Suite du Post : "Notre système de santé gaulois marche sur la tête" : Je suis arrivée au forum e-santé organisé par le journal Les Echos (Eurosites George V), qui se tenait jeudi 30 juin et vendredi 1er juillet 2011 à Paris, avec en tête quelques phrases tirées du livre de David Servan-Schreiber : "On peut se dire au revoir plusieurs fois" (Robert Laffont, juin 2011) : David Servan-Schreiber, alias The doctor, écrit qu'il a eu la "naïveté d'aller suggérer à des responsables de la Sécurité sociale de consacrer un petit pourcentage de leur budget à l'exploration de voies nouvelles pouvant entraîner des économies substantielles." Il dit "être tombé de haut" : "Les administrateurs que j'ai pu rencontrer - des hommes intelligents et dévoués par ailleurs - étaient tellement obnubilés par l'idée de limiter les dépenses qu'ils semblaient incapables de comprendre l'intérêt d'investir un minimum pour trouver des façons d'économiser ...
A travers la santé, on s'aperçoit qu'on touche de plus en plus à toute une série de questions brûlantes qui constituent le problème de fond de notre époque (...) : on ne peut pas vivre en bonne santé sur une planète malade". C'est là où la santé rejoint l'écologie globale." [Ouvrage cité, pages 155-146]. Pesticides, fertilisants, radiations, industrie agro-alimentaire ... Dans tous ces domaines, analyse The doctor, "l'intérêt des consommateurs a déclenché celui de la presse, qui a entraîné en retour une plus grande prise de conscience." La e-santé fait partie de cette écologie globale. On ne peut saucissonner le corps humain par hyperspécialité ... Lisez donc le livre de Michèle Biétry qui vient de paraître chez Robert Laffont : "Guérir avant d'être malade : les promesses de la nanomédecine". Nanomédecine, nanotechnologies, génomique, cellules souches, réparation et reconstruction des organes et des tissus, cancer, micro-chirurgie et chirurgie mini-invasive, vaccins : ces domaines ont parfois déjà (en partie) et auront de plus en plus une destinée commune : des découvertes dans l'un de ces domaines ont pu (pourront) entraîner des changements majeurs dans la thérapie d'un autre domaine. Exemples : la thérapie ciblée qui permet de traiter des cancers du sein, du poumon, du colon ou du rectum, le vaccin pour traiter le cancer du cerveau ou de la peau (mélanome), les cellules souches de sang de cordon pour régénérer de la peau humaine, guérir certaines formes de leucémie (en lieu et place de la greffe de moelle osseuse, plus contraignante pour le donneur), et maintenant : peut-être la nanomédecine pour régénérer des organes ? Médecine, biologie et technologie convergent.
On assiste à une convergence des biotechs, nanotechs et medtechs.
The doctor décrit son traitement, en particulier un vaccin pour traiter son cancer du cerveau (glioblastome de stade IV) : cela s'est passé à l'Université de Louvain, en Belgique - la méthode est récente et ne se fait qu'aux USA et en Belgique - pas en France :
"La méthode pratiquée à Louvain consiste à prélever 20 pour cent des globules blancs du malade puis, au laboratoire, à les mettre en contact avec la tumeur obtenue par la chirurgie, ce qui a pour effet de les sensibiliser aux protéines présentes à la surface des cellules tumorales. Par la suite, les globules blancs ainsi 'conditionnés' sont réinjectés à leur 'propriétaire' et agissent dans son organisme exactement comme un vaccin : ils alertent le système immunitaire contre tout élément suspect présentant ces protéines particulières à sa surface. Les petits soldats du système immunitaire vont alors traquer les cellules cancéreuses dans tous les recoins de l'organisme où elles pourraient s'être cachées. Comparées à ces 'frappes hyperchirurgicales', la chimiothérapie fait figure d'attaque au napalm, voire de tapis de bombes. (...) Selon les statistiques actuelles, le vaccin permet de 'nettoyer totalement' 20% des tumeurs. Un cinquième des cancers totalement guéris, c'est un score considérable." [Ouvrage cité pages 38-39].
