Scientific MOOCs follower. Author of Airpocalypse, a techno-medical thriller (Out Summer 2017)


Welcome to the digital era of biology (and to this modest blog I started in early 2005).

To cure many diseases, like cancer or cystic fibrosis, we will need to target genes (mutations, for ex.), not organs! I am convinced that the future of replacement medicine (organ transplant) is genomics (the science of the human genome). In 10 years we will be replacing (modifying) genes; not organs!


Anticipating the $100 genome era and the P4™ medicine revolution. P4 Medicine (Predictive, Personalized, Preventive, & Participatory): Catalyzing a Revolution from Reactive to Proactive Medicine.


I am an early adopter of scientific MOOCs. I've earned myself four MIT digital diplomas: 7.00x, 7.28x1, 7.28.x2 and 7QBWx. Instructor of 7.00x: Eric Lander PhD.

Upcoming books: Airpocalypse, a medical thriller (action taking place in Beijing) 2017; Jesus CRISPR Superstar, a sci-fi -- French title: La Passion du CRISPR (2018).

I love Genomics. Would you rather donate your data, or... your vital organs? Imagine all the people sharing their data...

Audio files on this blog are Windows files ; if you have a Mac, you might want to use VLC (http://www.videolan.org) to read them.

Concernant les fichiers son ou audio (audio files) sur ce blog : ce sont des fichiers Windows ; pour les lire sur Mac, il faut les ouvrir avec VLC (http://www.videolan.org).


Enquête grand public don d'organes sur Yahoo

Le site internet Yahoo France permet aux internautes de poser des questions et/ou de répondre aux questions déjà posées, sur tous les sujets possibles et imaginables (sérieux, incongrus, portant sur des détails ou d'ordre général). Chaque question, une fois posée, devra être "résolue" en trois jours. L'auteur peut sélectionner la meilleure réponse à sa question parmi toutes les réponses reçues durant ces trois jours. Les internautes peuvent voter pour les questions "résolues" (une fois le laps de temps imparti écoulé) et "non résolues" (durée inférieure ou égale à trois jours).


J'ai posé deux questions hier (dimanche 26/08/2007) :

1.-) Pensez-vous que le donneur d'organes soit bien traité ?

J'ai ajouté le témoignage suivant, en précisant qu'il s'agissait d'un témoignage de médecin, mais sans préciser s'il s'agissait d'un donneur vivant ou "décédé" :

"Il est évident, et ce n'est nié par personne, que les soins au 'donneur' sont profondément modifiés lors de l'optique d'un prélèvement. C'est tout à fait incompatible, à mon avis, (et ce devrait être l'avis de tout philosophe et de tout médecin honnête) avec une prise en charge médicale 'éthique'. Le 'donneur' perd sa qualité d'être humain, de malade, il est réduit à l'état de 'moyen', de pourvoyeur d'organes. La qualité de relation médecin/malade est par là totalement pervertie puisque le médecin ne poursuit plus le bien de celui qu'il a en charge. Au mieux, on est au pire de l'acharnement thérapeutique. Je ne comprends toujours pas que nos philosophes et chantres de l'éthique à tout crin n'aient jamais exposé 'ex cathedra' ces considérations simples. Ce silence est lui aussi scandaleux."

En l'espace de quelques heures, j'ai reçu 7 réponses, dont une seule interprétant (à tort) le témoignage du médecin comme une critique du prélèvement d'organe sur donneur vivant.
Dans ce contexte, le témoignage, si ce n'est le médecin lui-même, est placé dans une perspective négative, tandis que le prélèvement d'organe sur donneur vivant est fortement valorisé. Cette méprise prouve bien que la question du don d'organes n'implique pas qu'on se pose la question de savoir à quelle mort on croit : le donneur d'organes "décédé" est-il vraiment mort ? Est-ce que les organes d'un "vrai" mort peuvent aider un patient en attente de greffe ? Le donneur décédé est-il mort ? Vivant ? Entre les deux ? Quel est son statut ? Est-ce que je crois à la mort encéphalique, etc.
Pour la totalité des réponses, la question de la mort du donneur "décédé" ne se pose pas : mourant est assimilé à "cliniquement mort", ce dernier terme étant assimilé à "mort". La mort dans ce contexte est comprise comme "pouvant sauver des vies", sans qu'on s'interroge vraiment sur la question : pourquoi ces seules (et rares) formes de mort (mort encéphalique, prélèvements "à coeur arrêté") permettent-elles de sauver des vies ? Toutes les formes de mort ne le devraient-elles pas? Il est intéressant de constater que la seule forme de décès connue du grand public dans le cadre des prélèvements d'organes est la mort encéphalique. La mort encéphalique est uniquement présentée sous ses aspects cliniques (présentés comme autant de preuves irréfutables de la mort), et non sous une forme émotionnelle (telle que : c'est une forme de mort difficile à accepter : le patient est chaud, respire encore, semble endormi). La technique de prélèvement d'organes sur patients "à coeur arrêté" est inconnue.

