Scientific MOOCs follower. Author of Airpocalypse, a techno-medical thriller (Out Summer 2017)


Welcome to the digital era of biology (and to this modest blog I started in early 2005).

To cure many diseases, like cancer or cystic fibrosis, we will need to target genes (mutations, for ex.), not organs! I am convinced that the future of replacement medicine (organ transplant) is genomics (the science of the human genome). In 10 years we will be replacing (modifying) genes; not organs!


Anticipating the $100 genome era and the P4™ medicine revolution. P4 Medicine (Predictive, Personalized, Preventive, & Participatory): Catalyzing a Revolution from Reactive to Proactive Medicine.


I am an early adopter of scientific MOOCs. I've earned myself four MIT digital diplomas: 7.00x, 7.28x1, 7.28.x2 and 7QBWx. Instructor of 7.00x: Eric Lander PhD.

Upcoming books: Airpocalypse, a medical thriller (action taking place in Beijing) 2017; Jesus CRISPR Superstar, a sci-fi -- French title: La Passion du CRISPR (2018).

I love Genomics. Would you rather donate your data, or... your vital organs? Imagine all the people sharing their data...

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La mort encéphalique, le consentement au prélèvement d'organes et l'accompagnement des familles "du deuil au don"

Le Professeur Louis PUYBASSET, Unité de NeuroAnesthésie-Réanimation, Département d'Anesthésie-Réanimation, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris, a bien voulu répondre à mes questions. Je souhaite le remercier vivement pour cet échange, et pour son autorisation à reproduire ses propos dans ce journal en ligne.

Catherine Coste :
J'ai assisté à la soirée "Approches de la fin de vie et de la mort en réanimation" du 8 septembre 2005, en tant que grand public, et souhaite exprimer ma gratitude pour tout ce que j'ai pu apprendre, en tant qu'usager de la santé, par le film "La Mort n'est pas exclue" et par les interventions qui ont entouré la projection. Comme l'a fait remarquer le Professeur Denis Safran, chef du Service de Réanimation à l'Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris, le problème de la mort encéphalique chez un patient jeune et la question du prélèvement d'organes n'ont pas été abordés dans ce film. Le Professeur Safran a néanmoins rappelé qu'il convient d'assurer un suivi des familles qui ont consenti au prélèvement d'organes de leur proche en état de mort encéphalique, tant ce genre de mort (de travail de deuil à accomplir) est difficile à gérer. Typiquement, qu'arrive-t-il ? Un jeune part un beau matin pour l'école, ou pour la fac, il a un accident de la route, et il se retrouve en état de mort encéphalique. Il faut s'occuper du suivi à long terme des familles qui ont consenti au prélèvement ou don d'organes dans ces conditions, et cela ne peut être le rôle des équipes chirurgicales, dont ce n'est ni la vocation ni la raison d'être. Il convient que des équipes paramédicales assurent l'accompagnement (le suivi) de ces familles, a souligné le Professeur Safran.



J'ai récemment créé un blog (= journal en ligne) sur le thème du prélèvement d'organes. L'idée de ce journal en ligne est de faciliter le dialogue entre les non spécialistes (le grand public, dont je fais partie) et les médecins et chirurgiens, sur des questions que le grand public peut se poser face au développement des nouvelles pratiques et techniques médicales et chirurgicales. Dans ce blog, j'ai pour le moment développé essentiellement deux thèmes : les prélèvements d'organes et la chirurgie robotique.

En ce qui concerne le premier thème : je suis partie de la constatation, ayant assisté "accidentellement" au prélèvement d'organes sur enfant en état de mort encéphalique, il y a quelques années, que le patient en état de mort encéphalique ne semble pas mort, mais endormi. Intellectuellement, il est difficile de comprendre que ce patient est mort. D'autre part, si en France la loi de Bioéthique d'août 2004 redéfinit (sans qu'il y ait eu débat incluant l'opinion publique = les usagers de la santé) la mort comme étant la mort encéphalique, fournissant ainsi un excellent support juridique à l'activité des transplantations d'organes ; d'autres pays, comme le Japon, le Danemark ou l'Allemagne, ont été (et sont) le théâtre d'un débat sur des décennies, à l'échelle nationale (incluant le grand public) sur la mort encéphalique. Certains articles scientifiques (cités dans ce journal en ligne) montrent qu'un patient en état de mort encéphalique est juridiquement mort ; techniquement, toutefois, il en irait autrement. Ces mêmes articles indiquent que le patient en état de mort encéphalique serait mourant et non mort, étant donné que parler de "mort" serait complètement inadéquat, n'existeraient que des stades du processus de mort.

