Nous sommes tous des donneurs d'organes potentiels à l'insu de notre plein gré. En effet, depuis 2007, une situation d'arrêt cardiaque jugé "irréversible" (sur quels critères ??) peut faire de chacun de nous un donneur d'organes puisque le consentement présumé au don de ses organes à sa mort est inscrit dans la loi. Les citoyens ignorent tout de la législation sur les prélèvements de reins et de foie à partir de "donneurs" se trouvant dans un état d'"arrêt cardio-respiratoire persistant", ce que la loi appelle, afin de noyer le poisson ou afin de faire de chacun d'entre nous un donneur potentiel à l'insu de son plein gré, les prélèvements "à coeur arrêté". Vous en conviendrez aisément, prélèvements d'organes "à coeur arrêté" est infiniment plus rassurant, comme terminologie, que "prélèvements d'organes vitaux à partir d'un donneur en 'arrêt cardio-respiratoire persistant'". Pourtant, seule la seconde terminologie correspond à la réalité des faits. Comme il est hors de question d'employer ce terme peu rassurant dans le discours public sur le don d'organes, on y mentionne, au passage, que maintenant on peut aussi prélever des reins à partir de donneurs "décédés suite à arrêt cardiaque". Dans un contexte où les deux tiers des 15.000 patients en attente de greffe recherchent rein, désespérément, on se dit que l'idée est excellente. Forcément...
Or la réalité, c'est que pour 500 à 1.000 personnes par an faisant un arrêt cardiaque sur la voie publique ou à l'hôpital en France, le protocole de soins va changer. Pour une meilleure prise en charge de ces patients ? Non, pour une meilleure prise en charge de ces potentiels donneurs d'organes vitaux (reins, foie). Patient en insuffisance cardiaque, à l'insu de votre plein gré, vous êtes déjà un potentiel donneur d'organes. Encore patient, déjà donneur ? Attendez, il y a quelque chose qui ne va pas. Mais non, voyons, quelle idée ! Puisque vous n'en savez rien ! Pourtant, sans information au préalable, le consentement présumé au don de ses organes à sa mort, inscrit dans la loi, ne signifie pas grand-chose. Un consentement présumé suppose une information au préalable, afin de donner un consentement éclairé. J'ai bien parlé d'information ; non de promotion sur le Don.
Sommes-nous tous des potentiels donneurs à l'insu de notre plein gré ? A l'heure de la révision des lois bioéthiques réglementant l'activité des transplantations d'organes, je pose la question à des médecins et à des institutionnels dans la lettre ouverte qui suit ...
Messieurs,
Usager de la santé et auteure d’une cinquantaine de chroniques bioéthiques sur
AgoraVox, le journal citoyen en ligne, je souhaiterais attirer votre attention sur un
article que j’ai publié sur AgoraVox, le journal citoyen en ligne, le 21/10/2010, concernant cette patiente d’une clinique bordelaise déclarée prématurément en état de “mort encéphalique” :
http://www.leparisien.fr/bordeaux-33000/une-patiente-declaree-tres-certainement-cliniquement-morte-s-est-reveillee-20-10-2010-1116609.php
Parmi les commentaires reçus, certains en particulier ont attiré mon attention. Ils proviennent d’un certain “Halman”, dont on comprend qu’il a été (est ?) aide soignant, en contact de par son travail avec des coordinateurs des transplantations (ou exerçant lui-même cette fonction). On se rappelle l’Affaire d’Amiens, cas dit “particulier”, certes insupportable. Je la résumerai ici, en reprenant un message que m’avait envoyé M. Tesnière, père de Christophe, le 23/11/2007 :
"Je suis Alain Tesnière, le père de Christophe, dépecé à Amiens. Claire Boileau en parle dans son livre pp. 57-58*. J'ai écrit un livre** certes, mais il a fallu mener un combat de plus de dix ans à la suite de notre plainte. Un combat vain, mais j'ai accumulé beaucoup de documents, j'ai fait des recherches. Je continue à penser que le consentement présumé n'a aucun fondement éthique et qu'il faut le retirer de la loi. (…) Depuis 1991, pratiquement rien n'a changé dans la loi sur les prélèvements d'organes. Rien n'a changé dans le discours officiel qui n'est en fait que de la propagande. On entend toujours les mêmes mots 'pénurie de greffons' : c'est-à-dire pas assez de morts. Les bricolages juridiques des lois dites de bioéthique sont des contresens. Et j'en passe."
