David di Nota est auteur dans la grande maison Gallimard depuis des décennies ... Auteur de "Bambipark" et "J'ai épousé un casque bleu" : chroniques sur les conflits militaires en Europe, d'une précision millimétrée ... David est le pionnier de la médiation éthique dans les conflits militaires. Il a créé un genre qui a fait école, puisque ses livres sont désormais inscrits au programme de l'Ecole Militaire (Paris, 15e). Voici ce qu'il écrit sur son blog le 12/09/2011 :
"La sociologie des professions est une discipline passionnante. Elle permet de décrire des anomalies délicieuses. Il est très important qu'un psychanalyste, par exemple, soit payé à ne rien faire. Un psychanalyste, disait Lacan, est un homme qui 'assiste un sujet dans la révélation qu'il se fait de lui-même à lui-même' ; que le psychanalyste reste assis dans son coin, sans rien dire, est une excellente chose. Non seulement l'analyste doit se garder de travailler à la place du patient, mais il est très important qu'il soit payé pour le travail qu'il n'a pas effectué, faute de quoi il entrerait en conflit avec sa hiérachie, laquelle, d'ailleurs, n'existe pas. Doit-on en conclure que le psychanalyste exagère ? C'est la thèse très douteuse que soutenaient naguère deux sociologues français dont je tairai le nom. Cette manie de vouloir que les hommes méritent leur salaire, d'où vient-elle ? Certainement pas du bon sens.
S'il fallait étendre la méritocratie à l'appareil d'Etat, nous n'aurions plus de fonctionnaires, ni de sécurité sociale, ni de protection d'aucune sorte. C'est alors tout le fragile écosystème de la Nation qui viendrait à disparaître. On ne se rend pas compte que la fainéantise est une véritable aubaine éthique dans un monde comme le nôtre. A l'instar de Courteline, les planqués me fascinent. Leur mauvaise foi me parle, je m'y reconnais tout entier. Je trouve qu'il y a plus d'humanité et de sagesse dans la joviale bonhomie des ronds-de-cuir que dans le clin d'oeil plein d'allant de M Bernard Tapie.
L'idée de faire reposer la vie d'un homme sur le mérite est une absurdité sociale et psychologique. Que deviendront ceux qui n'ont pas mérité d'être à Science Po ou à l'ENA sous prétexte qu'ils n'ont pas battus leurs congénères à l'issue d'un concours probablement débile ? Des vauriens, des râtés, des minables ? A n'en pas douter, c'est ce que les récalés vont penser d'eux-mêmes - et, qui plus est, leur vie tout entière. Voudrait-on angoisser les étudiants que l'on ne s'y prendrait pas autrement.
Le mérite est l'idéologie préférée des nantis et de tous ceux qui aspirent à les rejoindre. C'est une valeur conçue par et pour le pouvoir. Il galvanise les libéraux et remplit d'orgueil les crétins. Si ça ne tenait qu'à moi, je proposerais volontiers l'abolition du mérite au profit d'une solidarité enfin réelle dans la fainéantise. Un monde rempli d'incompétents se porterait très bien. Ce serait exactement le même que celui-ci, mais en moins cruel."
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