- Aucun ne s'est plaint!

- La situation de donneur d'organe(s) suppose une fin de vie imminente ou inéluctable et je m'étonne qu'un médecin puisse penser ça ? Quoi qu'il arrive le patient condamné est respecté jusqu'à la fin qu'il soit donneur ou non : le soigner c'est aussi l'accompagner jusqu'à la mort même sans le sauver ! Alors si sa mort peut sauver une vie... Son traitement est très digne et les conditions drastiques, alors donnons et sauvons. Je pense que ce médecin y voit plus le refus du traitement de son corps une fois décédé peut être ?

- Il faut savoir qu'un donneur d'organe est une personne qui est en état de mort cérébrale, c'est-à-dire qu'elle n'a plus aucune activité cérébrale. C'est vrai que le but est de garder au maximum le patient vivant et stable au niveaux des paramètres vitaux, pour permettre de trouver des receveurs. En France, on ne prélève des organes que si le patient était consentant de son vivant et l'avait signalait au centre des greffes mais malgrè tout si la famille refuse, on ne prélève pas.
Si les équipes médicales sont humaines le donneur gardera juusqu'à la fin son côté personne à part entière et sera respectée. Il ne faut pas croire que l'on considère le donneur comme un objet, c'est aussi dur pour lui, pour les familles et les équipes. Et ne pas oublier qu'une vie peut en sauver des dizaines. Biensûr tout est fait pour sauver les organes c'est sans doute la que c'est moins humain pour ceux qui restent après le décès de se dire qu'on s'est battu pour sauver un rein ou un foie mais il faut se dire aussi que comme ça on sauve des enfants, des ados, des papa et mamans.

- Lorsqu'on en arrive à penser que X puisse devenir un donneur d'organes cela veut dire tout simplement que :
. le cerveau de X est MORT (plus d'ondes cérébrales confirmées à deux reprises par un EEG avec autres signes recherchés par deux médecins en suivant la législation -en france rigoureuse) et donc que jamais X ne pourra guérir même si
. le corps de X continue à vivre pendant quelques temps grace à des machines (amenant oxygène aux poumons, liquides et nourriture aux organes)...
Une fois la décision prise, les organes doivent être prélevés très vite pour être acheminés encore plus vite jusqu'aux patients eux bien en vie et qui attendent désespérement un organe sain pour pouvoir reprendre leur vie !! Est ce trop cher payé ??? Et le corps du défunt X est alors tranquillement préparé et remis à sa famille pour son enterrement.

- Je ne vois donc pas du tout comment la qualité de la relation médecin/ malade peut être altérée dans un tel contexte :
. d'un côté il y a X qui est mort cliniquement et donc n'a plus besoin de médecin mais d'un prêtre
. de l'autre il y a Y et Z qui attendent avec angoisse que leur médecin leur annonce la bonne nouvelle !!

- Il y a des gens qui sont prèts à tout pour qu'on les entende, même à dire n'importe quoi sur un ton très offusqué. On ne soigne plus pareil quelqu'un quand il est mort? ça alors!!?!!

