Scientific MOOCs follower. Author of Airpocalypse, a techno-medical thriller (Out Summer 2017)


Welcome to the digital era of biology (and to this modest blog I started in early 2005).

To cure many diseases, like cancer or cystic fibrosis, we will need to target genes (mutations, for ex.), not organs! I am convinced that the future of replacement medicine (organ transplant) is genomics (the science of the human genome). In 10 years we will be replacing (modifying) genes; not organs!


Anticipating the $100 genome era and the P4™ medicine revolution. P4 Medicine (Predictive, Personalized, Preventive, & Participatory): Catalyzing a Revolution from Reactive to Proactive Medicine.


I am an early adopter of scientific MOOCs. I've earned myself four MIT digital diplomas: 7.00x, 7.28x1, 7.28.x2 and 7QBWx. Instructor of 7.00x: Eric Lander PhD.

Upcoming books: Airpocalypse, a medical thriller (action taking place in Beijing) 2017; Jesus CRISPR Superstar, a sci-fi -- French title: La Passion du CRISPR (2018).

I love Genomics. Would you rather donate your data, or... your vital organs? Imagine all the people sharing their data...

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Les prélèvements à coeur arrêté

La Société Française d'Anesthésie et de Réanimation (SFAR) a tenu son dernier congrès récemment (congrès 2007).

Entendre l'intervention du Professeur Riou, chef du service des urgences de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris, à l'occasion de ce congrès :
==> "Arrêt cardiaque réfractaire : prélèvement d’organes ?" : cliquer ici.

Télécharger les fichiers audio (format MP3) des communications de la journée de Médecine d'Urgence :
==> http://www.sfar2008.com/podcast.html

Les prélèvements à coeur arrêté : critères médicaux et questions d'éthique :

1.-) La technique du prélèvement avec donneur à "cœur arrêté" :

"La technique dite 'cœur arrêté' (ou non battant) consiste à mettre en œuvre des moyens visant à éviter la détérioration des organes juste après le décès d’une personne... dont le cœur ne bat plus (ce qui est le cas de loin le plus fréquent). Trois étapes doivent se succéder rapidement.

Premièrement, constater – et donc affirmer – le décès : les battements cardiaques de la personne ne reprennent pas malgré les manœuvres de réanimation – dont le massage cardiaque. Cinq minutes d’absence d’activité cardiaque après une réanimation intensive dont la durée varie selon les circonstances (30 minutes environ) conduisent au diagnostic de mort de la personne. Notons que dans ce contexte, le diagnostic de la mort de la personne repose sur le fait que son cœur a cessé irréversiblement de battre, et qu’aucun examen complémentaire n’est requis.

Dès ce moment, commence la deuxième étape. Il faut immédiatement effectuer des gestes identiques à ceux de la réanimation : massage cardiaque et ventilation artificielle, non plus dans l’espoir d’une reprise de la vie, mais dans le but d’irriguer les organes avec du sang oxygéné – en vue de leur conservation physiologique en cas de prélèvement. Le corps de la personne, sur lequel on ne cesse de pratiquer ces manœuvres, est transporté rapidement à l’hôpital s’il ne s’y trouvait pas déjà au moment de son décès.

La troisième étape est alors initiée. Elle consiste soit à remplacer le sang de la personne par un liquide glacé pour permettre un refroidissement aux vertus conservatrices, soit à mettre en place un système d’assistance circulatoire (circulation extra-corporelle) qui permet de maintenir une circulation de sang oxygéné dans les organes. Il ne doit pas s’écouler plus d’une heure trente entre la mise en place de la troisième étape et le prélèvement en tant que tel."
(Source : Dr. Marc Guerrier : "Prélèvements d'organes : enjeux éthiques")

2.-) Le constat du décès : quels problèmes ?


