Scientific MOOCs follower. Author of Airpocalypse, a techno-medical thriller (Out Summer 2017)


Welcome to the digital era of biology (and to this modest blog I started in early 2005).

To cure many diseases, like cancer or cystic fibrosis, we will need to target genes (mutations, for ex.), not organs! I am convinced that the future of replacement medicine (organ transplant) is genomics (the science of the human genome). In 10 years we will be replacing (modifying) genes; not organs!


Anticipating the $100 genome era and the P4™ medicine revolution. P4 Medicine (Predictive, Personalized, Preventive, & Participatory): Catalyzing a Revolution from Reactive to Proactive Medicine.


I am an early adopter of scientific MOOCs. I've earned myself four MIT digital diplomas: 7.00x, 7.28x1, 7.28.x2 and 7QBWx. Instructor of 7.00x: Eric Lander PhD.

Upcoming books: Airpocalypse, a medical thriller (action taking place in Beijing) 2017; Jesus CRISPR Superstar, a sci-fi -- French title: La Passion du CRISPR (2018).

I love Genomics. Would you rather donate your data, or... your vital organs? Imagine all the people sharing their data...

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Les failles du “marketing social du Don” (Philippe Steiner, sociologue, auteur chez Gallimard)

Actuellement, une enquête est en cours, proposant aux médecins confrontés ou non à la prise en charge de potentiels donneurs d’organes de “participer à une étude concernant les perceptions médicales en lien avec les stratégies d’optimisation du don d’organes”. Cette enquête a été initiée le 2 septembre 2010. Sa raison d’être : “Bien que la greffe d’organes reste une mission prioritaire de santé publique et malgré une implication forte des professionnels, la réflexion des cliniciens sur ce sujet reste (…) peu connue et évaluée, alors que plusieurs travaux ont montré les difficultés et les interrogations des équipes sur la question.”

Cette étude, baptisée OPTIDO (optimiser le don d’organes), est coordonnée par :

Dr.Edouard FERRAND, service d’anesthésie, Hôpital Foch, Suresnes

Dr. Jean-Pierre FULGENCIO, service d’anesthésie réanimation, Hôpital Tenon, Paris

Dr. Christophe QUESNEL, service d’anesthésie réanimation, Hôpital Tenon, Paris

Dr. Arthur NEUSCHWANDER, service d’anesthésie réanimation, Hôpital Saint-Antoine, Paris

Mélanie CHASTRUSSE, infirmière de recherche, Hôpital Foch, Suresnes.

La chanson de notre Johnny national, “Derrière l’amour”, pourrait résumer l’esprit de cette enquête :

 

“Derrière le Don il y a
Toute une chaîne de pourquoi
Questions que l'on se pose
Il y a des tas de choses
Les pleurs qu'on garde sur le cœur
Et des regrets et des rancœurs
Des souvenirs éblouissants
Et des visions de néant (…)

Derrière ce grand rideau noir
Tu m'interdis d'aller voir”

Johnny-hallyday

La raison d’être de cette étude est expliquée dans une lettre qui accompagne un questionnaire adressé aux médecins de l’ensemble des services des établissements MCO - services de soins de courte durée, dit MCO (médecine, chirurgie, gynécologie- obstétrique), en service ou unité d’anesthésie, de réanimation, d’urgences, de néphrologie, de pneumologie, de cardiologie, de neurologie ou d’hépato-gastro-entérologie.

“La loi de Bioéthique promulguée en 1994 a pour objectifs de couvrir les questions de bioéthique et d’encadrer les activités médicales et de recherche utilisant les éléments du corps humain dans les champs de l’assistance médicale à la procréation, la génétique ou la greffe d’organes. Prévue pour être régulièrement révisée, comme en 2004, afin de répondre à l’évolution des progrès scientifiques et techniques, une nouvelle révision est envisagée dans les prochains mois. A cette occasion, il nous paraît intéressant de mieux faire émerger la réflexion des médecins de terrain autour de l’une des thématiques encadrée par la loi que représente le prélèvement et la greffe d’organes et de vous faire participer à la réflexion concernant les perspectives d’optimisation de cette activité.” Il est précisé que ce questionnaire s’adresse '”aux médecins seniors de l’ensemble des services français impliqués dans la prise en charge des patients en fin de vie en situation aigüe, quelle que soit leur expérience dans le domaine du prélèvement d’organe.” Il doit être rempli de manière anonyme. Il s’agit donc d’explorer la réflexion des cliniciens impliqués dans la prise en charge des patients en fin de vie en situation aigüe, dans la perspective d’optimiser le prélèvement et la greffe d’organes.