* Claire Boileau : "Dans le dédale du don d'organes. Le cheminement de l'ethnologue", Editions des archives contemporaines, 2002, pp.57-58 : "(...) 'l'affaire d'Amiens', révélée par le quotidien 'Le Monde', (...) éclate en 1992. Elle met précisément en exergue sinon la volonté du défunt, du moins l'information détenue par la famille en matière de prélèvements d'organes pratiqués sur un proche. En août 1991, les parents d'un jeune homme de 19 ans perdent leur fils à la suite d'un accident et consentent à certains prélèvements d'organes. En novembre, ils apprennent que des actes chirurgicaux autres que ceux auxquels ils avaient souscrit ont été effectués sur leur fils : le prélèvement de plusieurs artères ou veines et, surtout, le prélèvement des globes oculaires. Or si la loi Caillavet de 1976 autorisait bien les prélèvements d'organes à but thérapeutique, elle ne faisait toutefois pas obstacle à la loi Lafay de 1949 qui précisait que les prélèvements de cornées étaient soumis à un legs testamentaire. Or le jeune homme n'avait pas fait un tel legs. On leur fit savoir que le prélèvement de cornée pouvait être assimilé à un prélèvement de tissu dans la mesure où de nouvelles techniques évitaient l'extraction tout entière du globe oculaire. En ce cas, ils demandèrent pourquoi les globes oculaires de leur fils avaient été remplacés par des prothèses : 'Lorsque nous avons découvert que les médecins d'Amiens avaient trahi notre confiance en ne prélevant pas seulement les quatre organes que nous avions accepté de donner, mais aussi les veines, des artères et surtout les yeux de notre fils Christophe, remplacés par des globes oculaires artificiels, nous fûmes horrifiés. Les médecins n'avaient pas respecté leur engagement, avaient menti en cachant la réalité d'un prélèvement multi-organes, n'avaient pas respecté la loi Lafay qui exigeait un legs testamentaire pour le prélèvement des cornées. D'un point de vue éthique, nous découvrîmes que les médecins se mettaient au-dessus des lois et, encouragés par le législateur qui avait mis à leur disposition le consentement présumé, avaient une ignoble notion de la dignité et du respect de la personne humaine. La confiance a disparu, la transparence a été malmenée. Que reste-t-il ? Un profond sentiment d'horreur face aux prétendus progrès de la médecine. En effet, 'l'affaire d'Amiens' n'est pas un simple dérapage. Elle met en cause tout le système."
** Alain Tesnière est l'auteur du livre paru en 1993 aux Editions du Rocher : "Les Yeux de Christophe. L'affaire d'Amiens", et de l'article paru dans "Etudes", Paris, Novembre 1996 : "Où est l'éthique ?" [pp. 481-484]
Le 10 décembre 2007, M. Tesnière publiait un article sur AgoraVox, intitulé :
Information sur le don d’organes par la carte Vitale 2 : un affaiblissement du témoignage de la famille
Ce même “Halman” lui a écrit en réponse :
“Alain Tesnière.
Le ou les personnes qui doivent la vie à votre fils, je ne crois pas qu’ils emploieraient le terme de ‘dépecé’, mais de sauveur de vies.
Personne ne peut parler à la place d’un mort sur ce genre de sujet, et encore moins décider.
La carte de donneur est une excellente chose, tellement de proches du défunt refusent le don d’organes alors que l’accidenté avait sa carte. Je sais bien, l’émotion, tout ça, mais il faut passer par dessus de ses émotions quand il y a le feu.
Avec tous les drames épouvantables que j’ai du subir, j’en sais quelque chose.
Le début de votre article est excelent [sic], mais la fin ne fait pas du tout avancer le schmilblick, au contraire.
En réalité vous êtes encore torturé par l’émotion et trouvez moyen de couper les cheveux en quatre pour justifier votre émotion. Pour vous c’était en 1991, cela fait 16 ans. Pour moi c’était il y a 28, 26, 25, 5 et 2 ans. Et vraiment, la question du don d’organe, à chaque fois j’ai trouvé cela tellement naturel !
Le jour où j’ai eu mon infarctus, on m’a dit après que seulement 10 minutes plus tard et j’y passais, j’ai trouvé la force de dire aux pompiers et aux médecins des urgences que j’avais ma carte de donneur au cas où.
Je suis aide soignant et j’ai ma carte de donneur depuis toujours.