- Avis aux précédents, un donneur vivant peut donner un rein ou une moitié de foie sans mettre en danger sa santé. C'est probablement de cela qu'il s'agit. Le médecin concerné devrait revoir ses considérations sur le principe de bienfaisance, car même dans un soin courant, on est parfois obligé de faire mal, de léser le patient, de l'ouvrir, voire de le mettre en danger de mort afin d'atteindre un but qui nous semble ou mieux qui semble au patient valoir le risque. Ce n'est donc de loin pas le seul cas où on commet un acte nocif sur un patient, pour répondre à un espoir thérapeutique. Il est intéressant de voir que dans la description qui est faite, le patient n'a droit à son respect d'être humain que s'il a le statut de malade, les gens en bonne santé étant exclus des préoccupations du médecin. Si de tels médecins exercent, c'est très dommage pour le corps médical, mais pas spécifique au don d'organe. Le gros hic de cette argumentation, à mon sens, est que l'auteur SAIT, LUI, ce qui est bien pour le donneur, puisqu'il sait quand un médecin recherche le bien du patient ou pas. C'est une vision très paternaliste qui se défend mal dans la conception de la relation médecin-malade actuelle. Ayant ouï, comme tout le monde, le nombre de gaffes que les médecins peuvent commettre pour se couvrir, j'imagine qu'ils auront tout de même moins tendance à reconnaître l'existence d'une complication chez le donneur, dont il sera de manière factuelle le seul responsable.


2.-) Pensez-vous que le discours public sur le don d'organes est assez objectif ?
Le discours public sur le don d'organes se situe entre promotion et information, sans jamais s'affranchir de la promotion. Pensez-vous que la communication grand public devrait être plus objective et ne pas chercher à promouvoir le oui par rapport au non ?


Je n'ai eu que deux réponses, ce qui est curieusement peu. Le don, vu comme principe (dogme), est érigé en consensus ("social correctness") : la question afférente au prélèvement d'organes, sous-(en)tendue dans la question formulée, se confond avec celle (toute théorique) du don des organes.

- C'est à dire, expliquer aux gens les bienfaits du don d'organes, les vies sauvées? C'est ce qu'il faudrait. Je suis moi-même donneuse, mais je n'ai vu aucune pub sur le sujet, c'est vrai que l'information, la prise de conscience tout simplement manquent.

- Il est impossible d'être objectif dans un sujet pareil. On parle quand même d'un acte qui sauve des vies, et sauver des vies, ça amène forcément de la subjectivité. Et pour moi, c'est quand même plutôt objectif de dire aux gens que parce qu'ils ne se sont pas exprimés de leur vivant, leur famille risque d'hésiter à accepter le don d'organe, et qu'à cause de ce détail, des centaines de personnes meurent chaque année alors qu'on aurait pu les sauver. De toute façon, une personne opposée au don d'organe le fera savoir à son entourage, tandis que quelqu'un qui n'est pas contre, ne verra pas forcément l'intérêt ou l'opportunité d'en parler. Ce sont ces personne qui ne se prononcent pas qui sont visées, et si les opposants se sentent coupables, c'est qu'il y a une raison.

Ces réponses sont conformes à l'objectif principal du discours public sur le don d'organes : à la question du constat de décès sur le plan de l'éthique (mort encéphalique, prélèvements "à coeur arrêté"), on répond par la beauté du don, selon le principe : la mort est dissensuelle, tandis que le don est consensuel. La volonté de donner est perçue comme une motivation, une dynamique subjective et collective à la fois, dont les rouages bien huilés fonctionnent si quelques détails ne viennent pas les gripper. Ces détails sont le refus du don, perçu comme un oubli, une erreur d'étourderie : il est tellement évident que tout le monde veut donner. On pourrait comprendre que le refus du don est dans ce cas l'exception qui confirme la règle (l'acceptation du don).
La question de la mort dans le contexte du prélèvement d'organes est généralisée, systématisée, désindividualisée ("conditions drastiques"). Les "paramètres vitaux" manifestes chez le donneur en état de mort encéphalique n'impliquent pas de réaction émotionnelle chez celui qui mentionne leur existence, permettant à ce dernier de garder une distance "objective" vis-à-vis de cette forme de décès qui est approuvée par l'intellect, sans aucun investissement émotif. Aucune empathie avec le mourant n'est manifeste : dépersonnalisé puisque mort, il est un simple pourvoyeur d'organes sans que cela soit jugé répréhensible : le patient cliniquement mort "n'a plus besoin d'un médecin mais d'un prêtre". Autrement dit, le donneur d'organes, même mourant et pas encore mort, n'est plus une personne puisqu'il est "cliniquement" mort. Ce terme de "cliniquement mort" semble être un mot-écran, qui empêche une réflexion personnelle sur la mort, comme si la somme de cette réflexion (dont le corps médical aurait le monopole) était contenue dans le terme "clinique" : un label de contrôle qualité, en quelque sorte : concernant la mort du cerveau, il est mentionné que "la législation est rigoureuse en France" (ce qui sous-tend une supériorité de ce pays sur d'autres dans le domaine du diagnostic de la mort encéphalique).

