Le discours public des associations et des institutions visant à promouvoir le don d'organes fait souvent de la transplantation cardiaque la "tête de gondole" du don d'organes. Or aujourd'hui, les progrès médico-technologiques, avec le coeur artificiel ou l'assistance circulatoire mécanique, permettent de prendre le relais de la greffe cardiaque. Par conséquent, plus besoin de dire à la population : "donnez votre coeur à votre mort pour sauver des vies !" Cette nouvelle donne représente un changement de paradigme majeur, une innovation majeure sur le plan du progrès médical. Reste à changer la perception de la population, car celle-ci est encore convaincue, à tort, que la seule réponse à l'insuffisance cardiaque terminale est la transplantation cardiaque. Aujourd'hui, cette affirmation est dépassée. Pourtant, le discours public semble ignorer cet état de fait. On constate donc un décalage entre le discours public et celui scientifique. J'ai recueilli quelques preuves de ce décalage dans l'actualité des transplantations, telle qu'elle est relayée par les médias.
Discours scientifique :
"Nancy : le nouvel Institut lorrain du coeur et des vaisseaux Louis Mathieu" (la lettre "Réseau-CHU" N° 514 - 30 mars 2010): on peut y lire :
"Le développement de l'ingénierie médicale rend possible aujourd'hui l'implantation de coeurs artificiels définitifs offrant aux patients une autonomie de vie complète."
Voilà qui n'est guère crié sur les toits. Les associations visant à promouvoir le don d'organes, type France ADOT, continuent à promouvoir le don de son coeur à sa mort. Cette promotion envers les jeunes (lycées, collèges) est relayée par les médias : samedi 27 mars 2010, Ouest France : "Dons d'organes, le témoignage de greffés - Carhaix"
Relayer auprès des jeunes générations le discours de promotion du don d'organes en y incluant la greffe cardiaque comme "figure de proue" du don est dramatiquement à côté de la plaque. Les jeunes, s'ils sont atteints d'insuffisance cardiaque dans quelques décennies, bénéficieront d'un coeur artificiel ou de l'assistance circulatoire mécanique, sorte de pompe implantée dans le coeur, de la taille d'un stylo. Ils ne seront pas greffés du coeur. Aujourd’hui, la greffe cardiaque ne représente plus qu’une niche : 320 à 340 greffes cardiaques sont réalisées en France chaque année (source : Agence de la biomédecine). Les patients souffrant d’insuffisance cardiaque sévère sont bien plus nombreux. La greffe n’est donc plus, ou plus seulement, "la Solution" pour répondre à l’insuffisance cardiaque, et cela depuis 2004, comme nous le verrons plus loin.
Par ailleurs, cet article d'Ouest France, reprenant le discours de France ADOT, fait la promotion du don de moelle osseuse, qui nécessite une hospitalisation et une opération qui n'est pas si indolore qu'on veut bien le dire. Où est l'information sur le sang de cordon ombilical, qui permet lui aussi de guérir les leucémies ? Le sang de cordon ombilical est prélevé à la naissance du bébé, c'est totalement indolore ! Il y a peu, ce sang était jeté car considéré comme "déchet opératoire" ! Là encore, les jeunes générations connaîtront le traitement de la leucémie grâce au sang de cordon ombilical, et non plus grâce au don de moelle osseuse, qui demain sera caduque ! Les banques de sang de cordon se développent en France.
Associations visant à promouvoir le don d'organes auprès des jeunes : un discours public contre-productif :
Le discours de France ADOT, destiné aux jeunes et relayé par les médias, ne sert pas la cause du don d'aujourd'hui et de demain - pis : ce discours s'avère contre-productif. On se rappelle, fin 2009, la campagne contre-productive de France ADOT pour le don d’organes. Le public visé était les jeunes. Un jeune, mort après avoir été renversé par une voiture, est dans la position de superman. En super héros, il va donner ses organes. Le Pr. Bernard Debré, médecin et député UMP, s’était dit choqué par cette campagne : "Ce qu’on dit aux jeunes, c’est : ‘Mourez, on s’occupe du reste !’ C’est contre-productif!" (source). Durant les Journées de l’Agence de la biomédecine, en décembre 2009 – rappelons que l’Agence est missionnée par le gouvernement pour encourager et encadrer l’activité des prélèvements d’organes au sein des hôpitaux, elle gère aussi la répartition des "greffons" à l’échelle nationale – cette instance institutionnelle de la transplantation s’était démarquée de cette campagne "malheureuse" de France ADOT, affirmant qu’il s’agissait avec cette image de jeune mort en Superman d’un discours de promotion contre-productif, allant à l’encontre des efforts d’information institutionnelle déployés par l’Agence de la biomédecine.
De telles associations devraient promouvoir le don de sang de cordon ombilical à la naissance des bébés. Au sein d'une fratrie, recueillir le sang de cordon ombilical à la naissance de chaque enfant permet, en cas de leucémie d'un des enfants, d'utiliser le sang de cordon recueilli à la naissance d'un frère ou d'une soeur de l'enfant malade, afin de soigner ce dernier. Cela marche. Et, répétons-le, le don de sang de cordon ombilical est totalement indolore, ce qui n'est pas le cas du don de moelle osseuse prélevée par une ponction dans un os du bassin.
Par ailleurs, on peut noter qu'aucune association visant à promouvoir le don d'organes ne parle de l'assistance circulatoire mécanique ou du coeur artificiel. Or la réponse à l'insuffisance cardiaque terminale n'est plus la greffe, c'est l'assistance circulatoire mécanique. Le professeur Daniel Loisance, qui dirige le service de chirurgie cardiaque à l'hôpital d'Henri-Mondor, Créteil, et est membre de l'Académie Nationale de Médecine, tente pourtant d'informer, depuis 2004. Il raconte cette passionnante odyssée moderne de l'assistance circulatoire mécanique. Propos recueillis par Catherine Coste (novembre 2004 et decembre 2009).
Pr. Daniel Loisance : "Un coeur artificiel, mais pas n'importe lequel !"
==> Lire.
Le professeur Daniel Loisance prépare un livre sur l'assistance circulatoire mécanique, à paraître prochainement aux Editions Robert Laffont (collection Réponses). Il est l'auteur du "Coeur réparé", paru dans la même collection en 1999.