombée sur votre site, le seul que j'ai trouvé qui informe sans faire forcément de publicité pour le don. Cela m'a permis de réfléchir sereinement sur le sujet et de faire part de mes intentions à mon entourage en ayant au moins un minimun d'information. Vous dites qu'en France on n'est pas prêt à porter certains débats sur la place publique, mais alors la notion de consentement présumée sur un sujet que l'on ignore n'a vraiment pas de sens. Personnellement je pense que s'engoufrer dans la voie du don d'organes vivants prélevés sur des personnes qui le sont forcément aussi n'est pas une bonne voie et handicape la recherche vers d'autres solutions (organes articiciels ou autre) moralement plus acceptables. Je trouve inhumain (même si la technique peut le faire) de placer des individus devant le choix de devoir troquer une vie contre une autre (quelle que soit la définition donnée de la Mort) d'autant plus que l'on vit dans un monde de plus en plus individualiste."

Catherine
Je ne résiste pas à l’envie de commenter et d’étayer votre courriel d'hier, tant il me semble être un condensé des différentes questions soulevées par ce Blog. Par avance, je vous demande de pardonner la longueur de ce message (trop long pour un simple commentaire !!)

En France la communication grand public sur la question des transplantations d’organes (= greffe et prélèvement d’organes) est orchestrée par l’Agence de la biomédecine (qui a les budgets pour réaliser cette communication). Le Professeur Louis PUYBASSET, responsable de l'unité de neuroréanimation chirurgicale à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, a fait remarquer que cette communication est faite par le «camp» des greffeurs d’organes (ceux qui opèrent les patients en attente de greffe) et non par celui des préleveurs d’organes, à savoir les chirurgiens, infirmières coordinatrices, radiologues et réanimateurs impliqués dans le processus difficile et ingrat allant de la confirmation du diagnostic de mort encéphalique au prélèvement des organes sur un patient en état de mort encéphalique, une fois obtenu le consentement des proches. Or, malgré les moyens déployés, 50 pour cent des familles confrontées au don d’organes opposent un refus à la demande de prélèvement des organes de leur proche. Ce chiffre montre qu’il reste très difficile d’obtenir le consentement des familles. (Chiffre de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, Groupe hospitalier de l’AP-HP, Paris, centre hospitalier ayant une importance majeure dans l’activité des transplantations en France).

Il est infiniment plus facile de convaincre qu’une greffe peut aider («sauver») un patient, que de convaincre des proches sous le choc de la perte d'un être cher d'accepter le prélèvement des organes de celui-ci. D’où la dialectique que j’ai mise à nu dans ce blog : je pose au corps médical français la question du constat de décès (mort encéphalique) sur le plan de l’éthique ; il me répond en me parlant de la beauté du don. Pourquoi ? Parce que la réponse vient des médecins et chirurgiens qui greffent les organes, non de ceux qui les prélèvent et à qui incombe aussi la (tout aussi douloureuse !) tâche d'obtenir le consentement des familles. Je rappelle que les potentiels donneurs en état de mort encéphalique représentent 1 pour cent de la population, tandis que la liste des patients en attente de greffe s’allonge chaque jour un peu plus. La pression exercée sur les hôpitaux et cliniques est donc énorme : il faut réaliser le plus possible de transplantations d’organes, et l’Agence de la biomédecine a été crée et dotée d’importants crédits dans le but d'aider ces hôpitaux et cliniques à réaliser ces transplantations. Ce (long) détour pour expliquer votre constatation : «je suis tombée sur votre site, le seul que j'ai trouvé qui informe sans faire forcément de publicité pour le don». Effectivement, ce Blog est rédigé à titre bénévole, il n’a pas vocation à défendre un point de vue plutôt qu’un autre ; son but est de montrer la complexité des enjeux de la transplantation (qui dit médecine de la transgression dit enjeux psychologiques, religieux, sociaux-culturels, etc.), en élargissant le champ d’investigation sur la question de la mort encéphalique et non en le réduisant à la simple constatation de la beauté du don, ce plus petit dénominateur commun consensuel dont la communication grand public en France est si friande.

