Vous trouverez dans cet article un témoignage sous forme de conversation, ou plus exactement, d’un échange entre Anne et moi - cet échange figure dans les commentaires de l’article «Témoignage de famille confrontée au don d’organes».
==> cliquer sur le lien "tout l'article" pour lire la suite.
Anne : "Je sors de l'hopital où j'ai laissé Christine en réanimation depuis vendredi suite à un coma dépassé. Le médecin a la sortie du box, m'interpelle avec ma soeur pour nous demander si nous avions pensé aux dons d'organes et d'en faire la demande à la maman de christine ! Devant notre stupefaction, elle conclue : nous ne pourrons plus continuer l'acharnement thérapeutique si vous refusez!!! Je suis anéantie, déçue et ne sais plus quoi faire, quoi dire sinon retourner voir Christine et lui promettre de ne pas l'abandonner. Voila comment on aborde aujourd'hui le problème du don dans un hôpital de province !!"
Catherine : Bonjour Madame, touchée par votre témoignage poignant, (n'étant pas médecin, je ne puis vous fournir des précisions d'ordre médical), je souhaite vous informer que vous pouvez vous adresser aux personnes suivantes afin d'avoir des précisions sur les modalités du don d'organes - précisions qui visiblement ne vous ont pas été apportées comme vous l'auriez souhaité : Vous pouvez éventuellement contacter une équipe d'infirmier(e)s chargé(e)s de la coordination des transplantations, qui ont l'expérience du contact avec les familles confrontées au don d'organes. Dans ce cas, il faudrait demander au médecin qui soigne Christine qu'elle vous mette en relation avec un(e) ou des infirmier(e)s coordinateurs / coordinatrices. Ces derniers, normalement, ne doivent pas vous obliger à accepter le don d'organes, mais sont là pour vous en expliquer les modalités et les enjeux. Ils sont aussi là pour vous rassurer, c'est-à-dire pour vous aider à faire le meilleur choix possible pour Christine, pour vous, pour que vous puissiez à la fois accompagner Christine et faire votre chemin sur la route du deuil au don, ou du deuil au refus de don.
Je suppose que le temps vous manque pour lire le livre, très éclairant à ce sujet, du Docteur Marc Andronikof, chef du service des urgences à l'hôpital Antoine Béclère, Clamart : "Médecin aux urgences", editions du Rocher, 2005. Si vous avez des questions particulières qui ne trouvent pas leur réponse, peut-être pouvez-vous essayer de contacter le Dr Andronikof à l'hôpital Antoine-Béclère, Clamart, afin qu'il vous apporte des explications supplémentaires ? Tout ce qui peut vous éclairer, vous réconforter et vous accompagner dans ce moment si difficile me semble bon à saisir.
Je cite à votre attention un extrait d'un courriel de mars 2006 que m'a envoyé le Dr. Andronikof : "Le problème c'est que le prélèvement (...) vole la mort aux familles, vole la mort à l'agonisant lui-même. La mort c'est ce qui structure la société, la civilisation, la culture, les familles, la réflexion philosophique et religieuse. Depuis toujours. Ce qui se passe depuis la fin du XXe siècle n'est possible que parce que notre civilisation se désagrège, se déstructure. Et participer à la transformation du rapport à la mort accélère cette désagrégation. C'est un cercle vicieux qui s'est enclenché. Alors quoi, les familles veulent croire, ou on veut leur faire croire, à une sorte de métempsychose habillée de modernité ? L'enfant va revivre en quelque sorte dans toutes les différentes personnes dans lesquelles ses organes auront été placés ?? (...) Ainsi, je ne voudrais pas que les médecins et infirmières améliorent leur communication post transplantation, je ne voudrais pas que ce drame cosmique, c'en est un, perdure. Je voudrais que la pratique cesse. Que les malades arrêtent d'accepter l'illusion de l'immortalité au prix de la mort du voisin, que les familles arrêtent de se laisser faire et que les médecins arrêtent leurs pratiques barbares (...). Mais je crois plus aux familles qu'aux médecins."
J'espère que le Dr. Andronikof ne verra pas d'inconvénient à ce que je cite sur ce Blog un extrait d'un mail qu'il avait envoyé à mon attention, et je le remercie par avance pour toute l'aide qu'il peut apporter aux familles confrontées au don d'organes, grâce à cet éclairage particulier qu'il apporte sur cette question. Je vous adresse, Madame, mes plus chaleureuses salutations, et reste à votre disposition et à votre écoute.