La segmentation par maladie, par organe, qui fait équivaloir un malade à la maladie de son organe - maladie que seuls le médecin et le laboratoire pharmaceutique ont le pouvoir de soigner (et non le patient lui-même, encore moins des devices ou appareils électroniques de e-santé, l'information santé étant détenue par les seuls acteurs de la santé et non par les usagers de la santé) - : tout cela ne correspond pas vraiment à "l'interaction vitale" que The doctor constate dans notre organisme et notre psychisme : tout est lié, d'où l'importance de la prévention et du suivi d'une maladie chronique ou du cancer - les laboratoires pharmaceutiques commencent reconnaître ce phénomène d'"interaction vitale" - parce qu'ils y trouveraient leur intérêt, disent-ils (cela reste à voir) : ils se mettraient aux devices e-santé car les molécules (la Molécule !) c'est certes le Saint Graal mais le Saint Graal n'est ce pas on ne le trouve pas toujours ... et pas toujours tout de suite ... et une fois que les brevets de ladite Molécule tombent dans le domaine public ... il n'y a plus d'argent pour les labos ... Alors, prévention et suivi des maladies chroniques par la e-santé, notamment le diabète - qui cause tout un tas de maladies telles que l'insuffisance rénale (causée aussi par l'hypertension), une maladie de la rétine, ou encore des artères et des veines des jambes, ce qui peut conduire à l'amputation - voilà qui intéresse diablement les labos, à l'heure où la population vieillit, des banlieues ("neuf trois" et similaires) et certaines régions de province connaissent des phénomène de "désert médical" ... le diabète est un marché juteux ... Ecoutons The doctor nous expliquer cet intéressant phénomène d'interaction vitale : [ouvrage cité pages 139 et suivantes] :
"Il y a une vingtaine d'années, à l'époque où j'étais chercheur en neurosciences, j'ai beaucoup étudié les structures neuronales. J'étais frappé par le fait que le fascinant et vaste réseau de connexions qu'on appelle le cerveau est composé de cellules qui, prises individuellement, ne sont ni très intelligentes ni très compétentes. Mais dès qu'elles interagissent entre elles, elles donnent naissance aux facultés mentales les plus brillantes, comme la perception, l'intelligence, la créativité, la mémoire, etc. Ces phénomènes, que nous qualifions d'émergents parce qu'ils dépassent infiniment les capacités des entités dont ils sont issus, sont en réalité le fruit des actions et rétroactions qui ont constamment cours entre tous les neurones.
J'ai compris plus tard que le corps tout entier fonctionne aussi sur ce modèle de réseau : le foie interagit à chaque instant avec les reins, qui interagissent avec la tension artérielle, avec la qualité du sang, la production d'urine, les cocktails d'hormones, etc. Tout comme les systèmes de neurones, l'organisme produit lui aussi des propriétés émergentes. Et comme pour le cerveau, ces propriétés constituent une sorte d'intelligence, cette intelligence du corps, que nous sommes plus habitués à désigner sous le nom de santé.
Qu'est d'autre la santé, en effet, que la résultante d'un fonctionnement harmonieux et équilibré de tous les systèmes qui constituent l'organisme ? Quand ce fonctionnement se détraque, il ne sert à rien de s'acharner sur l'organe qui a l'air de flancher, le foie, le sang, le coeur, etc. Il faut chercher à restaurer l'équilibre de l'ensemble."
