Une clinique de Bordeaux qui fait parler d'elle au JT du soir de France 2 le 20 octobre 2010 : une patiente d'une soixantaine d'années aurait été inscrite trop tôt dans la filière des donneurs d'organes. Alors que les soignants en charge de cette patiente sont prêts à la déclarer en état de "mort encéphalique" (diagnostic de mort), ses proches, notamment son fils, ont un doute. Ils refusent de signer un constat de décès faisant de cette patiente un (potentiel) donneur d'organes.Lire cet article sur AgoraVox, le journal citoyen en ligne : cliquer ici.
On se rappelle l'article du Parisien, en juin 2008 : "Le donneur n'était pas mort", repris par "Le Monde" et "Le Temps". Encore patient, déjà donneur ? Eh bien, c'est à nouveau la même histoire. Bis repetita (non placent). [Latin : les choses répétées ne plaisent pas. Le proverbe latin en usage est : bis repetita placent.]
"Une patiente, qui avait été déclarée 'très certainement cliniquement morte' par un médecin, s'est réveillée quelques heures plus tard dans un hôpital de Bordeaux, a-t-on appris mercredi auprès du directeur de la clinique.
Lydie Paillard, 60 ans, suivie pour un cancer depuis 2005 dans la polyclinique Bordeaux Rive droite à Lormont, dans la banlieue bordelaise, a fait un malaise lundi lors du traitement médical préalable à une séance de chimiothérapie, a expliqué à l'AFP Yves Noël, directeur de la polyclinique Bordeaux nord, dont dépend l'établissement de Lormont.
Elle a aussitôt été ranimée par un médecin urgentiste mais ce dernier, après avoir pris l'avis d'autres médecins, a annoncé par téléphone aux enfants de Mme Paillard que leur mère, placée sous un appareil respiratoire, 'était très certainement cliniquement morte', a poursuivi M. Noël.
La patiente a ensuite été transférée vers le CHU de Bordeaux où elle a subi un scanner qui a révélé qu'il n'y avait pas de mort cérébrale, selon le directeur de la clinique.
Mme Paillard 's'est réveillée quatorze heures plus tard au CHU de Bordeaux', comme l'a révélé Sud Ouest dans son édition de mercredi.
'C'est une forme de miracle', reconnaît M. Noël, tout en admettant que l'urgentiste a commis une 'erreur de communication' mais pas 'une erreur médicale car il lui a sauvé la vie'.
La direction de la polyclinique va proposer à la patiente et à sa famille de rencontrer l'équipe de médecins afin qu'ils parlent de ce défaut de communication." (Source)
"'On allait donner le permis de tuer notre mère', répète sans cesse Sébastien en évoquant l'incroyable mésaventure dont a bien failli être victime sa mère. L'histoire, révélée mercredi par le quotidien Sud-Ouest, fait froid dans le dos. Lydia, une femme de 60 ans, se présente lundi dans une clinique de la banlieue bordelaise pour subir une chimiothérapie. Peu après le début du traitement, son état se dégrade et elle sombre dans le coma. Le médecin constate un accident cérébral et prévient la famille que non seulement 'le pronostic vital est engagé', mais que Lydia 'ne pourra pas revenir'. Pire, les médecins préviennent les enfants qu'ils vont devoir donner l'autorisation de 'débrancher la machine' qui maintient leur mère en vie.
C'en est trop pour les proches qui obtiennent le transfert de la patiente vers le CHU de Bordeaux. Et c'est là que se produit l'impensable. Déclarée 'cliniquement morte', Lydia se réveille enfin, 14 heures plus tard et est même capable de tenir une conversation. Un miracle qui plonge sa famille dans le soulagement, mais aussi la colère.
Aujourd'hui ils veulent comprendre comment une telle méprise a pu se produire. Les médecins évoquent 'un cas rare, extraordinaire'. Ils évoquent la possibilité d'une 'crise d'épilepsie donnant l'apparence de la mort'." (Source)
Le reportage diffusé au JT du soir de France 2 ce 20/10/2010 est on ne peut plus clair : la patiente aurait été déclarée en état de mort encéphalique (ou mort cérébrale) prématurément. Elle allait pouvoir, là encore prématurément, devenir potentiel donneur ...