Concrètement, cinq médecins seniors par service ou unité doivent remplir le questionnaire. Il n’est pas impératif d’avoir une expérience en matière de prise en charge de potentiels donneurs, puisque ce questionnaire vise à sensibiliser un maximum de soignants à la nécessité de recruter le plus grand nombre possible de potentiel donneurs. Les services concernés (pour rappel) : anesthésie, réanimation, urgences, néphrologie, pneumologie, cardiologie, neurologie et hépato-gastro-entérologie.  Un logiciel mis en place à l’échelle européenne par l’Agence de la biomédecine, institution gouvernementale chargée d’encadrer et de promouvoir l’activité des transplantations d’organes et de tissus, Cristal Action, doit contribuer à améliorer le recensement des potentiels donneurs. Il n’y a pas si longtemps, ces derniers occupaient les lits des services de réanimation. On peut constater que la tendance actuelle est d’élargir au maximum le spectre de ces recrutements : les potentiels donneurs se recrutent dans différents services, différentes unités de soins hospitaliers, toujours afin d’optimiser le “don” d’organes, et non plus dans un seul service ou une seule unité – en réanimation. Tout potentiel donneur, en amont du diagnostic d’un état irréversible, comme la “mort encéphalique” ou l’”arrêt cardio-respiratoire persistant”, sera inscrit dans le programme ou logiciel “Cristal Action”. On peut évidemment se poser la question de savoir s’il est éthique de considérer un patient comme un donneur d’organes (encore patient, déjà donneur ?), ce qui peut conduire les soignants à modifier les soins apportés à un patient qui pourrait être amené à changer de statut (de patient, devenir donneur) prématurément. Le questionnaire pose cette question aux soignants, ainsi que nous le verrons.

Notons également qu’en préambule au questionnaire, le groupe de coordination de l’étude OPTIDO précise que les Etats Généraux de la Bioéthique ont permis en 2009 un “large débat national, où les concitoyens et le Comité Consultatif National d’Ethique ont été invités à s’exprimer”. Dans le cadre des révisions des lois bioéthiques, ce questionnaire trouve donc sa place, puisqu’après avoir entendu les citoyens, il s’agit de recueillir les avis des personnels de santé.

Présentation synthétique du questionnaire :

Il se structure en trois temps : les faits, l’information, les opinions. Nous avons compté 47 questions.

6 paragraphes courts visent à informer ; 11 questions portent sur les faits , 36 questions portent sur les opinions ou “perceptions”.

Présentation analytique du questionnaire :

1.-) L’information.

Il s’agit à chaque fois de vérifier si le soignant a connaissance de l’information donnée, et, dans un second temps, de comprendre sa perception de cette information (recueillir son opinion).

Elle concerne :

a) Le problème de la pénurie d’organes à greffer : “Bien que le recensement des donneurs soit une mission de santé publique en France, des milliers de malades restent en attente de greffes. Dans ce contexte, plusieurs centaines de ces malades décèdent chaque année de leur pathologie initiale. Le taux de refus exprimé par les familles reste proche de 30 pour cent concernant les sujets en état de mort encéphalique.”

b) Les prélèvements “à cœur arrêté” : depuis 2007, une situation d’arrêt cardiaque peut faire de chacun d’entre nous un potentiel donneur d’organes (reins et foie). Cet état, dit “arrêt cardio-respiratoire persistant” (lorsque l’arrêt cardiaque est jugé irréversible), ou “décès suite à arrêt cardiaque”, est distinct de celui de “mort encéphalique”. Ces deux états peuvent désormais conduire au prélèvement d’organes dit “post-mortem”. Voici l’information fournie par le questionnaire : “Le prélèvement à cœur arrêté survenant à la suite d’un arrêt cardiaque sur la voie publique est autorisé par l’Agence de la Biomédecine depuis 2004. Cette procédure est actuellement expérimentée dans le cadre d’un protocole rigoureux dans plusieurs centres français, en lien avec l’Agence de la Biomédecine, après avoir été développé dans plusieurs pays.

La procédure associe :

- un délai d’arrêt cardiaque < 30 mn avant début du massage cardiaque externe (MCE)

- une durée de MCE minimale de 30 mn [ce sont les tentatives visant à réanimer le patient, Ndlr.]

- un arrêt de MCE de 5 mn. [Autrement dit, le médecin ne fait rien. Il attend, les bras croisés. Ceci choque médecins et patients : ces cinq minutes d’attente sont problématiques sur le plan de l’éthique, Ndlr.]

- un diagnostic de mort en cas d’absence de reprise d’activité.

- la mise en place de canules. [Procédure médico-chirurgicale invasive, Ndlr.]

- un système de perfusion régionale par circulation extra corporelle (CEC), sonde de Gillot ou sonde de Fogarty. [Dans les trois cas, il s’agit d’une procédure chirurgicale invasive, Ndlr.]

- un délai entre arrêt cardiaque et branchement de la CEC < 120 – 150 mn

- un délai entre CEC et prélèvement < 180 mn

La famille doit être prévenue du diagnostic de mort et doit témoigner des souhaits du patient dans un délai de 5h00 (300 mn) entre l’arrêt cardiaque et le prélèvement.”

c) Un cas particulier de prélèvement “à cœur arrêté” : le prélèvement d’organes dans un contexte de fin de vie : “Certains pays ont développé le prélèvement d’organes à cœur arrêté après une décision de limitation de traitements en réanimation (USA, Belgique). En 2004, en préambule de la réflexion concernant le Maastricht III [c’est-à-dire ce cas particulier de prélèvement ‘à cœur arrêté’, Ndlr.], un décret de l’Agence de la Biomédecine avait souligné le besoin d’une loi encadrant les décisions de fin de vie. Cette loi, dite Leonetti, est désormais dans les textes depuis le 22 avril 2005. Cette procédure dite Maastricht III n’a, depuis, jamais été évaluée en France.” (…) “Procédure de prélèvement d’organes et décision de fin de vie en réanimation :

