Journée nationale de "réflexion sur le don d'organes" : un grand cancérologue s'invite

Vous, je ne sais pas, mais moi, je me suis posée la question souvent (avant de connaître la vérité). Pourquoi faut-il une journée nationale de réflexion sur un truc aussi évident : donner ce qui ne sert plus à rien mais peut sauver la vie de quelqu'un ? Y a quelque chose là-dessous ... Petit décryptage (attachez vos ceintures) ...

Lorsque Steve Jobs, l'ex-patron d'Apple, était en fin de vie, il fallait le "distraire" ... Tout le monde le fuyait. Un mourant qui sait qu'il va mourir et qui ne VEUT PAS mourir, cela fait peur ... Alors voici ce que je lui ai raconté un jour de juin 2011, pour le "distraire" (mission impossible) ... Ben tiens, c'était il y a un an ... En France cela allait être la "journée du don d'organes" (cela revient tous les 22 juin, ne me demandez pas pourquoi cette date précisément) ... Avec Steve, on parlait de ces "French Doctors" qui pratiquent le "bunny hug" (le "lapinage" doctoral avec secrétaires et infirmières) ... Bon à mon avis y a pas que les French, ni que les Doctors, et puis c'est humain ... Mais je lui ai dit que je connaissais une anecdote férocement drôle ... Quand j'étais au marketing à Intuitive Surgical Europe, et après mon départ de cette société qui fabrique et commercialise des systèmes de chirurgie mini-invasive assistée par ordinateur, j'étais copine avec une "secrétaire" : celle d'un célèbre cancérologue, le Professeur David Khayat ... celui que les journalistes gaulois ont encensé pendant quelques années, puis détesté et mis à la trappe après quelques "révélations" sur un Institut du Cancer (dont Chirac avait confié la direction à Khayat) qui coûtait trop cher (l’État n'avait déjà plus de sous mais ne l'avait pas dit à Khayat, qui n'a découvert la chose que lorsqu'il s'est fait virer dudit Institut) ... Quel crime a commis ce brave Professeur cancérologue ? Celui d'avoir bon goût (les belles et bonnes choses coûtent cher), de faire travailler ses amis compétents (Khayat, c'est un nom tunisien. En Tunisie, c'est comme cela que les affaires marchent : on fait travailler son réseau, surtout s'il est compétent. En Chine, c'est pareil) ... et de vouloir copier les Américains (qui aiment l'excellence en matière de recherche médicale et investissent des sommes considérables dans la recherche médicale, le matériel et les médicaments) ... La secrétaire (dans secrétaire il y a secret), intelligente et ambitieuse comme son patron, m'avait confié qu'un rapprochement fusionnel s'opérait entre elle et son patron ... Mais la donzelle était un peu choquée car les jeunes femelles, pour lapiner, aiment bien un terrier propre ... et non (pour ne pas être surpris dans le bureau du Patron) ... un endroit sinistre ou manquant de romantisme (remarquez, je suis certaine que Tim Burton serait capable de transformer les toilettes de la morgue en un lieu romantique) ... Faut croire que la donzelle n'avait pas les talents d'imagination d'un Tim Burton. Elle s'est lassée de ce "non-lieu" et a épousé un homme encore jeune et veuf ... riche et bon parti, ayant perdu sa première épouse décédée ... d'un cancer. Les secrétaires sont intelligentes et débrouillardes ... J'ai été surprise de lire cette histoire (que je connaissais donc déjà) dans le livre d'un des fils de l'acteur Louis de Funès : Patrick de Funès : "Médecin malgré moi". Bon, mais je ne me suis pas lancée à parler de Louis de Funès à Steve Jobs (les deux, c'est bien connu, piquaient des colères épiques et n'étaient pas précisément ce qu'on appelle des gens calmes à l'humeur égale) ...

Hier je vous parlais de ces grands éditeurs gaulois 1.0 qui publient des livres "règlement de compte avec les collègues-qui-savent", passant largement au-dessus de la tête du grand-public-qui-ne-sait-pas (lire). Voici un bon exemple de cela : "Le Coffre aux âmes", du Professeur David Khayat. Un roman "grand public", publié chez XO (éditeur grand public) en avril 2002. Il s'agit d'un thriller médical ... sur le mode Éros-Thanatos (le dieu de l'amour et le dieu de la mort)  ... L'auteur y parle de la "mort bleue", une mystérieuse forme de mort qui sévit dans un service hospitalier ... La "mort bleue" est la "mort encéphalique" : un constat de décès anticipé : un patient dont le cerveau est diagnostiqué comme détruit ou en état de dommage irréversible est mort sur le plan légal. Sur le plan physiologique, il n'est pas encore mort. C'est alors qu'intervient le prélèvement des organes vitaux de ce patient. Au grand public, on ne dit rien de tout cela. On parle de don d'organes "post-mortem". Pour que les gens ne se posent pas de question ... et croient au Père Noël (les organes vitaux d'un mort archi mort sauvant un vivant) ... Le "coffre aux âmes", c'est la glacière qui contient les organes vitaux qui viennent d'être prélevés sur un mourant (ou diagnostiqué comme tel) et qui vont être greffés sur un ou des patients en attente de greffe ... Eh oui, Mesdames et Messieurs, ce roman incompris du grand public et même de son éditeur (et pour cause !) est le seul, l'unique roman qui dit la vérité aux Français sur les réalités d'un prélèvement d'organes dit "post-mortem" ... Saluons l'exploit ...