"Ce qui me gêne, c'est que maintenant, on anticipe la mort", me confiait en juin 2008 une infirmière cadre chargée de cours en IFSI (Institut de Formation en Soins Infirmiers) de la banlieue parisienne, qui avait travaillé durant près de deux décennies comme infirmière de coordination des transplantations en France, puis en Suisse, et à nouveau en France. Face à mon silence perplexe, elle ajoute : "On prévoit le décès". Un préavis de décès ?! Un constat de décès anticipé ?! J'avoue que j'ai du mal à suivre. Je visualise la couverture d'une BD manga japonaise bien connue, Ikigami. Du coup, j'ai écrit un Post sur le sujet ... "Pour pouvoir plus facilement organiser les prélèvements d'organes ?", demandais-je alors, peu fière de ma question. "Surtout pour avoir plus de donneurs !", avait-elle répondu.
15.000 patients en attente de greffe en France. Début septembre 2010, une enquête d'opinion, sous forme de questionnaire, distribuée aux soignants afin de recueillir leur opinion sur les stratégies visant à optimiser le "don" d'organes (OPTIDO). Un logiciel aux normes européennes afin de recenser les potentiels donneurs en amont de la "mort encéphalique", ainsi que ceux ayant fait un arrêt cardiaque, dans tous les hôpitaux de France et de Navarre (Cristal Action) - ce logiciel ayant été mis en place par l'institution gouvernementale chargée de promouvoir et d'encadrer l'activité des transplantations d'organes : l'Agence de la biomédecine. "Jamais la pression n'a été aussi forte pour que l'on trouve des donneurs ou des potentiels donneurs", me confiait en décembre 2009 un ancien chirurgien, membre senior de l'Académie Nationale de Médecine. Mardi 19 octobre 2010, un projet de loi présenté à l'Assemblée Nationale afin de lutter contre le trafic d'organes (ou "tourisme de transplantation") en France.
On ne peut pas d'une main demander aux personnels de santé de trouver des donneurs en amont d'un état de mort encéphalique ou encore d'arrêt cardio-respiratoire persistant (prélèvements "à coeur arrêté") et, de l'autre, accuser ces mêmes personnels de santé qui font péniblement un devoir pénible (pardonnez-moi d'insister) de "défaut de communication" lorsque les choses tournent mal (tout dépend du point de vue, n'est-ce pas). Encore patient, déjà donneur ? Voilà qui annonce des conflits d'intérêts, un peu comme si on avait décidé de mettre en balance le code de déontologie médicale ("d'abord ne pas nuire") d'un côté et, de l'autre, un "droit opposable à la greffe" pour les quelque 15.000 patients en attente de greffe ...
La greffe, un problème sociétal
L'usager de la santé lambda finit par se rendre compte de cette évidence : il y a du rififi dans les greffes ...
4 commentaires:
Bonjour,
Cette patiente atteinte d'un cancer et en situation de deuxième récidive, a été victime d'une crise d'épilepsie massive liée très certainement à sa pathologie. Après avoir réanimé la patiente et devant un tableau hélas très sombre, les médecins de la clinique ont annoncé la mort probable de leur mère aux fils, respectant ici leurs obligations d'information. la réanimation s'est poursuivie au CHU proche à la demande de ces mêmes médecins urgentistes, comme les procédures internes le prévoient. Le coma était réversible : le pire ne s'est pas produit, la patiente s'est réveillée.
A aucun moment la mort encéphalique n'a été confirmée. A aucun moment la patiente n'aurait pu être donneur en raison de sa pathologie et de son traitement.
Il s'agit d'une situation paradoxale ou les enfants reprochent d'avoir reçu une information inacceptable alors que séquestrer ces informations aurait été une faute.
L'ARS Aquitaine a réalisé une inspection dès le 21 octobre (les faits datent du 18) ne notant aucune faille dans l'organisation médicale de la clinique, ni en oncologie, ni aux urgences.
La patiente va pouvoir entamer prochainement son traitement chimiothérapique car les médias sont repartis, constatant l'absence de miracle, mais la maladie elle, est toujours là.
Yves NOEL
Bonjour M. Yves Noël,
Merci pour vos précisions. Après cet article, j'ai en effet reçu des questions concernant l'âge limite des "donneurs", ou encore si le don d'organes était possible en cas de cancer. Alors je précise ici qu'on peut prélever des reins et des foies au-delà de 80 ans. Pour le coeur tout dépend de l’état des coronaires.
En général le cancer est une impossibilité pour le prélèvement sauf certains cas de cancers guéris plus de deux ans avant le décès du donneur.