J'ai donc essayé de conduire une réflexion sur la campagne de communication concernant les "Don et Greffe d'organes" en France (campagne orchestrée par l'Agence de Biomédecine en juin 2005), et plus généralement sur la communication du corps médical envers le grand public, concernant les transplantations d'organes, tant il me semble qu'en France on rechigne à la transparence, en comparaison de ce qui se passe dans d'autres pays (Allemagne, Danemark, Japon)...Ce journal sur les transplantations est loin d'être parfait et irréprochable, toutefois à mes yeux il a le mérite de poser des questions qu'en France le corps médical, dans sa majorité et pour le moment, ne semble pas désireux d'aborder avec le grand public. Peut-être est-ce la faute de ce grand public, qui en France ne semble pas marquer un vif intérêt pour ces questions de mort encéphalique, et "se contente" des "explications grand public"... Ce qui à mon sens risque d'aboutir à l'attitude suivante : oui, en théorie, je suis pour le don d'organes. Non en pratique, je ne suis pas pour le don d'organes...

Pour ma part, j'ajouterais que, en sortant de ce cas de prélèvement d'organes sur enfant en état de mort encéphalique, auquel j'ai assisté, la présence d'un "réanimateur psychique" à mes côtés (pour employer la formule de Guy Benamozig, Psychanalyste, Unité de neuro-anesthésie, Hôpital de la Pitié Salpêtrière) aurait été fort utile !!

Professeur Louis PUYBASSET:
"Je suis à votre disposition si vous souhaitez me poser une question précise. Je m’occupe beaucoup de prélèvements d’organe et connaît le sujet. La remarque de D. Safran hier était pertinente. Nous menons actuellement un travail à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière sur le vécu des familles à un an et c’est évidemment très dur pour elles. Je n’ai pas le temps de participer à des blogs mais puis vous aider ponctuellement."

Catherine Coste :
Plus spécifiquement, ma question porte sur le thème : Douleur et prélèvement d'organes (sur donneur en état de mort encéphalique) : prélève-t-on un patient mort ou un patient mourant ? Et s'il est mourant, a-t'il mal ou risque-t-il d'avoir mal ?
Certains articles scientifiques attestent que les patients en état de mort encéphalique sont mourants et non morts. De là ma question : si je suis donneur d'organes et s'il m'arrive de me retrouver en état de mort encéphalique, et qu'on prélève mes organes, ressentirai-je de la douleur ?

Dans le livre "Médecin aux urgences", de Jacqueline Dauxois et du Dr. Marc Andronikoff, paru aux Éditions du Rocher en 2005,le Dr. Marc Andronikof, Chef de Service des urgences de l'hôpital Antoine-Béclère (Clamart), parle de son désarroi face aux comas qu'on prolonge à des fins de prélèvements.
Je développe les propos du Dr. Andronikof en faisant référence à la revue de presse du mercredi 02/02/05 de Genethique (www.genethique.org) :

"Médecin aux urgences :

Marc Andronikof, chef de service des urgences de l'hôpital Antoine Béclère de Clamart, nous fait part dans un ouvrage intitulé 'Médecin aux urgences' de ses réflexions sur des sujets comme l'euthanasie, les greffes d'organe, la bioéthique ou l'acharnement thérapeutique. Ce livre bouscule le consensus sur les avancées scientifiques et sur les capacités qu'elles ont à résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Rédigé sous forme d'entretiens avec la journaliste Jacqueline Dauxois, Marc Andronikof revient notamment sur la question des greffes d'organes. Il dénonce le fait que dans les services d'urgence on réanime à tout prix les patients dans le seul but de leur prélever leurs organes : 'Moi, je suis hérissé de ne pas laisser les mourants mourir en paix, et, de plus il me semble que le médecin doit soigner et aider la personne qui se trouve là [...] au lieu de la sacrifier pour les autres'.