C’est pourquoi je trouve votre article épouvantable, même si dans la précipitation en lisant le début j’ai voté +1.
Vous vous imaginez sans doute que tous vos problèmes d’éthiques que vous soulevez on en parle pas tous les jours entre nous ? A chaque décès de patient c’est une des discussions sans fin.
Que si c’était si simple nous n’aurions pas résolu ces problèmes il y a longtemps ?
Personnellement c’est tellement évident que lors de ma mort si un ou plusieurs de mes organes peuvent sauver des vies, la question ne se pose même pas.
Et votre article risque de convaincre des gens de ne pas donner et de faire mourir des patients en attente.
‘Discours qui empêche toute réflexion. L’Agence de biomédecine relayée par d’autres associations ou fondations distille un discours qui infantilise et qui culpabilise le citoyen.’ Pour certaines personnes, il faut bien en arriver là.
‘Si vous êtes un généreux donateur, l’Agence vous recommande de prendre une carte. Propos équivoques puisqu’il y a consentement présumé. En plus, elle vous suggère de le faire lors d’événements dramatiques : la commémoration d’un deuil familial, la dégradation de la santé d’un proche, l’hospitalisation d’un ami, une actualité concernant l’insuffisance rénale ou toute autre maladie pouvant nécessiter une greffe. Prendre des décisions sous le coup d’émotions, est-ce bien raisonnable ?’ C’est faux. On sensibilise dans les écoles, les collèges, les lycées, les cours d’aides soignants et d’infirmières. Il se passe beaucoup de chose ailleurs que dans les médias.
Vous rendez-vous compte qu’en cas de décès les proches doivent faire un travail philosophique et psychologique important en quelques heures alors que tout un chacun aurait du faire soi même spontanément ce travail dès ses jeunes années ?
La réflexion sur la mort, sa prise de position, c’est un travail sur soi que l’on fait normalement vers l’âge de l’adolescence. Alors imaginez lorsqu’on se trouve face à des gens ‘adultes’ qui n’ont occulté le problème toute leur vie et qui doivent faire cette révolution psychologique qu’ils n’ont jamais faite en quelques heures seulement.
Imaginez le parent qui refuse, alors qu’à quelques kilomètres un patient va décéder dans quelques heures ou jours parce qu’il n’aura pas reçu le foie, le cœur, les poumons qui lui sont vitaux.
Face à cela, le coupage de cheveux en quatre d’un texte de loi pour se trouver des excuses est pour nous, soignant, insuportable [sic] et mal placé.
La douleur n’excuse pas de dire n’importe quoi 16 ans après. Sur le coup oui, on n’y fais pas attention, mais 16 ans après, non.
Pour nous c’est une véritable agression de notre volonté de sauver des vies.
Cette brochure nous l’avons tous lue plusieurs fois.
Et vraiment nous n’y voyons pas ce que vous y voyez, elle est claire et concise.”
Ces propos, maladroits pour ne rien en dire d’autre, m’avaient fait réagir :
"’Discours qui empêche toute réflexion. L’Agence de biomédecine relayée par d’autres associations ou fondations distille un discours qui infantilise et qui culpabilise le citoyen.’ Pour certaines personnes, il faut bien en arriver là." Autrement dit : vous êtes d’accord avec l’avis de M. Tesnière, mais pour vous, professionnel de la santé, il est NORMAL de manipuler les usagers de la santé. C’est précisément CELA qui a causé le préjudice subi par M.Tesnière. No comment.”
Je reviens à mon article publié le 21/10/2010 sur AgoraVox. Voici le commentaire posté par “Halman”, en ce qui concerne ce cas d’actualité (la patiente d’une clinique bordelaise) :
“Dans cette affaire c’est un sacré coup de bol surtout.
La famille était plus dans l’émotion que dans les données médicales.
Ils auraient tout aussi bien pu se tromper.
C’était du 50/50.
J’ai vécu ça deux fois avec des patientes âgées quand j’étais aide soignant en gériatrie. A l’époque le protocole était différent, il était basé sur l’arrêt cardiaque depuis un certain temps, vérifié par un autre médecin, alors qu’aujourd’hui c’est sur la mort cérébrale.
Deux fois des personnes âgées se sont retrouvées dans un coma tel que les médecins même en suivant strictement le protocole avaient déclaré l’avis de décès et prévenu la famille.