Anne : "Se sentir moins seule face à ce problème est une aide précieuse. Christine est toujours parmi nous ce matin, nous avons pris la décision de faire don de ses organes car une majorité d'entre nous souhaitait le faire. Je suis moi-même infirmière, donc trop impliquée et trop dans la connaisssance de la réalité mais j'essaie de ne pas traduire mes angoisses à mes proches et j'essaie de les éclairer sur cette approche sans etre alarmiste. Je vais bien sûr lire le livre dont vous parlez, je le connaissais mais pas eu le temps ou l'occasion de m'y plonger. Merci de m'avoir lu et répondu ; merci de me permettre de m'exprimer ainsi ! Nous avons donné aux médecins notre position mais depuis rien : on ne sait pas quand, comment ni où ils vont procéder !! Je continue d'halluciner.... Je vous tiens au courant..."
Catherine : Merci à vous ! Je vous souhaite de tout coeur bon courage dans cette épreuve.
Je cite pour vous un passage du livre du Professeur Cabrol, "De tout coeur", publié en mars 2006 aux Editions Odile Jacob (pages 104-105) : "Demander le témoignage à la famille ? Mais ce témoignage, qu'il est douloureux à solliciter ! La mort de l'être cher que cette famille pleure a été brutale, imprévue, dramatique, elle est survenue en pleine santé. Pour le réanimateur qui a la charge de cette demande, il est bien difficile dans ces moments si pénibles de parler à la famille du don d'organes dont le plus souvent elle n'a jamais eu connaissance. De plus, l'aspect de cette mort est si inhabituel ; car ce n'est pas à la morgue, devant un cadavre froid, inerte, livide que l'on va amener cette famille. Mais en salle de réanimation, devant leur parent qui semble dormir, qui paraît respirer car les mouvements du thorax sont assurés par le respirateur mécanique, qui est chaud, rose, car le sang circule et le coeur bat. Comment devant une telle apparence de vie cette famille peut-elle croire à la mort ? Aussi, lorsque, avec toutes les précautions et la délicatesse désirables, la question de l'existence éventuelle d'un refus du défunt au don d'organes est posée, un tiers des familles évoque un 'non' ; 'non' qui exprime le plus souvent, plus qu'un refus du don, un refus de cette mort inacceptable".
© Copyright Odile Jacob
Mais vous connaissez tout ça, puisque vous êtes infirmière. Pour ma part, confrontée par hasard à un enfant qu'on prélèvait, j'ai eu le net sentiment que cet enfant n'était pas mort. Je n'ai aucune connaissance médicale, encore moins au moment des faits ; cette réalité dont vous parlez, que vous connaissez en tant qu'infirmière, a été un réel choc pour moi, et je suis toujours aussi bouleversée devant le dilemme que pose le consentement au don d'organes : oui, je renonce à accompagner le mourant ; oui, j'espère ainsi aider à sauver des gens. Je suis certaine que vous apportez beaucoup de soutien à l'entourage de Christine, et sans doute à celle-ci aussi. J'espère aussi que vous recevez tout le soutien dont vous-même avez besoin. J'espère que vous n'aurez pas l'impression d'avoir le choix entre regretter toute votre vie de n'avoir pas dit oui au don d'organes, pour contribuer à sauver des vies (si vous refusez le prélèvement), et d'avoir abandonné le patient, ici la patiente - qui sait, au pire moment de son existence ? (si vous dites oui au prélèvement) ...
Vous semblez déjà avoir pris une décision collégiale, en faveur du prélèvement. Eh bien, c'est très courageux, pour ma part, je ne suis pas du tout certaine que j'aurais ce courage.
Anne : "Re-bonjour, le scanner de ce matin montre une légére voire minime vascularisation mais la destruction de la matière blanche et grise. Il a été envoyé à Alençon pour une interprétation d'un neurologue. La surveillante du service nous a reçu ce matin et elle est le porte-parole de France Transplant donc nous avons des réponses à nos questions. Ma petite soeur, qui était pour le don, ne l'est plus ce matin car elle dit que si il y a vascularisation, il y a encore de l'espoir... et elle est incapable de prendre cette décision. Moi, personnellement, je suis contre mais j'essaie de n'influencer personne car je suis trop dedans comme je disais ce matin. Nous voilà donc au point de départ avec nos convictions religieuses ou non, avec notre culpablité...