Il explique également que c'est la mort qui conditionne l'autorisation de prélèvement. Depuis peu on a légiféré pour définir la mort comme la mort cérébrale alors qu'avant elle était définie en fonction de l'arrêt du coeur, du cerveau et de la respiration. Aujourd'hui les prélèvements sont donc autorisés sur des personnes en coma dépassé. Il est temps, estime t-il 'de se demander si l'on ne recommence pas les erreurs tragiques du passé au lieu de se persuader qu'elles ne peuvent en aucun cas se produire de nos jours.' "

Je pense qu'il persiste un débat de fond entre : d'une part, par exemple, le Dr. Andronikof, auteur du livre "Médecins aux urgences" ; et d'autre part les médecins pour qui la mort cérébrale est LA mort : pas de sensation, pas de motricité etc.

En effet, cette définition de la mort comme la mort cérébrale est récente ; auparavant la mort était définie comme l'arrêt du cœur, de la respiration et la destruction du cerveau.

Jusqu'à présent, les chirurgiens Français prélèvent car ils assurent que les gens en état de mort encéphalique (= coma dépassé) sont morts... Est-il absurde d'imaginer que d'ici quelque temps on dira aux usagers de la santé que bien sûr il n'était pas question de croire que ces patients prélevés étaient morts mais que c'était mieux pour tout le monde qu'ils aient été prélevés ?

Dans mon entourage professionnel, j'ai cotoyé des médecins et chirurgiens de l'AP-HP (Assistance Publique des Hôpitaux de Paris) qui, sans le crier sur la place publique, expriment des doutes au sujet de ces patients jeunes qui se retrouvent en état de mort encéphalique et qu'on prélève. N'est-ce pas le fait d'avoir retiré leurs organes qui les a tués, plutôt ? Ont-ils eu mal ?

Je dois dire que d'avoir assisté à un cas de prélèvement d'organes sur un enfant de 8 ans en état de mort encéphalique, tout en étant pendant ce temps le témoin d'un conflit acharné entre deux chirurgiens concernant le bien fondé de cet acte, a été une expérience assez "violente"...


Professeur Louis PUYBASSET:
"Je suis responsable d’une réanimation de neurochirurgie qui s’occupe beaucoup de prélèvements d’organes.

Le diagnostic de mort cérébrale en France est le plus rigoureux du monde. Il repose sur la conjonction d’un examen clinique indiscutable et de 2 EEG plats en normothermie ou d’un angioscanner ou d’une artériographie montrant une perfusion nulle du cerveau. Il n’en est pas de même dans d’autres pays où vos craintes pourraient être partiellement justifiées (USA, Angleterre où ces examens ne sont pas requis).

Je peux vous affirmer qu’avec une telle démarche, les patients prélevés n’ont réellement plus aucune fonction cérébrale. J’en veux pour preuve que tous ceux pour lesquels la famille refuse et que nous extubons décèdent dans les quelques minutes qui suivent.

Cela n’empêche pas que des réactions médullaires peuvent persister chez ces patients, comme cela survient chez les tétraplégiques, si la moelle reste encore vascularisée. Ceci peut parfois être responsable de mouvements automatiques des membres à la stimulation douloureuse qui peuvent être impressionnant. C’est la raison pour laquelle ces patients sont le plus souvent maintenus sous morphine à petites doses.

Le problème de la réanimation de ces patients en vue de prélèvements est différent. Je vous répondrai que cette réanimation est limitée dans le temps et qu’elle est douloureuse pour les soignants. Si nous faisons cela, ce n’est pas pour faire souffrir une famille mais pour sauver d’autres vies. Je vous recommande très vivement d’ouvrir votre blog à des receveurs d’organes qui doivent leur vie aux dévouement de ces médecins, de ces infirmières et des familles de donneurs qui pourraient voir certains des propos que vous rapportez comme une atteinte à leur honneur, voire les qualifier de diffamatoires.

Madame, vous-mêmes ou un de vos proches sera peut-être un jour receveur. Je ne doute pas que cela changera alors votre vision de cette médecine qui est une des plus belle qui soit car elle donne véritablement la vie et exprime ce qu’est la solidarité humaine contre l’égoïsme et le repli sur soi."