Notre système de santé serait-il organisé à l'image de ce constat ? Des médecins incités financièrement par la Sécu à télétransmettre les feuilles de soin, alors qu'ils ne reçoivent aucune aide financière pour s'informatiser et se former aux logiciels santé ... Se serait-on focalisés sur les feuilles de soin à télétransmettre comme si c'était là le but suprême de la télémédecine ? Et le monitoring (via l'outil informatique) de l'insuffisance cardiaque et du diabète par des médecins ? A la trappe, tout cela ... Lors de ce très intéressant Forum de e-santé organisé par Les Echos, on a pu apprendre que 50 pour cent des médecins seulement seraient informatisés de manière opérationnelle, avec un logiciel métier opérationnel et qu'ils savent utiliser (chiffres exacts inconnus, il s'agit d'une estimation donnée par les vendeurs de logiciels, même l'Ordre des médecins ne connaît pas le chiffre exact). 10 pour cent seulement des centres de santé (établissements de soins) sont informatisés de manière opérationnelle ... Le budget pour ce faire est à la Sécu, il est intact (de l'argent qui dort ...) ... La seule chose qui a intéressé nos aimables fonctionnaires de la Sécu était la télétransmission des feuilles de soin. Ils ont donné aux médecins libéraux une incitation financière pour télétransmettre (7 cts d'Euro par feuille de soin), mais pas d'incitation financière à s'informatiser. IL Y A DU BOULOT ... Le Ministère de l'industrie a mis en place une instance pour coordonner toutes les initiatives e-santé institutionnelles et autres, et tenter d'optimiser les avancées dans ce domaine (que deux personnes isolées ne travaillent pas sur le même sujet sans être au courant des travaux de l'autre), mais c'est tout récent : il y a de cela un an, durée pendant laquelle ladite instance a un peu patiné et cherché ses repères. Il s'agit du CNR-SDA, à sa tête le Docteur Alain Franco, qui est gérontologue ... mais qui serait prêt à coordonner d'autres domaines de e-santé que celui de la gérontologie ... En France le gouvernement veut que la e-santé prenne en charge le domaine de la dépendance : maladies chroniques des personnes âgées ... Mais il y a tout le reste ... Un gérontologue pour coordonner tous les secteurs de la e-santé, qui explosent ? C'est là un programme ambitieux ... mais réaliste ? ...
M. Jean-Michel Billaut, économiste, fondateur de l'Atelier Numérique BNP Paribas, auteur du Billautshow, a perdu un bout de gambette il y a deux ans, à cause d'une mauvaise organisation de notre système de santé : le 15 n'a pas cru à une urgence (alors qu'il s'agissait d'un "anévrisme poplité", c'est à dire d'un AVC de l'artère poplitée, dans le creux du genoux), puis une fois que l'ambulance est enfin arrivée, il a fallu faire le tour de la contrée : un bloc opératoire ne pouvait pas recevoir le malade parce qu'il était déjà occupé, l'autre parce qu'il n'était pas équipé pour ce genre d'opération ... Résultat des courses : la jambe, opérée quatre heures plus tôt, aurait pu être épargnée ... Apparemment, dans l'économie du système de santé actuel, sauver la jambe d'un jeune papy (M. Billaut prenait sa retraite l'année de cet accident) n'est pas prioritaire ... Les institutionnels de la santé, pour peu qu'il veuille porter plainte, lui diront qu'il fallait faire plus attention, fumer moins, travailler moins, bouger plus ... Sans même connaître la personne à qui ils ont affaire ... Il y a certes un répertoire opérationnel des ressources pour l'Ile de France (ROR IF) : les médecins urgentistes s'informatisent pour améliorer la prise en charge des patients urgents ... Mais ce n'est pas encore tout à fait au point, et la chose ne concerne que l'Ile de France - et non les déserts médicaux dans les banlieues "craignos" ou des régions peu touristiques comme la Creuse ... J'étais à Cochin l'autre jour : déjà, pour gérer les box d'urgences sur place ... cela n'a pas l'air simple ... Que de stress (côté personnel de santé et patient) engendré par une organisation ... perfectible ? Y aurait-il perte de chance pour le patient, à cause de cette carence en organisation dans le processus de prise en charge et de soins du patient (l'outil informatique, les logiciels métiers jouant un rôle clé dans cette organisation, mais ils restent, trop souvent, absents du tableau) ? D'après l'Ordre des Médecins : pas encore, mais cela pourrait bien devenir le cas (à partir de quand, précisément ?) ; d'après certains patients et certains acteurs et observateurs du système de santé : oui, bien sûr, il y a perte de chance. Les outils informatique santé existent, la technique est là. Reste à accompagner le changement pour qu'il passe dans les moeurs ...
