La mécanique de l'idée nouvelle n'est pas déterminante. Ce qui l'est, c'est la capacité à changer les idées existantes. Pourquoi le Blackberry n'est-il pas né chez Nokia, par exemple ? Ou la carte de crédit PayPal chez BNP ? Il ne faut pas penser pour changer, mais changer pour penser, voilà la leçon à tirer des success stories en entreprise. Apple a compris que le multimédia était son coeur de métier, plutôt que l'informatique ; Nestlé s'est dit qu'il fallait arrêter de travailler en autarcie, pour faire appel à une star de cinéma - George Clooney, devenu le vendeur de café le plus célèbre au monde - ; MacDonald's a fait de l'immobilier son coeur de métier (n'importe quel Américain moyen ou presque fait des burgers meilleurs chez lui), devenant le premier propriétaire immobilier mondial (excusez du peu !) ... Ces succès font rêver. Comment y parvenir ? Il faut changer la manière dont on voit les choses avant même de penser, dit Luc de Brabandère, consultant fondateur du Boston Consulting Group, spécialiste dans le domaine de la créativité en entreprise. Pourquoi est-ce si difficile de changer les choses ?==> Version audio
Pourquoi se contente-t-on de mammographies (certes numériques) ne détectant une tumeur chez certaines patientes ayant une densité du tissu mammaire importante que dans 40 à 60 pour cent des cas (au mieux), alors qu'il existe un moyen, peu coûteux et opérationnel, de multiplier par trois l'efficacité dans la détection des tumeurs pour certaines de ces patientes, boostant ainsi le 60 pour cent en 90 pour cent (voir) ? Pourquoi continue-t-on à proner les vertus de la greffe cardiaque dans tous les cas d'insuffisance cardiaque sévère, y compris lorsque l'on sait que, compte-tenu de la pénurie de coeurs à greffer, la réponse au problème de l'insuffisance cardiaque sévère passe par l'assistance circulatoire mécanique, une micro-turbine permettant à un coeur défaillant de ... récupérer ! Rien que ça (voir) ! Le don de moelle osseuse est contraignant, il nécessite une anesthésie afin de ponctionner de la moelle osseuse dans l'os du bassin chez le donneur. Pourtant il existe une alternative au don de moelle osseuse pour soigner les patients souffrant de formes aigües de leucémie : la greffe de sang de cordon. Il suffit de prélever le sang contenu dans le cordon ombilical que l'on vient de couper et le sang placentaire, à partir du placenta qui vient d'être expulsé par la mère lors de la naissance de son bébé, pour soigner ces mêmes patients souffrant de leucémie aigüe. On le sait depuis les années 80. pour autant, jusqu'à 2010, le cordon ombilical et le placenta, dont on commence seulement à explorer le potentiel thérapeutique (réparation de la peau chez les grands brûlés par exemple, ce qui se fait déjà en France à l'hôpital militaire de Percy, Clamart), étaient jetés après la naissance de chaque bébé, comme de simples "déchets opératoires" ! Pourquoi chercherait-on à régénérer des organes comme le foie, les reins ou les poumons grâce à des cellules souches obtenues sans passer par la destruction de l'embryon ? Ce n'est pas nécessaire, il y a la transplantation d'organes. Qui dit transplantation d'organes dit médicaments immunosuppresseurs à prendre à vie (vous voyez où se situe l'intérêt des grands laboratoires pharmaceutiques suisses qui sont leaders sur la marché de ce type de médicaments, pas besoin de vous faire un dessin). Avec les nouvelles lois bioéthiques (2011), le sang de cordon ombilical et le cordon ombilical vont enfin accéder au statut de ressource thérapeutique, et non plus être jetés à la poubelle systématiquement ! D'après le Professeur Eliane Gluckman, pionnière de la greffe de sang de cordon (Hôpital Saint-Louis, Paris), les choses ont mis 30 ans à bouger (voir) ! 30 ans dans le cas du sang de cordon, 10 ans dans le domaine de la prévention du cancer du sein, dans le cas de l'alternative à la mammographie pour les femmes ayant un tissu mammaire dense. Pourquoi a-t-il fallu (faut-il) autant de temps pour changer les idées existantes ? L'assistance circulatoire mécanique (la micro-turbine pour assister un coeur défaillant), bien que reconnue, suite à la publication d'études dans de grandes revues médicales spécialisées, entre 2004 et 2010, comme alternative opérationnelle à la transplantation cardiaque pour toute une catégorie de patients souffrant d'insuffisance cardiaque sévère, peine toujours à s'imposer ... On continue à réclamer des coeurs ... La transplantation cardiaque, tête de gondole dans le grand supermarché du Don, nous dit le marketing social du Don. Réclamer un coeur, c'est plus sexy que réclamer un pancréas, un rein ou un poumon. Avec le coeur, on peut jouer sur la corde émotionnelle du Don bien plus facilement ... Le coeur, organe noble ... Question : est-il indispensable de faire vibrer la corde émotionnelle pour obtenir des sous fin de développer des pratiques thérapeutiques permettant de sauver des vies ?
On peine à penser autrement, à changer pour penser. On confond innovation (un peu plus de la même chose, en mieux, mais toujours la même chose. Plus ça change, plus c'est pareil) et la créativité (notre capacité à changer pour penser). On confond ce qui s'inscrit dans une continuité (l'innovation) et ce passe forcément par une (douloureuse) rupture : la créativité. Pourquoi une rupture ? Parce que les conflits d'intérêts existent : l'alternative à la mammographie nuit aux intérêts financiers des sociétés fabriquant du matériel d'imagerie médicale dans ce domaine, peu importe que cette alternative puisse sauver des vies. Le sang de cordon, grand rival de la moelle osseuse. Les cellules souches du sang de cordon et du cordon, rivales de la transplantation d'organes demain (ou après-demain) ? Les grands labos pharmaceutiques réalisant un chiffre d'affaire colossal en partie grâce à la vente de médicaments immunosuppresseurs (un patient greffé cardiaque peut prendre jusqu'à 30 comprimés par jour !) ne vont pas être contents ...
Luc de Brabandère analyse ces mécanismes de la créativité et de l'innovation en entreprise. Superbe présentation, saluée par bien des cadres dirigeants de grands groupes, même si elle a aussi fait grincer certains des dents ...
Visionner la présentation "Les dix paradoxes de la créativité",
par Luc de Brabandère.
Université du SI, juin 2009.
"La conférence des Geeks et des Boss pour une informatique qui transforme nos sociétés."
2 commentaires:
Lien vers la présentation de Luc de Brabandère : "Les 10 paradoxes de la créativité" :
http://www.universite-du-si.com/fr/conferences/4-usi-2009/sessions/817-les-dix-paradoxes-de-la-creativite
http://seacellsandsun.blog.lemonde.fr/2011/01/23/gardez-vos-cordons/
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