Le Centre d'Ethique Clinique du Groupe Hospitalier Cochin-Saint Vincent de Paul (AP-HP) : un rôle de médiation éthique au coeur de l'hôpital

Le Centre d'Ethique Clinique (CEC) du Groupe Hospitalier Cochin-Saint Vincent de Paul (Assistance Publique des Hôpitaux de Paris) a été créé suite à la loi des droits des malades de mars 2002. Il joue un rôle de médiation éthique entre patients et soignants - rôle qu'il définit comme "une aide et un accompagnement à la décision médicale".

Pourquoi le CEC existe-t-il ?
Fin de vie, cancer, sida : dans ces domaines, les décisions médicales peuvent soulever des questions d'ordre éthique.

Le Centre d’Ethique Clinique met à la disposition des soignés, comme des soignants, une aide et un accompagnement de la décision médicale 'éthiquement' difficile, nourris par une activité pluridisciplinaire de recherche et d’enseignement.

L'éthique clinique, à quoi ça sert ?



- À resituer la décision dans l’espace et dans le temps.
- À la dépassionner lorsqu’elle est difficile à aborder pour ceux qui y sont impliqués de près.
- À aider à ce qu’elle soit prise dans le calme, après qu’aient été mises à plat les différentes questions éthiques qu’elle soulève.
- À prendre en compte toutes les dimensions de la personne concernée : médicale mais aussi socio-familiale, professionnelle, religieuse et culturelle, etc.

L’objet de l’éthique clinique est de faire intervenir un tiers dans la réflexion autour d’une situation médicale difficile. À cette fin, l’équipe du Centre est constituée de soignants, et de non-soignants, psychologues, philosophes, sociologues, juristes, théologiens et autres représentants de la société civile, tous formés à l’éthique clinique.

Il s’agit d’élargir le champ de la réflexion, considérant que le meilleur intérêt de la personne malade ne se mesure pas toujours en fonction de son seul intérêt médical.


Bon à savoir :
Sur la demande du personnel de l’hôpital Cochin, les Cafés éthiques sont ouverts à tous (soignants, soignés et curieux). Quelques thèmes déjà abordés à cette occasion :


"La greffe de visage, une greffe comme les autres?" (09/05/2006)

"Le don d'organes : accepteriez-vous que l'un de vos proches soit prélevé?" (31/03/2005)


En pratique...
le CEC se fonde sur le principe selon lequel "l’éthique appartient à tout le monde et justifie une discussion collégiale et pluridisciplinaire." En conséquence, "un binôme de consultants, en général un médecin et un non médecin, rencontreront individuellement les différentes personnes concernées par la décision, pour relever l’ensemble des informations utiles au débat et comprendre les positions et les arguments de chacun. La situation est ensuite présentée et discutée par un staff composé pour moitié de soignants (médecins, infirmières, psychologues, etc.) et pour moitié d’experts en sciences sociales et humaines (juristes, philosophes, sociologues, etc) ou autres représentants de la société civile. Cette discussion approfondie et pluridisciplinaire permet d’identifier les différentes dimensions de la décision et de les éclairer au mieux pour chacun. La teneur des débats est ensuite portée à la connaissance des protagonistes. C’est à eux que revient la décision finale." Le Centre d’Ethique Clinique n’est donc jamais décisionnaire.