Lors de la conférence de mars 2007 : "Les Deuxièmes Journées Internationales d'Ethique : Donner, recevoir un organe, droit, dû, devoir", co-organisée par le Centre Européen d'Enseignement et de Recherche en Ethique, Strasbourg, le Dr. Guy Freys, Département de Réanimation chirurgicale des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, a retracé l'évolution de la question du constat de décès, au cours de sa présentation intitulée "On ne meurt qu’une fois, mais quand ?" :

"Déterminer le moment précis de la mort, affirmer avec certitude l’état de mort a toujours été une préoccupation et une difficulté de l’homme. (...) Si je vous montre ces quatre images de coucher du soleil [quatre étapes du coucher de soleil : sur la première image, le soleil commence à se coucher, pour avoir quasiment disparu sur la dernière, où il ne reste qu’une pâle lueur, ndlr.], je pense que personne ne mettrait en cause l’affirmation qu’il va faire bientôt nuit. Mais sur la dernière image, en bas, à droite, le soleil a disparu. Mais est-ce déjà la nuit ? Ou la lumière résiduelle permet-elle de dire que ce sont encore les derniers moments du jour ? La question de mon propos est très proche de cette interrogation. Quand reconnaît-on la disparition des derniers signes de la vie pour affirmer la mort ? La difficulté de déterminer le moment précis de la mort est d’autant plus grande que les derniers instants de la vie apparaissent de tout temps surdimensionnés, comme si l’homme se rendait enfin compte de l’importance de la vie et qu’elle devenait encore plus précieuse et sacrée aux derniers instants. D’ailleurs, peut-on parler d’un moment précis ? Ne s’agit-il pas le plus souvent d’un processus où la vie s’éteint au fur et à mesure, comme le coucher du soleil ? Si vous regardez les peintures qui représentent la mort, il y a une chose qui est très frappante : c’est que la personne apparaît toujours vivante. Elle est vivante et elle attend la mort."

Le Dr. Freys a évoqué la reprise des prélèvements "à coeur arrêté" (loi de 2005) :

"Il est évident que je ne pouvais pas terminer cet exposé sans évoquer la reprise des prélèvements ‘à cœur arrêté’, là aussi pour répondre à la pénurie d’organes. Ces prélèvements soulèvent, sous une autre forme, la question de mon propos, à savoir : combien de temps faut-il attendre pour déclarer la mort après un arrêt circulatoire si un prélèvement d’organes est envisagé dans la continuité ? Ce point est régulièrement débattu et vous voyez que les délais changent régulièrement, puisque le but et le dilemme, en fait, de cette question, c’est d’une part de s’assurer de l’irréversibilité de l’arrêt circulatoire, donc de la mort, et d’autre part l’exigence médicale de prélever le plus rapidement possible afin de pouvoir utiliser les organes, à l’exception du cœur, naturellement, dans cette situation. Le Candide, là encore, peut être dérouté, voire effrayé, de constater ces différents délais :

Heure de la mort par arrêt cardiaque :
Caractère irréversible de l’arrêt cardio-circulatoire et de la perte de conscience
La commission présidentielle américaine recommande (en 1981) d’attendre 10 mn après l’arrêt circulatoire ; l’Institute of Medecine recommande d’attendre 5 mn (en 1997) ; la National Conference on Donation after Cardiac Death de 2006 recommande un temps d’attente compris entre 2 et 5 mn au maximum.

