Scientific MOOCs follower. Author of Airpocalypse, a techno-medical thriller (Out Summer 2017)


Welcome to the digital era of biology (and to this modest blog I started in early 2005).

To cure many diseases, like cancer or cystic fibrosis, we will need to target genes (mutations, for ex.), not organs! I am convinced that the future of replacement medicine (organ transplant) is genomics (the science of the human genome). In 10 years we will be replacing (modifying) genes; not organs!


Anticipating the $100 genome era and the P4™ medicine revolution. P4 Medicine (Predictive, Personalized, Preventive, & Participatory): Catalyzing a Revolution from Reactive to Proactive Medicine.


I am an early adopter of scientific MOOCs. I've earned myself four MIT digital diplomas: 7.00x, 7.28x1, 7.28.x2 and 7QBWx. Instructor of 7.00x: Eric Lander PhD.

Upcoming books: Airpocalypse, a medical thriller (action taking place in Beijing) 2017; Jesus CRISPR Superstar, a sci-fi -- French title: La Passion du CRISPR (2018).

I love Genomics. Would you rather donate your data, or... your vital organs? Imagine all the people sharing their data...

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Prélèvements “à cœur arrêté” : le point de vue du sociologue

Philippe_Steiner

Philippe Steiner est sociologue à la Sorbonne (Université de Paris IV). Depuis 10 ans, il travaille sur le thème des transplantations d'organes. En mars 2010, il a publié un ouvrage paru chez Gallimard nrf : "La transplantation d'organes. Un commerce nouveau entre les êtres humains".

Voici ce qu’il écrit au sujet des prélèvements “à cœur arrêté” (p. 162-163) :

“Cependant, il existe une forme de cette utilisation optimale des corps défunts qui contourne la faiblesse des ressources offertes par le critère de la mort encéphalique. Depuis le début des années 1990, le protocole dit ‘de Pittsburgh’ propose de procéder à des prélèvements sur des personnes dont la mort est établie selon le critère cardio-pulmonaire classique. La difficulté ne vient pas du recueil de la volonté, laquelle est donnée par le patient lui-même ou par la famille si ce dernier n’est plus en mesure de s’exprimer, mais de la pratique du prélèvement. En effet, ce mode de productivisation de la mort suppose que les reins soient prélevés immédiatement après le constat de mort : lorsque le cœur cesse de battre, les professionnels ne tentent aucune mesure de ressuscitation (puisque telle est la volonté du malade ou de la famille) ; au bout d’un temps très court (de deux à cinq minutes), le défunt est poussé en salle d’opération et le prélèvement a lieu. Pour améliorer la qualité du greffon, une sonde peut être placée dans le corps du mourant de manière à refroidir les organes à prélever et leur éviter d’être endommagés par une trop longue durée d’ischémie chaude [période durant laquelle n’organe n’est ni perfusé ni refroidi, et risque donc de s’abîmer. On dit qu’il est en souffrance, cet état compromet directement la réussite de la transplantation. Ndlr.] Des actes médicaux sont donc accomplis sans aucune portée thérapeutique pour le patient afin de prélever des organes de meilleure qualité. La démarche fait difficulté pour les professionnels de la transplantation. Le protocole s’est donc peu diffusé jusqu’ici, sauf au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. [Il a auparavant été mentionné que ce protocole était utilisé aux USA et au Canada. Ndlr.] (…) Aux Pays-Bas, en 2006, il y a eu cent seize donneurs à cœur arrêté prélevés, ce qui représente 51 pour cent des prélèvements post-mortem et 23 pour cent du total des prélèvements. [Dans ce pays, le don d’organe provenant de donneur vivant, comme un rein ou un lobe de foie, est une pratique plus répandue qu’en France. Ndlr.] Ce type de prélèvement, validé en France depuis 2005, est en phase expérimentale depuis 2007 dans un petit nombre de grands centres hospitaliers ayant développé l’infrastructure adaptée à un tel mode de prélèvement. Cette pratique vient de rencontrer une difficulté majeure avec le cas d’une personne qui, après échec apparent des tentatives de ressuscitation, et au moment où le prélèvement allait être effectué, a présenté des signes de respiration spontanée, une réactivité pupillaire et une réactivité à la douleur, autant de symptômes de vie. Après des soins compliqués, cette personne, dont l’état neurologique n’était pas connu dans sa globalité, retrouva des éléments de la vie sociale, comme la parole et la marche. [Le Monde, 11 juin 2008]”.

Copyright Editions Gallimard, 2010

Prélèvements "à coeur arrêté" : la parole aux scientifiques !

Cet article scientifique rend compte d'une polémique entre un spécialiste américain, qui définit et documente les aspects et problèmes éthiques concernant les prélèvements "à coeur arrêté", et un spécialiste canadien, qui a mis en place les protocoles des prélèvements "à coeur arrêté" au Canada. Le terme anglo saxon correspondant à "prélèvements 'à coeur arrêté'" est "Donation under Cardiac Death" (DCD). Cette polémique est éclairante pour la situation française, même si les protocoles de prélèvement "à coeur arrêté" appliqués en France depuis 2007 sont différents de ceux appliqués aux USA et au Canada. On pourrait d'ailleurs argumenter pour répondre à la question de savoir si cette différence de situation est plus une différence de fond ou de forme ... Rappelons qu’en France, les prélèvements "à cœur arrêté" s’effectuent suite à un arrêt cardiaque dit "non contrôlé" (le patient a fait un arrêt cardiaque qui n’a pas pu être récupéré), tandis que dans les pays anglo-saxons, ces prélèvements s’effectuent suite à un arrêt cardiaque dit "contrôlé", dans le cadre d’une décision collégiale de fin de vie. Les traitements sont alors arrêtés, car on considère qu’ils ne sont plus dans l’intérêt du patient, un prélèvement d’organes est effectué dans la foulée si le patient ou ses proches ont donné leur accord. Prélèvements "à cœur arrêté" suite à un arrêt cardiaque dit contrôlé aux USA et au Canada, mais dit non contrôlé en France : ces disparités (de fond ou de forme ?) dans les pratiques d’un pays à l’autre ne sont pas faites pour rassurer l’usager de la santé !

