Dans son livre intitulé "Nous t'avons tant aimé : l'euthanasie, l'impossible
loi" publié en 2004 aux éditions du Cherche-Midi (Document), le Professeur Bernard Debré revient sur les conséquences gravissimes d'un malentendu qui n'en finit pas de se développer, à l'égard du clonage. Greffer, c'est bien ; cloner, c'est mal. Or seul le clonage thérapeutique peut parvenir à régler la question des greffes d'organes. Demander à ce que les greffes soient déclarées grande cause nationale, c'est oublier un peu vite que les greffes représentent un problème complexe et douloureux : "les greffes d'organes, matière à la fois compliquée, à cause des rejets, et douloureuse, en raison du manque chronique... d'organes à greffer !" (ouvrage cité, p. 107). Faut-il déclarer le clonage thérapeutique grande cause nationale ?
A ce douloureux problème de pénurie des greffons s'ajoutent les questions d'éthique, analysées dans ce weblog d'information sur l'éthique et les transplantations. Ces questions sont passées sous silence en toute bonne conscience, afin de ne pas décourager les bonnes volontés face à la pénurie de greffons. "En toute bonne conscience"... c'est oublier un peu vite les dilemmes imposés par la déontologie médicale si spécifique aux transplantations d'organes, dilemmes douloureux pour le corps médical, mais aussi et surtout pour les familles confrontées au don d'organes : ces familles doivent choisir entre l'intérêt de leur proche mourant et celui des patients qui attendent les organes de leur proche. Quoi qu'on en dise, les deux intérêts sont incompatibles. Le médecin est tenu de sacrifier l'intérêt du patient donneur, mourant, au profit de ceux en attente de greffe : ainsi, ce patient sera maintenu en vie artificielle ou réanimé dans le seul but de le faire mourir lors du prélèvement de ses organes. On peut parler d'une "inversion de la chaîne des soins", d'un "acharnement thérapeutique déraisonnable", mais on tait soigneusement cet état de fait, encore et toujours afin de ne pas décourager les bonnes volontés. Le Docteur Marc Andronikof, médecin urgentiste, chef du service des urgences à l'hôpital Antoine-Béclère, Clamart, co-auteur de "Médecin aux urgences" (janvier 2005), écrivait en juin 2007 :
"Il est évident, et ce n'est nié par personne, que les soins au 'donneur' sont profondément modifiés lors de l'optique d'un prélèvement. C'est tout à fait incompatible, à mon avis, (et ce devrait être l'avis de tout philosophe et de tout médecin honnête) avec une prise en charge médicale 'éthique'. (...) Le 'donneur' perd sa qualité d'être humain, de malade, il est réduit à l'état de 'moyen', de pourvoyeur d'organes. La qualité de relation médecin/malade est par là totalement pervertie puisque le médecin ne poursuit plus le bien de celui qu'il a en charge. Au mieux, on est au pire de l'acharnement thérapeutique."
Cette déontologie particulière, sujette à caution au sein du corps médical, est sans doute bien connue des acteurs des transplantations, qui s'y frottent et s'y piquent au quotidien. Mais les usagers de la santé, eux, n'en sont pas informés ! Nombreuses sont les familles confrontées au don d'organes qui découvrent ce dilemme à l'heure du choix. Soyons honnêtes : personne n'aimerait être à leur place. Mais tout le monde aimerait pouvoir bénéficier d'organes de rechange. Que dire des patients en attente de greffe, qui se retrouvent pris en otage : condamnés à attendre que des chirurgiens se jettent sur un mourant pour le dépeçer afin de récupérer ses organes... Encore faut-il que la greffe fonctionne (55 à 60 pour cent de survie à 5 ans), encore faut-il que le lourd traitement à vie soit supporté : diabète et cancer font partie des effets secondaires. Voit-on apparaître un système de recyclabilité pour un autre individu ? Où sont les limites ? (Les Anglais ont instauré la limite d'âge).
Dans l'ouvrage cité, le Professeur Bernard Debré analyse le malentendu à l'égard du clonage [page 105-111] : le but de cette analyse est aussi de montrer qu'il faut sortir des dogmes avec lesquels on jongle pour justifier les prélèvements d'organes.