Dans un article précédent, intitulé "Ethique et transplantation d'organes : quels problèmes ?", nous avons démontré que la communication grand public sur le don d'organes tient plus de la promotion que de l'information, étant donné que cette communication est orchestrée par l'Agence de la biomédecine, qui a pour mission d'assurer la promotion du don d'organes : cette mission est inscrite dans les statuts de l'Agence. Il serait donc souhaitable que le Centre d'Ethique Clinique intervienne lorsque se pose la question du don des organes de patients "décédés" (don des organes dans le cas de patients en état de mort encéphalique ou dans le cas des "prélèvements à coeur arrêté"), afin d'informer les familles confrontées au don d'organes. En effet, une équipe hospitalière de transplantation d'organes, et tout spécialement l'infirmier ou infirmière coordinateur (-trice), a pour mission de promouvoir le don d'organes. La famille confrontée à la question du don des organes d'un proche devrait néanmoins pouvoir bénéficier d'une information "neutre", affranchie de toute promotion, car c'est un fait indéniable que les prélèvements d'organes sur patients "décédés" soulèvent des questions d'ordre éthique. Répondre à ces questions par un discours de promotion du don relève de la pure et simple usurpation d'information, préjudiciable pour les familles confrontées à la question du don des organes d'un de leurs proches. Pour justifier ce point de vue, on peut se référer au droit d'information que possèdent les patients : voir la loi des droits des malades de mars 2002 :


Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi rédigé : Information des usagers du système de santé et expression de leur volonté : Art. L. 1111-2. - Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé.


Comment une information "neutre" est-elle possible dans le domaine du don d'organes ?
Rappelons cette notion fondamentale dans le cas du prélèvement des organes d'un patient "décédé" : l'intérêt du patient dont on va prélever les organes passe après celui des patients en attente de greffe. Autrement dit, l'intérêt du receveur prime sur celui du donneur, puisque ce dernier décèdera lors du prélèvement de ses organes, et bien sûr ce n'est pas le donneur qui décidera de la date et de l'heure de l'opération chirurgicale consistant à prélever ses organes. Il s'agit d'une forme d'euthanasie qui ne dit pas son nom (en France, l'euthanasie est interdite). Une information neutre est donc impossible dans la mesure où on s'écarte, dans le cas du prélèvement des organes d'un patient "décédé", de la déontologie médicale qui prévaut habituellement, à savoir : la prise en compte par le médecin de l'intérêt du patient qu'il soigne. Dans ce cas précis du prélèvement des organes sur patient "décédé" (plus exactement, dont on prévoit le décès), il s'agit pour le médecin de sacrifier l'intérêt du patient donneur, au profit de patients receveurs d'organes. Il s'agit là d'une forme de "déontologie" bien particulière et sujette à caution dans le corps médical. On voit mal comment l'entourage d'un patient qui va être "euthanasié", non dans son propre intérêt, mais dans l'intérêt de patients qui attendent de récupérer ses organes, pourrait bénéficier d'une information "neutre" : la "déontologie" particulière qui est à la base du don d'organes ne permet pas la neutralité de l'information. A cette neutralité impossible, ne pourrait-on pas substituer un pluriperspectivisme ?

Médiation éthique et pluriperspectivisme
Dans cette nouvelle perspective, la mission du Centre d'Ethique Clinique (CEC) du groupe hospitalier Cochin prend toute son importance : en effet, le CEC "met à la disposition des soignés, comme des soignants, une aide et un accompagnement de la décision médicale 'éthiquement' difficile, nourris par une activité pluridisciplinaire de recherche et d’enseignement". Il est capital que les familles confrontées au don d'organes puissent bénéficier de cet accompagnement en amont de leur décision (pour ou contre le don des organes d'un de leurs proches).

Il serait donc souhaitable d'inclure le domaine des transplantations dans le champ d'activité du CEC, car ce domaine comporte des zones grises sur le plan de l'éthique, par exemple la question du constat du décès sur le plan de l'éthique dans le cas des prélèvements sur patients en état de mort encéphalique ou "à coeur arrêté"...