J'ai dit à ma petite soeur que nous pourrions regretter de dire : on arrête tout pour autoriser les prélévements. Mais nous n'aurons pas de culpabilité de n'avoir pas donné ses organes. Dilemne douloureux et cruel avec un manque total de savoir communiquer et d'appréhender la demande aux familles. Je déplore que l'association France transplant n'ait pas encore mis au point un programme de formation pour les acteurs de son association. Nous avons compris que Christine était en fin de vie, nous avons compris qu'elle ne se réveillera jamais mais son coeur bat, elle a les joues roses et semble paisible. Comment signer son arrêt de mort ? Un humain a-t-il le droit de décider de la vie ou de la mort de son prochain ? Dans notre famille pour l'instant, la réponse est non."
Catherine : Anne, comme je vous comprends ! J'ai passé vos témoignages au Dr. Marc Andronikof, j'espère qu'il pourra aussi vous aider.
Je viens de recevoir ce message de soutien pour vous, de la part d'une élève de l'école d'infirmière : "J'ai été très touchée par l'histoire de la famille de Christine. Je tiens à faire part de mon admiration à cette infirmière qui a su garder son professionnalisme (même impliquée personnellement) dans le respect de chacun, en informant sans jamais influencer les autres dans leur prise de décision. La prise de décision collégiale est exemplaire, chacun pourra d'autant mieux accepter les faits et faire son deuil dans de bonnes conditions. Quelle leçon de maturité et de courage ! Je suis choquée par le manque d'humanité et de tact dans la communication de certains professionnels de la santé. Je souhaite bonne continuation à toute la famille de Christine. Je voulais également remercier l'auteur de ce blog, car c'est manifestement un lieu de dialogue et d'échange qui laisse s'exprimer librement chacune des opinions sans juger.
Isabelle du 94"
Anne : "Bonsoir, nous avons 12h de répit quant à la décision à prendre.Devant moi les souvenirs et les images de la courte de vie de Christine défilent( 41 ans ). Et puis, je n'ai pas la certitude que lorsqu'on prélève, il n'y a pas douleur car il n'y a pas d'anesthésie et puis se mélangent les flash de réveil quasi-impossibles mais pourtant la littérature médicale y fait allusion. Je partage avec vous mes doutes et angoisses car je ne peux pas les partager avec ma famille !!vous comprendrez ! Je ne pensais pas être confrontée à ce choix mais il est là et peut-être plus horrible à maîtriser que la mort elle-même. Je vais essayer de dormir un peu pour avoir l'esprit un peu clair demain."
Anne : "Bonjour, nous avons proposé à la coordinatrice :'Nous ne pouvons pas prendre la décision de tout arrêter mais nous ne sommes pas contre le don d'organes, aussi nous vous demandons de prendre cette décision sans nous quand vous penserez que le moment sera le plus opportun pour Christine.' Réponse de celle-ci : 'Ce n'est pas comme cela que nous fonctionnons.' Donc, ce matin après une ultime réunion de famille nous avons pris la décision de laisser Christine s'éteindre quand elle l'aura décidé.
Depuis, les antibio sont arrêtés ainsi que la dopamine, l'O2 est passée de 30l/m à 20 l et elle a un garde veine de G5 pour cent. Je ne vous dis pas non plus le climat dans lequel nous vivons. Hier nous avions droit aux petits gâteaux et aujourd'hui c'est l'ignorance !!!
Je me permets de juger hâtivement, mais j'en tirerai les conclusions après !
Christine est toujours présente, paisible et nous l'accompagnerons à sa nouvelle demeure."
Catherine : Bonsoir Anne, merci pour ces nouvelles. Les mots de "générosité", "courage", ("héroïsme" ?) ne sont sans doute qu'un bruit de fond, quand on se retrouve face à la réalité du don d'organes. Vous vivez des moments difficiles, néanmoins j'espère (et je pense) que le fait de vous être informée sur cette réalité en allant au-delà du discours ordinaire vous permettra de vivre humainement votre deuil.
Je vous transmets un message du Dr. Marc Andronikof, médecin urgentiste à Antoine-Béclère, Clamart (AP-HP) : "Je suis particulièrement heureux (pacifié) que 'Anne' vous ait dit que la décision avait été prise de laisser s'éteindre (son enfant, sa soeur ? je ne sais plus). C'est certainement la meilleure des solutions pour elle. La culpabilisation des familles réticentes par le corps soignant est très choquante. Elle transparaît dès les formulaires d'inscription sur le registre des refus, l'avez-vous vu ? :
'JE M'OPPOSE A TOUT PRELEVEMENT D'ELEMENT DE MON CORPS, APRES MA MORT
· soit à des fins thérapeutiques (greffe sur patient)
· soit pour rechercher les causes médicales du décès.