Copyright Le cherche midi"Croit-on que les dogmes ont disparu parce que la société se déchristianise ? Je connais pour ma part des athées plus dogmatiques et fermés au progrès scientifique que les prélats du XVIème siècle qui condamnèrent Galilée parce qu'il osait prétendre que la Terre tournait ! Et ils sont, j'entends le prouver, les meilleurs alliés des matérialistes de tout poil qui, en face, rêvent de soumettre l'Homme à la science, bref, de lui ôter cette singularité essentielle qui le différencie des animaux et des végétaux même si, nous le savons bien, tout ce qui vit participe du même Lego universel, l'agencement à l'infini de ces quatre lettres : A.G.T.C. (adénine, cytosine, thymine, guanine), autrement dit l'ADN...
Un seul exemple de ce nouveau dogmatisme qui voit et fait voir la science comme une menace : le malentendu gravissime, qui n'en finit pas de se développer à l'égard du clonage, cette conquête scientifique majeure de la fin du XXème siècle dont le XXIème fera sans doute un acquis aussi essentiel que la conquête spatiale. Et peut-être plus fondamental encore puisqu'il permettra, et lui seul, de créer, non plus les machines, mais bien les hommes qui, génétiquement modifiés, non seulement sauront, mais pourront voyager dans l'espace ! Clonage ! A ce simple mot, les intelligences se ferment, les esprits se rebellent, et un long cortège de fantasmes s'ébranle, emportant tout sur son passage ! Inutile de discuter : pour certains, l'idée même de cloner une cellule est une hérésie : les mêmes qui vous expliquent l'impossibilité de la chose en confondant allégrement le clonage reproductif et le clonage thérapeutique (...) se battent pour qu'elle soit interdite (...). C'est que personne ne prend vraiment la peine d'expliquer au grand public que bien des cas aujourd'hui désespérés pourraient ne plus l'être si l'on autorisait les recherches sur le clonage humain ! Que cet enfant, ce parent, cet ami, que nous voyons s'éteindre, nous pourrions aussi bien le voir reprendre vie, pour peu que quelques vérités élémentaires s'imposent enfin...
La première de toutes est que le clonage reproductif, dont on ne discerne ni l'avenir ni l'utilité s'agissant de l'Homme - les dictatures et les fanatismes religieux ont-ils jamais eu besoin de cela pour créer, à leur convenance, des hordes fanatisées partant au supplice dans l'espoir d'un paradis ? - n'est pas le clonage thérapeutique. La seconde, c'est que ce dernier, et lui seul, peut un jour parvenir à régler totalement la question des greffes d'organes, matière à la fois compliquée, à cause des rejets, et douloureuse, en raison du manque chronique ... d'organes à greffer !
Aujourd'hui, pour greffer un coeur ou un foie, il faut trouver un donneur. Un homme ou une femme, jeune de préférence, qui vient de mourir d'un accident, et dont certains organes fonctionnent encore. Mais il convient, pour pouvoir les utiliser, de remplir certaines conditions, dont la principale, qui n'est pas la moindre, consiste à déterminer leur compatibilité avec l'organisme du receveur. Et encore faut-il, dans ce cas, que la famille de la personne décédée soit favorable à un tel prélèvement 'post mortem', ce qui est loin d'être fréquent, pour des raisons sentimentales aisées à
comprendre. Il suffit d'avoir suivi un débat sur le sujet à l'Assemblée nationale pour saisir la charge d'irrationnel qui s'attache à cette question, y compris chez les personnalités réputées les plus 'froides'. Je me souviens d'un parlementaire 'bouffeur de curés' - donc, j'imagine, athée - qui, dressant, le plus doctement du monde, la liste des organes pouvant être récupérés sur un 'mort', fit soudain une exception pour les cornées ... Parce que, plaida-t-il dans une envolée logique, on ne pouvait traiter comme un autre organe ce qu'il appelait sans rire 'les portes de l'âme'. ..
Regardons maintenant ce qui se passe pour les embryons dits surnuméraires. Il existe en France entre 80.000 et 100.000 embryons congelés en laboratoire. D'où viennent-ils ? Tout simplement de tentatives non finalisées de procréations assistées, tant il est vrai que, pour réussir une fécondation in vitro, il faut d'abord préparer une dizaine d'embryons, puis en implanter deux ou trois dans l'utérus de la mère. Qu'advient-il des autres ? Justement rien, beaucoup de mères renonçant à essayer de procréer quand plusieurs tentatives se sont révélées vaines. Destinés à être détruits, au nom de quoi ne seraient-ils pas utilisés pour la recherche, donc pour sauver des vies en danger ? En l'état, ils n'ont pas davantage d'avenir sur terre qu'un corps qui vient de mourir et dont les organes ne seront pas prélevés, soit qu'ils sont inutilisables, soit que les familles ne veulent pas confier à la science les organes de leur enfant 'mort'... Malgré la loi Caillavet, ce qui est leur droit le plus strict.