En fait, je pense qu’on pourrait facilement expliquer ces différents délais par la différence des situations qui permettent ces prélèvements ‘à cœur arrêté’. Pour simplifier, il y a deux situations principales : une qui est une situation d’échec de la réanimation cardio-circulatoire – c’est la seule situation retenue en France : dans cette situation, tous les efforts de réanimation se sont avérés inefficaces pour ‘ressusciter’ un patient. Si on n’a pas l’objectif de prélever un tel patient, dès qu’on arrête la réanimation, on avait l’habitude de considérer que c’était l’heure de son décès. Donc on comprendra que là on sera peut-être moins vigilant sur le délai. Par contre il faut savoir qu’il y a une deuxième situation, qui permet le prélèvement des organes ‘à cœur arrêté’ qui n’est pas autorisée en France, mais qui est la plus fréquente aux Etats-Unis, en Belgique, aux Pays-Bas, qui permet de prélever des gens à qui on va arrêter le traitement supplétif d’une défaillance vitale. Donc il y a un premier geste qui consiste à arrêter un traitement qui maintenait la vie. Donc vous voyez que là, je dirais que d’abord on n’a aucune idée du temps que va mettre l’apparition de l’arrêt cardiaque, après il y a l’interrogation suivante : combien de temps faudra-t-il attendre jusqu’à ce qu’on soit sûr que la même personne est en mort encéphalique ? Parce que c’est cette question-là qu’on se pose. [Dans les deux situations mentionnées ici, et permettant le prélèvement ‘à cœur arrêté’, la mort du cerveau n’est pas vérifiée, elle n’est pas requise, ndlr.]. Il est évident que dans la seconde situation, les législations ont demandé d’être plus vigilant. Je terminerai par cette citation d’un philosophe français, Gabriel Marcel : ‘
La mort était un mystère, elle est désormais un problème’. N’est-ce pas la manière la plus simple et la plus juste de rendre compte de la mort actuelle, dans les hôpitaux en particulier ? ‘Partout où passe la science’, ajoute-t-il, ‘s’accroit le risque qu’un mystère soit réduit à l’état de problème. Le problème est du côté de l’avoir, du vérifiable ; le mystère est du côté de l’être, de l’invérifiable. Tant qu’on reste dans la sphère du mystère, un geste peut être justifié. Quand on descend au niveau du problème, le mal est fait, quoi qu’il advienne ensuite.’ Alors, et c’est là ma conclusion, sachons garder un peu de mystère car je pense que ceci permet au mieux de respecter la représentation que chacun peut avoir de la mort."

3.-) Prélèvements "à coeur arrêté" : quel discours public ?

Le Dr. Esmeralda LUCIOLLI, responsable du pôle "relations internationales, recherche, éthique, enseignement", au sein de la direction médicale et scientifique à l'Agence de la biomédecine (Saint-Denis), répondait à mes questions en mars 2007 :
Dr. E Luciolli : "Concernant l'information du grand public sur les prélèvements à coeur arreté, elle n'est pas faite à ce stade dans le sens où ce programme est tout juste en train de commencer en france sous forme d'experience pilote dans une douzaine de centres. Dans les pays dans lesquels cela se pratique couramment, comme l'Espagne ou le Royaume-Uni, l'expérience des équipes de coordination est que justement cela pose généralement moins de problèmes d'acceptabilité car cette forme de décès est plus facile à appréhender pour les familles que la mort
encéphalique, contexte dans lequel le défut a un coeur battant, une coloration, etc... Les taux de refus dans les programmes 'à coeur arrêté' sont ainsi bien plus faibles que ceux concernant les programmes 'à coeur battant'".


4.-) Prélèvements "à coeur arrêté" : quels enjeux éthiques ?

Le Dr. Marc Guerrier, Adjoint au directeur de l’Espace éthique / AP-HP, Département de recherche en éthique Paris-Sud 11, fait le point sur la question en novembre 2006 : "Prélèvements à coeur arrêté : enjeux éthiques" :
"Les questions éthiques que soulève la technique de prélèvement à cœur arrêté sont nombreuses :
- En pratique, quand informe-t-on les proches de la personne de son décès ?
- Qui doit le faire ?
- Comment réfléchir l’accompagnement et l’information de ces personnes ?
- Doit-on veiller à recueillir leur témoignage avant ou après la mise en place des moyens de conservation (étapes 2 et 3) déployés sur le corps de la personne ?
- Quelles sont les conditions de respect du corps de la personne juste après son décès lorsque l’on pratique sur lui des gestes techniques de nature invasive ?
- Comment les réanimateurs vivent-ils la dualité de leur mission lorsqu’ils assurent par tous les moyens une circulation sanguine d’abord sur une personne à qui ils espèrent redonner vie, puis sur le corps de la même personne au moment même où ils renoncent à cet espoir ?
- Doit-on craindre la survenue de conflit d’intérêt à cet égard ?
- Est-on, collectivement, aujourd’hui bien au clair sur la définition même de la mort ? Quels sont les fondements d’une telle définition ? Sont-ils connus et admis de tous ?
- Quelles sont, d’un point de vue scientifique, les certitudes et les incertitudes au regard des effets de l’usage d’un dispositif de circulation extra-corporelle s’agissant de son utilisation thérapeutique dans les défaillances cardiocirculatoires réversibles ?
- Quelles sont les différences à analyser entre la situation où le donneur potentiel décède dans la rue et celle où il s’agit d’une personne dont le décès survient alors qu’elle se trouve déjà en réanimation ?
- Comment envisager une pédagogie spécifique du grand public concernant le prélèvement à cœur arrêté, dès lors que la notion de consentement présumé (option retenue en France pour le don d’organe) suppose le préalable d’une information largement disponible et diffusée ?"