02/04/2010 - Elsevier Global Medical News. Auteurs : Joseph L. Verheijde, Ph.D. ; Samuel D. Shemie, M.D :

Des incohérences scientifiques dans les prélèvements "à cœur arrêté" :

"Pour lutter contre la pénurie d’organes à greffer, le critère cardio-circulatoire en tant que critère permettant de définir la mort a été rétabli. L’arrêt cardiaque signe la mort. Depuis 1968, le critère cérébral avait été retenu pour définir la mort, afin de pouvoir prélever les organes des patients ‘en mort encéphalique’. Les critères de définition de la mort se fondaient alors sur une incompétence du cerveau. Que ce soit en 1968 avec le critère de mort neurologique ou en 2006 avec le critère d’‘arrêt cardio-respiratoire persistant’, on se base sur les besoins en prélèvement d’organes pour définir les critères de la mort d’un point de vue médical. Il faut un arrêt cardiaque (asystolie mécanique du cœur) allant de 75 secondes à 5 mn : tels sont les critères retenus par la loi américaine pour définir le décès cardio-circulatoire. Une fois ce laps de temps écoulé, les traitements consistant à maintenir le patient en vie (respirateur artificiel, support hémodynamique) sont arrêtés au bloc opératoire. Consécutivement à cet arrêt, on attend une ou deux secondes afin de s’assurer qu’il n’y a aucun battement de cœur (pas de pulsation artérielle, absence de contraction mécanique du cœur), et les prélèvements d’organes peuvent commencer.

Il s’avère que ces standards ou critères retenus pour définir la mort par arrêt circulatoire dans un contexte de don d’organes ‘post-mortem’ ne sont pas infaillibles, loin s’en faut ! Ils ont pourtant permis la mise en place des protocoles utilisés aujourd’hui dans les prélèvements ‘à cœur arrêté’.

Premièrement, ces critères se fondent sur une opinion d’expert, suivant laquelle après 65 secondes d’arrêt de fonctionnement du cœur (asystolie mécanique) il y a zéro chance d’assister à une récupération spontanée de la fonction cardiaque et cérébrale. L’asystolie, c’est l’absence de contraction cardiaque (ou arrêt du cœur). Or cette opinion d’expert se fonde sur un trop petit nombre de cas cliniques observés : il n’existe qu’une seule étude rétrospective, concernant 12 patients (Crit. Care Med. 2000;28:1709-12 ; Philos. Ethics Humanit. Med. 2007;2:28). Certes entre 1912 et 1970, des médecins ont publié des articles scientifiques décrivant le processus de mort d’après leurs observations cliniques. Mais il ne s’agissait pas là d’observations en vue d’établir des critères de décès permettant le prélèvement d’organes à des fins de transplantations. Les critères de définition de la mort dans le contexte d’un prélèvement d’organes exigent une précision extrême. Il faudrait une étude sur 10.000 patients – et non sur 12 ! – afin de confirmer que dans moins d’un cas sur 1.000 le cœur du donneur ou potentiel donneur se remet à fonctionner après 65 secondes d’asystolie. Ce phénomène de reprise spontanée des battements du cœur après une période d’asystolie est décrit dans des articles scientifiques anglo-saxons sous le terme générique d’‘autoresuscitation’.

Deuxièmement, en ce qui concerne les fonctions mécaniques et électriques des cœurs prélevés ‘à cœur arrêté’ – il convient de rappeler que ces prélèvements ont eu lieu à Denver en 2008, sur trois bébés, mais que le protocole français ne permet pas le prélèvement du cœur dans cette situation – : ces fonctions mécaniques et électriques du cœur se retrouvant à l’état naturel chez le receveur, elles étaient déjà présentes chez le donneur. Il ne s’agit de rien d’autre que des fonctions normales du cœur du donneur. Le cœur fonctionnant chez le receveur pouvait tout aussi bien fonctionner chez le donneur. L’asystolie mécanique est donc réversible et ne constitue pas un standard acceptable d’irréversibilité – irréversibilité sur laquelle on va pourtant se fonder pour définir la mort du potentiel donneur d’organes dans le cadre d’un prélèvement ‘à cœur arrêté’. Lorsque des manœuvres de réanimation invasives (circulation extracorporelle) sont entreprises sur un patient – il s’agit d’assistance circulatoire aux ‘seules’ fins de conserver les organes vitaux comme les reins et le foie du patient en vue de leur transplantation – ces patients potentiels donneurs, s’ils avaient une activité cérébrale normale avant l’épisode d’asystolie mécanique du cœur, peuvent récupérer leurs fonctions neurologiques (ASAIO J. 2006;52:119-22).

Ces réanimations ou interventions au préalable du prélèvement d’organes, donc effectuées dans le ‘seul’ but de maintenir des organes perfusés aptes à la transplantation, ont certainement contribué à prévenir ou à empêcher la rapide détérioration des fonctions neurologiques (détérioration ou mort neuronale), c’est-à-dire la cessation irréversible des fonctions cérébrales consécutivement à l’asystolie mécanique du cœur. (Surgery 2000;128:579-88).

Troisièmement, dans quelle mesure les fonctions cérébrales intégrées seraient-elles récupérées par le donneur alors que le prélèvement de ses organes va commencer, voilà ce que la médecine n’est pas en mesure de déterminer actuellement. Un rapport préliminaire enregistrant l’activité du cerveau (électroencéphalogramme) lors du décès fait état d’une intense activité durant plusieurs minutes alors même que les patients dont on enregistre l’activité cérébrale n’ont plus de pouls. (J. Palliat. Med. 2009;12:1095-100). Des patients se trouvant dans cet état peuvent néanmoins être des donneurs d’organes subissant une opération chirurgicale dans le but de prélever leurs organes vitaux, SANS ANESTHESIE GENERALE. (Anesth. Analg. 2010 March 17 [doi:10.1213/ANE.0b013e3181d27067]). Il n’existe pas d’études portant sur le monitoring neurophysiologique du cerveau des donneurs, permettant d’exclure l’hypothèse d’une douleur ou d’une conscience résiduelles, dues à des facteurs cliniques lors du prélèvement des organes vitaux. De même, aucun examen histopathologique du cerveau (examen de biopsies ou d’échantillons chirurgicaux à l’échelle microscopique) n’a été pratiqué chez le donneur dans un contexte de prélèvement ‘à cœur arrêté’, dans le but de valider le critère établi, selon lequel deux à cinq minutes d’asystolie mécanique suffiraient à entraîner la destruction complète et la nécrose de tout le cerveau et la cessation irréversible des fonctions neurologiques. (Crit. Care Med. 2010;38:963-70; J. Clin. Ethics. 2006;17:122-32).