Je conseille aux internautes la lecture à partir du lien suivant, concernant les donneurs dits "limite" : il y est dit :
"Il faut souligner qu'aucun texte ne s'oppose à la possible transmission d'un cancer lors d'une greffe alors que la probabilité de survenue de ces affections oncogènes transmissibles est largement établie" :
http://www.john-libbey-eurotext.fr/en/revues/medecine/bdc/e-docs/00/02/C0/5A/article.phtml
D'autre part, on peut se demander ce qu'il en est des donneurs dits de la classe "Maastricht III" (cette forme de prélèvement étant encore interdite en France) : il s'agit de patients qui deviennent donneur d'organes dans le cadre d'une décision d'arrêt des traitements. Quelles sont les maladies mortelles qui, dans ce cas, permettent tout de même le prélèvement d'organes vitaux ? Les disparités d'un pays sur l'autre en ce qui concerne le constat de décès du "donneur" et les modes de prélèvements ne sont guère rassurantes pour l'usager de la santé, ni pour le professionnel acteur des greffes (voir enquête OPTIDO)...
Source :
http://www.john-libbey-eurotext.fr/en/revues/medecine/bdc/e-docs/00/02/C0/5A/article.phtml
Donneurs, greffons et attributions limites
Médecine thérapeutique. Volume 5, Number 6, 449-55, Juin - Juillet 1999, REVUE : Mort encéphalique et don d'organes
Auteurs : Sophie Cohen, Jean-Jacques Colpart, Jean Julvez, Christian Jacquelinet.
Donneurs limites porteurs de pathologies a priori transmissibles :
"Ce cadre recouvre les donneurs porteurs d'une maladie infectieuse (virale, bactérienne ou parasitaire), les donneurs porteurs d'un cancer et les donneurs porteurs d'affections immuno-allergiques.
Le récent décret en Conseil d'État en date du 9 octobre 1997 précise l'interdiction de prélever des organes chez un sujet porteur du VIH, des hépatites B et C, de la syphilis et de l'HTLV [forme de leucémie, Ndlr.]. L'originalité de ce texte sur la sécurité sanitaire par rapport aux précédents est d'admettre le principe de dérogation et donc de bénéfice/risque dans l'intérêt du malade. Un arrêté de même date restreint cette dérogation à l'HTLV-1 pour la transplantation de cœur, de foie ou de poumon, à l'hépatite C pour les greffes de moelle, au virus de l'hépatite B et à la syphilis pour la transplantation de cœur, de foie, de poumon ou de moelle. Ainsi, si le pouvoir dérogatoire est celui de l'État, la décision de la dérogation appartient maintenant au praticien et à son malade.
D'autres maladies infectieuses, virales et parasitaires, font l'objet d'une réglementation exigeant la recherche biologique sans conclure : la décision appartient à l'équipe de greffe, en fonction du patient. Certaines maladies infectieuses peuvent conduire dans leur évolution à la mort encéphalique par le biais d'un œdème cérébral. C'est la cas des infections du système nerveux central (méningites, méningo-encéphalites et encéphalites). La prise en compte du germe, des traitements antibiotiques et de leur durée, de l'ancienneté de la pathologie et, surtout, de la vigilance (prévention) chez le greffé permet de peser les bénéfices et les risques encourus. Si on prend l'exemple de la méningite, cause rare de mortalité (entre 20 et 30 par an), les prélèvements peuvent s'envisager dès lors que l'antibiothérapie est jugée efficace. Cette pratique existe sans avoir donné lieu à des analyses de séries ; il existe seulement des publications anecdotiques (...). De la même manière, la présence d'une fièvre ou d'une seule hémoculture positive ne doit en rien conduire à l'autocensure mais doit amener au même raisonnement.
Les cancers sont en règle générale des contre-indications au prélèvement des organes sans toutefois faire l'objet d'une réglementation. La transmission du cancer par la transplantation des organes n'est connue qu'à travers les données du registre non exhaustif de Cincinnati. Penn [...] a collecté des données entre 1960 et 1995. D'après leur registre, 248 receveurs ont reçu des organes de 153 donneurs porteurs de tumeurs de différents types : cancers du cerveau (45), du rein (31), du poumon (30), mélanome (10) et choriocarcinome (6). Après transplantation, 41 pour cent des receveurs ont développé des tumeurs dont la moitié avec métastases à distance et dans un délai maximal de 63 mois. Récemment, une transmission d'un cancer de la prostate suite à une greffe de cœur a été rapportée [...]. En France, il n'existe pas à ce jour de suivi épidémiologique de ces cas, mais les notifications d'incidents qui ont été faites en 1998 à l'EFG au nombre de 18 concernaient, dans 4 cas, des donneurs porteurs de processus prolifératifs et correspondaient à 10 greffes d'organes et 2 de tissus [25].
On admet que seuls certains cancers du cerveau, dont le développement est local, ne sont pas des contre-indications au prélèvement des organes."
A lire sur les suites de l'affaire :
http://actuagencebiomed.blogspot.com/2010/10/lydia-paillard-lormont-deux-enquetes.html
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