Si la médecine était autorisée à les analyser, elle avancerait en effet à pas de géant, puisqu'elle pourrait étudier sur une grande échelle, ce qui constitue sans doute la découverte la plus prometteuse de ces dernières années : l'existence, en chacun d'entre nous, de cellules souches 'pluripotentes' amenées à se spécialiser en une future cellule de foie, de pancréas, de coeur ou d'os !
Nous savons d'ores et déjà que, chez l'homme comme chez l'animal, la plupart des organes adultes sont de véritables réservoirs de cellules souches, destinées à remplacer les cellules qui disparaissent. La cicatrisation d'une plaie, la consolidation osseuse, la pousse des cheveux, les cellules du cerveau elles-mêmes, peuvent se renouveler, se régénérer, à partir de ces cellules. On a même découvert que des cellules souches situées dans la moelle osseuse (qui est à l'origine du sang) font preuve, en laboratoire, d'une stupéfiante plasticité.
Cultivées, elles peuvent donner dans un cas des cellules cardiaques, dans un autre, des cellules du foie ou du cerveau. On a même démontré que des cellules normales (de rein, par exemple) pouvaient retourner à l'état de cellules souches et ainsi servir à créer n'importe quel organe...
Mais pour faire aboutir ces travaux exaltants, il faut néanmoins continuer à travailler sur les cellules souches des embryons surnuméraires ...
D'ailleurs, quelle différence de nature y a-t-il entre un amas cellulaire constituant un embryon de cinq jours, et un amas de cellules souches issues d'un homme adulte et cultivées dans un milieu spécial ? Ces deux amas possèdent l'un et l'autre, à condition de le vouloir, d'étonnantes virtualités, dont celle, pourquoi pas, de remplacer la plupart de nos organes défaillants !
Tel est l'aspect fondamental de la recherche sur le clonage thérapeutique : achever de percer le mystère de la spécialisation cellulaire en apprenant à repérer, à identifier, à sérier, ces véritables 'anges gardiens", pour mieux les inciter, le cas échéant, à 'redémarrer' vers la construction d'un organe complet. Un organe parfaitement sain qui deviendrait le nôtre, et serait ainsi greffable sans danger ! De nombreuses personnalités scientifiques, dont quatre prix Nobel, réclament l'ouverture de ce champ de recherche inespéré. Pour l'instant sans succès. Alors que, dans le même temps, on réfléchit à autoriser l'euthanasie sur des personnes en fin de vie, malades, certes, mais cependant bien vivantes ! N'est-ce pas ce qui s'appelle marcher sur la tête ?"
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Le 4 octobre 2007, au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), le Professeur Axel Kahn présentait son dernier livre : "L'homme, ce roseau pensant... Essai sur les racines de la nature humaine" (15 janvier 2007, Editions du Nil). Ce troisième volet clôt la trilogie entamée avec "Et l'homme dans tout ça ?", suivi de "Raisonnable et humain ?"
Dans ces trois ouvrages, l'approche pluridisciplinaire, à la fois érudite et accessible à tous les lecteurs, est la marque de fabrique qui a contribué au succès et à la renomée littéraire du Professeur Kahn, qui prépare un autre livre : "L'Homme, le bien, le mal".
Interrogé à l'issue de sa présentation au CNAM sur l'avenir du clonage thérapeutique en vue de développer la médecine régénérative de demain, celle qui viendrait supplanter les transplantations d'organes d'aujourd'hui, le Professeur Kahn a indiqué qu'il n'était pas déraisonnable de penser que les recherches sur les cellules souches issues du clonage thérapeutique pourraient permettre de créer des organes, ce processus rendant, à terme, les transplantations caduques. Il a aussi indiqué que le clonage thérapeutique ne posait pas de problèmes d'éthique.
Axel Kahn est docteur en médecine et docteur ès sciences, généticien, directeur de recherche à l'INSERM, directeur de l'institut Cochin.