Dans un article sur le don d’organes ‘post mortem’ en se basant sur le critère cardiocirculatoire de définition de la mort, les auteurs reconnaissent que le donneur n’est pas nécessairement mort, que l’on fasse appel au critère neurologique ou à celui circulatoire pour définir la mort, mais que cela n’aurait ‘pas vraiment d’importance’. (Crit. Care Med. 2010;38:1011-2), car la subsistance de toute fonction neurologique résiduelle ne suffirait pas à signaler une véritable présence de la vie – la présence d’une personne en vie. Restent quelques problèmes : qu’est-ce qu’une personne vraiment en vie, qui peut – et comment – définir ces critères de vie réelle, comment certaines fonctions neurologiques pourraient-elles être quantifiées comme significatives aux yeux d’une personne extérieure ? Les ‘avocats’ du don d’organes considèrent que l’altruisme est une raison suffisante pour motiver les donneurs à endurer cette souffrance si nécessaire, du fait de leur (supposé) désir de donner des organes de la meilleure qualité qui soit.

Les ‘avocats’ des transplantations réinterprètent la loi américaine concernant les critères de définition de la mort, la ‘Uniform Determination of Death Act’ de 1981, qui définissait la mort comme un phénomène singulier se produisant soit par la cessation irréversible des fonctions circulatoires et respiratoires, soit par celle de toutes les fonctions du tronc cérébral (partie du cerveau) ou de l’encéphale (ensemble du cerveau). Ces ‘défenseurs’ de la cause du don d’organes fournissent une nouvelle interprétation de cette loi, disant que l’on peut se fonder, pour définir la mort, sur une intention et une action de ne pas réanimer, et que par conséquent, il est possible de déterminer des critères de décès sans que les fonctions cérébrales, respiratoires et circulatoires aient à cesser de manière irréversible. Cette réinterprétation dissimule aux yeux du grand public à la fois une intention et une action non avouées : récupérer des organes vitaux en vie, c’est-à-dire perfusés, à des fins de transplantation, et commencer le prélèvement chirurgical des organes avant la mort du donneur.

Dans ces conditions, prélever des organes à des fins de transplantation équivaut à intervenir afin de mettre activement fin à une vie humaine. Voilà qui n’est pas sans soulever des questions de nature juridique et éthique : peut-on sanctionner ce qu’il faudrait alors appeler un homicide utilitariste, constituant une transgression des droits constitutionnels des individus ? Le médecin se doit-il d’informer les potentiels donneurs et leurs proches en leur faisant part de ces réalités scientifiques concernant les prélèvements d’organes ‘à cœur arrêté’, ce que, bien sûr, il ne fait pas ?"

Dr. Verheijde est Professeur associé aux départements d’éthique biomédicale, de rééducation et réadaptation fonctionnelle, Mayo Clinic, Arizona, USA.

"La détermination du moment de la mort est un problème partagé par tout le corps médical, toutes spécialités confondues, et la technologie médicale sophistiquée disponible de nos jours a rendu cette question extraordinairement complexe. La réanimation cardio-pulmonaire, la ventilation mécanique, les machines cœur-poumons, les appareils d’assistance circulatoire mécanique pour le cœur (des pompes de la taille d’un stylo, visant à assister un ventricule défaillant), ou toute autre technologie ou médecine de remplacement (transplantations) visant à suppléer à la fonction d’un organe défaillant : autant de moyens médicaux permettant le maintien de la vie, si bien qu’on ne sait plus très bien quand ce maintien est devenu si artificiel qu’il penche plus du côté de la mort que de celui de la vie. Ce patient maintenu en vie artificielle est-il mort ? Est-il vivant ? La frontière entre les deux est parfois si ténue … Lorsque notre vie ne tient plus qu’à un fil, est-on déjà mort ? La mort encéphalique a pour autre nom ‘la mort invisible’. Le patient en ‘mort encéphalique’, perfusé, sous respirateur artificiel, est chaud et semble simplement endormi. S’il n’est déjà plus tout à fait du côté de la vie, a-t-il déjà les deux pieds dans la tombe pour autant ? Est-ce ainsi que le perçoit son entourage ?

La norme éthique du don d’organes est ‘la règle du donneur mort’. Cette règle garantit que le donneur ne sera en aucun cas tué pour ses organes. Pour que la transplantation d’organes réussisse, l’arrêt de la circulation (l’arrêt de la perfusion des organes à transplanter) et le dommage à l’organe qui en résulte (causé par ‘l’ischémie chaude’, c’est-à-dire le laps de temps durant lequel l’organe n’est plus perfusé au moyen de liquides de refroidissement, par exemple, et n’est plus irrigué car il se trouve hors du corps du donneur mais pas encore dans celui du receveur) doivent être minimisés au maximum, c’est-à-dire que l’arrêt de la circulation doit être minimal entre le prélèvement et la greffe de l’organe. Idéalement, un organe à transplanter doit être perfusé en continu. Cet obstacle d’'ischémie chaude' est partiellement surmonté dans le cas d’un donneur se trouvant en état de ‘mort encéphalique’ car ce donneur est sous respirateur, il est donc ventilé, ses organes sont irrigués jusqu’à ce que leur prélèvement commence. Les donneurs d’organes se trouvant en état de ‘mort encéphalique’ constituent une source privilégiée d’approvisionnement en organes transplantables, en comparaison des donneurs ‘à cœur arrêté’. Cette dernière catégorie de donneurs s’est développée dans différents pays au fil du temps afin de tenter de faire face à la pénurie de ‘greffons’ qui sévit dans le monde entier, pour constituer une importante source d’approvisionnement en organes aux USA depuis des années. Dans ces protocoles, il est important de déterminer la mort le plus rapidement possible consécutivement à l’arrêt cardiaque, afin que les organes ne souffrent pas d’une période d’‘ischémie chaude’ trop prolongée. Cette course contre la montre constitue un aspect important du prélèvement ‘à cœur arrêté’ : la nécessité de trouver le timing idéal pour la conservation des organes a conduit à déterminer une fourchette temporelle ou période d’attente (entre 2 et 5 mn) supposée garantir la mort du donneur d’une part, mais d’autre part la conservation optimale des organes.

