En attendant la prochaine bulle : électrocardiogramme ou cours de la bourse, la médecine ne dort jamais. Chronique d’une bloggeuse trader santé, sous forme de lettre ouverte aux Mandarins
Au Dr. Marc Andronikof, auteur de “Médecins aux urgences”, au Pr. Bernard Debré, auteur de “La Revanche du serpent ou la fin de l’homo sapiens”, au Dr. Véronique Fournier, auteur du “Bazar bioéthique”, au Pr. Axel Kahn, auteur de “Un type bien ne fait pas ça”, au Dr. jean Leonetti, auteur de “Quand la science transformera l’humain. 20 scenarios pour demain”, au Pr. Daniel Loisance, auteur du “Cœur réparé”, au Dr. Patrick Pelloux, auteur de “Urgences pour l’hôpital”, au Pr. Louis Puybasset, co-auteur de “Enjeux éthiques en réanimation” (à paraître prochainement), au Pr. Guy Vallancien, auteur de “La Santé n’est pas un droit. Manifeste pour une autre médecine” Chers Mandarins, Vous êtes très occupés, aussi serai-je brève. Simple usager de la santé, j’ai lu vos ouvrages, échangé avec la plupart d’entre vous. Idées passionnantes pour lesquelles, simple bloggeuse, j’ai essayé de créer du “buzz” : “Le Professeur X a dit ceci, le Docteur X a dit cela …” A vouloir éveiller les consciences, je me sens comme ce trader derrière ses écrans. Un œil sur Amazon pour suivre la parution des nouveaux livres – de vos nouveaux livres -, sur Facebook pour répondre aux nombreuses sollicitations d’opinion du Groupe Officiel des Amis du Professeur Bernard Debré (cette impression vertigineuse que moi, simple Mère Michu, je puis refaire le monde en donnant mon avis quatre fois par semaine sur des sujets qui me laissent perplexe, comme l’”hôpital public”, mais j’y reviendrai plus tard), sur le site internet d’associations humanitaires pour suivre vos exploits chirurgicaux ou médicaux en Asie ou en Afrique, sur les Tribunes du Figaro (en ligne) pour suivre vos avis en matière d’éthique en réanimation, sur les conventions concernant l’organisation du système de santé (là aussi, c’est l’euphorie des marchés, on me demande mon avis !) Les Mandarins qui sollicitent l’avis de l’usager de la santé lambda, Alpha et bêta* boursier, je maîtrise … Me voici bloggeuse trader santé. * “Alpha concerne les facteurs liés à la performance d'une action individuelle ou à l'adresse avec laquelle un gestionnaire choisit une action particulière. Quant à la lettre bêta, elle est liée aux risques du marché, ou plus particulièrement aux variations relatives des actions”. (Source) Chers Professeurs, chers Docteurs, c’est trop d’honneur que vous me faites ! |
Certains d’entre vous m’avaient prévenue : “Soyez prudente !”, ou encore : “Vous avez du sang sur les mains !”
Vraiment, j’insiste, c’est trop d’honneur que vous me faites. Aussi entre deux tâches ménagères, je tente d’y voir un tant soit peu clair … Difficile, avec toutes ces bulles. Pourtant, je puis vous assurer que je n’ai pas bu une seule goutte de champagne, suis simplement en train de faire un peu de ménage, vous dis-je. Ne sais par où commencer. Par la notion d’hôpital public peut-être, si chère au Professeur Bernard Debré ? La Sécurité Sociale est “riche” de l’ensemble des cotisations versées. Cet argent sert de fonds propres à l’entreprise “Santé publique” ou “Hôpital public”. Les fonds propres d’une entreprise sont-ils publics ? L’ensemble des cotisations pour la Sécu constitue bien entendu une ressource limitée. D’où la nécessité des mutuelles, ou complémentaires de santé. On peut penser à ces contrats d’assurance en risque industriel (polices d’assurance), pour des grandes sociétés, où l’assureur préfère partager le risque (le mutualiser) en le répartissant entre plusieurs réassureurs (courtiers ou assureurs spécialisés en réassurance). Or une mutuelle d’assurance n’est pas publique. C’est une entreprise privée qui fait des bénéfices. La rentabilité n’étant pas un gros mot en entreprise (la mutuelle d’assurance ou de santé en est une), elle ne devrait pas l’être à l’hôpital, ni à la Sécu. La première question qui m’était venue à l’esprit, naïve Mère Michu que je suis, était : pourquoi ces Mandarins ne travaillent-ils pas de concert ? Vous savez, ce proverbe ancestral : l’union fait la force. J’ai eu, j’ose l’avouer, le culot de poser franchement la question (taboue) à certains d’entre vous. Réactions parfois violentes ! Pourquoi ? Moi qui ai lu vos livres, je puis vous assurer que j’ai trouvé des points communs, bien entendu des divergences (n’en avons-nous pas tous et toutes ?), et des idées passionnantes et innovantes chez tous et toutes. Alors ? … Je ne comprends toujours pas pourquoi les Mandarins n’ont pas publié un ouvrage collectif afin d’éduquer tous les usagers de la santé sur les enjeux éthiques de la médecine d’aujourd’hui, ou encore sur l’organisation du système de la santé. Autant de thèmes indispensables à la formation du citoyen. Il faut croire que ladite formation s’est arrêtée une fois que l’on a quitté l’école de la République. Pourtant à une époque où tout change si vite, la formation continue est indispensable. Vous en conviendrez. Qui de mieux placé que vous pour nous former, nous, les usagers de la santé ? Pour nous former, et pour nous informer. Ou alors allez-vous déléguer cette mission à un “médecin-journaliste” (celui que le Professeur Axel Kahn appelle de ses vœux), qui écrirait non pour le Quotidien du Médecin, mais pour l’usager de la santé lambda ? Or chacun d’entre vous travaille seul. Publie seul. Un “trader”, cela travaille seul, aussi. |