Décret n° 2006-121 du 6 février 2006 relatif à la recherche sur l'embryon et sur les cellules embryonnaires et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires):
"Le décret d'application relatif à la recherche sur l'embryon et sur les cellules embryonnaires a été publiée le 6 février 2006. En juin 2006, six équipes de biologistes travaillant dans des structures publiques ont obtenu de l'Agence de la biomédecine l'autorisation de mener des recherches sur les cellules souches d'embryons humains. Sur ces six équipes, cinq sont de l'Inserm et de l'Institut Pasteur et travailleront sur des lignées de cellules souches embryonnaires importées. Pour la première fois, une équipe (codirigée par Marc Peschanski et Stéphane Viville) tentera sur le territoire national de créer à partir d'embryons humains des lignées de cellules souches."
Sources :
http://www.admi.net/jo/20060207/SANP0524383D.html
http://www.genethique.org/doss_theme/dossiers/embryon/acc_embryon.asp
L'EMBRYON et LA RECHERCHE SUR L'EMBRYON :
"La recherche sur l'embryon est autorisée par l'actuelle loi de bioéthique. Elle ne vise pas à soigner un embryon malade, mais à prélever les cellules d’un embryon (et donc le détruire) pour les utiliser comme matériau d'expérimentation.
La loi du 29 juillet 1994 interdisait la recherche sur l'embryon. L'article 2141-8 du code de la santé publique stipulait : 'la conception in vitro d’embryons humains à des fins de recherche est interdite. Toute expérimentation sur l’embryon est interdite'.
La loi du 8 juillet 2004 rappelle que 'la recherche sur l'embryon humain est interdite' mais l'autorise 'à titre exceptionnel', pour une durée de 5 ans, sur des embryons surnuméraires sans projet parental."
Recherche sur l'embryon et loi de bioéthique :
"Les lois de bioéthique devaient être révisées en 1999. La première lecture à l'Assemblée nationale n'a eu lieu qu'en janvier 2002. Le projet de loi prévoyait d'autoriser la recherche sur les embryons surnuméraires actuellement congelés, 'ayant fait l'objet d'un abandon du projet parental et dépourvus de couples d'accueil' (art.18). La conception in vitro d'embryons humains à des fins de recherche était déclarée interdite, néanmoins la création d’embryons pour évaluer de nouvelles techniques de procréation médicalement assistée était autorisée.
Ce projet de loi a été examiné et modifié par le Sénat fin janvier 2003. Le Sénat a posé comme principe l’interdiction de la recherche sur l'embryon humain mais l'a autorisé 'par dérogation' pour une période limitée à 5 ans. Le Sénat a interdit la conception in vitro d’embryon à des fins de recherche ou à des fins commerciales. Enfin, il a clairement interdit le clonage, thérapeutique et reproductif.
En décembre 2003, l'Assemblée nationale (renouvelée) a voté en deuxième lecture le projet de loi selon lequel :
. les recherches sur les embryons dits 'surnuméraires' ou issus d'IVG ou importés, interdites en principe, peuvent être autorisées, par dérogation et pour une période limitée à cinq ans, lorsqu’elles sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et à la condition de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable, en l’état des connaissances scientifiques.
. le clonage est interdit quel qu'il soit, reproductif ou thérapeutique
. le diagnostic pré implantatoire est élargi aux bébés médicaments.
Le 8 juin 2004, le Sénat a voté en deuxième lecture le projet de loi en apportant un nouvel amendement selon lequel seuls les embryons existants à la date de promulgation de la loi seraient disponibles pour la recherche. Rediscuté en commission plénière, cet amendement a été repoussé. Le projet de loi a été entériné en séance à l'Assemblée et au Sénat les 8 et 9 juillet 2004.
Le décret d'application relatif à la recherche sur l'embryon et sur les cellules embryonnaires a été publiée le 6 février 2006. En juin 2006, six équipes de biologistes travaillant dans des structures publiques ont obtenu de l'Agence de la biomédecine l'autorisation de mener des recherches sur les cellules souches d'embryons humains. Sur ces six équipes, cinq sont de l'Inserm et de l'Institut Pasteur et travailleront sur des lignées de cellules souches embryonnaires importées. Pour la première fois, une équipe (codirigée par Marc Peschanski et Stéphane Viville) tentera sur le territoire national de créer à partir d'embryons humains des lignées de cellules souches."
Source :
http://www.genethique.org/doss_theme/dossiers/embryon/acc_embryon.asp
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