Certains pays ont développé le prélèvement à cœur arrêté dans les suites d’une décision d’arrêt de traitement en réanimation. [Maastricht III dans la classification de Maastricht, pratiqué aux USA, au Canada, en Belgique, aux Pays-Bas, mais pas en France ou en Allemagne, Ndlr.] (…) [Dans ces pays,] (…) le potentiel donneur est considéré comme un sujet en limitation de traitements, du fait d’une disproportion des soins par rapport à un objectif de survie ou de qualité de vie. Dans ce cas, le contexte, le diagnostic de la pathologie responsable et le simple examen clinique suffisent pour proposer le prélèvement. (…)

Dans ce cadre, et en tenant compte d’un délai d’ischémie * imposé court [l’organe doit être greffé au plus vite après avoir été prélevé, afin de ne pas souffrir d’ischémie ou de dommage, Ndlr.], la procédure associe :

- un processus collégial de réflexion aboutissant à la décision d’arrêt de traitement

- une information des conditions de décès après arrêt des traitements destinée à la famille qui pourra rester auprès du patient jusqu’à ses derniers instants, si elle le souhaite

- la proposition d’un don d’organes qui surviendrait dans l’heure suivant l’arrêt du cœur [Les organes sont en fait prélevés, dans la plupart des cas, entre 2 et 5 mn après l’arrêt du cœur, Ndlr.]

- la mise en place d’une circulation extracorporelle régionale avant arrêt des traitements [afin d’assurer la conservation des organes, même après l’arrêt du cœur, Ndlr.], n’excluant pas la présence des proches durant les derniers moments

- le décès du patient dans une stratégie d’arrêt des traitements, en présence des proches s’ils le désirent

- la prise en charge au bloc pour les prélèvements dans l’heure suivant le décès.”

d) Le don d’organe de son vivant (rein, lobe de foie ou plus rarement de poumon) : “La France, et en particulier, l’Agence de la Biomédecine, a choisi de ne pas privilégier le donneur vivant, en considérant que le risque pris chez le donneur n’était pas justifié au regard de la non-exhaustivité atteinte des prélèvements chez le patient décédé, à cœur battant [état de ‘mort encéphalique’, Ndlr.] ou arrêté [état d’’arrêt cardio-respiratoire persistant’, Ndlr].”

2.-) Les questions portant sur les faits. 

Le contexte professionnel du soignant qui remplit le questionnaire. Il est important de savoir s’il exerce en réanimation ou non. Par ailleurs, il lui est demandé s’il travaille en service de réanimation chirurgicale, médicale, polyvalente, ou encore en anesthésie, cardiologie, neurologie, néphrologie, pneumologie, hépato-gastro-entérologie ou en service d’accueil des urgences (SAU). En ce qui concerne le prélèvement d’organes chez le sujet en état de mort encéphalique, le questionnaire enquête sur la perception globale du recensement des donneurs potentiels dans l’hôpital du soignant (l’activité est-elle présente, valorisée dans son service, dans son pôle et enfin dans son hôpital ?). Il est difficile de catégoriser cette question comme simple “fait”, car elle renseigne également sur la perception du soignant : comment, dans son milieu professionnel, les activités de recensement et de prise en charge de potentiels donneurs sont-elles valorisées ? Le médecin qui remplit le questionnaire est testé sur ses connaissances concernant le Registre National des Refus, le diagnostic clinique d’état de mort encéphalique, les examens nécessaires à affirmer le diagnostic d’état de mort encéphalique, les quatre classes de la classification internationale de Maastricht (concernant les prélèvements “à cœur arrêté” : il existe quatre classes de potentiels donneurs), les critères du processus Leonetti (loi sur les droits des patients en fin de vie) nécessaires au regard de la loi du 22 avril 2005 pour prendre une décision de fin de vie. Le soignant doit également détailler la pratique du service où il travaille en ce qui concerne le processus de décision de fin de vie : le médecin senior est-il le seul responsable ? L’équipe médicale est-elle responsable ? Ou bien le chef de service ? Les infirmières sont-elles systématiquement consultées ? Un avis d’un médecin extérieur est-il systématiquement demandé ? Les proches sont-ils systématiquement consultés, régulièrement informés avant la décision d’arrêt de traitements ? Tous les éléments de réflexion sont-ils systématiquement notés ? Suit une question relevant de la perception et non plus des seuls faits : “Estimez-vous que les décisions de fin de vie telles qu’elles sont prises dans votre service sont bien menées, en particulier en toute clarté pour tous les intervenants autour du patient (équipe, proches ?)”. Le soignant doit ici évaluer la fin de vie telle qu’elle se déroule dans son service. Il est amené à prendre conscience, si ce n’est déjà fait, du caractère inévitable de la variabilité (relativité) des critères de définition de la mort, en particulier dans le contexte d’un éventuel prélèvement d’organes vitaux :

“Réflexion autour d’une perspective d’évolution des textes concernant les critères légaux de mort en France” : là encore, une question portant sur des faits est suivie d’une question d’opinion : “Saviez-vous que la législation concernant le diagnostic de mort encéphalique avec possibilité de prélèvement d’organes varie selon les pays (par exemple, parfois l’examen clinique suffit) ? Cette variabilité selon les pays vous fait-elle vous interroger sur la définition de la mort ?”