Voici le commentaire de M. Billaut : "Mon médecin de famille est 'informatisé' ... mais ce n'est pas triste ... Il y a informatisé et informatisé ... il utilise une application Windows fermée ... il se plaint que son Outlook est spammé ... je lui ai proposé d'utiliser un bon webmail avec un bon antispam ... etc. Le problème c'est que ces braves gens ne veulent pas modifier leurs habitudes, et surtout n'aiment pas trop s'informer ... et quand je lui parle de génomique etc. il me dit d'un air goguenard ... "mais pourquoi changer le monde ?" Pour que les gens ne perdent pas un bout de gambette à cause d'une mauvaise organisation de notre système de soins ? Pour que les David Servan Schreiber guérissent d'un cancer du cerveau ? Pour que les seniors (n'oublions pas les autres, merci pour eux) puissent gérer leur santé à domicile, le plus longtemps possible, y compris s'ils souffrent d'une maladie chronique ? Est-ce là ourdir le projet de transformer le monde en repère de pingouins transhumanistes, en quête d'immor(t)alité ? Pour ma part, je réponds : non. Arrêtez-moi si je fais erreur : j'ai comme l'impression que l'Ordre des médecins, pour sa part, répondrait : oui. Si au nom de la sacro-sainte confidentialité du colloque singulier patient-médecin il est normal de perdre un bout de gambette et de tourner le dos à l'avenir, alors ... nous pouvons et devons faire mieux pour organiser le système de santé en France.
"Nous sommes les rois du mille-feuille, en France !", disaient des médecins lors du Forum e-santé, parlant de l'organisation du système de santé gaulois. Je discutais avec le vice-président du Conseil de l'Ordre des Médecins lors de ce Forum. Il a salué le travail de Denise Silber, avec sa conférence Doctors 2.0 & You organisée en juin 2011 à la Cité Universitaire Internationale de Paris. Certes. Un travail indispensable, pour mettre en relation soignants et industriels, en ouvrant les frontières aux pays anglo-saxons ... On a l'impression que si elle n'était pas là pour faire ce travail, Denise, rien ou presque ne se ferait. Selon l'Ordre, il faudrait se méfier des suppôts de Satan : Google et Apple, en matière d'e-santé ... J'ai répondu un peu sèchement que face à l'inertie d'un système institutionnel qui peine à encourager l'essor de la télémédecine et de la télésanté en France (faute de moyens financiers), je préfère ceux qui font. L'hyper-organisation sans moyens (à force de payer ceux qui disent aux autres comment ramer sans ramer eux-mêmes on dépense des sous qu'on n'a pas ...) revient à la désorganisation. Conséquence : les projets sont freinés. Les dossiers sont enterrés (vivants). On paye un empilement de commissions pour qu'elles enterrent des projets de e-santé viables ?! ... Je suis sans voix ... Les Gaulois ont vraiment peur que le ciel leur tombe sur la tête ... Pas très pragmatiques, cette peur et cet empilement de commissions ... Un peu moins de personnes dans la barque qui disent aux autres comment ramer (en ayant bien soin de ne pas lever le petit doigt pour ramer eux-mêmes) ... Un peu plus de gens qui rament ... Mme Silber peut-elle porter à elle toute seule la e-santé en France ? Allons-nous avoir les miettes du marché asiatique et américain en matière d'appareils électroniques d'e-santé, de télémédecine ? Les laboratoires pharmaceutiques aimeraient sans doute en décider autrement. Mais vont-ils sauter le pas et vendre des appareils e-santé là où la molécule leur ferait gagner plus d'argent ? Les grosses structures peinent à changer de métier ... Seules les petites structures arrivent à innover ... Or pour vendre des appareils e-santé, les laboratoires pharmaceutiques vont devoir innover ... Ce qu'ils ne savent pas faire ... peinent à faire en ce moment ... Luc de Brabandère, fondateur du Boston Consulting Group leader sur le marché du conseil en matière d'innovation et de créativité pour les grandes entreprises (groupes multinationaux), a souligné à