En dehors du Groupe Hospitalier de l'AP-HP (Assistance Publique des Hôpitaux de Paris), dont l'hôpital Cochin fait partie, signalons l'activité du Réseau international et interdisciplinaire de recherche sur le don et la transplantation d’organes, dirigé par le Dr. Carina Basualdo. Ce réseau fait appel à des experts et à des compétences en médecine, anthropologie, psychanalyse, droit et philosophie.

==> Plus d'informations sur le CEC : http://www.ethique-clinique.com/

==> Site web du Réseau international et interdisciplinaire de recherche sur le don et la transplantation d’organes :
Page d'accueil :
http://www.fhumyar.unr.edu.ar/index.php?id=eventos :
cliquer sur le texte en bas à droite sur la page d'accueil ("Red internacional e interdisciplinaria de investigación sobre la donación y el transplante de órganos") afin d'accéder à l'espace web du Réseau.

==> Version française : cliquer ici.

L'information du malade : le procédé de renversement de la charge de la preuve

1.) Le Code de Déontologie, article 35 : Information du Malade, stipule (article R.4127-35 du code de la santé publique, commentaires révisés en 2003) :

"L’obligation d'information entraîne des conséquences importantes dans le domaine de la responsabilité médicale.La responsabilité du médecin est en effet engagée s'il n'a pas donné à son patient l'information nécessaire. Il peut alors être condamné à indemniser ce dernier non pas de l'ensemble du dommage corporel dont il est atteint, mais de la perte de la chance qu'il avait d'échapper au risque qu'il a encouru et dont il a été finalement victime.Jusqu'en 1997, une telle condamnation intervenait rarement car c'était au patient de faire la preuve que l'information nécessaire n’avait pas été apportée (Cour de cassation, 29 mai 1991 ), preuve négative toujours difficile à apporter. Mais un revirement de jurisprudence est intervenu avec l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 25 février 1997 (arrêt Hédreul) qui a renversé la charge de la preuve en matière d'information du patient. C'est maintenant au médecin et non plus au patient qu'il incombe en cas de litige d'apporter la preuve qu'il a bien informé ce dernier des risques du traitement ou de l'investigation qu'il lui propose, et cette obligation porte même sur l'existence d'un risque exceptionnel si c'est un risque grave (Cour de Cassation, 7 octobre 1998 : arrêt Castagnet). (...) [Information ] Loyale est le mot-clé cité d'ailleurs en premier dans cet article 35. On ne ment pas à quelqu'un qui doit être respecté. Cette loyauté ne signifie pas une franchise brutale, crue, sans cœur. Mais toute dissimulation ou tout mensonge est exclu, sauf en fonction des restrictions que nous allons voir, dont l'application devrait devenir plus rare. L'intention de tromper ou dol, est une faute en droit général ; elle peut être la cause de nullité d'un contrat et source de responsabilité."

2.) Ethique de l'information médicale, 26 avril 2007 (colloque organisé par l'Ordre des Médecins, avec la participation du Professeur Didier Sicard, Président du Comité national d'Ethique, et du Professeur Christian Hervé, Directeur du Laboratoire d'Ethique médicale de Paris V) :

"(...)la réflexion éthique n'est la propriété de personne. Elle doit être partagée. (...) la communication médicale a été profondément dénaturée au cours des dernières années. En effet, le couple du colloque singulier a laissé la place à une relation à plusieurs. Le patient, ses proches et la personne de confiance qu'il a pu désigner ont tous reçu une foule d'informations provenant de sources diverses. Il est difficile pour lui d'effectuer le tri au milieu des sites Internet et des références scientifiques. Avant même de rencontrer son médecin, le patient se construit un imaginaire. C'est sur cet imaginaire que le praticien doit greffer son message. Le colloque antérieur qui préexistait, par nature binaire, était assez simple dans sa configuration. A la plainte du patient, le médecin apportait une réponse et une thérapeutique. Depuis, le rythme a changé. La réponse est aujourd'hui une proposition. Elle appelle une seconde réponse de la part du patient, sur la base de ses propres connaissances. C'est ainsi que se noue une négociation entre le praticien et le patient. Le médecin devient ainsi responsable et le patient se mue en citoyen. A ce sujet, la loi de 2002 [loi N°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, ndlr.] peut être considérée comme fondatrice. Les médecins doivent aujourd'hui se saisir de ces questions afin d'éduquer au mieux le public. Nous devons ainsi nous préoccuper de la validité des contenus des sites Internet. Afin que le patient puisse pleinement devenir citoyen, il faut que ce dernier parle le même langage que le médecin. En ce sens, l'éthique de l'information ne saurait se limiter au colloque singulier. Elle trouve pleinement sa place dans l'éducation à la santé. Nous tenons à ce que le public reçoive en la matière une information pertinente et éthique. Notre travail commun avec les associations de patients est à cet égard fondamental. Il nous faut pleinement nous investir dans cette nouvelle stratégie. Ces sujets nous dérangent autant qu'ils nous passionnent."