Le questionnaire cherche à évaluer les besoins en formation pour la “recherche du consentement présumé auprès des familles” : une question “faits” est suivie par une question “opinions” : le médecin qui répond à l’enquête a-t-il déjà suivi une “formation concernant la conduite d’un entretien avec la famille d’un donneur” ? Notez l’emploi du terme “donneur”, et non “potentiel donneur”, sans doute du fait du “consentement présumé” inscrit dans la loi. Est ensuite demandé : “Souhaiteriez-vous suivre une formation concernant la conduite d’un entretien avec la famille d’un donneur ?” (oui / non).

En ce qui concerne les questions d’ordre personnel, les perceptions s’enchaînent aux faits, dans une progression logique : le soignant est-il un homme, une femme ? Sa tranche d’âge ? Est-il réceptif aux informations grand public concernant le prélèvement et la greffe ? On peut noter que le discours public informe peu sur le prélèvement d’organes, qui reste le parent pauvre de la communication, tandis que le Don (la greffe) se taille la part du lion. Lui est ensuite demandée sa position sur le don d’organes, pour lui et ses proches (pour, incertitude, contre), dans le cas d’un état de “mort encéphalique” consécutif à un accident. Enfin, le questionnaire cherche à s’informer si le soignant lui-même a donné le bon exemple : “Vous êtes-vous exprimé sur ce sujet pour informer vos proches de votre souhait d’être ou de ne pas être prélevé si la situation se présentait ?” (oui / non). Cette question clôture le questionnaire,ce qui lui confère une grande importance.

Les faits servent à enquêter avec précision sur les perceptions des soignants. Les informations données sont supposées connues, elles servent de cadre pour inviter les soignants à exprimer leurs perceptions, mais toujours dans un contexte donné : celui de l’optimisation du recensement de potentiels donneurs et du prélèvement d’organes et de tissus. Les réponses aux questions concernant les processus médico-légaux de prélèvement d’organes et de décision de fin de vie peuvent être obtenues par e-mail : “(…) [I]l suffit de nous adresser un mail (…) (objet du message : REPONSE)”.  Ce questionnaire de réflexion sur le “don” d’organes – par des professionnels – ne vise pas à faire sortir du cadre ; au contraire, il incite à y entrer : OPTIDO est là pour optimiser le “don” d’organes … Se pose alors la question de savoir comment on peut mener une véritable enquête d’opinions si d’emblée le cadre est imposé et s’il est impossible (du moins peu aisé) d’en sortir. Nous proposons de documenter puis de nuancer ce raisonnement à l’aide d’une analyse concernant la partie “perceptions” de l’enquête :

3.-) Les questions portant sur les perceptions ou opinions des soignants.

a) La question est de savoir comment le soignant perçoit son rôle dans le recensement des donneurs potentiels, c’est-à-dire dans le repérage de “malades susceptibles d’évoluer en mort encéphalique” : cette activité est-elle en accord avec ses convictions ? S’agit-il d’une activité ou d’une mission ? Comment est-elle perçue : assumée, appréciée, considérée comme un mal nécessaire, comme une mission intéressante sur le plan scientifique, comme une “mission que j’accepte d’assumer mais que je n’apprécie pas”, comme une “mission que je n’accepte personnellement pas d’assumer”, comme une “mission qui ne me concerne en rien” ?

b) Opinion quant à la législation actuelle : Vient ensuite une question inattendue pour le grand public : “le patient est-il vraiment mort ?” : le soignant doit répondre à la question : “lorsque les critères légaux actuellement en vigueur pour définir la mort encéphalique sont remplis, le patient est-il vraiment mort ?” Les réponses possibles sont :

“Oui, il n’y a aucun doute dans mon esprit”

Oui

Non

Ne sait pas

“Oui, mais ce n’est quand-même pas la même chose qu’un décès habituel”
     
“Non, un doute peut toujours persister à cause d’une erreur de diagnostic”
     
“Non, pour moi, les critères actuels ne sont pas médicalement fiables”
     

Il est précisé : “merci de répondre à toutes les questions.” Le soignant est confronté au caractère inévitable de la variabilité (relativité) des critères de définition de la mort, en particulier dans le contexte d’un éventuel prélèvement d’organes vitaux

Le soignant doit ensuite définir “à quoi correspond précisément la recherche du consentement présumé pour le don d’organes lors de l’entretien avec les familles (“merci de répondre à toutes les questions”) : 

 

Oui

Non

Ne sait pas

“Je ne sais pas”
     
“La recherche d’un consentement au don, exprimé par le donneur de son vivant”
     
“La recherche du consentement de la famille au don en l’absence de celui connu du donneur”
     
“La recherche d’une absence d’opposition au don, exprimée par le donneur de son vivant”
     
“La recherche de contre-indications au don”
     

Les soignants menant l’entretien avec les familles concernant un “don” d’organes doivent rechercher le témoignage, apporté par les proches, d’une “absence d’opposition au don” qui aurait été exprimée par le donneur de son vivant. Il s’agirait simplement de dire : “Non, notre proche ne s’est jamais exprimé explicitement contre le don de ses organes, en tout cas, pas à notre connaissance”. Tels sont les critères de la loi (la “recherche du consentement présumé”). Dans la pratique, les choses sont naturellement bien plus complexes … Voudrait-on réduire le rôle d’accompagnement des proches à un simple témoignage, de nature identique à celui que peuvent fournir à la police des badauds ayant assisté par hasard à un accident, sans être impliqués ? C’est ce que la loi suggère, or le vécu des soignants est bien différent, celui des familles aussi.

