Madame,
J'ai parcouru votre blog et me suis arrêté notamment sur la page concernant le registre national de refus de dons d'organes. J'y ai été particulièrement sensible. Un de mes parents proche est récemment décédé. Vous y indiquez que le registre des refus est uniquement consultable par un nombre restreint de personnes, ce que confirme le Docteur Alain Atinault, qui dirige la Direction opérationnelle du prélèvement d'organes en vue de la greffe.
Dans mon cas, savoir si mon parent avait refusé ou accepté un prélèvement d'organe ne me tourmente pas. En revanche, je souhaite savoir si l'établissement hospitalier qui l'a soigné a adressé une demande de prélèvement à l'agence de biomédecine. Ce détail est pour moi extrêmement important.
Savez-vous si des gens ont déjà demandé et obtenu ce genre d'information ?
Votre éclairage me serait très secourable,
Avec mes salutations.
Ma réponse : Merci pour votre question, et permettez-moi de vous adresser mes sincères condoléances pour le décès récent de votre proche. L'Agence de la biomédecine est l'institution placée sous la tutelle du ministère de la Santé depuis 2005. Officiellement créée le 5 mai 2005 par décret dans le cadre de la loi de bioéthique du 6 août 2004, l'Agence de la Biomédecine a été inaugurée le 10 mai 2005. Elle prend le relais de l'Etablissement Français des Greffes. Sa mission, inscrite dans ses statuts, est de promouvoir et d'encadrer l'activité des prélèvements et des greffes d'organes dans tous les hôpitaux français. C'est l'Agence qui coordonne le recensement des potentiels "donneurs" d'organes vitaux, grâce à un logiciel qu'elle a développé et dont elle est chargée de promouvoir l'usage dans les hôpitaux français. Le nom de patients hospitalisés et pouvant potentiellement décéder du fait d'un trauma crânien ainsi que les données concernant leurs proches (nom, adresse, tél) peuvent être entrés dans le logiciel - à l'insu desdits patients et de leurs proches ... Le personnel médical chargé du recensement de ces potentiels décès par cause neuronale parcourt les services hospitaliers - ce personnel recherche uniquement des "décès de cause neuronale" ... type AVC ... afin d'avoir de potentiels "donneurs" d'organes ... Les services hospitaliers ciblés sont variables, selon la taille et l'organisation de l'établissement hospitalier ... Car ce ne sont pas toujours les mêmes services, d'une structure à l'autre, qui abritent les "potentiels décès de cause neuronale" ... Il s'agit d'anticiper le décès et de prévenir les équipes de coordination des transplantations d'organes le plus en amont possible du (potentiel) décès ... Pour cela des données telles que le nom du potentiel donneur et celui de ses proches (ainsi que leurs coordonnées téléphoniques) sont entrées à leur insu dans le logiciel de recensement des potentiels donneurs d'organes - lequel logiciel, j'y insiste, est géré par l'Agence. Comme ceci est interdit par la CNIL, les données sont effacées (une fois que les services de coordination des transplantations ont été prévenus de l'ouverture de ce nouveau dossier concernant un potentiel donneur), donc certes les données sont effacées pour que les procédures de recensement de potentiels "donneurs" d'organes mises en place par l'Agence de la biomédecine et suivies par les établissements de soin soient en phase avec la législation imposée par la CNIL, mais les équipes de coordination des transplantations d'organes n'en sont pas moins prévenues et peuvent "suivre le dossier" ... à l'insu du patient et de ses proches. Par la suite, les données de ce potentiel patient et celles de ses proches seront officiellement entrées dans ce logiciel, par une infirmière généralement. Certaines infirmières s'étonnent donc du manque d'ergonomie de la procédure : entrer dans le système deux fois de suite les mêmes données ... C'est afin de contourner l'interdiction - imposée par la CNIL - d'entrer dans une base de données des informations concernant des personnes qui n'ont pas autorisé la saisie de ces informations ...
Les informations concernant ce logiciel de recensement de potentiels donneurs d'organes sont disponibles sur le site internet de l'Agence de la biomédecine :
==> Cristal Action
"Du recensement à la prise en charge des donneurs d’organes : un nouvel outil de l’Agence de la biomédecine pour les établissements de santé".
Le rôle de l'Agence de la biomédecine est de renforcer ce recensement, et donc d'encourager les personnels soignants à acquérir le logiciel Cristal ... Ce logiciel contient toutes les données, du recensement au "décès par mort encéphalique" (qui correspond à un état de coma dépassé), sans oublier les prélèvement d'organes vitaux ... L'Agence a aussi pour rôle de coordonner la répartition des "greffons" prélevés. Enfin (ou premièrement), c'est elle qui délivre les autorisations d'effectuer des prélèvements d'organes (prélèvements multi-organes, ou organe par organe) pour chaque établissement de santé concerné :"En application de l'article L. 1233-1 du Code de la Santé Publique, les prélèvements d'organes en vue de don à des fins thérapeutiques ne peuvent être pratiqués que dans des établissements de santé autorisés à cet effet par l'agence régionale de santé, après avis de l'Agence de la biomédecine.
L'autorisation, renouvelable, est délivrée pour une durée de cinq ans.
Cette liste a été établie en fonction des informations transmises par les agences régionales de santé et est régulièrement mise à jour." (Voir)
Du fait du consentement présumé au don de nos organes à notre décès, inscrit dans la loi, et de l'absence de "responsabilité civile" au sein de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris ou AP-HP (c'est d'ailleurs pour cette raison, me suis-je laissé dire, que tous les prélèvements d'organes vitaux ont lieu à l'AP-HP), toute plainte juridique contre les hôpitaux pour des prélèvements d'organes jugés "abusifs" a échoué (voir l'Affaire d'Amiens). Les équipes de prélèvements d'organes ont la loi pour eux ... A ce jour je n'ai pas encore entendu parler de plainte contre l'Agence de la biomédecine ... Quoi qu'il en soit : pour répondre à votre question : oui, l'Agence de la biomédecine est un acteur incontournable dans le recensement, le prélèvement, la répartition des "greffons" et la greffe ... Le logiciel mis en place signe un partenariat sans faille entre les centres hospitaliers autorisés à prélever des organes vitaux (et donc les personnels de santé qui y travaillent) et l'Agence ...
En espérant avoir répondu à votre question.
Cordiales salutations.
Catherine Coste
4 commentaires:
Image : http://www.lhebdoduvendredi.com/illustrations/00000404_normal.jpg
A lire : http://www.lhebdoduvendredi.com/?typepage=article&id=420
Cette logique d'anticipation du décès pour l'organisation logistique du prélèvement d'organes vitaux est nécessaire au bon fonctionnement du système mis en place. Elle ne choque donc pas les acteurs des transplantations, qui disent "ainsi épargner les familles dans la peine", pourtant elle soulève un tollé dans l'opinion publique aux USA, où le procédé vient d'être expliqué dans un article grand public :
http://actuagencebiomed.blogspot.com/2011/09/controversy-over-possible-changes-to-us.html
A lire : http://actuagencebiomed.blogspot.com/2011/09/rob-stein-of-washington-post-is-one-of.html
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