Catherine Coste :
Puisque vous n'avez pas le temps de lire ce que contient ce journal en ligne, je me permets de vous en citer un extrait : "Ce Blog est respectueux de tous les acteurs qui m'ont fait l'honneur de me prêter attention et écoute. Il n'est évidemment pas dans mes intentions de dénigrer les détracteurs et les défenseurs du don d'organes, quels qu'ils soient, et j'éprouve envers tous les acteurs du monde de la santé dont les propos figurent sur ce Blog respect et devoir d'intégrité.

Les campagnes grand public à échelle nationale de communication sur le sujet 'Don et Greffe d'organes' par l'Agence de Biomédecine en étant à leurs débuts en France, ce Blog s'efforce de conduire une réflexion sur le sujet, afin de représenter les divers points de vue. Ce journal en ligne ne sert aucun but diffamatoire."

Dans ce même journal figurent des interviews de coordinatrices (Henri Mondor, Créteil, et Saint-Louis, Paris), ainsi que d'une jeune greffée (rein) qui raconte son histoire. En effet, ce journal se veut ouvert aux défenseurs aussi bien qu'aux détracteurs des transplantations, tant il est vrai que les deux existent au sein de la société (j'entends par là : usagers de la santé et médecins et chirurgiens, notamment). Et surtout, ce journal est ouvert à l'actualité des transplantations (presse grand public et presse spécialistes) à l'échelle internationale. Il met également l'accent sur les prélèvements de rein sur donneur vivant, à l'aide de techniques de la chirurgie mini invasive. Il montre aussi que certains chirurgiens estiment que le don d'organes ne peut se faire qu'à partir d'un donneur vivant (pour les organes divisibles : foie, rein...), tandis que d'autres estiment que le don d'organes ne peut être qu'anonyme, et émaner d'un donneur en état de mort encéphalique ou cadavérique.
Si vous permettez, je souhaiterais citer un dernier extrait de ce journal en ligne :
"Le grand public Français n'est pas invité par le corps médical à se poser la question en ces termes : à quelle mort est-ce que je crois ? Est-ce que je crois que je serai mort quand mon coeur aura cessé de battre et quand mes poumons auront cessé de fonctionner, ou bien est-ce que je crois que je serai déjà mort quand mon cerveau sera détruit, alors que mes fonctions cardio-vasculaires et pulmonaires sont encore intactes ?
Pourtant j'ai choisi ma vie et continue à le faire tous les jours, je devrais donc aussi avoir le droit de choisir ma mort : vais-je choisir d'autoriser les médecins à me déclarer mort(e) lorsque je serai en état de mort encéphalique ou cérébrale (première option), ou bien vais-je déclarer de mon vivant que je n'autorise pas les médecins à me déclarer mort(e) alors que mon coeur et mes poumons sont toujours en état de marche (deuxième option) ?
Si je choisis la première option, je suis un potentiel donneur d'organes, s'il m'arrivait de me trouver en état de mort encéphalique ou cérébrale. Si je choisis la deuxième, je ne pourrai être donneur d'organes s'il m'arrivait de me trouver en état de mort encéphalique ou cérébrale.
Le grand public choisit bien quelle vie il veut vivre, pourquoi ne pourrait-il pas choisir à quelle mort il veut croire ? Au Japon, la loi autorise ce choix.
En France, le corps médical veut que le grand public se décide pour ou contre le don d'organes. La question est donc centrée sur le don et non sur la mort à laquelle on croit (mort "traditionnelle", avec arrêt des fonctions cardio-vasculaires et pulmonaires, ou bien mort encéphalique ou cérébrale, sans l'arrêt des fonctions cardio-vasculaires et pulmonaires).

Les médecins Français demandent au grand public : voulez-vous ou non donner vos organes ? Ils ne lui demandent pas : voulez-vous qu'on vous déclare mort quand votre coeur et vos poumons seront toujours en état de marche, mais que votre cerveau sera détruit ; ou voulez-vous qu'on vous déclare mort quand vos fonctions cérébrales, cardio-vasculaires et pulmonaires seront arrêtées ?

