Le terme d'euthanasie a deux significations bien distinctes :
- sens premier : sens linguistique de bonne mort (une mort "douce"). En France, il n'existe pas de législation sur cette catégorie d'euthanasie, qui est celle des suicides assistés. Toute forme de suicide assisté est interdite en France, même s'il existe une certaine pression pour que la France légifère sur le sujet, comme l'ont fait d'autres pays (les USA, les Pays-Bas, le Canada). Mais ce n'est pas à l'ordre du jour.
- sens second : action de faire mourir quelqu'un. La loi Leonetti, dite "loi de fin de vie", qui date de 2005, est censée permettre de résoudre les problèmes posés par cette forme d'euthanasie, qui recouvre des situations différentes : deux exemples : l’arrêt volontaire de réanimation d’un patient en état de coma, la prescription d’antalgiques à fortes doses à un patient dans un état de souffrance insupportable (ce patient ne pouvant pas toujours exprimer cette souffrance).
Sens premier : les suicides assistés, autorisés dans certains pays qui ont légiféré sur l'euthanasie, comme la Belgique, les Pays-Bas ou les USA, mais pas la France : les patients sont conscients au moment de l'euthanasie, ils sont acteurs de leur décision de fin de vie. Un exemple très médiatisé récemment : atteinte d'un cancer généralisé, la comédienne française Maïa Simon, 67 ans, a mis fin à ses jours le 19 septembre dernier en Suisse par suicide médicalement assisté (lire).
Sens second : le patient n'est pas conscient et ne peut exprimer d'avis au moment de l'euthanasie. Prenons l'exemple d'un patient en état de mort néocorticale : dans cet état, la respiration spontanée est préservée, mais tout rapport conscient avec le monde extérieur n'est plus possible. Le cas de Mme Terri Schiavo, très médiatisé, pourrait illustrer cet exemple : cette femme américaine d'une quarantaine d'années a fait un arrêt cardiaque le 25/02/1990 et sur sa tombe on peut lire : "Elle a quitté cette terre le 25/02/1990 et est décédée le 31/03/2005", cette dernière date constituant celle de sa mort légale. Son mari, après beaucoup de procédures juridiques, a pu faire arrêter la nutrition parentérale et elle est décédée quelques jours après l’arrêt de la nutrition. Elle est donc morte parce que l'alimentation parentérale qui la maintenait en "vie" depuis 15 ans a été arrêtée. En ce qui concerne ce cas, il faut préciser qu'il y a eu un conflit entre le mari de Mme Schiavo, qui souhaitait arrêter les soins qui la maintenaient artificiellement en vie (selon lui), et la famille de celle-ci, qui souhaitait que la nutrition parentérale soit maintenue. Il est donc problématique de parler de "décision collégiale" dans ce cas précis.
Le terme d'euthanasie est donc un terme fourre-tout, qui recouvre en fait des situations radicalement différentes :
1.) L’arrêt volontaire de réanimation d’un patient en état de coma : décision collégiale prise par l'équipe médicale et par les proches du patient inconscient : cette situation est "résolue" par la loi Leonetti de 2005 sur "la fin de vie".
2.) La prescription d’antalgiques à fortes doses à un patient dans un état de souffrance insupportable : grâce à la loi Leonetti sur la fin de vie (Loi N° 2005-370 du 22 avril 2005, dite "loi Léonetti", se présente comme "relative aux droits des malades et à la fin de vie"), on peut proposer au patient de le sédater profondément par des médicaments, d'enlever le respirateur artificiel et d'arrêter les soins actifs, y compris l'alimentation et l'hydratation.
3.) Le suicide assisté d’un patient incurable lucide et déterminé. Cette forme d'euthanasie est interdite en France.
A lire :
==> Témoignage d'un médecin aux urgences : cliquer ici.
Actus :
==> Ne pas légiférer sur l'aide au suicide
Articles de fond :
"Euthanasie, la nausée des soignants", par Louis PUYBASSET, Professeur, Médecin anesthésiste-réanimateur au Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, avril 2007 (lire).
"Le paternalisme médical français interdit tout débat sur l’euthanasie", par le Dr. Martin Winckler, mars 2007 (lire).
Scientific MOOCs follower. Author of Airpocalypse, a techno-medical thriller (Out Summer 2017)
Welcome to the digital era of biology (and to this modest blog I started in early 2005).
To cure many diseases, like cancer or cystic fibrosis, we will need to target genes (mutations, for ex.), not organs! I am convinced that the future of replacement medicine (organ transplant) is genomics (the science of the human genome). In 10 years we will be replacing (modifying) genes; not organs!
Anticipating the $100 genome era and the P4™ medicine revolution. P4 Medicine (Predictive, Personalized, Preventive, & Participatory): Catalyzing a Revolution from Reactive to Proactive Medicine.
I am an early adopter of scientific MOOCs. I've earned myself four MIT digital diplomas: 7.00x, 7.28x1, 7.28.x2 and 7QBWx. Instructor of 7.00x: Eric Lander PhD.
Upcoming books: Airpocalypse, a medical thriller (action taking place in Beijing) 2017; Jesus CRISPR Superstar, a sci-fi -- French title: La Passion du CRISPR (2018).