c) Le soignant considère-t-il le taux de greffe (qui se mesure en greffes /  million d’habitants) comme suffisant ou insuffisant “en termes de greffons” ? En comparant l’Espagne à la France, il doit prendre position (oui / non / ne sait pas) par rapport à l’affirmation suivante : “L’Espagne a un taux important de prélèvements parce que les autres modes de prélèvement d’organes (don vivant, don à cœur arrêté) sont largement développés.”

d) La question suivante concerne les “soins” invasifs apportés au potentiel donneur, mais qui ne sont plus dans son intérêt puisqu’ils visent à la “seule” conservation des organes, ce qui peut poser un problème éthique, vu le code de déontologie médicale (“D’abord, ne pas nuire”). Se pose alors la question de savoir jusqu’où il est acceptable de pousser l’acharnement thérapeutique (potentiellement douloureux pour le donneur en fin de vie) dans le “seul” but de conserver des organes. Le groupe de questions qui suit suggère qu’il n’existe pas de corpus de valeurs commun à l’ensemble des soignants à ce sujet. La limite serait à trouver en chaque soignant (en chaque équipe soignante) et non dans la loi. Mais peut-on inscrire la compassion dans la loi ?

“Quelle est votre perception des décisions suivantes lorsqu’elles surviennent pour un patient considéré comme au-delà de toute ressource thérapeutique mais qui peut être un donneur potentiel d’organes ? (Merci de répondre à toutes les questions)” :

 

Acceptable pour “laisser faire la nature”

Pas en phase avec les bonnes pratiques

Pas d’avis

La décision de ne pas traiter une septicémie
     
La décision de ne pas traiter une pneumopathie
     
La décision de ne pas traiter une désaturation sévère
     
La décision de ne pas traiter une hypotension sévère
     
la décision de ne pas masser un arrêt cardiaque
     

Si on veut respecter l’intérêt du patient potentiel donneur, il faut “laisser faire la nature”. Mais ceci n’est “pas en phase avec les bonnes pratiques” pour avoir un potentiel donneur avec des organes vitaux viables à des fins de transplantation … Le questionnaire enquête ici sur l’opinion du soignant face à un conflit d’intérêts, sur sa manière de gérer ce conflit d’intérêts.

e) En 2009, près de 300 patients seraient décédés “faute de greffe”. Une polémique existe entre l’Agence de la biomédecine et France ADOT, association de collecte d’organes, au sujet de ces chiffres. Pour France ADOT, ce chiffre serait largement sous-estimé. Il existe un certain nombre de patients qui sortent de la liste d’attente car ils ne sont plus en état de tolérer une greffe. L’opinion du soignant est sollicitée sur le sujet de la pénurie d’organes à greffer. Ce sujet exerce une pression constante sur les soignants, il leur devient impossible de l’ignorer, où qu’ils travaillent, du fait de l’élargissement du recensement des potentiels donneurs à de nombreux services hospitaliers … On lui demande son opinion sur la stratégie à adopter afin d’optimiser l’activité des transplantations : quel mode de prélèvement a sa préférence ?

“Plusieurs centaines parmi les milliers de malades restant en attente de greffe décèdent chaque année de leur pathologie initiale. Etes-vous en accord avec la ou les phrases suivantes ? (Merci de répondre à toutes les questions)”

 

D’accord

Pas d’accord

Pas d’avis

Je ne connaissais pas ces chiffres
     
C’est inadmissible, tout doit être fait pour optimiser cette noble mission
     
Il faut poursuivre les efforts afin d’optimiser le prélèvement sur sujet en état de mort encéphalique et réduire le taux de refus
     
Il est anormal que le prélèvement sur donneur vivant ne soit pas davantage développé en France, malgré les risques chez le donneur
     
Il est anormal que le prélèvement sur donneur à cœur arrêté ne soit pas davantage développé en France
     

f) Quelle est l’opinion des soignants sur le don d’organes de son vivant (rein, lobe de foie) ? Les soignants sont-ils pour ce principe ? Estiment-ils que le don d’organe de son vivant (entre  5 et 9 pour cent des “dons” d’organes toute catégorie de donneurs confondue sur les trois années écoulées) est suffisamment développé en France ? Aux USA, dans les pays scandinaves et en Espagne, le don d’organe de son vivant est bien plus développé qu’il ne l’est en France. Il s’agit donc d’un choix politique. Faut-il considérer que le prélèvement sur donneur vivant a l’avantage de la qualité du greffon et ne comporte aucun risque ? Ou bien cette forme de prélèvement a-t-elle l’avantage de la qualité du greffon mais comporte-t-elle des risques chez le donneur, y compris des risques vitaux ? Un greffon de rein prélevé chez un donneur vivant a une durée de vie supérieure à celle d’un rein prélevé chez un donneur dit “décédé”. D’un côté, le greffon pourrait tenir une vingtaine d’années chez le greffé ; de l’autre il tiendrait en moyenne entre 9 et 12 ans.

g) En ce qui concerne les prélèvements “à cœur arrêté” : cette forme de prélèvement de reins et de foie (les deux tiers des 15.000 patients en attente de greffe attendent un rein) permettrait de greffer entre 500 et 1.000 organes supplémentaires. Le questionnaire vise donc à recueillir l’opinion des soignants sur les prélèvements “à cœur arrêté”, car le sujet est loin de faire l’unanimité. Il ne fait l’objet que d’un consensus mou.

