Pourquoi le CEC existe-t-il ?
Fin de vie, cancer, sida : dans ces domaines, les décisions médicales peuvent soulever des questions d'ordre éthique.
Le Centre d’Ethique Clinique met à la disposition des soignés, comme des soignants, une aide et un accompagnement de la décision médicale 'éthiquement' difficile, nourris par une activité pluridisciplinaire de recherche et d’enseignement.
L'éthique clinique, à quoi ça sert ?
- À resituer la décision dans l’espace et dans le temps.
- À la dépassionner lorsqu’elle est difficile à aborder pour ceux qui y sont impliqués de près.
- À aider à ce qu’elle soit prise dans le calme, après qu’aient été mises à plat les différentes questions éthiques qu’elle soulève.
- À prendre en compte toutes les dimensions de la personne concernée : médicale mais aussi socio-familiale, professionnelle, religieuse et culturelle, etc.
L’objet de l’éthique clinique est de faire intervenir un tiers dans la réflexion autour d’une situation médicale difficile. À cette fin, l’équipe du Centre est constituée de soignants, et de non-soignants, psychologues, philosophes, sociologues, juristes, théologiens et autres représentants de la société civile, tous formés à l’éthique clinique.
Il s’agit d’élargir le champ de la réflexion, considérant que le meilleur intérêt de la personne malade ne se mesure pas toujours en fonction de son seul intérêt médical.
Bon à savoir :
Sur la demande du personnel de l’hôpital Cochin, les Cafés éthiques sont ouverts à tous (soignants, soignés et curieux). Quelques thèmes déjà abordés à cette occasion :
"La greffe de visage, une greffe comme les autres?" (09/05/2006)
"Le don d'organes : accepteriez-vous que l'un de vos proches soit prélevé?" (31/03/2005)
En pratique...
le CEC se fonde sur le principe selon lequel "l’éthique appartient à tout le monde et justifie une discussion collégiale et pluridisciplinaire." En conséquence, "un binôme de consultants, en général un médecin et un non médecin, rencontreront individuellement les différentes personnes concernées par la décision, pour relever l’ensemble des informations utiles au débat et comprendre les positions et les arguments de chacun. La situation est ensuite présentée et discutée par un staff composé pour moitié de soignants (médecins, infirmières, psychologues, etc.) et pour moitié d’experts en sciences sociales et humaines (juristes, philosophes, sociologues, etc) ou autres représentants de la société civile. Cette discussion approfondie et pluridisciplinaire permet d’identifier les différentes dimensions de la décision et de les éclairer au mieux pour chacun. La teneur des débats est ensuite portée à la connaissance des protagonistes. C’est à eux que revient la décision finale." Le Centre d’Ethique Clinique n’est donc jamais décisionnaire.
Dans un article précédent, intitulé "Ethique et transplantation d'organes : quels problèmes ?", nous avons démontré que la communication grand public sur le don d'organes tient plus de la promotion que de l'information, étant donné que cette communication est orchestrée par l'Agence de la biomédecine, qui a pour mission d'assurer la promotion du don d'organes : cette mission est inscrite dans les statuts de l'Agence. Il serait donc souhaitable que le Centre d'Ethique Clinique intervienne lorsque se pose la question du don des organes de patients "décédés" (don des organes dans le cas de patients en état de mort encéphalique ou dans le cas des "prélèvements à coeur arrêté"), afin d'informer les familles confrontées au don d'organes. En effet, une équipe hospitalière de transplantation d'organes, et tout spécialement l'infirmier ou infirmière coordinateur (-trice), a pour mission de promouvoir le don d'organes. La famille confrontée à la question du don des organes d'un proche devrait néanmoins pouvoir bénéficier d'une information "neutre", affranchie de toute promotion, car c'est un fait indéniable que les prélèvements d'organes sur patients "décédés" soulèvent des questions d'ordre éthique. Répondre à ces questions par un discours de promotion du don relève de la pure et simple usurpation d'information, préjudiciable pour les familles confrontées à la question du don des organes d'un de leurs proches. Pour justifier ce point de vue, on peut se référer au droit d'information que possèdent les patients : voir la loi des droits des malades de mars 2002 :
Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi rédigé : Information des usagers du système de santé et expression de leur volonté : Art. L. 1111-2. - Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé.