A l’époque les scanners étaient rares, et on n’aurait pas eu l’idée d’envoyer un décès de gériatrie en scanner.
Hors [sic] quand les familles sont arrivées, les patientes s’étaient relevées de leurs comas et parlaient tranquillement avec les voisines de chambres comme si de rien n’était.
Elles avaient eu juste l’impression d’avoir fait une longue sieste et ne comprenaient pas pourquoi elles passaient du petit déjeuner à l’heure du diner directement.
On savait tous qu’il devaient y avoir, c’est horrible, assez souvent des patients enterrés non décédés mais dans le coma qui peut-être s’étaient réveillées [sic] dans le cercueil.
Cette famille a eu plus de bol que de l’instinct. Refus du décès dans quand on leur apprend, ce sont des réactions fréquentes et normales.
C’est pourquoi le protocole de la mort cérébrale a été mis en place pour éviter ces choses là.”
“Refus du décès dans quand on leur apprend, ce sont des réactions fréquentes et normales. C’est pourquoi le protocole de la mort cérébrale a été mis en place pour éviter ces choses là.”
Voilà qui demanderait quelques explications. J’ai montré ce message à des proches confrontés à la question du don d’organes il y a quelques années. Curieusement, je note au passage que ces proches, dont je m’efforce de recueillir le témoignage depuis 2005, parlent bien plus de sacrifice que de don. “Pourquoi nous ? Pourquoi a-t-il fallu que ce soit précisément nous qui fassions ce sacrifice ?” est un propos récurrent. Mais il est vrai que ces proches, sans qui pourtant aucune greffe n’aurait été possible, sont le parent pauvre de la communication grand public, dont force est d’avouer qu’elle pencherait en faveur de ce qu’un sociologue auteur chez Gallimard, Philippe Steiner, a appelé “marketing social du Don”. Inutile de préciser que ces proches ont été indignés par le message dudit “Halman”, en même temps qu’ils ont développé une conscience aigue de ce discours public sur le Don. Leur réaction a été de me dire : “Ne vous en mêlez pas ! Vous allez vous faire broyer par cette machine très volontaire du Don. Ce sera pot de terre contre pot de fer.” Il me semble que nous nous devons de leur prouver que leurs craintes sont infondées. Quoique …
En avril 2009, je m’entretenais avec un chirurgien cardiaque, membre de l’Académie Nationale de Médecine, lui demandant ce qu’il pensait du protocole des “prélèvements ‘à cœur arrêté’”. Permettez-moi au passage de signaler que je trouve choquant ce qu’il faut bien appeler l’absence d’information au grand public sur cette réalité : depuis 2007, un arrêt cardiaque peut faire de chacun d’entre nous un potentiel donneur de reins et de foie, ainsi que de tissus (tissus composites de la face ?) Le consentement présumé est inscrit dans la loi, il suppose un consentement éclairé, lequel suppose une information au préalable du consentement. Ledit chirurgien cardiaque me fait résumer les classes de Maastricht, afin de s’assurer de ma compréhension du sujet. Puis il me dit : “Qu’est-ce que c’est que ces conneries ?” Il parlait bien du protocole de prélèvement “à cœur arrêté” tel qu’il a été mis en place en France. Bien entendu, je sollicite de la part de cet expert quelques explications. Je ne tarde alors pas à comprendre que les “stents”, ces petits ressorts mis en place dans les artères coronaires pour leur restituer leur calibre normal en cas de sténose, font parfois l’objet d’un usage abusif de la part de certains cardiologues, qui, afin de garder des patients qui leur rapportent “mieux qu’un livret A à la Caisse d’Epargne”, se gardent bien d’adresser (à temps) lesdits patients en insuffisance cardiaque sévère à un chirurgien cardiaque, préférant “jouer la montre” en prescrivant médicaments et “stents” là où il faudrait une opération. Cet usage abusif des “stents” m’a été confirmé en décembre 2009 par un cardiologue du 15e arrondissement de Paris, expert près les Cours d’Appel de la Région. Ces patients, sur lesquels on a posé parfois une dizaine de “stents”, vont pouvoir faire un arrêt cardiaque sur la voie publique et devenir donneurs d’organes (reins et foie) dans le protocole du prélèvement “à cœur arrêté” …
Je me borne à résumer des faits qui vous sont fort bien connus dans le seul but de me livrer à une petite explication de texte de la phrase citée plus haut : “Qu’est-ce que c’est que ces conneries ?”