· soit à d'autres fins scientifiques
· soit dans plusieurs de ces trois cas.'
(adresse url : http://www.don-organe.net/don/don_organe_refus.html)
En clair, cela signifie :
'Je refuse
- de donner mes organes pour sauver des vies
-de donner mon corps pour faire progresser les connaissances scientifiques' ...
Il faut vraiment être un monstre (très déterminé vu les difficultés pour y parvenir) pour s'inscrire sur ce registre".
Le témoignage de Brigitte (14 mars 2006), décrit ce processus de culpabilisation de la famille du patient par le corps médical : "Nous habitions à 60 kms de l'hôpital où [notre fils] a été transporté après son accident de voiture le 01/01/03. Nous n'avions le droit de visite qu'entre 14 heures et 15 heures. Le 02/01 au soir, on nous a dit que l'artère qui irriguait son cerveau s'épuisait peu à peu et qu'il ne passerait pas la nuit 'mais nous vous préviendrons immédiatement, c'est promis'. Le 03/01/03 à 8 heures, pas de nouvelles, nous appelons l'infirmière coordinatrice: 'Jean-Stéphane est toujours là... je vous tiens au courant, non vous ne pouvez pas venir, d'ailleurs les prélèvements auront lieu aussitôt alors...'(en clair, nous gênerions...). Sans nouvelle, après plusieurs tentatives, nous réussissons à joindre de nouveau l'infirmière: 'Eh bien oui, Jean-Stéphane est cliniquement décédé il y a une heure et, oui, les prélèvements ont commencé... non vous ne pouvez pas venir, ça va durer toute la journée et peut-être même demain matin'. Le lendemain midi c'est encore nous qui avons appelé pour apprendre que Jean-Stéphane avait été transféré à la morgue (ce mot, quel choc pour moi!). Quant à l'infirmière, elle a oublié de nous appeler. Elle est rentrée exténuée chez elle..."
Ce "en clair nous gênerions" montre que tout est fait pour faire culpabiliser la famille. Brigitte n'a plus qu'à se dire à présent : "J'aurais dû passer outre le discours des médecins, qui cherchaient à m'éloigner, et être présente auprès de mon fils, ne pas l'abandonner alors qu'il avait tant besoin de moi à ses côtés. Je me suis laissée avoir, c'est de ma faute". Sa faute ?! Avoir fait confiance aux professionnels de la transplantation, qui ne lui ont passé qu'une partie des informations ? Car le reste, bien sûr, elle ne l'a découvert qu'après-coup. Ce qui rend son deuil bien difficile.
Cordiales salutations,
Catherine
Un témoignage problématique
Cette partie du témoignage d’Anne est aussi très révélatrice : «Nous avons proposé à la coordinatrice :’Nous ne pouvons pas prendre la décision de tout arrêter mais nous ne sommes pas contre le don d’organes, aussi nous vous demandons de prendre cette décision sans nous quand vous penserez que le moment sera le plus opportun pour Christine’. Réponse de celle-ci: ‘Ce n’est pas comme cela que nous fonctionnons’."
On peut en déduire que dans le processus de demande d’autorisation du prélèvement d’organes, ce n’est pas l’intérêt du patient dont le corps médical souhaite prélever les organes qui prévaut : pour les acteurs de la transplantation, il n’est pas question d’attendre le moment le plus opportun pour le patient en train de décéder pour prélever les organes de ce dernier. Il s’agit de prélever les organes de ce patient mourant au moment où ce prélèvement devrait encore pouvoir garantir une réussite optimale de la greffe chez le (les) patients en attente de greffe. En clair : le corps médical représente les intérêts des patients en attente de greffe, et non les intérêts du patient mourant. Ici, on peut même se poser la question de savoir si les intérêts du patient à prélever et ceux du patient à greffer sont compatibles.