Il faut insister sur le fait que toute communication émanant du corps médical, donc toute communication «officielle», a le devoir de promouvoir le don d’organes. J’ai conçu ce Blog dans la perspective du citoyen usager de la santé, vous l’avez bien compris, en partant de la constatation qu’une réflexion citoyenne sur le don d’organes (une réflexion laïque et/ou religieuse, selon le choix de chacun) ne peut avoir lieu sans la connaissance du principe à la base du prélèvement d’organes – principe que le corps médical français rechigne en général à expliquer à l’usager de la santé : les organes d’un mort n’intéressent personne, puisque comme lui, ses organes sont morts et ne peuvent «sauver» personne. En revanche, les organes prélevés sur un patient en train de mourir sont susceptibles d’aider des patients en attente de greffe. Dans ce cas, il y a intervention dans le processus de mort de ce patient puisqu’une équipe chirurgicale de prélèvement intervient en amont de la mort de ce patient pour prélever ses organes et les maintenir vivants. Comme vous le soulignez, la connaissance de ce principe de base «permet de réfléchir sereinement sur le sujet et de faire part de ses intentions à son entourage en ayant au moins un minimun d'information». Il n’y a pas à réfléchir sur la beauté du don, tout le monde est d’accord là-dessus. En revanche, il y a toute une gamme de problèmes éthiques, politiques, sociaux-culturels et religieux sur lesquels le grand public est loin d’être systématiquement invité à réfléchir :

• le conflit d’intérêt patient prélevé - patient greffé : certains psychologues parlent de l’aspect sacrificiel du don d’organes, et soulignent le fait que le mot "don" n’est pas un mot approprié ; l’état d’«inquiétante étrangeté» dans lequel est plongé le patient greffé, qu’on n’a pu aider qu’«en se jetant sur un mourant pour le dépecer» (docteur Marc Andronikof)

• la question de l’anonymat du don (en Belgique, il est question de modifier cette loi sous certaines conditions)

• la question de la gratuité du don (il est question d’autoriser la vente d’organes, le débat est ouvert aux Etats-Unis)

• le débat autour de la «règle du donneur mort» (débat non autorisé en France) : Aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et au Japon, le concept de mort cérébrale et de mort encéphalique est contesté, certains scientifiques ne reconnaissant pas la viabilité scientifique de cette définition de la mort : pour eux, la mort encéphalique ou cérébrale n’est pas la mort ; on a affaire à un patient mourant et non à un patient mort. L’opinion publique est informée de ce débat ; au Canada il est même question (depuis fin 2006) d’expérimenter une nouvelle forme d’approche des familles confrontées au don d’organes : cette nouvelle approche consiste à dire à ces familles que leur proche n’est pas encore mort, mais qu’il n’a aucune chance de survie, or ses organes pourraient aider des patients en attente de greffe. Dans ce type d'approche, il n'est pas question de parler de mort encéphalique ou cérébrale. Je souligne que cette approche n’est pas autorisée en France, le Professeur Louis Puybasset s’y est opposé. Il maintient la «règle du donneur mort» et le critère de la mort encéphalique comme étant LA mort. Pour lui, ce qui se fait aux Etats-Unis et au Canada (en l’occurrence ce fameux débat sur la «règle du donneur mort») pose des problèmes éthiques. Vous voyez que le corps médical international est loin de fonctionner à l'unisson sur le sujet...

• Remise en cause de la loi Cavaillet, que certains psychologues et sociologues qualifient de "mariage infernal entre Kant et Sade". C’est pourtant cette loi qui est en vigueur aujourd’hui, et qui impose le consentement présumé. Peu d’usagers de la santé le savent, pourtant c’est la loi : si vous ne vous êtes pas expressément opposé(e) au prélèvement de vos organes avant votre décès, vous êtes présumé(e) consentant(e).

