1.-) de personnes dont le cerveau (ou une partie du cerveau) est détruit(e),
tandis que le coeur bat encore (donneurs d’organes en état de mort encéphalique
ou de mort cérébrale).
2.-) de personnes "décédées présentant un arrêt
cardiaque et respiratoire persistant" (cet état permet les prélèvements "à coeur
arrêté", qui ont repris en France en 2006). La destruction du cerveau n’est pas
requise.
Dans ces deux cas, le diagnostic de mort se fonde sur l’irréversibilité de ces états : irréversibilité de la destruction du cerveau dans le cas de la mort encéphalique ; échec des tentatives de réanimation en vue de rétablir la fonction cardio-circulatoire d’une personne dans le cas des prélèvements "à coeur arrêté". Ces deux formes de décès ne font pas l’objet d’un consensus au sein de la communauté scientifique internationale, néanmoins il est un point qui fait l’unanimité : l’irréversibilité de ces états, qui permettent tous deux d’aller au prélèvement d’organes.
La seule forme de décès qui met tout le monde d’accord (y compris la communauté scientifique médicale du monde entier) repose sur la destruction irréversible du coeur, des poumons et du cerveau. Il faut que ces trois conditions soient réunies. Cette forme de décès, objet d’un consensus universel (forme de décès univoque) ne permet aucun prélèvement d’organes.
Dans les cas de "décès" qui permettent les prélèvements d’organes, ces trois conditions ne sont jamais réunies. C’est pour cette raison qu’on parle de formes de décès équivoques. Seules les formes de décès équivoques permettent les prélèvements d’organes.
En quoi la mort encéphalique est-elle une forme de décès équivoque ?
Pour répondre à cette question, je cite les propos du Dr. Andronikof, chef du service des urgences à l’hôpital Antoine-Béclère, Clamart (06/2007):
"Depuis peu en France [lois de bioéthique d’août 1996, révisées en 2004,ndlr], il y a une définition de la mort qui repose sur la mort encéphalique, autrement dit: quand il y a un coma tel que les gens ne pourront jamais revenir et qu’ils sont obligés d’avoir des machines pour respirer, pour tout, en fait, puisque le cerveau ne marche plus. Donc la définition de la mort en France repose sur une incompétence du cerveau, disons. J’ai été le premier je pense à m’élever, il y a 15 ans, contre cette définition de la mort puisque c’est extrêmement réducteur et finalement pas du tout réel puisque tout fonctionne sauf une partie du cerveau et là on dit que les gens sont morts. Mais c’est une pétition de principe, si vous voulez, mais c’est maintenant inscrit dans la loi en France, depuis quelques années. Ce qui est paradoxal, c’est que c’est inscrit dans la loi en France et en même temps, aux USA, en Grande-Bretagne, on se pose toutes ces questions qui sortent dans les articles en disant: ‘mais personne ne peut dire que ces gens-là sont morts !’ Donc c’est un paradoxe, on peut dire, une sorte de retard à l’allumage en France, où maintenant les gens sérieux et honnêtes ne peuvent pas dire que ces gens sont morts, mais il y a la pratique des transplantations, donc peut-être qu’on pourrait quand même les prélever puisque maintenant on ne peut rien faire pour eux. Mais ils ont bien compris qu’en fait personne ne peut dire qu’ils sont morts. En France, c’est inscrit dans la loi. Il faudra encore attendre un cycle, quelques années, pour qu’il y ait une prise de conscience en France."
En quoi l’état d’"arrêt cardiaque et respiratoire persistant" qui permet les prélèvements "à coeur arrêté" constitue-t-il une forme de décès équivoque ?
Je cite un extrait du rapport de l’Académie Nationale de Médecine du 14/03/2007, intitulé "Prélèvements d’organes à coeur arrêté" :
"Depuis 1968 et jusqu’à présent, le prélèvement a été limité aux donneurs à coeur battant en état de mort cérébrale. Dans le sillage des expériences étrangères, la loi française a ouvert depuis août 2005 une voie nouvelle, celle des ’décédés présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant’ autorisant le prélèvement des reins et du foie."Ce même rapport précise :
"Il n’y a qu’une seule forme de mort: la mort encéphalique, qu’elle soit primitive ou secondaire à l’arrêt cardiaque".Notons que dans le cas de la mort encéphalique, le coeur bat encore alors que le cerveau est détruit, tandis que dans le cas des sujets "décédés présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant" (forme de "décès" rendant possibles les prélèvements "à coeur arrêté"), le coeur ne bat plus, tandis que la mort du cerveau n’est pas requise. Ce qui conduit au paradoxe suivant : comment affirmer le décès d’un sujet "présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant", mais dont la destuction du cerveau n’est pas requise avant le prélèvement de ses organes, si la seule forme de mort qui prévaut médicalement et légalement est celle du cerveau, qu’elle soit "primitive ou secondaire à l’arrêt cardiaque" ? Autant dire que ce sujet ne décèdera qu’après le prélèvement de ses organes, puisqu’avant le prélèvement, la destruction du cerveau n’est pas établie. Je rappelle qu’en l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’est pas possible de déterminer avec certitude le moment précis de la destruction du cerveau, dans le cas d’un sujet "présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant". A quel moment un tel sujet se trouve-t-il en mort encéphalique ? Combien de temps la mort encéphalique intervient-elle consécutivement à l’arrêt cardiaque et respiratoire persistant ? Ce fait n’est pas encore scientifiquement établi.
Malgré les paradoxes, disparités des pratiques d’un pays à l’autre, controverses scientifiques, etc., force est de constater qu’en France, on est encore loin de chercher à se dégager des tentatives de définition légales des formes de mort permettant le prélèvement d’organes (dans le cas de la mort encéphalique et des prélèvements "à coeur arrêté"). A l’inverse, dans les pays anglo-saxons, la tendance est de parler de prélèvements d’organes sur donneurs mourants (dans le cas de la mort encéphalique et des prélèvements "à coeur arrêté").
1 commentaire:
On comprend mieux pourquoi se pose la question de l'anesthésie d'un donneur d'organes "décédé"...
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