On entend bien des médecins politiques parler de santé comme d'un droit pour le citoyen. Le citoyen aurait droit à une bonne santé : "liberté, égalité, fraternité, bonne santé" . Ce discours est-il créateur de valeurs, comme on serait en droit de s'y attendre ? Attention, bulle en vue ! L'inflation galopante dont souffre le discours public, que ce soit celui des politiques, ou celui sur les marques ou la santé, peine à être cru, peine à fédérer, peine à produire de la valeur. Pourquoi les vidéos de CHAM 2010, la convention sur l’organisation du système de la santé organisée par le Professeur Guy Vallancien en septembre 2010 – ces vidéos sont pourtant disponibles sur You Tube -, n’ont-elles pas été commentées, reprises, saluées, évaluées d’un point de vue certes critique mais objectif, par l’ensemble du Mandarinat hospitalier de France et de Navarre ? Elles sont pourtant uniques dans leur genre, ces petites vidéos, ainsi que celles de CHAM 2009. D’abord parce qu’elles sont disponibles sur You Tube, donc visibles pour l’ensemble des internautes usagers de la santé. Ensuite, parce qu’elles ont une valeur pédagogique indéniable. Jamais auparavant on ne m’avait expliqué l’organisation du système de la santé (y compris la formation et l’information) de façon aussi claire et plaisante. “La grippe A : la menace qui fait Pschiittt. Comment croire à la prochaine menace de santé publique ?” Du panache, vous dis-je. Or ne voir aucun Mandarin (ou presque) se rallier à ce panache, voilà qui ne va pas sans créer un certain malaise chez l’usager de la santé. Il lui faut écouter – ou lire – chaque Mandarin séparément. S’il n’a pas la chance d’avoir assez de temps pour les lire tous, il lui faudra faire un choix – arbitraire. Ces vidéos n’ont été visionnées qu’une centaine de fois. Comment s’attendre à ce qu’elles fédèrent les usagers de la santé si, déjà, elles n’ont pas pu fédérer les Mandarins ? Faut-il venir vous solliciter un à un, comme une visiteuse à un parloir de prison ? |
Un monde vivable ? Pour peu que l’on accepte d’aller de bulle en bulle… Sur un écran je réponds à la dernière lettre publiée par le Professeur Bernard Debré sur Facebook (Groupe Officiel des Amis de Bernard Debré), tandis que sur un autre écran je Twitte avec des chirurgiens en formation à l’Ecole Européenne de Chirurgie, afin de recueillir des informations sur les derniers développements de la chirurgie mini invasive assistée par ordinateur. Toujours dans le même temps, sur un troisième écran, je me prépare à vous envoyer un communiqué de presse pour vous annoncer la présentation à l’Assemblée Nationale de la loi visant à lutter contre le trafic d’organes en France. Si vous pouviez répondre à l’appel les 18 et/ou 19 octobre 2010 : je joins une invitation au communiqué de presse à cet effet. Ces actions sont-elles créatrices de valeur, comme on serait en droit de s’y attendre ? Attention, bulle en vue ! Ne serait-ce que parce que les institutionnels de la santé préfèrent laisser croire que le trafic d’organes ne constitue pas une menace pour la société, afin de s’assurer que tous les chemins mènent au Don. Pourtant, on est en droit de s’interroger sur l’image d’un institutionnel des transplantations d’organes – l’Agence de la biomédecine pour ne pas la nommer – qui serait absent lors de la présentation à l’Assemblée Nationale d’une loi visant à lutter contre le trafic d’organes. Est-ce à dire que l’Agence, dont le rôle est d’encadrer et de promouvoir l’activité des transplantations d’organes dans les hôpitaux français, cautionne le trafic d’organes, car cela permet davantage de greffes ? Ou bien elle ne se sent pas concernée par cette menace ? Allons donc ! En bon “trader”, je répands des rumeurs, afin d’induire des turbulences dont je pourrais tirer profit … Ces actions sont-elles créatrices de valeur, comme on serait en droit de s’y attendre ? Attention, bulle en vue ! L'inflation galopante dont souffre le discours public, que ce soit celui des politiques, ou des médecins, voire celui des médecins politiques, peine à être cru, peine à fédérer, peine à produire de la valeur. Messieurs les Mandarins (j’ose à peine dire Mesdames, tant la profession ou le statut de Mandarin se trouve rarement au féminin), permettez-moi de réaliser un rêve de Mère Michu : celui de vous dire que je rêve de vous entendre tous ensemble, parler d’une même voix (c’est-à-dire débattre ensemble), que ce soit à la radio, à la télé ou dans un livre, ou, pourquoi pas, sur une vidéo que les usagers de la santé pourraient visionner sur You Tube. “Ensemble”, dans un monde de “traders” ! Je vous avais bien dit qu’il s’agissait d’un rêve. Il me faut retourner à mes écrans, reflet en temps réel d’un monde virtuel … |
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