En effet, ces sujets peuvent déranger le corps médical institutionnel : que penser de la communication grand public sur le don d'organes, orchestrée par l'Agence de la biomédecine, qui a pourtant pour mission de promouvoir le don d'organes (cette mission est inscrite dans les statuts de l'Agence) ? Promouvoir n'est pas informer. D'autre part, les équipes de transplantation d'organes, et plus particulièrement l'infirmier ou infirmière coordinatrice de ces équipes, interlocuteur privilégié des familles confrontées au don des organes d'un proche "décédé", ont pour mission de promouvoir le don d'organes. Là encore, promouvoir n'est pas informer. Dans ces deux cas, où est la loyauté inscrite dans le code de déontologie (article 35 : Information du malade) ? D'autant qu'avec le renversement de la charge de la preuve intervenu récemment (revirement de jurisprudence de 1997), c'est maintenant au médecin et non plus au patient qu'il incombe en cas de litige d'apporter la preuve qu'il a bien informé le patient. Or le discours public et institutionnel français promeut (= information orientée) systématiquement le don des organes ; il n'informe pas (= information objective). Cet état de fait est "dérangeant" pour l'institution médicale dans la mesure où il y a usurpation d'information. Cette usurpation est préjudiciable aux familles confrontées au don des organes de leur proche "décédé" (c'est-à-dire présenté comme tel) - familles qui sont parfois amenées à découvrir après-coup (après avoir autorisé le prélèvement des organes sur leur proche) que les formes de "décès" qui conduisent au prélèvement des organes sont controversées au sein du milieu scientifique médical (en France comme dans tous les autres pays). Dans de tels cas, les familles reprochent souvent aux acteurs des transplantations d'avoir déguisé la réalité (leur proche était en fait mourant et non mort), elles estiment qu'il y a eu usurpation d'information.

L'information du patient et de ses proches dans le contexte du don d'organes : un chapitre qui reste à écrire dans le grand livre de la loi ?...

Sources :
1.) http://www.conseil-national.medecin.fr/?url=deonto/rubrique.php&open=2#2

2.) http://www.conseil-national.medecin.fr/?url=colloque/index.php

Réseau international et interdisciplinaire de recherche sur le don et la transplantation d’organes

Le Réseau international et interdisciplinaire de recherche sur le don et la transplantation d’organes, dirigé par le Dr. Carina Basualdo, a déjà été présenté sur ce weblog : voir l'article : Réseau de chercheurs sur le don et la transplantation d'organes (juin 2006) : cliquer ici.

Rappelons que le Dr. Carina Basualdo est co-responsable d'un nouveau diplôme universitaire : "Don, Prélèvement et Transplantation d’organes : Problèmes médicaux, éthiques et psychologiques, une perspective interdisciplinaire", mis en place à la rentrée universitaire 2007-2008. Voir l'article de ce weblog concernant ce nouveau diplôme universitaire (mai 2007): cliquer ici.

Il existe une version française et une version espagnole du site web du Réseau international et interdisciplinaire de recherche sur le don et la transplantation d’organes, incluant les derniers travaux de recherche, publiés dans les deux langues.

==> Site web du Réseau (page d'accueil) : http://www.fhumyar.unr.edu.ar

Pour accéder au site web du Réseau, qui se situe après la page d'accueil, cliquer sur le lien en bas à droite de la page d'accueil :
"Red internacional e interdisciplinaria de investigación sobre la donación y el transplante de órganos"

==> Version française

==> Version espagnole