Comment une information "neutre" est-elle possible dans le domaine du don d'organes ?
Rappelons cette notion fondamentale dans le cas du prélèvement des organes d'un patient "décédé" : l'intérêt du patient dont on va prélever les organes passe après celui des patients en attente de greffe. Autrement dit, l'intérêt du receveur prime sur celui du donneur, puisque ce dernier décèdera lors du prélèvement de ses organes, et bien sûr ce n'est pas le donneur qui décidera de la date et de l'heure de l'opération chirurgicale consistant à prélever ses organes. Il s'agit d'une forme d'euthanasie qui ne dit pas son nom (en France, l'euthanasie est interdite). Une information neutre est donc impossible dans la mesure où on s'écarte, dans le cas du prélèvement des organes d'un patient "décédé", de la déontologie médicale qui prévaut habituellement, à savoir : la prise en compte par le médecin de l'intérêt du patient qu'il soigne. Dans ce cas précis du prélèvement des organes sur patient "décédé" (plus exactement, dont on prévoit le décès), il s'agit pour le médecin de sacrifier l'intérêt du patient donneur, au profit de patients receveurs d'organes. Il s'agit là d'une forme de "déontologie" bien particulière et sujette à caution dans le corps médical. On voit mal comment l'entourage d'un patient qui va être "euthanasié", non dans son propre intérêt, mais dans l'intérêt de patients qui attendent de récupérer ses organes, pourrait bénéficier d'une information "neutre" : la "déontologie" particulière qui est à la base du don d'organes ne permet pas la neutralité de l'information. A cette neutralité impossible, ne pourrait-on pas substituer un pluriperspectivisme ?
Médiation éthique et pluriperspectivisme
Dans cette nouvelle perspective, la mission du Centre d'Ethique Clinique (CEC) du groupe hospitalier Cochin prend toute son importance : en effet, le CEC "met à la disposition des soignés, comme des soignants, une aide et un accompagnement de la décision médicale 'éthiquement' difficile, nourris par une activité pluridisciplinaire de recherche et d’enseignement". Il est capital que les familles confrontées au don d'organes puissent bénéficier de cet accompagnement en amont de leur décision (pour ou contre le don des organes d'un de leurs proches).
Il serait donc souhaitable d'inclure le domaine des transplantations dans le champ d'activité du CEC, car ce domaine comporte des zones grises sur le plan de l'éthique, par exemple la question du constat du décès sur le plan de l'éthique dans le cas des prélèvements sur patients en état de mort encéphalique ou "à coeur arrêté"...
En dehors du Groupe Hospitalier de l'AP-HP (Assistance Publique des Hôpitaux de Paris), dont l'hôpital Cochin fait partie, signalons l'activité du Réseau international et interdisciplinaire de recherche sur le don et la transplantation d’organes, dirigé par le Dr. Carina Basualdo. Ce réseau fait appel à des experts et à des compétences en médecine, anthropologie, psychanalyse, droit et philosophie.
==> Plus d'informations sur le CEC : http://www.ethique-clinique.com/
==> Site web du Réseau international et interdisciplinaire de recherche sur le don et la transplantation d’organes :
Page d'accueil :
http://www.fhumyar.unr.edu.ar/index.php?id=eventos :
cliquer sur le texte en bas à droite sur la page d'accueil ("Red internacional e interdisciplinaria de investigación sobre la donación y el transplante de órganos") afin d'accéder à l'espace web du Réseau.
==> Version française : cliquer ici.
2 commentaires:
Réflexion à creuser. Vais poursuivre mes recherches pour comprendre comment fonctionne le Centre d'Ethique Clinique de Cochin et quels sont les thèmes/problèmes traités...
Ai reçu aujourd'hui un courrier du Dr. Nicolas Foureur, du Centre d'Ethique Clinique du groupe hospitalier Cochin-Saint Vincent de Paul :
"Madame,
Nous avons bien pris note de l'existence de votre blog et de la page concernant le Centre d'éthique clinique. Votre descriptif est déjà bien complet et concorde bien à la réalité de notre pratique. Nous sommes très satisfaits de trouver notre place au coeur de votre présentation. Il nous arrive en effet d'être confrontés aux intéressantes questions éthiques que vous soulevez dans vos exposés. (...)"
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