Je vous rappelle que Steve Jobs a bénéficié d'une greffe du foie, un peu plus de deux ans avant son décès ... Le donneur était un jeune homme qui allait mourir d'un accident de la route ... Mais revenons à notre brave Professeur David Khayat : furieux (humilié) que ses collègues se moquent de lui à cause de cette histoire des "toilettes de la morgue" ... il entreprend d'écrire un bouquin à l'attention desdits collègues : le message est finalement simple et humain. Voici. "Vous croyez que ce que vous faites avec les familles des donneurs d'organes, c'est mieux ? Vous les trompez, tout comme j'ai trompé ma femme. Mais j'ai fini par lui dire la vérité ... et ne plus la tromper ... Vous feriez bien de faire pareil avec les familles des donneurs d'organes ..." Comme le Pr. Khayat a du talent, son roman est plein de personnages oniriques, truculents, de situations haletantes et autres tensions érotiques, de moments férocement drôles (parce que tous ceux qui ont approché le Pr. Khayat vous le diront tellement cela saute aux yeux : il aurait pu faire humoriste, ou encore chef dans un haut lieu de la gastronomie) ... mais surtout ... de romantisme ... Il montre ainsi à son ex-dulcinée qu'il est TRÈS romantique ... (Steve Jobs était TRÈS romantique mais ne voulait surtout pas que cela se voie ou se sache) ... A mon avis le bouquin est excellent ... mais n'a pas rencontré le succès mérité auprès du grand public car trop crypté ... et surtout, LE petit détail, tout petit : les gens IGNORENT que le donneur d'organes n'est pas mort ... Bon enfin à la Harvard Medical School, ils font comme David Khayat : ils plaident pour plus de transparence ... Mais, comme le dit le Professeur Louis Puybasset, responsable du service de neuro-réanimation chirurgicale à la Pitié Salpêtrière, un grand hôpital parisien (ses collègues l'appellent affectueusement le "Petit Louis", comme le fromage ... Il a certes la taille et la caractère de notre ancien président Sarkozy, mais je ne vois pas trop ce que ledit fromage vient faire dans cette affaire) : "Depuis toutes ces années qu'on explique aux gens que le donneur est mort, on ne va pas venir leur dire le contraire maintenant ..."

A la lumière de ce petit récit croustillant, Steve Jobs avait compris trois choses :

1) il faut favoriser les alternatives à la transplantation d'organes (génomique, imprimantes 3D d'organes, médecine régénérative avec les cellules souches, e-santé pour la prévention de l'insuffisance rénale entre autres)
2) en attendant l'émergence et surtout la validation de cette forme innovante de médecine (dite "techno-médecine" car il s'agit d'industrialiser des organes de remplacement, et non plus d'industrialiser le don d'organes), le don de rein et d'un lobe de foie de son vivant devrait se développer ... Je n'ai pas osé lui faire remarquer qu'aux USA, le don de rein de son vivant est pourtant déjà nettement plus développé qu'en France, où il ne représente que 9% des organes greffés ... 91% des organes greffés en France proviennent de donneurs morts-comme-ceci : lire. J'ai déposé ce témoignage l'année dernière au Conseil National de l'Ordre des Médecins ... et invite les professionnels impliqués dans les prélèvements d'organes à RÉAGIR à ce "Post" (autrement que par des insultes et des manœuvres d'intimidation, pour changer un peu) ...
3) ne pas compter sur les éditeurs 1.0 pour faire du "patient education" : ils publient souvent des livres écrits par des blouses blanches à l'attention d'autres blouses blanches ... On appelle cela des livres "grand public" ...

A lire sur ce sujet :
http://ethictransplantation.blogspot.fr/2008/10/le-coffe-aux-mes-roman-du-professeur.html
http://ethictransplantation.blogspot.fr/2005/02/des-chirurgiens-et-des-robots.html
http://ethictransplantation.blogspot.fr/2007/06/il-ne-faut-pas-imaginer-lopration.html