Généralement, la mort est conçue comme la cessation irréversible soit des fonctions cérébrales, soit de celles cardio-circulatoires. La notion et le terme d’irréversibilité sont problématiques et n’ont pas été définis sur le plan légal par la Uniform Determination of Death Act, si bien que la signification et l’interprétation de cette notion d’irréversibilité ont évolué, étant donné les avancées technologiques majeures permettant de suppléer aux fonctions vitales d’un patient indéfiniment. De manière générale, les cas de décès à l’hôpital sont presque tous précédés d’une décision visant à renoncer à maintenir en vie artificielle des patients, l’emploi de ces techniques n’étant plus dans l’intérêt du patient. Dans ces cas, l’arrêt des traitements ne signifie pas que la médecine se retire. Le patient est accompagné sur sa toute fin de vie. L’arrêt des traitements ne signifie pas l’arrêt des soins. Si votre cœur ne bat plus, vous n’êtes pas mort tant que les manœuvres de réanimation cardio-respiratoires ou la circulation extra corporelle sont mises en œuvre – à moins de décider de ne pas ou de ne plus recourir à ces techniques. Même en ce qui concerne la notion de ‘mort encéphalique’, la notion d’irréversibilité peut être mise en cause : théoriquement, il est toujours possible de pratiquer une craniectomie décompressive afin d’empêcher l’arrêt du flux sanguin causé par une trop forte pression dans la région cérébrale, en cas d’hypertension intracrânienne réfractaire.

Comment interpréter cette notion d’irréversibilité ? Est-ce à dire que l’on n’y peut rien changer, ou que l’on n’y changera rien car tel est l’intérêt du patient ?

Hors contexte du don d’organes, déterminer le moment précis de la mort après arrêt cardiaque n’a pas demandé une vigilance accrue comme c’est aujourd’hui le cas, avec les protocoles de prélèvement ‘à cœur arrêté’. Il faut aujourd’hui des critères de diagnostic standardisés. On note néanmoins l’absence de consensus sur une question fondamentale : depuis combien de temps la fonction cardio-circulatoire doit-elle avoir cessé chez un patient pour que l’on puisse le considérer comme mort ? L’échelle internationale donne une réponse variant de 75 secondes à 10 minutes.

Après arrêt cardio-circulatoire, que ce soit chez l’humain ou chez le primate, il faut moins de 20 secondes à l’électroencéphalogramme pour devenir électriquement neutre, plat, c'est-à-dire isoélectrique. Si cet arrêt circulatoire se prolonge, la fonction cérébrale finit par s’arrêter. C’est en ce sens que la mort par arrêt circulatoire et celle selon le critère neurologique sont similaires, car les deux sont associées à l’absence de flux sanguin dans la région cérébrale – s’il n’y a plus de flux sanguin, il n’y a plus de fonction neurologique. L’arrêt cardiaque ne conduit pas au décès car un cœur en arrêt peut redémarrer grâce à la réanimation cardio-respiratoire, ou être relayé par une machine qui bat à sa place afin de maintenir le flux sanguin, et/ou être remplacé (transplantation cardiaque). Ce qui fait dire que l’arrêt cardiaque est synonyme de mort est principalement lorsque cet arrêt conduit à l’arrêt du débit sanguin cérébral. L’arrêt irréversible du débit sanguin après arrêt cardiaque est donc défini comme un état dans lequel ces fonctions ne peuvent pas reprendre d’elles-mêmes et il a été décidé de ne pas intervenir sur le plan médical dans l’intention de restaurer ces fonctions. Cette décision est de nature collégiale, elle respecte la volonté du patient et/ou de sa personne de confiance, de ses proches. Dans ce cas de figure, la notion d’irréversibilité peut être définie comme une impossibilité de restaurer un état antérieur sans violer la loi du consentement. [en France, la loi du 4 mars 2002 a bien précisé avec le droit à l'information, le principe même du droit au consentement à l'acte médical. (Source : Conseil National de l’Ordre des Médecins). Ndlr.]

Ce phénomène de reprise spontanée des battements du cœur après une période d’asystolie, décrit dans les articles scientifiques anglo-saxons sous le terme générique d’‘autoresuscitation’, a été mentionné en tant qu’obstacle éthique à la pratique des prélèvements ‘à cœur arrêté’. Il n’existe pas d’étude scientifique digne de ce nom sur la question. Nous avons publié récemment les résultats d’une recherche systématique de ce thème dans les revues médicales scientifiques (Crit. Care Med. 2010 March 11 [doi:10.1097/CCM.0b013e3181d8caaa]). Il n’est pas fait mention de tels cas ; dans tous les cas des manœuvres de réanimation cardio-respiratoires ont été effectuées au préalable d’une reprise de l’activité cardiaque. Par conséquent, les critères existants aujourd’hui, permettant de déterminer le décès suite à un arrêt des traitements (décision collégiale de fin de vie) et d’effectuer dans la foulée un prélèvement ‘à cœur arrêté’, sont en conformité avec les standards médicaux, éthiques et juridiques permettant le don d’organes."