Or je pense qu’aux yeux du grand public de n'importe quel pays, il est nécessaire de prendre en compte l’aspect contre intuitif de toute l’affaire des transplantations dans la communication envers ce grand public :

on prélève des organes vivants sur une personne décédée, on ouvre sans anesthésie un corps mort mais encore chaud, dont le propriétaire semble simplement dormir.

Il importe que le corps médical Français assume cet aspect contre intuitif, et même qu’il l’anticipe, en tout cas qu’il l’inclue dans sa campagne de communication.

Je ne souhaiterais pas découvrir aux portes du bloc où on m’amènera voir mon cher disparu pour me demander l’autorisation de prélever ses organes, alors que je suis complètement sous le choc, que son corps est encore chaud !! Je souhaite le savoir maintenant, pour pouvoir prendre du recul et réfléchir à la question afin de documenter ma position (pour ou contre les dons et greffes) sans attendre d’être dans la tourmente brutale de l’événement, mise au pied du mur pour faire un choix insoutenable !"

Professeur Louis PUYBASSET:
"Vous n’ignoriez pas qu’il existe un registre national du refus qui permet de couvrir votre hypothèse B ?"

Catherine Coste :
Non bien sûr, je ne l'ignore pas.

Mais mon point de vue est le suivant (et il est sans doute représentatif d'une partie du grand public, si infime soit-elle) :
qu'on me dise : "soit tu es généreuse et tu donnes, soit tu es égoïste et repliée sur toi (intégriste ?) et tu ne donnes pas" ne m'aide pas à prendre une décision. J'ai besoin de savoir à l'avance ce qui va se passer, avec des détails concrets, le plus de détails concrets possibles, afin que je puisse me projeter dans la situation, et ce à l'avance (par ex: le corps sera chaud, il semblera endormi mais ne ressentira rien, etc...). Les concepts philosophiques (le don, le refus) ne m'aident pas, désolée.
Si un proche que j'aime se retrouve en état de mort encéphalique, la première question que je vous poserai si vous me demandez mon autorisation de prélever ses organes est : "- Docteur, êtes-vous certain que vous allez le/la laisser partir en paix ? Je ne souhaite pas qu'on fasse intrusion dans son processus de mort, cela m'effraie trop." Encore une fois, désolée. Mais c'est véritablement ce que je vous demanderais. Au chevet de l'être aimé en instance d'être prélevé, je ne suis pas certaine d'être assez généreuse pour me préoccuper avant tout des vies anonymes qui pourraient être sauvées. Avant tout, j'accompagne la personne aimée dans la mort. C'est ma première mission. Et là, j'ai un immense besoin d'être rassurée sur le confort de ce mourant.
Une fois rassurée sur le confort du mourant, alors là oui, je me préoccuperai des vies que ce mourant pourrait sauver (jusqu'à 7 ou 8 !)

Je pense que la volonté d'exclure un vrai débat en amont des transplantations (désolée, mais un débat qui est uniquement centré sur le don ou le refus du don ne peut pas être un vrai débat. Le problème est tellement plus complexe !!) incite une partie des usagers de la santé à se méfier de ce que lui dit le corps médical ("ils ne sont pas transparents", "closed-door medicine", sont des mots qui reviennent souvent dans la bouche des usagers de la santé). Ce qui risque d'induire le comportement suivant : oui, en théorie je suis pour (bien sûr que je suis généreuse) ; non en pratique je suis contre (eh là, est-ce qu'on me dit la vérité, est ce que je ne risque pas de souffrir ? Les différences entre les pays et les querelles de spécialistes ne sont guère rassurantes !)

Je pense sincèrement que la communication en amont de tout ce problème manque dramatiquement de consistance, ce qui n'aide en rien les gens à faire un choix. Evacuer la richesse et la complexité des divers problèmes éthiques qui se posent véritablement en amont des transplantations ne peut aider les gens à faire un choix, ne peut pas induire un processus de maturation de la société, pour parler en termes de sociologie.

Ma plus grande crainte ? C'est ce que je dis à la famille d'un jeune donneur, qui a tant de mal à faire son deuil au sujet de ce jeune donneur dont ils ont autorisé qu'on prélève les organes (bien sûr leur double souffrance me bouleverse) :
"- Vous avez donné et maintenant vous doutez du bien fondé de ce choix, des années après. De mon côté, je risque l'inverse : refuser de donner, et passer le reste de ma vie à le regretter."