plusieurs reprises le caractère exceptionnel d'IBM, grand groupe qui a pourtant su innover (être créatif) : alors qu'IBM allait rater le train de l'innovation pour ses ordinateurs, son PDG a pris à part une poignée d'ingénieurs, en leur disant : "Vous allez créer les ordinateurs de demain et pour cela, surtout, ne faites pas de l'IBM ! Vous avez carte blanche ..." La créativité (ce qu'on appelle couramment l'innovation), on le voit par l'exemple d'IBM (qui aujourd'hui fait des logiciels et non plus des ordinateurs) passe par une rupture ... Ce que les grands groupes ne savent pas gérer ... Ils gèrent la continuitié (un peu plus de la même chose, en mieux, en plus joli, en mieux marketé) - non la rupture ... Le PDG d'Apple France, il y a quelque temps, avait repris cette image de "l'Empereur et des barbares" : l'Empereur, c'est cette multinationale qui risque gros à être créative, donc à rompre avec les recettes qui ont fait son succès par le passé. L'Empereur a tout et ne se remet donc pas en question, il a trop à y perdre. Le barbare, quant à lui, à tout à gagner à innover. Il veut la place de l'Empereur et n'a rien à perdre. Il peut tout tenter, tout risquer. Beaucoup de barbares s'y cassent les dents, mais il y a toujours un barbare pour renverser l'Empereur, au bout du compte ... Apple devient certes Empereur ... Mais il y a une poignée d'ingénieurs à Cupertino (Californie, siège d'Apple Inc.) qui ont carte blanche pour créer les produits de demain ... J'ai posé la question au sujet de cette volonté de rupture des labos pharmaceutiques au Boston Consulting Group (BCG, mais rien à voir avec le vaccin du même nom), en leur disant : "Vous savez que les labos pharmaceutiques, ces géants de la Molécule (médicament) veulent se mettre aux devices e-santé ? Qu'en pensez-vous ? Vont-ils vraiment le faire ?" La réponse du BCG n'a pas tardé : "Une multinationale du médicament qui se met aux devices e-santé, cela me fait penser à Sony ou Nokia qui invente l'iPhone ... Sony et Nokia, techniquement, avaient tout pour inventer l'iPhone, le projet était même dans leurs tiroirs, mais voilà, ces grosses structures peu flexibles n'ont pas inventé l'iPhone ... Apple l'a fait ..."
Apple : "Think different" ... La question de savoir si l'on aurait raté une occasion de voir le monde autrement ? ... Un avis tout personnel : The doctor et Apple sont des challengeurs ... Quant à moi, je croquerais bien la pomme de l'innovation avec The doctor (même très malade) et Apple ... Steve Jobs est aussi très malade ... Les Google et autres Apple s'activent dans le domaine de la e-santé ... Il y a de la place pour toutes les initiatives de qualité ... Je crois que The doctor ne dirait pas autrement [ouvrage cité, page 141 et suivantes] :
"Si nous commencions à adopter un point de vue plus systémique au sein de notre propre médecine, ce serait déjà un pas en avant. Par exemple, devant une articulation douloureuse, si nous tentions de soigner non pas cette articulation-là, mais le problème plus global d'arthrite qui affecte l'organisme. Certes il est parfois utile d'intervenir sur un point particulier, comme l'appendice quand sa dysfonction met en péril tout l'organisme. C'est l'immense réussite de la médecine moderne, que je suis le premier à applaudir, d'avoir trouvé des méthodes efficaces dans les situations de crise comme un infarctus ou une pneumonie. Mais on ne peut ni comprendre ni préserver la santé si on se fonde sur le modèle étroit de telle ou telle intervention. La santé ne peut se concevoir qu'à l'échelle de l'organisme, voire à celle de la nature, tant il est vrai que tout est interconnecté. (...) Les cancérologues commencent à s'ouvrir à une vision plus systémique de leur métier. Ils ont cessé de se focaliser exclusivement sur 'la tumeur'. Ils intègrent progressivement la notion plus riche de 'terrain' et s'intéressent maintenant à la nutrition, à l'activité physique, à la dimension psychologique ..."