Il faudrait aussi mentionner l’assistance circulatoire mécanique comme réponse à l’insuffisance cardiaque sévère, développée très tardivement comme alternative à la greffe –en fait, cela commence tout juste, alors que le professeur Daniel Loisance, chirurgien et membre lui aussi de l’Académie de Médecine, proposait cette alternative à la greffe en 2004 déjà, appelant – en vain – à un changement de paradigme (lien vers l’article sur le blog). Si on lit entre les lignes, on comprend que dans le supermarché du Don, la greffe cardiaque est une tête de gondole. Le Don, une machine à broyer, très volontaire ? “Tout ce qui n’est pas donné est perdu”, “Le prélèvement constitue une glorification de la mort”. Ces propos, émanant d’un pionnier de la greffe cardiaque en Europe, pourtant reconnus comme abusifs par certains acteurs des transplantations, n’en continuent pas moins à être relayés par la presse, toujours prompte à nous donner une image des transplantations d’organes au travers des propos tenus par certains membres d’associations de collectes d’organes telles que France ADOT, où les greffés nous expliquent qu’il faut donner nos organes. Peut-on être juge et partie ? Dans son livre “La Chair à vif”, le sociologue David le Breton explique que certains usagers de la santé, en réaction aux propos de ces associations, jugés “trop racoleurs”, ont pris position “contre le don d’organes”. Un discours “pour le don” contre-productif ? Messieurs les Membres de l’Académie Nationale de Médecine, Monsieur le Président de la Section Ethique et Déontologie, certains d’entre vous m’ont écrit que la plupart des gens avaient une réflexion profonde au sujet du don d’organes. Après cinq années de médiation éthique entre les usagers de la santé (confrontés ou non à la question du “don” des organes et tissus d’un proche), les personnels de santé et les politiques, sur le thème de l’éthique et des transplantations d’organes, permettez-moi de vous répondre : je ne suis pas d’accord. L’image des transplantations dans le discours public est biaisée à un point dont nous n’avez sans doute pas conscience. Combien savent que le “don” d’organes n’est pas réservé aux jeunes qui meurent en pleine santé lors d’un stupide accident de la route ? Sans pousser le souci du détail jusqu’à parler du programme “old for old” dans la transplantation rénale ou encore de “greffons dérogatoires” …
Je ne vous cache pas ma déception. Je pensais que le don d’organes, c’était plus … humain. Que là où l’on pouvait mettre en place une micro-turbine pour assister un ventricule défaillant, on ne cherchait pas à recourir à la greffe comme un réflexe de la forme, comme si le sacrifice – je dis bien : le sacrifice, sans lequel aucun “greffon” n’est obtenu – était purement anecdotique et qu’il était vain de rechercher des alternatives à la greffe avec plus de … comment dirais-je … détermination ? … Je n’aborderai même pas ici le sujet de la greffe de sang de cordon en alternative à la greffe de moelle osseuse, pourtant, il me semble, en tant que femme et usager de la santé, que c’est un point d’importance. Là encore, une certaine machine à broyer aurait-elle fait prendre du retard au développement des thérapies par le sang de cordon ? Les associations de promotion du Don ne parlent, aujourd’hui comme hier, que de Don de Moelle Osseuse … Don du cœur, don de moelle osseuse. Les têtes de gondole des associations de promotion du Don – sur lequel vous m’affirmez que le grand public a pourtant une réflexion profonde. Je vous inviterais volontiers à sonder la profondeur des commentaires de la part des usagers de la santé sur des sites comme Doctissimo (articles concernant les greffes et transplantations), ou à prendre connaissance des 360 commentaires reçus en réponse à mes 50 chroniques bioéthiques sur AgoraVox, mais je suis bien consciente de votre manque de temps à consacrer à de telles tâches ingrates : prendre la peine d’expliquer des faits au public. Aussi m’y suis-je, comme qui dirait, collée :
Il me semble que le discours public gagnerait à plus de transparence, à moins d’“étrange omerta”, et à intégrer des nuances qui n’y ont pas leur place aujourd’hui. Il me semble, mais ce sera là un coup d’épée dans l’eau, même si les lois bioéthiques sont en cours de révision, que le consentement présumé inscrit dans la loi est une fiction juridique. Avons-nous tiré les leçons de l’Affaire d’Amiens ? Avec mes salutations cordiales.
C. Coste
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Catherine Coste
Auteure du blog “éthique et transplantation d’organes”
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