La seule chose qui peut aider le grand public à faire son choix, selon moi, c'est d'inclure le grand public dans les débats et la communication en amont du don. Ce n'est pas le cas en France pour le moment. Je le regrette.

Vous l'aurez remarqué, ce problème me tient réellement à coeur. Je voudrais tant faire quelque chose pour aider à élargir le débat au sein du grand public (de ce que je vois dans mon entourage, les Français ne sont guère passionnés par ce débat), et convaincre des institutions comme l'Agence de Biomédecine qu'il est urgent d'enrichir le débat au sein même des campagnes de communication : "Don et greffes : pour ou contre ? Je le dis à mes proches". Pour aider les gens à se décider. Non pour "poser des questions embarrassantes aux toubibs".

Professeur Louis PUYBASSET:
"Alors là, je trouve que vous avez raison, et je peux témoigner que les situations de conflit pour les familles entre l’accompagnement du proche et le choix du don que vous décrivez existent souvent. C’est aussi ce que vivent les soignants dans une moindre mesure. La demande de don doit être la plus respectueuse possible de tout cela. La seule façon de s’en sortir est d’accompagner vraiment toute la démarche de don. C’est la raison pour laquelle celle-ci est suivie et réalisée en France par des coordinatrices dont le métier est très exactement d’accompagner le donneur mais aussi sa famille et ses proches et de répondre très concrètement à toutes les questions que vous posez. C’est aussi pourquoi, dans notre unité, tout ceci est fait en partenariat très étroit avec l’analyste anthropologue qui travaille avec nous. A lui de faire passer la famille sur ce chemin si difficile du 'deuil au don'".


N.B. : cette situation de conflit entre l'accompagnement du proche et le choix du don de ses organes, dont parle le Professeur Puybasset, a été décrite par Masahiro Morioka, philosophe, écrivain et professeur à l'Université d'Osaka, Japon. Voir l'article de Masahiro Morioka paru dans "Eubios Journal of Asian and International Bioethics" N°10 (2000), p.10-11 : "Two Aspects of Brain Dead Being". L'auteur parle de la nécessité de prendre en compte la réaction émotionnelle et la réaction intellectuelle face à ce concept si particulier de mort cérébrale ou de mort encéphalique - les scientifiques la qualifient de "mort invisible" (invisible death), de "mort imminente" (imminent death) -, ces deux réactions pouvant s'opposer chez une même personne (compréhension intellectuelle du concept de mort encéphalique, et en même temps réaction émotionnelle de rejet).

==> Pour lire cet article en anglais, cliquer ici.
==> Lien vers cet article dans le Blog des News : cliquer ici.

Lire l'excellente analyse : "What kind of place is an Intensive Care Unit (ICU): Brain Dead Person. From the Viewpoint of Life Studies". Auteur : Masahiro Morioka, 1989. [NB : cet article est en anglais]
==> cliquer ici.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Nous n'avons eu aucun suivi famille après le décès de Pierre Ni merci ni condoléances ni qq mots ni qq lignes de compassion ou de réconfort.
J'ai attendu un tout petit merci même anonyme mais depuis 3 ans toujours rien. J'y croyais les veilles d'anniversaire, de Noêl, de fêtes des mères .Suis-je naîve?
J'avais pourtant appris à Pierre à dire merci.
j'en arrive à regretter notre geste.
Donnez et Dégagez.
Une maman désolée, une petite soeur qui ne donnera ses organes que sous non couvert d'anonymat, un papa colère.

Anonyme a dit…

eleve infirmiere preparant mon memoire sur la prise en charge des familles confrontees au prelevement d organes j aurai voulu savoir quelles etaient les suivis de ces familles s il en existe un en france actuellement
avec mes remerciements

Ethics, Health and Death 2.0 a dit…

Bonjour à la famille de Pierre, ainsi qu'à Mademoiselle l'étudiante infirmière,
Tout d'abord, je suis désolée de voir ce message de la famille du petit Pierre, qui m'a émue au-delà de ce que ce petit espace réservé aux commentaires permet de dire. D'autres commentaires qui vont dans le même sens me font dire que le suivi des familles ayant autorisé le prélèvement d'organes sur leur proche décédé n'est pas encore généralisé dans les centres de prélèvement d'organes, en tout cas pas dans tous.