Cette liste pourrait être documentée avec d’autres points évoqués par ce Blog, mais vous voyez déjà qu’en France "on n'est pas prêts à porter certains débats sur la place publique". Comme vous le faites remarquer, la notion de consentement présumé sur un sujet que l'on ignore n'a pas vraiment de sens. En tant qu’usager de la santé, c’est précisément ce constat qui m’a amenée à créer ce Blog : le grand public est instrumentalisé dans la grande campagne d’information publique sur les transplantations d’organes ; il n’est pas un sujet autonome (au sens du "consomm'acteur", le consommateur actif et averti, par opposition au consommateur passif et grégaire), ayant accès à tous les aspects du problème et pouvant réfléchir en toute connaissance de cause. Comme vous, j’ai été vivement impressionnée par les témoignages de familles confrontées au don d’organes et découvrant les réalités et les enjeux véritables de la question une fois mises au pied du mur. Le fait que ces familles soient venues exprimer leurs doutes, leurs (res)-sentiments, craintes et autre chagrin sur ce Blog montre à quel point il manque dans le monde médical «officiel» un espace pour leur permettre de le faire. Tout est fait pour dire à ces familles de ne pas penser au prélèvement des organes : «il ne faut pas imaginer l’opération», il faut simplement penser à la beauté du don (je cite les propos d’une infirmière coordinatrice ayant témoigné en décembre 2006 sur ce Blog).

Vous écrivez : «Personnellement, je pense que s'engouffrer dans la voie du don d'organes vivants prélevés sur des personnes qui le sont forcément aussi n'est pas une bonne voie et handicape la recherche vers d'autres solutions (organes artificiels ou autre) moralement plus acceptables». Les généticiens se sont penchés sur ce problème et proposent les manipulations génétiques à but thérapeutique. Votre constatation fait écho à la réflexion du Professeur Bernard Debré dans son livre «La Revanche du serpent ou la fin de l’homo sapiens». Le Professeur Debré place la problématique des transplantations d'organes en relation avec celle des manipulations génétiques à but thérapeutique. Dans l’attente de pouvoir maîtriser la production de cellules indifférenciées, qui se développeront pour former un rein, un cœur, un foie, selon les besoins ponctuels des patients à greffer, il faut bien inciter les gens à donner leurs organes. C’est pour l’instant la solution «la moins pire» dans cette médecine de la transgression qu’est la médecine occidentale (la transgression consiste, pour le Professeur Bernard Debré, dans «le franchissement de la barrière des espèces»). La «solution la moins pire», c’est bien entendu le point de vue de la médecine de la transplantation.

Pour le Professeur Bernard Debré, toujours dans le même livre, le franchissement de la barrière des espèces a été réalisé aussi avec les transplantations d’organes. La suite logique, ce serait d'autoriser la poursuite des recherches : autoriser le clonage thérapeutique, afin de remplacer les transplantations d’organes (il pose la question de la viabilité du concept de mort encéphalique à demi-mots) par la production de ces cellules indifférenciées qui permettraient de fabriquer sur commande, pour ainsi dire, des organes visant à prendre le relais des organes défectueux des patients en attente de greffe. Inutile de préciser que ceci n’est pas pour aujourd’hui, ni pour demain. Mais le Professeur Debré insiste sur l'importance à accorder à ces recherches en génétique, du fait que les transplantations ne constituent pas la solution idéale (sur le plan médical et sur le plan éthique). Le site www.genethique.org, site internet dédié à la question de l’éthique en génétique, retrace les débats sur les problèmes éthiques soulevés par la manipulation génétique. Sa revue de presse assure une couverture assez exhaustive de ces questions telles qu’elles apparaissent dans l’actualité. Or dans cette actualité, à ma connaissance, il n'est pas question, du moins explicitement, de se demander si le prélèvement d'organes serait plus ou moins éthique que les manipulations génétiques à visée thérapeutique. Pourquoi ? Parce qu'en France, la position officielle est que la mort encéphalique est LA mort et qu'elle ne pose pas de problèmes d'éthique. Or nous avons vu que les choses sont loin d'être aussi simples ; c'est pourtant comme cela qu'elles sont présentées au grand public : simples, politiquement et éthiquement correctes.