“Concernant la procédure des prélèvements à cœur arrêté, avec quelles phrases êtes-vous en accord ? (Merci de répondre à toutes les questions)” :

 

Oui

Non

Ne sait pas

“Je connais bien la procédure décrite de prélèvement à cœur arrêté”
     
“Le prélèvement à cœur arrêté peut représenter une source de 500 à 1000 greffons supplémentaires”
     
“Je suis pour le principe du prélèvement à cœur arrêté, au vu de la pénurie de greffons, sous conditions d’un cadre légal précis, en particulier distinguant CEC thérapeutique ou à finalité de prélèvements” *
     
“Je suis réservé concernant cette procédure, au regard des ambigüités sur les indications de la mise en place de la CEC (CEC thérapeutique ou CEC à finalité de prélèvements)” (1)
     
“L’approche de la famille, limitée dans le temps, constitue une limite majeure au vu du délai de 5h au maximum entre l’arrêt cardiaque, le massage sur le voie publique, la canulation des vaisseaux, la mise sous circulation extracorporelle et le prélèvement”
     
“La difficulté à discuter avec la famille ne doit pas représenter une limite à cette procédure, au regard du bénéfice attendu”
     
“Le fait que le prélèvement à cœur arrêté suite à un arrêt cardio-respiratoire permette de greffer entre 500 et 1000 organes (rein, foie) justifie cette activité”.
     

(1) Circulation extracorporelle : une procédure de réanimation invasive. Elle peut être mise en place dans l’intérêt du patient, ou dans celui de conserver ses organes (deux finalités distinctes). Rappelons que la procédure de prélèvement à cœur arrêté consiste à attendre 5 mn entre deux réanimations : la première, dans l’intérêt du patient ; la seconde, dans l’intérêt de la conservation des organes d’un patient qui n’est plus une personne, mais un donneur ou réservoir d’organes.

h) La question qui suit découle des précédentes : “Estimez-vous que les décisions de fin de vie soient actuellement une source de conflit avec les proches ou l’équipe ?” Si oui, le conflit concernerait plutôt les proches, l’équipe médicale ou l’équipe paramédicale ?

i) Concernant le prélèvement à cœur arrêté dit de classification “Maastricht III”, il est demandé aux soignants s’ils sont d’accord ou non (ou ne savent pas) concernant les affirmations suivantes : “Cette procédure est en phase avec le processus de décision de fin de vie prévu par la loi Leonetti” ; “Cette procédure est en phase avec les bonnes pratiques de non acharnement thérapeutique et de mission d’optimisation de la greffe” ;  “Cette procédure respecte le délai nécessaire d’intégration par la famille des arguments menant à la décision de fin de vie” ; “Cette procédure réunit les conditions d’encadrement rigoureux, tel qu’habituellement appliqué dans les cas de prélèvements à cœur arrêté” ; “La question du conflit d’intérêt ne se pose pas si les précautions prises sont similaires à celles des procédures de prélèvements à cœur arrêté” ; “Cette procédure permettrait de mieux sensibiliser les équipes à la rigueur nécessaire concernant les décisions de fin de vie”.

Rappelons qu’au printemps 2008, un article paraissait dans “Le Parisien”, titrant : “Le donneur n’était pas mort !” … Il s’agissait d’un cas de prélèvement “à cœur arrêté” dans un hôpital parisien qui avait semé la confusion : d’abord patient, puis donneur, puis patient à nouveau, le potentiel donneur avait finalement échappé au prélèvement de ses reins et de son foie. Mais il s’était trouvé au bloc pour le prélèvement de ses organes, et c’est là qu’il aurait, au préalable du prélèvement, repris conscience … Il semblerait que dans ce cas précis, la procédure n’ait pas “réuni les conditions d’encadrement rigoureux, tel qu’habituellement appliqué dans les cas de prélèvements à cœur arrêté”. Ce cas précis relativise l’affirmation : “La question du conflit d’intérêt ne se pose pas si les précautions prises sont similaires à celles des procédures de prélèvements à cœur arrêté” … Encore patient, déjà donneur ? …

Il est donc demandé aux soignants de prendre clairement position sur le prélèvement “à cœur arrêté” dit de classification “Maastricht III” : “Seriez-vous favorable à une évaluation du prélèvement à cœur arrêté, après une décision d’arrêt de traitements, dans le cadre d’un protocole expérimental garantissant le respect des critères légaux et l’adhésion des familles à la stratégie palliative, notamment ?” (Oui / Non). Cette demande de prise de position pour ou contre le “Maastricht III” se justifie du fait que le prélèvement “à cœur arrêté” ne fait pas consensus actuellement chez les soignants. Dans une volonté d’optimiser l’activité des transplantations, on cherche une alternative, un complément au prélèvement “à cœur arrêté” tel qu’il est pratiqué en France depuis 2007. En effet, pourquoi se priver de la classe III de Maastricht alors que toutes les autres classes de donneurs – I, II et IV – sont  déjà autorisées en France mais ne font pas l’objet d’un consensus ?

j) En ce qui concerne les critères de diagnostic de la mort encéphalique en France : ils sont de nature clinique et para clinique. Une variabilité dans le diagnostic est soulignée : “Considérez-vous habituellement comme facteur confondant [susceptible d’induire un biais donc un faux diagnostic, Ndlr.] un taux positif de morphiniques et de benzodiazépines, malgré la certitude d’une administration minime de ces produits ?” ; “Pensez-vous qu’il soit vraiment pertinent de considérer comme facteur confondant ce type de situation ?” ; “Considérez-vous habituellement comme diagnostic négatif de mort encéphalique, un angio-scanner avec un passage de produit de contraste minime (vaisseaux proximaux de la cérébrale antérieure) ?” ; “Pensez-vous qu’il soit vraiment pertinent de prendre en compte comme négatif ce type de résultat ?” ; “Trouvez-vous la législation en France excessive (l’association obligatoire de critères cliniques et para cliniques précis) ?”