Le Professeur Louis Puybasset, Unité de NeuroAnesthésie-Réanimation, Département d'Anesthésie-Réanimation, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris, travaille avec Guy Benamozig, Psychanalyste, Unité de neuro-anesthésie, Hôpital de la Pitié Salpêtrière. Cet été j'avais écrit via l'AP-HP à M. Guy Benamozig, concernant la prise en charge des familles de donneurs d'organes, je n'ai pas eu de réponse. Or je sais qu'à la Pitié Salpêtrière il existe un projet de prise en charge des familles confrontées au prélèvement d'organes.

Coordonnées du professeur Puybasset :
Unité de NeuroAnesthésie-Réanimation, Département d'Anesthésie-Réanimation.
Hôpital de la Pitié-Salpêtrière; 47-83, Bd de l'hôpital; 75013, Paris, France.
Tel : (33) 1 42 16 33 85; Secrétariat : (33) 1 42 16 33 71
Fax : (33) 1 42 16 33 90 ou
(33) 1 42 16 33 70
louis.puybasset@psl.aphp.fr
guy.benamozig@psl.aphp.fr

Pour un contact institutionnel sur le sujet, je vous conseille de contacter le Prof. Emmanuel Hirsch, directeur du département de recherches en éthique Paris-Sud et de l'Espace éthique de l'AP-HP :
emmanuel.hirsch@sls.ap-hop-paris.fr

Une autre solution serait de contacter l'équipe des infirmières coordinatrices de l'hôpital Saint-Louis (Paris), de la Pitié-Salpêtrière (Paris) ou de l'hôpital Henri-Mondor (Créteil).

Un exemple de contact que j'ai dans mon carnet d'adresses :
Les coordinatrices de prélèvements d’organes et de tissus du Groupe Hospitalier Pitié Salpétrière :
Véronique KOKOSZKA-BISCOMPTE
Joëlle MAVRE
Viviane OHEIX
Tél : 01 42 17 73 14
Mail : coordination.prelevement@psl.ap-hop-paris.fr

Voilà, j'espère que ces quelques informations pourront servir. Puis-je demander à Mademoiselle l'étudiante infirmière d'avoir la gentillesse de me faire passer un peu d'information sur le suivi des familles tel qu'il existe actuellement ? Il serait utile de poster quelques informations à ce sujet sur ce Blog. Merci par avance !
Très cordiales salutations,
Catherine Coste
cath.coste@laposte.net

Anonyme a dit…

eleve infirmiere preparant un memoire sur la prise en charge des familles en reanimation j aurai souhaite savoir s il y avait une prise en charge relationnelle particuliere que si c etait en medecine par exemple
je pense que oui de part la gravite et la specificite des pathologies rencontrees
des temoignages d infirmieres de reanimation m auraient ete tres benefiques
merci par avance

Anonyme a dit…

ce message est adresse a mme coste catherine ide
mon memoire ne pourra pas etre poursuivi a mon grand regret puisque je suis eide 3e annee et que le sujet que j ai souhaite aborder n est pas du role propre ide puisqu il existe maintenant des ide coordinatrices pour prendre en charge les familles
je ne manquerai pas de vous communiquer ce que je pourrai recuperer du debut de mon enquete
sandrine l eleve ide

Ethics, Health and Death 2.0 a dit…

Bonjour Sandrine,
Merci pour votre message. Je vous remercie par avance pour les informations que vous pourrez me communiquer. Juste une petite précision :
Malgré toute l'admiration que je voue aux IDE, surtout après avoir travaillé dans le milieu médical, plus exactement en tant que coordinatrice ventes et marketing au sein de sociétés multinationales qui commercialisent du matériel chirurgical et médical, je n'ai aucun diplôme médical et ne puis me vanter d'être infirmière diplômée d'Etat. J'ai commencé ce Blog d'information en mai 2005, suite à une expérience vécue dans le milieu médical : le Blog Post intitulé "Dialogue" relate cette expérience.
Cordiales salutations,
Catherine Coste