A l’heure actuelle, les organes artificiels, comme le «cœur de Berlin» mentionné sur ce Blog, ne peuvent constituer qu’un relais dans l’attente d’un organe à greffer.

Vous écrivez : «Je trouve inhumain (même si la technique peut le faire) de placer des individus devant le choix de devoir troquer une vie contre une autre (quelle que soit la définition donnée de la Mort) d'autant plus que l'on vit dans un monde de plus en plus individualiste». Je cite les propos d’un chef de service de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, dont le métier consiste aussi, parfois, à essayer d’obtenir le consentement des familles pour prélever les organes d’un proche en état de mort encéphalique : « Quand je vais voir ces familles pour leur demander leur accord, j’ai conscience de les foutre dans la merde. Dans une sacré merde ». Sur un autre registre, Marc Grassin, Maître de conférence à l’Institut Catholique de Paris, analyse la violence contenue dans la question du don d’organes adressée aux proches d’un patient en état de mort encéphalique – voir son intervention du 17 juin 2006 lors de la journée d’études «Le Don et la transplantation d’organes», intitulée : «Le Don d’organes : paradoxe sacrificiel dans une culture de l’échange libéral» (Fondation Argentine, Cité Universitaire Internationale, 75014 Paris).

Je terminerai ce long développement par quelques contacts à recommander à votre fille, au cas où elle serait amenée à se pencher sur la question : éthique et transplantation d’organes :
• tout d’abord l’espace d’éthique de l’AP-HP :
http://www.espace-ethique.org/fr/accueil.php (directeur : M. Emmanuel Hirsch)

• L’hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris, possède un service de neuroréanimation chirurgicale pilote en Europe (service du Professeur Louis Puybasset), lequel service travaille en étroite collaboration avec M. Guy Benamozig, Psychanalyste, docteur en anthropologie sociale et médicale, qui assure, entre autres, le soutien et le suivi psychologique des familles confrontées au don d’organes. Au sein de ce même service, Mme Elsa Lannot, ATER, Psychopathologie clinique, spécialiste de la question du deuil et de l’identité, réalise actuellement une étude sur le suivi des familles confrontées au don d’organes, elle est l’auteur d’une thèse sur les enjeux psychologiques des transplantations d’organes (Université de Paris VII). Mme Lannot est aussi membre d’un Réseau interdisciplinaire de chercheurs sur le Don et la Transplantation d´Organes.

• Pour une approche à la fois médicale et éthique des transplantations d’organes, la lecture du livre «Médecin aux urgences», du Dr. Marc Andronikof et de Jacqueline Dauxois (Editions du Rocher, 2005) est très utile. Il s’agit d’un livre accessible au grand public, nullement technique, menant une réflexion sur les problèmes éthiques et médicaux en termes simples et percutants. Ce livre mène également une réflexion religieuse sur ces problèmes (point de vue de l'orthodoxie russe, mais pas seulement).

En espérant que ces quelques conseils seront utiles pour les recherches de votre fille...