On le voit, il s’agit d’élargir les critères de diagnostic de mort encéphalique, afin de permettre de recenser davantage de potentiels donneurs en état de mort encéphalique. Or la variabilité dans le diagnostic (France, mais aussi d’un pays sur l’autre) pose la question de savoir jusqu’à quel point il est éthique d’anticiper la mort encéphalique, ou d’élargir le pool des potentiels donneurs en mort encéphalique en jouant sur les critères de diagnostic de cet état. L’étude OPTIDO cherche précisément à recueillir l’avis des soignants au sujet de l’élargissement du pool des potentiels donneurs en état de “mort encéphalique”, c’est là un des enjeux majeurs du questionnaire :

“Dans certains pays, le potentiel donneur est considéré comme un sujet en limitation de traitements, du fait d’une disproportion des soins par rapport à un objectif de survie ou de qualité de vie. [Cf. Maastricht III, Ndlr.] Dans ce cas, le contexte, le diagnostic de la pathologie responsable et le simple examen clinique suffisent pour proposer le prélèvement.

Seriez-vous favorable à une telle approche en France ? (merci de répondre à toutes les questions)” :

 

D’accord

Pas d’accord

Ne sait pas

“Oui, notre législation est trop restrictive et réduit inutilement les demandes de don”
     
“Oui, si la procédure reste encadrée ; optimiser le prélèvement au vu de la pénurie de greffons doit être une priorité”
     
“Oui, l’objectif premier doit être de savoir si le patient a une possibilité de survie avec une qualité de vie acceptable ou non ; la demande de don ne doit intervenir qu’après une réflexion collégiale ayant conduit à mettre en avant une disproportion ou une inutilité des soins”
     
“Non, notre type de législation est indispensable pour éviter les dérives, même s’il y a pénurie”
     
“Non, il est préférable de développer le prélèvement sur cœur arrêté”      

Il est paradoxal de noter qu’on s’appuie sur un “Maastricht III” interdit en France pour proposer d’élargir le pool des potentiels donneurs en état de mort encéphalique, de manière dite “légale”. Autrement dit : pour faire du “Maastricht III” en France tout en respectant la loi, il faut élargir le pool des potentiels donneurs en état de mort encéphalique en pratiquant un simple examen clinique … précisément comme dans le cas d’un “Maastricht III”. La mort encéphalique devient ainsi un “Maastricht III” qui ne dit pas son nom … Astucieux, il fallait y penser ! C’est bien là-dessus que l’opinion des personnels de santé est requise. En clair, OPTIDO leur demande s’ils sont pour ou contre cette astucieuse stratégie, ou si la peur des dérives est la plus forte …

Rappelons que dans le cas d’un prélèvement “à cœur arrêté” tel qu’il est pratiqué en France, la décision de passer de statut de patient (a les droits de la personne) à celui de donneur (n’a plus les droits de la personne) repose sur l’irréversibilité d’un état. Parce qu’un arrêt cardiaque est jugé irréversible, une réanimation dans le seul but de conserver des organes à des fins de transplantation sera mise en place. Cette réanimation est constituée de manœuvres invasives, qui ne sont plus dans l’intérêt du patient, comme expliqué plus haut. On peut constater que la différence entre “Maastricht III” et les prélèvements “à cœur arrêté” tels qu’ils sont pratiqués en France est fort ténue. Dans les deux cas, il s’agit d’un état jugé irréversible, qui conduit au prélèvement d’organes …

La question posée plus haut : “Seriez-vous favorable à une telle approche en France ?” est donc pertinente dans le cadre de cette analyse. Le questionnaire ne cherche pas à masquer les contradictions telles que nous les analysons ; au contraire, il les fait ressortir, dans le but de mieux solliciter l’opinion des soignants sur l’objectif principal : intensifier le prélèvement d’organes.

k) La dernière question concernant les perceptions ou opinions est une question non moins centrale : celle de l’approche des familles afin de demander des organes vitaux …

“Votre expérience de la prise en charge des familles dans votre pratique quotidienne” : il s’agit là encore d’aller du factuel aux opinions : “Avez-vous déjà mené un ou des entretiens familles pour discuter du don d’organes ? Avec une infirmière ? Menez-vous ces entretiens familles avec réticence ? Vous ne souhaitez pas mener d’entretien avec la famille d’un donneur ?”