Le Dr. Sam Shemie est professeur agrégé de pédiatrie à l’Université McGill, Canada, et directeur médical du programme d’Assistance respiratoire extracorporelle à l’Unité de soins intensifs pédiatriques du Centre de santé de l’Université McGill. En décembre 2006, le Dr. Sam Shemie a été nommé titulaire de la Chaire Bertram-Loeb de dons d’organes et de tissus à l’Université d’Ottawa, la première en son genre au monde. La Chaire Loeb prône l’harmonisation du discours savant au Canada au sujet de l’exploration et de la compréhension des enjeux médicaux et sociaux touchant le don d’organes.

En qualité de membre du Conseil canadien pour le don et la transplantation, le Dr. Shemie a dirigé l’adoption de protocoles médicaux relatifs au diagnostic de mort cérébrale et à la gestion des dons d’organes au Canada pour tous les groupes d’âge. En 2006 il a dirigé l’élaboration des lignes directrices expertes régissant les programmes de don après la mort cardio-circulatoire au Canada. Il est le Directeur Médical du département "Don d’organes et de tissus" au Canadian Blood Services.

Copyright 2009 Elsevier Global Medical News. Traduction de l'article de l'anglais vers le français par Catherine Coste.

Prélèvements “à cœur arrêté” : le consentement éclairé des usagers de la santé

Consentement_eclaire

A titre expérimental et “en toute discrétion”, l'Agence de la biomédecine autorise, depuis le mois d'octobre 2006 et ce dans une dizaine de centres de transplantation, le prélèvement d'organes sur cœur arrêté. Cette technique consiste à prélever des organes sur des personnes en état d'arrêt cardiaque, après une réanimation de trente minutes et le constat de l'absence de reprise de battements du cœur durant cinq minutes au moins. A présent, cette activité de prélèvement “à cœur arrêté” se généralise, dans un climat d’ignorance et d’indifférence.

Lire l’ensemble de l’article (Document PDF, 156 Ko., 3 pages) :

==> http://nereja.free.fr/files/Consentement_eclaire_27042010.pdf

==> Lire cet article sur AgoraVox, le journal citoyen en ligne

VERSION AUDIO

Prélèvements "à coeur arrêté" : quelques éléments de réponse

Je reçois des messages de la part d'usagers de la santé confrontés à la question du don des organes de leur proche s'étant trouvé en "arrêt cardio-respiratoire persistant", suite à un arrêt cardiaque et à l'échec des tentatives de réanimation afin de récupérer cet arrêt cardiaque. Force est de constater que l'usager de la santé est peu informé sur le sujet des prélèvements "à coeur arrêté". Que dis-je.
Il n'est PAS informé.
Contexte du don d'organes : l'incontournable réalité :

Version audio

Avant 2007, seuls les organes de donneurs en état de "mort encéphalique" pouvaient être prélevés. Depuis 2007, une situation d'arrêt cardiaque peut faire de chacun d'entre nous un potentiel donneur de reins et de foie (les organes les plus demandés). Si la "mort encéphalique" est une forme de décès rare (elle concerne à peine un pour cent des décès), l'arrêt cardiaque concerne ... tout un chacun ! D'autant que le consentement présumé est inscrit dans la loi. Nous sommes tous présumés consentir au don de nos organes après notre mort - c'est-à-dire après notre mort légale ("mort encéphalique", ou bien "décès cardiocirculatoire" qui correspond à la situation d'"arrêt cardio-respiratoire persistant"), venant anticiper notre décès physiologique qui, lui, a lieu au bloc, lors du prélèvement des organes. La réalité est donc qu'il existe aujourd'hui deux formes de constat légal de décès anticipé : la "mort encéphalique", le "décès cardiocirculatoire" qui correspond en réalité à un "arrêt cardio-respiratoire persistant". Les organes d'un mort ne soignent personne. Les enfants ne naissent pas dans les choux. Pour soigner un patient en attente de greffe, il faut un organe perfusé, un organe en vie. Qu'est-ce qu'un mort légal avec un organe en vie ? C'est une vie sur le départ. La question du don d'organe passe par la réalité de la mort du donneur. La question du don d'organes doit s'envisager dans le contexte d'une fin de vie. Donneur mort, donneur mourant, cela fait une différence ... grosse comme une loi sur la fin de vie (loi sur les droits des malades en fin de vie, 22 avril 2005).

Vos questions :

Les prélèvements "à coeur arrêté" ont repris en France depuis 2007 et font l'objet de controverses chez les soignants. Existe-t-il une réflexion éthique sur ce sujet ?

Le Docteur Marc Guerrier coordonne la réflexion éthique sur les prélèvements "à coeur arrêté" au sein de l'Espace éthique de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris :

http://www.espace-ethique.org/fr/transplantations.php

Quels sont les établissements autorisés à pratiquer cette activité de "prélèvements à coeur arrêté" ?

Seule l'Agence de la biomédecine est compétente pour vous répondre, puisque c'est elle qui encadre l'activité des transplantations d'organes (prélèvements et greffes) dans tous les hôpitaux. C'est donc elle qui délivre les autorisations :

http://www.agence-biomedecine.fr/professionnels/prelevement-et-greffe-1.html

Le protocole des prélèvements "à coeur arrêté" a été mis en place dans une dizaine d'hôpitaux en 2007 (à titre d'essai), mais le nombre d'établissements hospitaliers ayant reçu l'aval de l'Agence de la biomédecine pour pratiquer cette activité s'est considérablement élargi.

Avez-vous des renseignements au sujet de la loi concernant les prélèvements "à coeur arrêté" (liens, sites internet) ?

Les lois bioéthiques d'août 2004 réglementent l'activité de prélèvement et de greffe d'organes. Un décret d'application de cette loi, validé en 2007, a permis en France la reprise du protocole de prélèvement "à coeur arrêté", pour les reins et le foie, mais aussi pour des tissus. Actuellement, les lois bioéthiques d'août 2004 sont toujours en vigueur, mais un "toilettage" de ces lois est en cours. La nouvelle version, "lois bioéthiques de 2010", devrait sortir en mai 2010.

En ce qui concerne la loi sur les prélèvements "à coeur arrêté" :

Voir le site de l'Académie Nationale de médecine : on se rend compte que ce sont des chirurgiens transplanteurs qui ont défini les modalités de la loi sur les prélèvements "à coeur arrêté", ce qui soulève au moins une question : peut-on être juge et partie ?