"Je suis persuadé que la médecine a atteint la limite d'un modèle fondé sur la recherche du 'médicament miracle'. Il existe quelques maladies que nous pouvons soigner très bien avec un seul médicament : l'insuline, par exemple, pour le diabète. (...) Mais on ne voit pas comment on pourra trouver 'le' médicament qui résoudra des problèmes de plus en plus systémiques, comme l'obésité, le cancer, ou l'hypertension artérielle. On peut espérer réduire la tension artérielle grâce au médicament, on ne soignera pas le problème de fond de cette façon. On ne pourra pas trouver 'la' molécule contre la maladie des artères coronaires, car cette affection touche l'ensemble des artères : aucun médicament ne peut les 'nettoyer' toutes. En revanche, la preuve a été apportée que trente minutes de vélo d'appartement, cinq fois par semaine, étaient plus efficaces à cet égard que la pose d'un stent !
En réalité les deux types d'approches sont utiles et -c'est là toute ma conviction- parfaitement complémentaires. (...) Le principal obstacle au développement de cette médecine intégrée, c'est qu'elle n'offre aucune occasion de gagner beaucoup d'argent. Quand un laboratoire pharmaceutique découvre un médicament ou met au point le stent, c'est le jackpot : le brevet va rapporter des sommes fabuleuses. Mais si on découvrait qu'en se massant un certain point d'acupuncture on pouvait réduire de 30% le besoin d'anti-inflammatoires, ce principe ne serait pas brevetable ni ne pourrait alimenter une industrie. Seule la Sécurité sociale pourrait y trouver son compte, mais pour des raisons difficiles à comprendre, ce n'est pas non plus le cas. (...) Il est (...) démontré que deux points d'acupuncture réduisent de 60% les besoins de morphine après une opération. Pour m'être souvent occupé de vieilles personnes après une chirurgie, je n'ai aucun doute sur l'intérêt de réduire les doses. Car les personnes âgées sous morphine deviennent confuses, font des cauchemars, ont des hallucinations. Elles tombent de leur lit la nuit et se cassent le col du fémur. Et elles finissent par mourir à l'hôpital. Quel que soit le plan sur lequel on se place, humain, médical ou économique, la seule chose rationnelle à faire c'est de leur prescrire cette acupuncture. Tragiquement, on ne le fait pas. Pourquoi ? La seule explication que j'ai pu trouver, c'est que ça ne fait gagner de l'argent à personne."
The doctor termine (ou presque) son livre par une profession de foi dont le pragmatisme n'a d'égal que l'embarras dans lequel elle nous plonge : [ouvrage cité pages 148-149] : "Une commission de l'INSERM l'a reconnu : la responsabilité de facteurs environnementaux est considérable dans l'épidémie de cancers actuelle. Ces facteurs vont de la pollution atmosphérique aux radiations, en passant par la gamme infinie des molécules chimiques présentes partout autour de nous. C'est à la racine du problème qu'il faudrait s'attaquer : mettre fin à l'empoisonnement de l'environnement et réformer l'industrie agroalimentaire. Au lieu de quoi 97% de notre effort de recherche est tourné vers les méthodes de soin et de détection ... Je suis de ceux qui pensent que notre santé est intrinsèquement liée à celle de notre environnement. Guérissons notre planète pour nous guérir."