Suivent une série de propositions pour lesquelles le soignant doit indiquer son accord ou son désaccord. Je dois dire que j’ai trouvé ces propositions assez convenues, d’une diversité et d’une richesse limitées. On dirait (en exagérant à peine) que la question se pose dans le seul contexte de la relation familles -  soignants, à l’instant T ou autour de l’instant T : celui de la demande des organes vitaux. Or les familles confrontées à la question du “don” ou du “sacrifice” – vont-elles le faire ou non, ce sacrifice, finalement, c’est ça la question – porteront cette décision toute leur vie, tandis que leurs relations avec les soignants dans ce contexte n’auront qu’un temps … Pour avoir été en contact avec de nombreuses familles confrontées à la question du don d’organes, il me semble que le questionnement du “don” (“sacrifice”) est plus complexe que ce qui est exposé (esquissé) ici, comme à regret. 98 pour cent des familles avec lesquelles j’ai été en contact m’ont parlé de sacrifice – de leur vécu d’avoir été contraint(e)s à un sacrifice, ressenti comme injuste (“pourquoi nous ?”). Aucune trace de ce questionnement (ou alors, de manière minimaliste) dans OPTIDO. Les familles confrontées à la question du don d’organes poseraient-elles problème ? Les médecins préfèrent parler de Don ; les familles, de sacrifice. A chacun son vécu … Je vous livre donc les questions posées aux soignants (réponse fermée, donc en “oui / non”) :

“Les familles à qui l’on annonce la mort cérébrale du patient sont déjà si choquées qu’il est souvent préférable de ne pas les gêner avec le prélèvement” ; “Evoquer le prélèvement et les greffes avec la famille d’un patient en mort encéphalique implique de lui infliger une douleur supplémentaire” ; “Evoquer le prélèvement et les greffes avec la famille d’un patient en mort encéphalique, c’est la perspective d’apporter un peu d’espérance pour la famille” ; “Même si c’est douloureux pour les familles, nous nous devons de recueillir le souhait que le patient a pu exprimer de son vivant sur la question du prélèvement d’organes” ; “Pour les familles, le fait que des organes du patient aient [sic] été greffés peut faciliter leur deuil” [ou le compliquer, voire le rendre impossible comme dans le cas de l’Affaire d’Amiens, Ndlr.] ; “Il est préférable de ne pas aborder le don avec une famille en raison de ses convictions religieuses” ; “Il est préférable de ne pas aborder le don avec une famille décrite comme ‘difficile’ sur le plan relationnel” ; “Il est préférable de ne pas aborder le don avec une famille pour laquelle le vécu est particulièrement douloureux (décès récent, sujet mineur [décès d’un enfant ou d’un ado se retrouvant potentiel donneur, Ndlr.], …) ; “Il est préférable de ne pas aborder le don avec une famille avec laquelle vous-même ou l’équipe avez eu une relation affective forte” ; “Le Registre National des Refus est inutile puisque son existence est trop peu connue” ; “Le Registre National des Refus est inutile, seule compte en définitive la position des familles” ; “Il serait préférable qu’à la place du Registre National des Refus, chaque citoyen soit amené à se positionner pour ou contre le don de manière obligatoire (par ex : carte d’identité, permis de conduire, carte vitale)”.

La dernière proposition vise à induire des comportements de pression sociétale en faveur du Don, ce qui pose problème à certains soignants qui ont posé la question suivante : comment inscrire un “Non” pour le don d’organes sur une carte vitale et espérer ensuite être bien soigné ? Ce refus sera pris comme un gage d’égoïsme et de repli sur soi, comme un aveu de ce que l’on serait alors : un mauvais citoyen. D’intime, de personnel, de privé, le “don” passerait dans la sphère de la citoyenneté, de la vie publique. C’est ce que proposent certaines associations de collecte d’organes, comme France ADOT. Tout laisse à penser que cette proposition, issue d’un “marketing social du Don” qui ne dit pas son nom, risque d’être contre-productive.

Conclusion

Nous ne pouvons que saluer la qualité de ce questionnaire. L’anonymat, condition obligatoire pour y répondre, vient sans doute du fait du cadre imposé (celui d’optimiser la stratégie visant à prélever davantage d’organes) . A notre avis, il est possible d’assouplir ce cadre afin de répondre de manière nuancée, quitte à apparaître, non comme un mauvais élève du Don, mais comme un moins bon élève du Don, si vous voyez où je veux en venir. Si vous ne voyez pas, je terminerai en citant cette infirmière qui s’est exclamée, voyant ce questionnaire : “Enfin une enquête sur le don d’organes qui n’est pas réservée aux Stakhanovistes du Don !” Il serait, de mon point de vue d’usager de la santé lambda, éminemment souhaitable que cette infirmière ait raison …

* Période d’ischémie chaude
Ce terme désigne le délai entre l’arrêt cardiaque et l’instauration des mesures de conservation des organes. Le début de la période d’ischémie chaude varie dans la pratique; par exemple, ce délai commence à partir de l’asystole, de l’interruption du maintien des fonctions vitales ou de l’atteinte de seuils vitaux définis à l’avance. Le début de la perfusion froide est généralement considéré comme la fin de la période d’ischémie chaude. La définition de la période d’ischémie chaude a des répercussions importantes sur la viabilité des organes aux fins de transplantation.

Période d’ischémie froide
Intervalle entre le début de la conservation d’un organe prélevé et sa transplantation (greffe).

Source :

http://www.organsandtissues.ca/francais/glossaire/o-s.htm

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Exemple de "marketing social du Don" :

http://www.lavoixdunord.fr/Locales/Boulogne_sur_Mer/actualite/Secteur_Boulogne_sur_Mer/2010/11/09/article_le-don-d-organes-un-don-de-vie-mais-un-p.shtml