Pour la coordinatrice des transplantations, il est légitime que le corps médical représente l’intérêt des patients en attente de greffe. Je cite un extrait du texte de la Société Française d'Anesthésie et de Réanimation : "22 juin : journée nationale sur le don d’organes et la greffe", par Christian Richard, Président de la Société de Réanimation de Langue Française, et Jean Marty, Président de la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation :
"En abordant successivement le diagnostic de la mort encéphalique, la prise en charge en réanimation du donneur potentiel, les critères d’évaluation des organes et des tissus, mais aussi l’organisation logistique du prélèvement d’organes, cet ouvrage met en exergue combien cette activité nécessite l’implication de tous les professionnels de la santé au service d’un seul objectif : l’amélioration de la prise en charge des patients en attente de transplantation".
(22 juin 2005).
Url : http://www.sfar.org/s/article.php3?id_article=281
La transplantation désigne le prélèvement et la greffe d'organes. Ici, ne doit-on pas plutôt comprendre ce terme au sens de "greffe", terme qui recouvre les longues listes de patients en attente de greffe - liste qui s'allonge de jour en jour, à mesure des progrès significatifs en matière de transplantation (= greffe) ?
Preuve est désormais faite que, pour les familles confrontées au don d’organes, il est nécessaire d'être véritablement en possession de toutes les informations, de tous les éclairages (arguments, points de vue) concernant les modalités et enjeux du don d’organes avant de prendre une décision. Découvrir après-coup une partie de ces informations met en péril le processus de deuil (voir le témoignage de Brigitte). Découvrir ces dures réalités au moment de prendre sa décision (pour ainsi dire couteau sous la gorge) constitue une épreuve redoutable (voir le témoignage d’Anne).
Peut-on s’attendre à ce que le corps médical, plus particulièrement les acteurs de la transplantation, communiquent en toute transparence sur ce sujet en amont des prélèvements ? Sans doute pas. Peut-on le leur reprocher ? Ceci amène la question : peut-on reprocher aux acteurs de la transplantation d’être du côté des patients en attente de greffe ? Rien n’est moins sûr. Il incombe donc à la famille confrontée au don d’organes, et par extension à tout un chacun, puisque maintenant la position de chacun (pour ou contre le don d’organes) devra figurer sur sa carte vitale, de se renseigner sur des questions comme :
- Douleur et prélèvement d’organes,
- Le constat du décès sur le plan de l’éthique – dans le cas de la mort encéphalique
Ce faisant, l’usager de la santé ne devra pas s’attendre à ce que les acteurs de la transplantation lui fournissent des réponses en toute transparence. Ils lui fourniront des réponses invitant impérativement à se tourner vers le don d’organes. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Ce n’est pas à moi d’en juger. La seule chose qu’il importe de retenir à la lumière de ces témoignages (de Brigitte et d’Anne) : mieux vaut s’être informé avant de devoir être confronté à cette question du don d’organes. Et mieux vaut avoir su affronter l’ampleur du problème dans tout son ensemble, au-delà des discours de surface ("générosité", "solidarité"...), sous peine de s'exposer au risque d'un deuil impossible. Les transplantations ont ouvert la boîte de Pandore, il incombe à chaque usager de la santé de ne pas faire la politique de l'autruche, et de regarder bien en face les vérités, et surtout, les réalités que contient cette boîte. Et ensuite, il devra prendre sa décision.
Ce Blog d’information vise à fournir les éclairages les plus divers sur la question des transplantations, afin que chacun puisse faire le choix qui lui conviendra le mieux pour vivre son deuil dans des conditions humaines.
==> Ajout du 26 avril 2006 : je viens de recevoir un message d'Anne :
Christine est décédée le jeudi 20 avril : "Elle s'est endormie entourée de ses proches qui l'ont accompagnée sans relâche à sa nouvelle demeure".
En résumé :
Le 9 avril 2006, une équipe de coordination de transplantation déclare que Christine se trouve en état de mort encéphalique et demande à la famille de celle-ci de se décider pour ou contre le prélèvement d'organes. La famille décide de s'opposer au prélèvement d'organes, et Christine décède le 26 avril 2006.
La question se pose alors de savoir si la mort encéphalique est bien la mort, étant donné le décalage entre les deux dates de "décès". Comme nous l'avons vu dans d'autres articles, aux yeux de certains médecins, chirurgiens et autres spécialistes des transplantations, la mort encéphalique n'est pas la mort : voir par exemple l'article "Brain Death Is Not Death: The Nasty Side of Organ Transplanting", du Docteur David Wainwright Evans, Cardiologiste au Queens College, Cambridge, Grande-Bretagne, qui suggère que les donneurs en état de mort encéphalique pourraient bien être mourants et non morts : cliquer ici (article en anglais).