"L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 6 mars 2007, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité". Or je rappelle que ce document sur les prélèvements à coeur arrêté datant de mars 2007 n'a pas été approuvé à l'unanimité : un voire deux chirurgiens membres de l'Académie Nationale de Médecine s'y sont opposés. En vain.

A lire en complément :

http://ethictransplantation.blogspot.com/2007/10/les-prlvements-coeur-arrt-en-france-ont.html

La nouvelle version des lois bioéthiques (mai 2010) ne devrait pas apporter de modifications en ce qui concerne l'activité de prélèvement et de greffes d'organes. Les "prélèvements à coeur arrêté" resteront inscrits dans la loi.

"Le choix d'Hannah"

Ce livre bouleversant vient de paraître. Le sujet est la greffe cardiaque. Il s’agit d’une histoire vécue.

Hannah Jones est une adolescente britannique. Elle n'a que 14 ans en 2010, mais a pourtant traversé bien des épreuves. Atteinte d'une forme de leucémie rare et foudroyante à quatre ans, elle a dû subir des chimiothérapies certes efficaces puisqu'elles ont permis une rémission, mais laissant de terribles séquelles : à 12 ans, Hannah souffre d'insuffisance cardiaque sévère, "effet secondaire" des années de chimiothérapie qui ont permis d'endiguer la leucémie. A 13 ans, les équipes soignantes envisagent une greffe cardiaque en hyper urgence. Cette greffe a peu de chances d'être un succès : Hannah est très affaiblie, les longues années passées à l'hôpital l'ont traumatisée, elle veut profiter de la vie chez elle, au sein de sa famille, loin de l'hôpital. "Plutôt vivre parmi les miens, en profitant de chaque journée qui passe comme d'une chance, que de compter les jours du fond de mon lit d'hôpital, avec pour seule perspective une issue incertaine après la greffe cardiaque et des traitements douloureux."

Hannah est alors si affaiblie qu'il n'est pas déraisonnable d'anticiper que le traitement immunosuppresseur qu'elle devrait prendre après la greffe pourrait entraîner le retour en force ... de la leucémie ! Sa décision est prise : Hannah, soutenue dans son choix par toute sa famille, refusera la greffe.


Ce choix d’Hannah en novembre 2008 de refuser une greffe du cœur alerte et émeut les medias du monde entier. Comment une patiente, si jeune, peut-elle refuser une greffe, “seule chance de survie” ? Nous sommes en novembre 2008. Entre novembre 2008 et août 2009, Hannah profite de la vie en famille, reprend des forces, contre toute attente - ou pronostic médical. Une mère infirmière aux urgences, avec qui elle tisse des liens très forts depuis sa plus tendre enfance, une fratrie nombreuse et attentive à cette sœur au cœur si fragile, un père qui a les épaules larges et de l'humour à revendre pour porter tous ces heurs et malheurs, même s'il lui arrive de piquer des colères homériques ... Toute sa famille a toujours respecté et soutenu le choix d’Hannah. Eté 2009 : Hannah est de nouveau à l'hôpital ! Insuffisance rénale sévère. Le mauvais fonctionnement d'un cœur en bout de course endommage les reins. La greffe est à nouveau envisagée. Là encore, Hannah sera soutenue dans son choix par sa famille. Mais a-t-elle le choix ? Elle est moins faible, la greffe, c'est maintenant ou jamais ! Hannah et sa mère ont écrit un livre pour expliquer qu'à chaque fois, "le choix d'Hannah" a été un choix pour la vie. Mère et fille se relaient au fil des chapitres pour raconter une histoire forte, dont nous, simples usagers de la santé, avons beaucoup à apprendre. De telles leçons de vie ne se trouvent pas sous le sabot d'un cheval, parole d'une mère et de sa fille, toutes deux passionnées d'équitation.

Le choix de la greffe n'est pas un choix qui va de soi. Toute greffe n'est pas toujours bonne à prendre. Pour Hannah, la décision a d'abord été impossible à prendre. En faisant le choix de refuser une greffe alors qu'elle était au plus mal, Hannah dit avoir fait le choix de la vie. En été 2009, elle fera à nouveau un choix. A nouveau le choix de la vie, cette fois-ci avec l'espoir que la greffe "fonctionne"...

Je lis ce livre avec beaucoup d'émotion. Il n'a pas encore été traduit en français, est paru fin mars 2010 chez le grand éditeur anglais HarperCollins Publishers. Vous trouverez en complément de ce "Post" une recension de ce livre en français dès que j'en aurai achevé la lecture...

Le blog éthique et transplantation certifié HON

Ce site santé a été certifié le 07 avril 2010 par la fondation Health On the Net (HON) en collaboration avec la Haute Autorité de Santé selon la loi n° 2004-810 du 13 août 2004.

"La Fondation Health On the Net est l'organisation de référence en matière de promotion et de mise à disposition de l'information en ligne sur la santé et la médecine, ainsi que de son utilisation appropriée et efficace. Créée en 1995, HON est une organisation non gouvernementale,sans but lucratif, accréditée par le conseil économique et social des Nations Unies."

"Le registre britannique du don d'organes était bourré d'erreurs"

L’article qui suit dénonce une gestion erronée des informations concernant les personnes qui se sont portées volontaires pour s’inscrire sur le registre de donneurs d’organes et/ou de tissus au Royaume-Uni. Petite explication de texte ...


==> Lire cet article sur AgoraVox, journal citoyen en ligne.

LONDRES (AP) — "Des erreurs ont été commises dans l’inscription de plusieurs centaines de milliers de personnes au registre britannique des donneurs d’organes depuis dix ans, et des prélèvements pourraient avoir été réalisés sur la foi de ces informations erronées, a annoncé l’agence chargée des transplantations samedi.

L’agence du Sang et des transplantations du Service national de la santé (NHS) que des erreurs techniques affectaient la base de 14 millions de donneurs d’organes depuis 1999. Certaines volontaires pour donner leurs poumons ou leur peau étaient par exemple enregistrés comme donneurs de cornée ou de coeur.