5.-) La définition de la mort du point de vue légal :
Arrêt circulatoire, mort encéphalique, arrêt cardiaque et respiratoire persistant : une ou des définitions légales de la mort ? La question se pose, car ces trois états recouvrent des réalités différentes :

- Arrêt circulatoire : la mort dans son acception traditionnelle : arrêt définitif des fonctions du coeur, des poumons et du cerveau. C'est la définition univoque de la mort.
- Mort encéphalique : le cerveau est irrémédiablement détruit, tandis que le coeur bat encore. Il s'agit là d'une "définition équivoque" de la mort.
- Arrêt cardiaque et respiratoire persistant : cette forme de décès permet les prélèvements "à coeur arrêté" qui ont repris en France depuis 2007 (loi de 2005). Dans ce cas, le coeur ne bat plus (échec des tentatives de réanimation d'une personne), mais la destruction du cerveau n'est pas confirmée. On ne sait pas déterminer avec précision, à l'heure actuelle, le moment où la mort encéphalique survient dans le cas d'une personne en arrêt cardiaque et respiratoire persistant. Là encore, il s'agit d'une "définition équivoque" de la mort.

Face à ces trois états de mort distincts les uns des autres, que dit la définition légale de la mort ? Y a-t-il une seule ou plusieurs définitions légales de la mort ? Peut-il y avoir cohabitation dans un même système juridique de deux (voire trois) définitions légales de la mort ?

Quelle est à l'heure actuelle la définition légale de la mort qui prévaut ? Je cite un extrait du rapport de l’Académie Nationale de Médecine du 14/03/2007, intitulé "Prélèvements d’organes à coeur arrêté" :
"Depuis 1968 et jusqu’à présent, le prélèvement a été limité aux donneurs à coeur battant en état de mort cérébrale. Dans le sillage des expériences étrangères, la loi française a ouvert depuis août 2005 une voie nouvelle, celle des ’décédés présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant’ autorisant le prélèvement des reins et du foie."
Ce même rapport précise :
"Il n’y a qu’une seule forme de mort: la mort encéphalique, qu’elle soit primitive ou secondaire à l’arrêt cardiaque". La formulation insiste sur la légitimité d'une seule et unique définition légale de la mort : "la mort encéphalique", qu'elle soit "primitive ou secondaire à l'arrêt cardiaque".

Dans le cas des sujets "décédés présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant" (forme de "décès" rendant possibles les prélèvements "à coeur arrêté"), le coeur ne bat plus, tandis que la mort du cerveau n’est pas requise. Ce qui conduit au paradoxe suivant : comment affirmer le décès d’un sujet "présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant", mais dont la destuction du cerveau n’est pas requise avant le prélèvement de ses organes, si la seule forme de mort qui prévaut médicalement et légalement est celle du cerveau, qu’elle soit "primitive ou secondaire à l’arrêt cardiaque" ? Autant dire que ce sujet ne décèdera que lors du prélèvement de ses organes, puisqu’avant le prélèvement, la destruction du cerveau n’est pas établie. Je rappelle qu’en l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’est pas possible de déterminer avec certitude le moment précis de la destruction du cerveau, dans le cas d’un sujet "présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant". A quel moment un tel sujet se trouve-t-il en mort encéphalique ? Combien de temps la mort encéphalique intervient-elle consécutivement à l’arrêt cardiaque et respiratoire persistant ? Ce fait n’est pas encore scientifiquement établi. En tentant de définir les critères de la mort d'un point de vue légal afin de recueillir l'acceptation sociétale pour les prélèvements d'organes sur donneurs "décédés", on aboutit à des paradoxes insurmontables.

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