Dans cet article, le Docteur David Wainwright Evans suggère d'aborder cet état de fait en toute franchise : "[...] more will be prepared to register as prospective donors on the proposed new basis if it is fully and frankly explained - and the necessary legislation enacted after open debate."
Actuellement, ce questionnement n'est pas à l'ordre du jour puisque la loi de Bioéthique d'août 2004 déclare mort le patient en état de mort encéphalique.
Puisqu'il est si douloureux d'arracher aux familles le consentement au prélèvement des organes d'un patient en état de mort encéphalique, et puisque cette "mort invisible" (le patient en état de mort encéphalique ne semble pas mort, il semble seulement endormi) est si difficile à accepter, comment résoudre le problème de pénurie des greffons ?
Le Professeur Christian Cabrol, qui a été chirurgien cardio-vasculaire à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et professeur de chirurgie à la faculté de médecine de Paris, et qui est actuellement membre de l'Académie de médecine et consultant à ADICARE, écit dans son livre paru en mars 2006, "De tout coeur" [pages 265 à 268] :
"(...) le principal obstacle à la réalisation des transplantations est la pénurie de greffons. (...) Les cellules-souches ! Voici peut-être une solution pour obtenir des organes, coeurs ou poumons, susceptibles d'être transplantés.(...)On s'est aperçu (...) que des cellules-souches persistaient dans notre organisme après la naissance, en particulier dans la moelle osseuse. Ces cellules peuvent être extraites et cultivées. Elles (.. ) sont (...) 'multipotentes', c'est-à-dire capables de reproduire seulement certains tissus ou, dans des conditions qui restent à découvrir, des organes, coeurs ou poumons, qui, implantés ensuite chez les malades mêmes qui les ont fournis, permettraient leur greffe sans crainte de rejet. Une autre découverte s'avère des plus intéressantes, celle de parvenir à mobiliser ces cellules-souches multipotentes chez le malade lui-même et de les conduire, par voie sanguine directe, là où leur action est requise."
© ODILE JACOB, mars 2006
1 commentaire:
C'est intéressant de voir comment la famille de Christine à réussi à s'en sortir sans se laisser culpabiliser (même si on les ignore), en "remettant les pendules à l'heure". On n'en sort jamais indemne, mais au moins les domages collatéraux ont été minimisés si on ne se laisse pas culpabiliser. En plus je pense qu'il est sage de laisser faire la nature.
Je déplore que le don d'organes s'accompagne trop souvent d'une demande d'euthanasie programmable à souhait par le corps médical.
Dès qu'un malade devient encombrant (coma de longue durée), ou si on soupçonne qu'il risque d'être lourdement handicapé au réveil (coûterait trop cher à la société), on fait pression sur les familles, au pire moment, pour avoir l'autorisation d'anticiper l'inévitable sous prétexte que ces gens sont déjà "perdus" à plus ou moins long terme.
Depuis quand se prend-on pour "DIEU" ?!
Pourquoi le gouvernement veut-il des donneurs à tout prix? Où vont réellement les organes ? A des enfants, des hommes politiques, des personnes fortunées ? - et dans quels pays?
Comment peut-on demander aux familles d'endosser la culpabilité de la mise à mort de leurs proches, et d'accepter de continuer à vivre comme si de rien n'était, sans même leur offrir un soutien psychologique ?? L'abus de confiance est un crime. C'est tout juste si on ne traite pas de criminels ceux qui disent "non" ou qui souhaitent attendre avant d'autoriser le prélèvement d'organes.
Pourquoi ne respecte-t-on pas le libre arbitre des familles à qui on ose poser la question ? Il est plus simple d'insister jusqu'à l'obtention de la réponse souhaitée. Et uniquement celle-là.
Le plus troublant, c'est lorsqu'après un refus, la personne se réveille de son coma. Que penser :
- Qu'on s'est fait avoir sur toute la ligne et qu'on a bien failli y passer (ouf, je l'ai échappée belle!)
- Qu'il ne s'agit que d'une coïncidence et qu'on a de la chance
Sur la carte d'identité on aura peut-être bientôt, en plus de notre biométrie, notre code ADN qui aidera encore plus vite les chercheurs à trouver le donneur idéal. Qui aura le droit de se faire soigner demain ? Qui aura le droit de vivre ? Qui en decidera ?
Stop... assez..., mère nature nous prouve tous les jours qu'on fait fausse route. Nous ne tirons pas les leçon de nos erreurs.
Bonne soirée.
Enregistrer un commentaire