L’hebdomadaire dominical ’Sunday Telegraph’ affirme qu’environ 800.000 personnes ont été victimes de ces erreurs, dont 45 mortes depuis et dont des organes ont été prélevés, sur la foi des informations fausses contenues dans la base pour la moitié d’entre elles.

Une responsable du NHS n’a ni contesté, ni confirmé le chiffre avancé par le journal mais a déclaré sous le couvert de l’anonymat qu’une enquête était en cours. Elle a souligné qu’apparemment toutes les personnes inscrites dans le registre étaient volontaires pour un don d’organes ou un autre. ’Rien ne suggère que des gens inscrits dans le registre n’ont pas voulu y être’, a-t-elle dit, ajoutant qu’aucune donnée n’était perdue et que le problème avait depuis été maîtrisé. ’Il n’y a aucune possibilité que des données incorrectes soient utilisées aujourd’hui’, a-t-elle assuré.

Le problème a été mis au jour l’an dernier lorsque l’agence des transplantation a écrit aux donneurs pour les remercier de leur inscription au registre, en précisant pour quel organe ils s’étaient engagés. Certains destinataires ont alors répondu qu’il y avait erreur."

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20100410.FAP8311/le-registre-britannique-du-don-d-organes-etait-bourre-d-erreurs.html

Au Royaume-Uni, il faut s’inscrire sur un registre de donneurs d’organes si on consent au don de ses organes à sa mort. Et il faut préciser quels organes et/ou tissus (cornées, peau, tissus composites de la face) on consent à donner. En France, le consentement présumé est inscrit dans la loi. Chaque citoyen est donc présumé consentir au don de tous ses organes et tissus à sa mort. Certes il existe un registre des refus, géré par l’Agence de la biomédecine, sur lequel on peut s’inscrire en cas de refus. Dans ce cas, il n’est pas possible de préciser quel(s) organe(s) et/ou tissus on refuse de donner ; d’autre part, le registre national des refus fait volontairement un amalgame entre le don d’organes (qui se passe à notre mort) et le don de son corps à la science, qui se passe une fois qu’on est bel et bien mort (le corps est déjà refroidi). Un don d’organes dit "post-mortem" a lieu après le constat de décès légal du donneur, mais avant la mort physiologique de ce donneur, qui intervient au bloc, lors du prélèvement des organes et tissus de ce donneur. Rappelons cette évidence : les organes d’un mort ne soignent personne. Conséquence de cet amalgame : très peu de personnes sont inscrites sur ce registre national des refus en France. L’amalgame entre don de son corps à la science et don d’organes, et la formulation cynique - en refusant le don de ses organes, il est dit qu’on s’oppose à tout progrès thérapeutique et scientifique, voilà qui confine à la non assistance à personne en danger - font que très peu de personnes souscrivent à un tel programme, ce qui est bien compréhensible. Il faudrait être un monstre d’égoïsme et de cynisme pour s’inscrire sur le registre national des refus. Mais ne nous y trompons pas : la réalité de la mort d’un potentiel donneur d’organes pose problème pour ses proches confrontés à la question du don. Le taux de refus (moyenne nationale) est de 30 pour cent. Un donneur d’organes "post-mortem", c’est une vie sur le départ ... Le don d’organes devrait donc être considéré dans une perspective de fin de vie. A défaut de quoi, le discours public martèle que le donneur est mort et archi mort et que le consentement présumé fait du don d’organes un réflexe de la forme, ou un réflexe de bon citoyen (donner ce qui ne sert plus à rien). Rien n’est hélas aussi simple. Le donneur d’organes est à présent anesthésié, dans la plupart des cas. Mais qu’en était-il il y a plusieurs décennies ? La douleur encéphalique (état de mort encéphalique) n’est pas publique. Un mort, cela n’a mal nulle part. Moi, je veux bien donner mes organes, si on m’anesthésie au préalable. Sinon, non merci, surtout pas ! Et vous, êtes-vous prêts à donner vos organes sans savoir si vous ressentirez la moindre douleur ? Mais non voyons, puisque vous êtes mort ! Vous êtes un mort avec des organes vivants. Oooops.

Au moins la liste anglo-saxonne existe. C’est courageux d’envoyer un courrier aux personnes inscrites pour confirmer avec elles quels organes et tissus elles souhaitent donner. En France, la liste est pur alibi, elle n’a aucune existence ! Problèmes dans la formulation (il faut être un monstre de cynisme pour refuser d’aider à soigner autrui par le don d’organes), d’amalgame (don de ses organes ou don de son corps à la science : voilà qui ne recouvre pas du tout les mêmes réalités). On ne peut même pas choisir ce qu’on donne : si on ne veut pas donner ses cornées (yeux), doit-on s’opposer au don d’organes, ou doit-on fermer les yeux sur ce "point de détail" concernant ces cornées qu’on ne veut pas donner ?

Une fois corrigé le problème de formulation dans la liste nationale des refus (ambition déraisonnable !), il faudrait que chaque usager de la santé ait accès à cette liste (par exemple, en se connectant sur le site ameli.fr, avec un code d'accès). Une liste sans aucune transparence n'est pas une liste. C'est un alibi.

Le code de déontologie s’adapte

Sincères remerciements au Dr. Piernick Cressard, responsable de la section éthique et déontologie médicale au Conseil National de l’Ordre des Médecins, et au Dr. Jean Leonetti, principal auteur de la loi d’avril 2005 (loi sur les droits des malades en fin de vie) pour leur adaptation du code de déontologie afin de répondre à cette question : s’il m’arrive de me retrouver en état de mort encéphalique et si j’accepte le don de mes organes, vais-je souffrir lors du prélèvement ? Serais-je automatiquement anesthésié, comme pour une opération normale ? Si on dit que le donneur est archi-mort, à quoi sert l’anesthésie ? La douleur encéphalique n’est pas publique. Cet état de fait vaut tant pour les acteurs des transplantations que pour les usagers de la santé. C’est bien dommage, car la prise en compte de cette réalité (le constat de décès du potentiel donneur d’organes sur le plan de l’éthique) est indispensable à une vraie réflexion sur le don d’organes. Il serait temps de ne plus confondre information et promotion dans le discours public sur le "don" d’organes.