Nul doute que la e-santé et la télémédecine ont un rôle à jouer dans le domaine de l'écologie globale - humaine et environnementale. "A travers la santé, on s'aperçoit qu'on touche de plus en plus à toute une série de questions brûlantes qui constituent le problème de fond de notre époque (...) : on ne peut pas vivre en bonne santé sur une planète malade. C'est là où la santé rejoint l'écologie globale." [Ouvrage cité, pages 155-146]. Pesticides, fertilisants, radiations, industrie agro-alimentaire ... Dans tous ces domaines, analyse The doctor, "l'intérêt des consommateurs a déclenché celui de la presse, qui a entraîné en retour une plus grande prise de conscience."
Si les institutionnels de la santé tels que l'ASIP Santé (Dossier Médical Personnel), la Haute Autorité de la Santé, les Conseils de l'Ordre des Médecins et Pharmaciens ne permettent pas aux initiatives indispensables en matière de e-santé et de télémédecine de prendre leur essor, nul doute que l'intérêt des consommateurs déclenchera celui de la presse, qui entraînera en retour une plus grande prise de conscience ... La chose aurait-elle déjà eu lieu ? Lors de ce Forum e-santé, j'ai cru voir plusieurs grands laboratoires pharmaceutiques tendre l'oreille lorsqu'il était question de e-santé et de télémédecine ... A condition que le développement des appareils électroniques de e-santé ne vienne pas marcher sur les plates-bandes de la molécule (du médicament) ...
En e-santé, bien sûr, les Google et autres Apple, IBM, Dassault Systèmes Santé (oops j'oubliais Orange, mais bien sûr cette liste n'est pas exhaustive) n'ont pas dit leur dernier mot ... La fête ne fait que commencer ...
Extraits cités : David Servan-Schreiber : "On peut se dire au revoir plusieurs fois", Robert Laffont, Paris, juin 2011, copyright Editions Robert Laffont S.A., Paris, 2011.
Scientific MOOCs follower. Author of Airpocalypse, a techno-medical thriller (Out Summer 2017)
Welcome to the digital era of biology (and to this modest blog I started in early 2005).
To cure many diseases, like cancer or cystic fibrosis, we will need to target genes (mutations, for ex.), not organs! I am convinced that the future of replacement medicine (organ transplant) is genomics (the science of the human genome). In 10 years we will be replacing (modifying) genes; not organs!
Anticipating the $100 genome era and the P4™ medicine revolution. P4 Medicine (Predictive, Personalized, Preventive, & Participatory): Catalyzing a Revolution from Reactive to Proactive Medicine.
I am an early adopter of scientific MOOCs. I've earned myself four MIT digital diplomas: 7.00x, 7.28x1, 7.28.x2 and 7QBWx. Instructor of 7.00x: Eric Lander PhD.
Upcoming books: Airpocalypse, a medical thriller (action taking place in Beijing) 2017; Jesus CRISPR Superstar, a sci-fi -- French title: La Passion du CRISPR (2018).
I love Genomics. Would you rather donate your data, or... your vital organs? Imagine all the people sharing their data...
Audio files on this blog are Windows files ; if you have a Mac, you might want to use VLC (http://www.videolan.org) to read them.
Concernant les fichiers son ou audio (audio files) sur ce blog : ce sont des fichiers Windows ; pour les lire sur Mac, il faut les ouvrir avec VLC (http://www.videolan.org).
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2 commentaires:
A lire :
http://www.psychologies.com/Bien-etre/Sante/Cancer/Interviews/David-Servan-Schreiber-nous-dit-au-revoir
Emotion ...
http://www.lefigaro.fr/sante/2011/07/24/01004-20110724ARTFIG00187-la-mort-de-david-servan-schreiber.php
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