Le début et la fin de vie échappent à la science médicale. Pour autant, leLe Professeur Bernard Debré, Chef du service d'Urologie de l'hôpital Cochin depuis 1990, a rejoint le 07/03/2008 le Comité Consultatif National d'Ethique (CCNE). Le 10/03/2008, il écrivait en réponse à mes questions :
clonage thérapeutique et les transplantations d'organes sont des techniques
maîtrisées et appliquées. Certains s'indignent de la manipulation de cellules
souches embryonnaires ; d'autres parlent des problèmes d'éthique posés par les
transplantations d'organes (donneurs morts / donneurs vivants).
Est-il raisonnable de penser que la médecine régénératrice permettra un jour de supplanter les greffes d’organes ? Faut-il développer les recherches sur les cellules souches issues de l’embryon ? Faut-il encourager le développement des banques de sang de cordon ?Professeur Bernard Debré :
"Il est évidemment très intéressant de penser que la médecine régénératrice autrement dit pour l’appeler par son nom, le clonage thérapeutique, remplacera les greffes d’organes. Il faut bien entendu encourager la recherche sur les cellules souches qu’elles soient issues de l’embryon, du cordon, ou qu’elles soient redevenues des cellules souches grâce à certain nombre de manipulations que nous savons faire maintenant. Je ne vois pas pourquoi nous n’encouragerions pas le développement des banques de sang de cordon."Le constat de décès du donneur "mort" pose des questions sur le plan de l'éthique (mort encéphalique, arrêt cardio-respiratoire persistant). Comme l'a souligné un philosophe italien, Alberto Acero, "ces définitions pragmatiques introduisent un écart considérable entre la mort humaine et celle de toute autre être vivant". Ces définitions sont dites pragmatiques, car elles permettent le prélèvement des organes, tissus et os de donneurs dont le constat de décès a ainsi pu être établi.
Le don d'un organe fait par un donneur vivant (lobe de foie, rein) pose également certains problèmes :
"Le chirurgien Jacques Belghiti, spécialiste de la greffe de foie à partir de donneurs vivants, vient d'annoncer qu'il renonçait à cette pratique après la mort d'un donneur. Le 15 mars 2007, un homme de 48 ans est décédé alors qu'il venait de donner un lobe hépatique à son frère. Ce donneur avait un cancer rare qui s'est révélé lors des prélèvements et qui a explosé avec les suites opératoires. Sans l'intervention, la pathologie aurait pu rester silencieuse."
==> article du 15/03/2008 (lire)
Les transplantations, un conflit mortel entre science et religion ? A-t-on ouvert la boîte de Pandore en transplantant des organes ? Ou l'a-t-on ouverte, cette boîte de Pandore, la première fois qu'on a parlé de pénurie d'organes ? Ce terme reflète le point de vue des chirurgiens greffeurs et non celui des chirurgiens préleveurs (ceux qui font ce qu'il est convenu d'appeler le sale boulot : les prélèvements d'organes sur donneurs "morts"). La "pénurie de greffons" vise à culpabiliser l'usager de la santé, et à faire croire que l'industrialisation du don d'organes serait possible. Le droit des patients en attente de greffe deviendrait alors un droit inaliénable et inopposable : le droit à un (des) organes de rechange. Peut-on vraiment (est-ce souhaitable ?) organiser un recyclage du corps humain, que la personne qui consent à donner un organe (des organes) soit morte ou vivante ? Que dire de cette femme croyante qui a refusé une greffe du coeur ? Et de ce père révolté par ce qu'il considère comme le "vol" des yeux de son fils (lire) ? Et de ce patient mort en donnant un lobe de son foie à son frère ? Simples grains de sable voués à être broyés dans les rouages de l'industrialisation du don d'organes ? Qu'a-t-on transgressé en parlant de "pénurie (de don) d'organes" ? Les organes, réifiés, sont devenus des greffons (des pièces de rechange) soumis à la loi de pénurie (contexte de déséquilibre entre la demande et l'offre sur un marché). N'est-ce pas là le "franchissement de la barrière des espèces" dont parlait le Professeur Bernard Debré dans son livre "La Revanche du serpent ou la fin de l'Homo Sapiens" ? (lire)
Est-ce l'organisation du recyclage du corps humain ou la médecine régénératrice qui résoudra les problèmes posés par ce terme transgressif de "pénurie de greffons" ? On voudrait croire que mieux vaut la régénération de ses organes qu'une quelconque circulation des pièces du corps humain sur le marché des organes et tissus de rechange. Qui dit marché dit droit du consommateur... Ne se dirige-t-on pas vers une impossible industrialisation du don d'organes ? Des échos de la libéralisation de ce marché nous parviennent des quatre coins du monde (valves cardiaques vendues comme des médicaments en Allemagne, tourisme médical, bébé mis en vente sur E-bay pour ses organes, reins mis en vente et achetés en ligne, prisonniers abattus pour leurs organes en Chine, etc.). Ces échos suivent la théorie de la pénurie de greffons comme une ombre. Cette théorie a du sang sur les mains.
Le Professeur Christian Cabrol, de l'association ADICARE, disait à propos du don d'organes : "Tout ce qui n'est pas donné est perdu". Ma mort aura perdu toute transcendance. Inutile d'y penser de mon vivant, à ma mort. Je serai un maillon de la chaîne alimentaire. Ma mort viendra simplement boucler la boucle : de consommer à consommé(e). Des résistants porteront des bracelets avec l'inscription "DNR" ("Do Not Ressuscitate" / "ne pas ressusciter"), ou récupéreront clandestinement le sang de cordon, que les cliniques persistent à traiter comme un déchet opératoire (lire)...
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