Il serait temps d’envisager le don d’organes à partir de donneurs en état de "mort encéphalique" ou d’"arrêt cardio-respiratoire persistant" (prélèvements "à coeur arrêté") dans un contexte de fin de vie et d’arrêter de marteler dans le discours public que le donneur est mort et archi mort. Il s’agit pour ce potentiel donneur d’organes d’une vie sur le départ - d’une fin de vie. Pour un potentiel donneur d’organes, le constat légal de décès anticipe la mort sur le plan physiologique (celle-ci interviendra lors du prélèvement d’organes). Il faut donc répondre à la question : "douleur et prélèvement d’organes". Cette question, les usagers de la santé se la posent. "Le don d’organes, dites ’oui’, dites ’non’ mais dites quelque chose". Pour pouvoir dire quelque chose, encore faut-il pouvoir envisager le don d’organes dans son contexte réel, qui est celui d’une fin de vie. Voici donc l’adaptation dans le code de déontologie devant permettre aux médecins de répondre encore mieux aux attentes des usagers de la santé.

"Après avoir été avalisé par le Conseil d’État, l’article 37 du code de déontologie médicale relatif au soulagement des souffrances et à la limitation ou l’arrêt des traitements a été modifié par un décret du 29 janvier 2010, suite à la loi Leonetti sur la fin de vie de 2005. Les médecins du Conseil national de l’Ordre l’attendaient depuis quelques mois déjà. Le décret du 29 janvier 2010 modifiant l’article 37 du code de déontologie a enfin été publié. Prolongement de la loi Léonetti du 22 avril 2005 et des décrets du 6 février 2006, il précise l’obligation du médecin de recourir à des traitements antalgiques et sédatifs en cas d’arrêt de traitement. Soumis au Conseil d’État, l’article avait été approuvé en février 2009 par le Conseil national de l’Ordre (CNOM). ’L’article 37 ne peut se comprendre qu’à la lumière de l’article 38 qui indique que le médecin n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort’, explique d’emblée le Dr Piernick Cressard, président de la section éthique et déontologie du CNOM.
Le titre I de l’article 37 souligne qu’’en toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l’assister moralement. Il doit s’abstenir de toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique et peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n’ont d’autre objet ou effet que le maintien artificiel de la vie’. Le 2e chapitre précise désormais les conditions dans lesquelles peuvent être décidés la limitation ou l’arrêt d’un traitement : cette décision ’ne peut être prise sans qu’ait été préalablement mise en œuvre une procédure collégiale’.

Contre la douleur

Le médecin a la liberté d’engager cette procédure de sa propre initiative mais il est tenu de la faire au vu des directives anticipées du patient ou à la demande de la personne de confiance, de la famille ou d’un proche. L’article précise que chacun d’entre eux doit être informé ’de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d’arrêt de traitement’.
Enfin, l’article 37 est complété par un 3eme titre, qui prévoit que ’lorsqu’une limitation ou un arrêt de traitement a été décidé, le médecin, même si la souffrance du patient ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral, met en œuvre les traitements, notamment antalgiques et sédatifs (...)’.’Ce n’est pas parce que le patient est en incapacité d’exprimer sa douleur qu’il ne souffre pas. Nous devions prendre en compte la douleur encéphalique, qui n’est pas publique’, estime le Dr. Cressard, qui ajoute que des commentaires pédagogiques accompagneront la nouvelle rédaction de l’article." (Source : Genéthique, revue de presse, 12/03/2010).

Gallimard aborde sans tabous les problèmes sociétaux posés par les transplantations d'organes !

"La transplantation d'organes : Un commerce nouveau entre les êtres humains", de Philippe Steiner. Gallimard, 18/03/2010.

Présentation de l'éditeur

"Considérée comme la plus grande avancée thérapeutique du dernier tiers du XXe siècle, la transplantation d'organes pose un problème inédit. Avec le 'greffon', ou organe à transplanter, une nouvelle ressource sociale apparaît, ressource essentiellement produite par la mort. Du coup, la mort elle-même devient une ressource qu'il faut optimiser. La loi, les relations familiales et la technologie médicale y contribuent, mais sans parvenir à produire un volume suffisant de greffons. A la différence du plasma ou des gamètes, l'organe est 'incorporé' et 'appartient' à ce titre à la personne. Sous réserve de l'accord de celle-ci ou de sa famille, il peut certes passer d'un corps à un autre, mais sans jouir pour autant d'un statut juridique clair qui lui permettrait d'entrer de plain-pied dans le commerce social. Cette grande question contemporaine est pour la première fois abordée dans toutes ses dimensions par Philippe Steiner. La transplantation d'organes a déjà entraîné la transgression de deux frontières : celle de la vie et de la mort et celle de la peau. Elle suggère maintenant d'en franchir une troisième, celle du commerce marchand. Déjà l'Iran a légalisé la vente d'organes, et la Chine s'est faite exportatrice des greffons prélevés sur les condamnés à mort exécutés. La traversée de telles frontières politiques pose le problème de la commercialisation de l'humain et, au-delà, celui de notre humanité. En ce sens, la sociologie économique de la transplantation proposée par Philippe Steiner est une forme de l'anthropologie politique du monde contemporain."

Biographie de l'auteur

"Professeur de sociologie à la Sorbonne, Philippe Steiner est l'auteur de nombreux ouvrages, dont La Sociologie de Durkheim (La Découverte, 5e édition, 2005). En 2009, il a codirigé avec François Vatin un Traité de sociologie économique (PUF)."

Source :

Amazon

Une recension de cet ouvrage sera postée en ligne prochainement.

"Réflexions sur la bioéthique"

Au salon du livre de 2010 (Paris), j'ai trouvé ce livre :
"Réflexions sur la bioéthique", collection "La pensée et les hommes", éditions Espace de libertés. Ouvrage édité en Belgique en 2009.

Je prépare une fiche de lecture pour quelques chapitres qui nous intéressent ici.