I love Genomics. Would you rather donate your data, or... your vital organs? Imagine all the people sharing their data...
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2 commentaires:
Je cite un extrait du livre intitulé "Les éléments du corps humain, la personne et la médecine", aux Editions de l'Harmattan, 2005. Auteurs : Emmanuelle Grand, Christian Hervé, Grégoire Moutel :
"La nouvelle définition de la mort cérébrale est née en 1968 à la suite du progrès des techniques de réanimation (ventilation artificielle et réanimation cardio-pulmonaire) et du développement des pratiques de transplantation. 'Ce changement de législation a permis de résoudre le double problème que posait, d'une part la surcharge des lits occupés par des patients qui ne retrouveraient plus la conscience et, d'autre part, la demande croissante d'organes pour la transplantation. La définition de mort cérébrale permet d'annuler les obstacles auparavant légaux de deux pratiques désormais très courantes en fin de vie : la greffe d'organes et l'arrêt des soins', écrit David Rodriguez-Arias."
La loi Léonetti de 2005 (La Loi N° 2005-370 du 22 avril 2005, dite "loi Léonetti", "relative aux droits des malades et à la fin de vie") prévoit l'arrêt des soins. Mais elle n'inclut pas la pratique des prélèvements d'organes sur donneurs "décédés" dans les pratiques médicales de fin de vie qu'elle mentionne.
OUI à l'aide au suicide, mais NON à l'euthanasie !
Au sujet de la différence entre l'euthanasie et l'aide au suicide, il faut distinguer entre les arguments juridiques, éthiques et religieux. On ne peut pas simplement affirmer sans nuance qu'il n'existe pas de différence entre les deux : dans un cas c'est le patient lui-même qui s'enlève la vie (aide au suicide) alors que dans l'autre c'est le médecin qui la retire. Il faut d'abord préciser sur quel terrain (juridique, éthique ou religieux) on tire notre argumentation. Si l'on se situe sur le terrain de l'éthique, on peut raisonnablement soutenir qu'il n'existe pas de différence. Cependant, si l'on se situe sur le terrain juridique, il existe toute une différence entre l'euthanasie (qualifié de meurtre au premier degré dont la peine minimale est l'emprisonnement à perpétuité) et l'aide au suicide (qui ne constitue pas un meurtre, ni un homicide et dont la peine maximale est de 14 ans d'emprisonnement). Dans le cas de l'aide au suicide, la cause de la mort est le suicide du patient et l'aide au suicide constitue d'une certaine manière une forme de complicité. Mais comme la tentative de suicide a été décriminalisée au Canada en 1972 (et en 1810 en France), cette complicité ne fait aucun sens, car il ne peut exister qu'une complicité que s'il existe une infraction principale. Or le suicide (ou tentative de suicide) n'est plus une infraction depuis 1972. Donc il ne peut logiquement y avoir de complicité au suicide. Cette infraction de l'aide au suicide est donc un non-sens.
En revanche, l'euthanasie volontaire est présentement considérée comme un meurtre au premier degré. Le médecin tue son patient (à sa demande) par compassion afin de soulager ses douleurs et souffrances. Il y a ici une transgression à l'un des principes éthiques et juridiques des plus fondamentaux à savoir l'interdiction de tuer ou de porter atteinte à la vie d'autrui. Nos sociétés démocratiques reposent sur le principe que nul ne peut retirer la vie à autrui. Le contrat social « a pour fin la conservation des contractants » et la protection de la vie a toujours fondé le tissu social. On a d'ailleurs aboli la peine de mort en 1976 (et en 1981 en France) ! Si l'euthanasie volontaire (à la demande du patient souffrant) peut, dans certaines circonstances, se justifier éthiquement, on ne peut, par raccourcit de l'esprit, conclure que l'euthanasie doit être légalisée ou décriminalisée. La légalisation ou la décriminalisation d'un acte exige la prise en compte des conséquences sociales que cette légalisation ou cette décriminalisation peut engendrer. Les indéniables risques d'abus (surtout pour les personnes faibles et vulnérables qui ne sont pas en mesure d'exprimer leur volonté) et les risques d'érosion de l'ethos social par la reconnaissance de cette pratique sont des facteurs qui doivent être pris en compte. Les risques de pente glissante de l'euthanasie volontaire (à la demande du patient apte) à l'euthanasie non volontaire (sans le consentement du patient inapte) ou involontaire (sans égard ou à l'encontre du consentement du patient apte) sont bien réels comme le confirme la Commission de réforme du droit au Canada qui affirme :
« Il existe, tout d'abord, un danger réel que la procédure mise au
point pour permettre de tuer ceux qui se sentent un fardeau pour
eux-mêmes, ne soit détournée progressivement de son but premier,
et ne serve aussi éventuellement à éliminer ceux qui sont un
fardeau pour les autres ou pour la société. C'est là l'argument dit du
doigt dans l'engrenage qui, pour être connu, n'en est pas moins
réel. Il existe aussi le danger que, dans bien des cas, le
consentement à l'euthanasie ne soit pas vraiment un acte
parfaitement libre et volontaire »
Eric Folot
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