Mireille
"Merci beaucoup pour ce long développement que vous apportez à ma réflexion ainsi que pour les sites et references que vous me proposez de consulter. J'espère que cela incitera aussi d'autres citoyens à le faire. Pour ma part, lorsque j'ai parlé autour de moi de don d'organes après décès, j'ai constaté que tout le monde ignorait la définition du mot décès : personne ne savait que les médecins déclarent décédée une personne qui respire et dont le coeur bat encore. C'est surtout ce point qui me choque. La grande majorité des citoyens est dupée. J'ai regardé le formulaire proposé en ligne par le Registre national des refus (qui est aussi l'agence de la biomédecine chargée de promouvoir le don : organisme bicephale ? Faudrait-il faire un rapprochement avec la définition de mort encéphalique et entrevoir une suggestion + ou - inconsciente pour résoudre le problème ?). La présentation coupe le souffle : on joue sur le contresens volontairement entretenu autour du mot décès pour faire apparaître comme ignoble celui qui oserait s'opposer au don : ça me révolte. Encore merci pour votre site. Les reflexions que vous pouvez y recueillir peuvent-elles servir dans vos relations médicales pour faire en sorte qu'une communication officielle honnête s'instaure ?"

Catherine
Merci pour ces réflexions. En tant qu'usager de la santé je suis aussi passée par ces étapes de réflexion, à mon sens tout à fait justifiées.

Lors de mes entretiens "officiels" avec le corps médical français, on m'explique qu’on se trouve dans une médecine de la transgression depuis l’existence même de la chirurgie, de l’avortement, et, en remontant dans le temps, de la dissection des cadavres. Qu'il s'agit de choisir son camp : non pas celui qui est idéal (on est dans la transgression, la violence, il n’y a pas de camp idéal, où on est à l’abri des "mains sales"), mais celui qu’on croit être le moins pire. La justification éthique du prélèvement d’organes, c’est qu’on va aider des patients en attente de greffe. Si on prélève sans être dans cette optique, ce n’est pas éthique (je cite les propos d'un chirurgien hospitalier chef de service). Si dans l'ensemble, le corps médical français est plus sensibilisé qu'auparavant à la souffrance des familles confrontées au don d’organes (cette souffrance est moins censurée), en même temps, sa position sur la mort encéphalique est très claire : pas de transgression de la règle du donneur mort (« dead donor rule »), pour lui, ce qui se fait au Canada et aux USA (et l’ouverture du débat vers l’opinion publique) pose des problèmes d’éthique ; tandis qu’en France, toujours selon la position officielle, la mort encéphalique telle qu’elle est légalement définie et les critères de diagnostic offrent des garanties maximales de sécurité pour le prélèvement d’organes. Ce Blog ne fait que rendre compte des polémiques existant à l’heure actuelle au sujet des concepts de mort encéphalique et de mort cérébrale, ainsi que des lacunes dans la communication grand public en France ; il ne vise pas à promouvoir le don d’organes, ou à prendre position contre, il vise à informer, comme vous l'avez compris. Si les problèmes d'éthique qu'il soulève rencontrent l'intérêt du corps médical (et du grand public), on peut dire que l'enquête sur la mort encéphalique a soulevé de vives protestations au sein de ce même corps médical, et a pu choquer le grand public, comme vous en témoignez lors de votre premier message. Néanmoins, certains médecins (pas seulement Français)ayant rendu publique leur réticence envers les transplantations d'organes du fait de problèmes d'éthique, il est normal que ce Blog à visée informative en rende compte. Et cultive le pluri-perspectivisme...

Etant conviée à une séance de travail au Sénat jeudi 11 janvier 2007, je ne manquerai pas de vous informer au cas où la communication officielle évoluerait. Le modeste but de ce Blog est de venir compléter la communication officielle tant que cela sera nécessaire... Et sa mission la plus "noble" est de créer un espace d'information et d'échange pour les usagers de la santé.

==> Lien vers cet échange : cliquer ici.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Il est illusoire de penser qu'on peut cacher une telle information au grand public à l'ère de l'internet! J'ai en effet été très surpris par cette information sur la mort encéphalique et ai demandé à mon entourage : tout le monde a été surpris d'apprendre qu'un "mort encéphalique" était encore chaud, avec une respiration et une circulation sanguine. Autant dire : un demi-mort. Je suis pour qu'un débat ait lieu : les usagers de la santé doivent être informés plus honnêtement sur la mort encéphalique. Merci de faire passer ce message.